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le retour dans le domaine de la lutte contre le diabète, une confiance à

22 mai - 12 juin 2010 (Projet Sidaction)

Contexte. Quelques mois après ma deuxième mission, mon retour à Bamako dans le cadre du projet Sidaction visait à étudier la place accordée au patient dans les stratégies maliennes de prise en charge du diabète et du VIH/sida13. Pendant 3 semaines, il s’est agi de comprendre l’organisation de la lutte contre ces deux maladies, de cartographier les principaux acteurs nationaux et internationaux ayant une influence sur la prise de décision politique, de repérer leurs conceptions sur le rôle du malade et la place qui devait lui être accordée dans la prise en charge en contexte malien. Si dans le cas du diabète je devais mettre à jour et compléter les informations récoltées en 2008, je découvrais au contraire un nouveau domaine dans le cas du VIH/sida.

Éthique. Le projet Sidaction a obtenu une autorisation de recherche de la part du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) de Bamako14. Le projet a également obtenu l’approbation de la part du comité d’éthique de l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP) du Mali, le 30 mars 2010. La collecte et l’analyse des données ont suivi les principes éthiques principaux : les acteurs interviewés ont été informés du contexte et des objectifs de la recherche, et un consentement à participer et et à pouvoir enregistrer a été demandé oralement avant le début de chaque entretien. L’anonymat des données a été garanti tout au long de la recherche.

Apport. Cette mission représente un deuxième moment-clé dans mon parcours de thèse, à partir duquel j’ai initié à approfondir la question de la participation des patients diabétiques à la prise en charge, ainsi qu’à la définition des politiques de santé les concernant. La comparaison avec le VIH/sida m’a permis de prendre du recul par rapport à la manière dont la lutte contre le diabète était organisée au Mali ; en examinant similitudes et divergences entre les deux maladies, j’ai pu en effet mettre en évidence les angles morts de la lutte contre le diabète et les

13 Pour plus d’informations sur les objectifs et activités de ce projet, voir le chapitre « Introduction ».

dissonances dans les discours portés par les autorités nationales et internationales autour du rôle que le patient doit jouer (ou pas).

Échantillon. Concernant la lutte contre le diabète, la majorité des acteurs interrogés avaient déjà été rencontrés en 2008. De nouveaux acteurs ont été inclus dans l’étude, du fait de l’apparition de nouvelles organisations ou de changements au sein du personnel (annexe 1). Au total, 13 personnes ont été interrogées. Il s’agit de représentants et de gestionnaires de projets au sein d’ONG locales et internationales (5) ou d’agences de coopération bilatérale et multilatérale (3), de professionnels de la santé actifs au sein d’organisations de la société civile et/ou participant au dialogue politique sur le diabète (3), de représentants de l’administration publique malienne (1), et de représentants d’associations de patients (1).

Concernant le VIH/sida, 22 personnes ont été interrogées (annexe 4). Il s’agit de représentants et de gestionnaires de projets au sein d’ONG locales et internationales (8), de représentants de l’administration publique malienne (6), d’agences de coopération multilatérale (4), de représentants d’associations de patients (3), de professionnels de la santé actifs dans des centres de prise en charge communautaire (1).

Modalités de sélection de l’échantillon. Les acteurs ont été sélectionnés de manière raisonnée, afin de couvrir les principaux acteurs engagés dans la lutte contre les deux maladies et, en particulier, ceux participant à et ayant un impact sur les processus de prise de décision politique. Étant donné la durée limitée de la mission et vu le nombre important d’acteurs impliqués autour du VIH/sida, des choix spécifiques ont dû être faits dans ce dernier cas. Au niveau des agences de coopération internationale, j’ai privilégié les partenaires faisant de l’appui technique au Ministère de la Santé et impliqués directement dans l’élaboration des normes et procédures de prise en charge. Au niveau des ONG internationales, une liste des principales organisations impliquées a été établie, mais leur rencontre a été postposée à une ultérieure mission. Enfin, pour ce qui est des ONG maliennes et des associations de patients, seulement les organisations historiques, parmi les premières à s’être mobilisées contre le sida au Mali, ont été rencontrées durant cette mission, le but étant de retracer l’histoire de la mobilisation associative. Les

partenaires du projet15 et les personnes rencontrées ont été des sources importantes pour l’identification des acteurs à interroger.

Préparation et déroulement des entretiens. Les participants ont été contactés par téléphone ou par mail et parfois en me rendant directement au siège de leur organisation. J’ai conduit l’ensemble des entretiens, en français. La majorité des personnes a été interrogée individuellement, plus rarement en groupes de deux ou de trois personnes. Les entretiens ont été enregistrés, sauf refus de la part des personnes interrogées. Dans tous les cas, des notes écrites ont été prises. Les entretiens ont duré entre 30 minutes et 2 heures environ et ont été basés sur une grille d’entretien élaborée au préalable et adaptée en fonction du groupe d’acteurs auquel la personne interviewée appartenait (administration, professionnel de santé, association de patient, ONG et agence de coopération). De manière transversale, la grille a ciblé les modalités d’engagements de l’acteur dans la lutte contre le diabète et/ou le VIH/sida, le fonctionnement de l’organisation représentée, les priorités visées, la stratégie poursuivie en faveur d’une participation accrue des patients, et les représentations concernant ce dernier aspect. Les enregistrements effectués et les notes prises ont été retranscrits, par moi-même ou à travers des services de transcription.

Observations dans le cadre de l’étude sur le diabète (participant comme observateur). Cette mission a été l’occasion d’assister à une nouvelle édition d’un évènement auquel j’avais déjà participé en 2008 : celui de la formation continue sur le diabète dispensée à l’endroit de médecins de centres de référence et organisée conjointement par une ONG française engagée au Mali sur le diabète, la Direction nationale de la santé et des professionnels de la santé maliens (annexe 2). Pendant deux jours, j’ai pu observer l’évolution de ce type d’activité visant à décentraliser la prise en charge du diabète en dehors de la capitale malienne, et comprendre la manière dont la prise en charge du diabète était enseignée, la place qui était accordée au patient, la perception que les participants avaient de la maladie et des patients, ainsi que les problèmes qu’ils rencontraient dans leur quotidien et dans leur relation avec les patients diabétiques.

Observations dans le cadre de l’étude sur le VIH/sida (observateur comme participant). Les rencontres auxquelles j’ai pu participer autour du VIH/sida ont été ponctuelles, « à visite unique » pour reprendre Gold (2003), liées à des évènements organisés durant mon séjour, mais que je n’ai pas pu suivre ultérieurement (annexe 2). En pariculier, j’ai assisté à une matinée d’exposition et de sensibilisation organisée par un centre communautaire de prise en charge à l’occasion de la visite d’une délégation de l’agence américaine de développement. Ceci a été l’occasion de rencontrer et de repérer des associations et ONG locales, mais aussi d’observer la manière dont la relation à l’un des principaux bailleurs de fonds se traduisait en pratique. J’ai pu également assister à la rencontre de restitution des principaux résultats de l’audit réalisé au Mali par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cette rencontre était organisée à l’endroit des principaux partenaires techniques et financiers et des membres du mécanisme de coordination nationale financé par le Fonds mondial. Ceci fut l’occasion d’identifier des acteurs-clés, de relever les principales difficultés rencontrées dans le financement de la lutte contre le VIH/sida, mais aussi d’observer le positionnement des différents acteurs et la traduction pratique de relations complexes entre, ici, des auditeurs dont l’avis allait influencer les financements futurs et des bénéficiaires, dans un contexte tendu de critiques émises quant à la gestion financière de certains des programmes soutenus16.

Observations dans le cadre de l’étude sur l’efficacité de l’aide en santé (observateur comme participant). Durant cette mission, un évènement important dans la coordination du secteur de la santé avait lieu au Mali : le comité technique du Programme de développement sanitaire et social (PRODESS)17. J’ai pu y participer dans le cadre des travaux menés pour le projet GRAP-PA Santé (annexe 2). Ce fut l’occasion d’être confrontée à la complexité des enjeux qui se posaient au niveau du secteur de la santé, d’identifier les priorités fixées (et la place du diabète parmi elles), les difficultés rencontrées par les acteurs nationaux et internationaux, d’observer le positionnement de ces derniers, repérer ceux qui étaient les plus impliqués dans ces mécanismes-clés de dialogue politique en santé, et de prêter notamment attention aux représentants de patients et d’usagers qui étaient invités.

16 Cet audit débouchera en un véritable scandale financier quelques mois plus tard, suivi du gel des financements pour l’ensemble des programmes financés par le Fonds mondial, y compris celui du VIH/sida.

17 L’objectif de ce comité était de passer en revue les activités mises en œuvre en 2009 et de planifier les activités de l’année 2011.

Revue documentaire. Les rencontres et la participation aux différents évènements ont été l’occasion d’obtenir plusieurs documents produits par les acteurs et non disponibles sur internet. Concernant le diabète et le VIH/sida, les documents de politique nationale ont été collectés, ainsi que des outils d’information, éducation, communication et de plaidoyer, et les rapports d’activités des principaux acteurs associatifs rencontrés. Concernant la coordination du secteur de la santé, j’ai pu récolter les documents préparatoires, les synthèses et les communications présentées lors des comités de pilotage du PRODESS organisés entre 2006 et 2010 ; les documents relatifs à la participation du Mali au groupe de travail de l’OCDE sur l’efficacité de l’aide et les négociations en vue d’obtenir des soutiens en tant que pays-pilote de la mise en œuvre de cet agenda; des documents relatifs aux mécanismes de coordination des bailleurs de fonds.

Réflexions/apprentissages. Durant cette mission, le sujet d’enquête a été une fois de plus révélateur des réalités diverses qui entouraient le diabète et le VIH/sida au début des années 2010. Le projet Sidaction, axé sur le rôle des patients dans la prise en charge, démarrait en effet à un moment où, à Bamako, les acteurs associatifs engagés autour du diabète initiaient des activités-pilotes en matière d’éducation thérapeutique par les pairs. Participer aux entretiens leur donnait ainsi l’occasion de présenter leurs initiatives, mais aussi en retour d’alimenter leur réflexion sur ce type d’activité. Dans le cadre du VIH/sida, ce type d’activité étant au contraire en place depuis déjà plusieurs années.

Les pratiques d’enquête ont mis en évidence des différences supplémentaires, liées à des dynamiques opposées autour des deux maladies. Durant la sélection des personnes à interviewer, j’ai été confrontée à la multitude d’acteurs engagés dans la lutte contre le sida et à la nécessité de faire des choix alors que les acteurs étaient peu nombreux dans la lutte contre le diabète et leur inclusion plus aisée18. Ensuite, les acteurs engagés autour du diabète ont montré une plus grande disponibilité pour les entretiens. Dans les faits, un nombre restreint d’activités occupaient ces acteurs, contrairement à la prolifération des activités organisées autour du VIH/sida. Étant donné le peu de partenaires investis dans la lutte contre le diabète par comparaison avec le VIH/sida, les acteurs avaient probablement un intérêt accru à témoigner autour du diabète, et à soutenir ainsi la publicité autour de leurs préoccupations comme la

possiblité de nouveaux partenariats. Le déroulement des entretiens autour du diabète a également révélé un climat de confiance, comme l’illustre par exemple la possibilité de réaliser des entretiens au domicile des personne enquêtées. En revanche, plusieurs entretiens autour du VIH/sida ont été marqués par un moindre investissement des enquêtés dans la formulation de leur réponse, ce qui peut être lié à une majeure sollicitation de ces acteurs à participer à des enquêtes, mais aussi à un alignement accru sur les discours conventionnels et parfois formatés des bailleurs de fonds. Cette expérience a révélé l’importance de poser des questions de relance permettant d’approfondir les réponses et saisir l’opinion des personnes enquêtées, ainsi que l’importance de connaître le terrain pour pouvoir déchiffrer leurs discours. Pour pallier ces difficultés, la triangulation des données récoltées a été également cruciale, ainsi que le recours à des champs disciplinaires différents et l’étude du Mali et du secteur de la santé dans le cadre de différents projets. J’ai également appris durant cette mission combien la phase préparatoire, et en particulier la manière dont les entretiens sont fixés, peut influencer la réussite de l’enquête. En effet, la perception que les personnes enquêtées ont du chercheur peut influer sur leur disponibilité à accorder un entretien et sur leur investissement dans la formulation des réponses. Les malentendus relatifs au statut de l’enquêteur peuvent aisément limiter la possibilité et la qualité d’un entretien. En l’occurrence, avoir fixé des entretiens lors de la visite d’un bailleur de fonds m’a valu d’être associée à celui-ci par les personnes enquêtées, suscitant auprès d’elles l’espoir de financer des interventions. La présentation des objectifs de la recherche que je menais en début d’entretien a engendré une déception inévitable des acteurs, écourtant ainsi la durée de l’entretien.

En ce qui concerne l’étude du diabète, si ma connaissance préalable du terrain a facilité l’organisation de l’enquête, elle a également entraîné des difficultés. Le fait de solliciter des acteurs rencontrés déjà en 2008 m’a confrontée avec les attentes qu’ils pouvaient avoir par rapport aux résultats du précédent projet, pour lequel une restitution formelle n’avait pas encore pu être organisée. J’ai ainsi pu expérimenter la difficulté de concilier les temps et les objectifs des acteurs de la recherche avec ceux des acteurs du terrain. Consciente de l’importance de résultats tangibles et rapides pour ces acteurs dont les besoins étaient énormes sur le terrain, j’étais pourtant confrontée au temps long de la recherche et de la publication des résultats et redoutais que leurs attentes ne puissent être satisfaites à court terme. Cette expérience a conforté le projet d’organiser une restitution collective à la fin du projet Sidaction, durant laquelle présenter une synthèse et tirer les leçons des deux projets (y compris celui ANR) et stimuler le dialogue entre les acteurs engagés autour des deux pathologies. Un dernier apprentissage a été

celui de constater combien la connaissance préalable du terrain a pu inciter les acteurs à se servir du moment des entretiens pour « glisser » des messages, et ce d’autant plus en présence de conflits latents entre les acteurs interrogés.

Je retiens également de cette mission les échanges fructueux avec la coordinatrice du projet, Annick Tijou Traoré (Université de Bordeaux), autour de mon sujet d’enquête. J’ai pu apprécier toute la richesse des missions conjointes et de la réalisation d’une recherche impliquant plusieurs chercheurs, et combinant les perspectives d’analyse. Ici, en l’occurrence, la confrontation du point de vue des politiques et des acteurs institutionnels avec celui des patients dans leur vécu quotidien de la prise en charge a été très utile pour nourrir la réflexion et les questionnements autour de l’action publique en matière de diabète.

Mission 4 : suite de l’enquête sur le diabète dans un contexte