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II. L’ AVORTEMENT DURANT LE PROCESSUS DE LA R ÉUNIFICATION

III.V INGT ANS PLUS TARD : R ETOUR DU DÉBAT SUR L ’ AVORTEMENT

3.1. Retour ou débat inachevé?

Après l’adoption de la Schwangeren- und Familienhilfeänderungsgesetz en juin 1995, il aurait pu être aisé de croire que le débat sur les interruptions volontaires de grossesse avait enfin, une fois pour toute, été clos. Il n’en fut cependant rien. Dès janvier 1996, la conférence des évêques catholiques déclara, premièrement, que pour protéger adéquatement les fœtus, les femmes devaient obligatoirement, lors de leur séance de consultation, exposer les raisons pour lesquelles elles voulaient avoir recours à un avortement et deuxièmement, que les consultations obligatoires n’avaient pas à se trouver dans un cadre temporel spécifique. Ces deux déclarations allaient à l’encontre de la nouvelle législation votée à peine six mois auparavant.316 De plus, les centres de consultations sous contrôle catholique décidèrent de modifier le certificat qu’ils remettaient aux femmes enceintes après leur séance de consultation obligatoire, pour ne pas que celui-ci ait l’air d’une permission, comme la loi le prévoyait.317

Le 31 juillet 1996, ce fut au tour de la Bavière de faire les manchettes, en essayant de contourner la nouvelle législation fédérale.318 En effet, le gouvernement bavarois adopta alors la « Schwangerenhilfeergänzungsgesetz », qui restreignait l’accès à l’avortement et qui allait à l’encontre de certains articles de la loi de 1995. Par exemple, une femme était désormais obligée, lors de la consultation, d’expliquer les raisons qui la poussaient à vouloir un avortement, sous peine de ne pas recevoir le certificat de consultation requis pour l’intervention. Aussi, les gynécologues étaient les

316 Selon la loi, une consultation devait être accessible pour la femme dans un temps raisonnable et ne

devait en aucun cas être retardée dans le but de passer la limite des 12 premières semaines de grossesse et ainsi empêcher l’avortement. Cf. Nanette, Funk, « Abortion Counselling and the 1995 German Abortion Law », Connecticut Journal of International Law, 12, 1996, p. 54.

317 « „Dieser Schein gilt nicht als Schein“ ist das Motto der katholischen Bischöfe für eine Lösung bei der

Beratung von Schwangeren. Sie wollen im staatlichen Beratungssystem bleiben, ihre Scheine sollen aber ausdrücklich nicht als Erlaubnis für eine Abtreibung gelten, wie das Gesetz es vorsieht. » (« "Ce certificat n’en n’est pas un" est la devise des évêques catholiques comme solution au problème des consultations pour les femmes enceintes. Ils veulent demeurer dans le système des centres de consultation de l’État, mais leurs certificats ne doivent pas avoir l’air d’une permission explicite pour avorter, comme le prévoit la loi. ») Cf. Bernhard, Pötter, « Rom, Politik und Bischöfe sind scheinverstanden », Die Tageszeitung, 24 juin 1999.

seuls médecins qui avaient dorénavant le droit de pratiquer des avortements. Ils devaient, pour ce faire, suivre une formation préalable et recevoir une autorisation spéciale. Aussi, pas plus de 25% de leurs revenus annuels ne devaient être constitués d’avortements. Si un gynécologue transgressait ces règles, il était passible d’une amende de 20 000 DM.319 Cependant, le 27 octobre 1998, avec une majorité de 5 contre 2, les juges de la Bundesverfassungsgericht déboutèrent la loi bavaroise au motif qu’elle entrait en conflit avec la Constitution.320

Suite à « l’affaire bavaroise », ce fut au tour de la pilule abortive RU 486 (Mifegyne) de prendre l’avant-scène de l’actualité allemande.321 Cette pilule était alors disponible dans plusieurs pays d’Europe. Décrite par ses défenseurs comme « la pilule de l’avortement doux » et par ses opposants comme « la pilule de la mort », la RU 486 permettait, par procédés chimiques, de provoquer un avortement durant les neuf premières semaines de grossesse. L’idée même de faire introduire cette pilule en Allemagne enclencha une levée de boucliers de la part des députés conservateurs, des activistes pro-vie et des représentants de l’Église.322 Encore une fois, le débat se joua en grande partie au Parlement. Le SPD et le parti Die Grünen avaient promis d’introduire la pilule RU 486, lors de la campagne électorale de 1998, élection qu’ils remportèrent. Après maints débats et coups de théâtre parlementaires, elle fut finalement approuvée en juillet 1999 et introduite en Allemagne le 29 novembre de la même année.323

319 Le but de cette loi était de mettre des bâtons dans les roues aux médecins des cliniques spécialisées en

avortement. Ceux-ci pratiquaient la moitié de tous les avortements faits en Bavière, soit entre 6 000 et 10 000 annuellement. Cf. Ibid ; Barbara, Duden, « Die bayerische FDP will mit einem Volksbegehren die Sondergesetze des Freistaates zum Paragraph 218 aufheben », Die Tageszeitung, 31 juillet 1997.

320 « Ungeborenes Leben nur im Zusammenwirken mit der Frau geschützt », Der Tagesspiegel, 28 octobre

1998.

321 Pour plus de détails concernant l’introduction de la RU 486 en Allemagne, voir l’article de Elizabeth,

Crighton et Martina, Ebert, « RU 486 and Abortion Practices in Europe », Women & Politics, 24, 2002, p. 13-33.

322 L’introduction de la pilule RU 486 ne divisait pas seulement le Parlement, mais aussi la population

allemande en général. Ainsi, selon un sondage commandé par Der Spiegel en octobre 2000, à la question « Le fabricant de la pilule abortive Mifegyne veut retirer ce produit du marché allemand. Les politiciens devraient-ils défendre cette méthode douce d’avortement ? » (Der Hersteller der Abtreibungspille

Mifegyne will das Produkt vom deutschen Markt nehmen. Sollen sich die Politiker für die schonendere Abtreibungsmethode einsetzen?) une petite majorité, soit 57% des personnes interrogées, répondirent

« Oui », par rapport à 27% qui répondirent « Non » et 16% « Ne sait pas/Pas important ». Les répondants de l’Est et de l’Ouest de l’Allemagne se démarquaient encore une fois, les premiers ayant répondu « Oui » à 64% et les deuxièmes à 55%. Cf. « Votum für Abtreibungspille », Der Spiegel, 44, 2000, p. 20.

323 Elizabeth, Crighton et Martina, Ebert, « RU 486 », p. 23 ; Alice Schwarzer, « Die Abtreibungspille –

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