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Chapitre 2 — L’évaluation

2.1. Retour au jeu

Tel que présenté dans la section précédente, lorsqu’un athlète n’est pas totalement remis de sa commotion cérébrale, des mesures doivent être prises pour s’assurer qu’il ne risque pas de subir une autre blessure de ce type. La principale difficulté des cliniciens est de déterminer le moment où l’athlète est prêt à retourner au jeu avec un risque minimal. Afin d’éviter un retour prématuré, les experts du CISG ont proposé un protocole progressif, communément appelé le « protocole de Zurich », dans le 3e consensus (McCrory, Meeuwisse,

Aubry, et coll., 2013). Lors du 5e consensus du CISG, un protocole de retour aux activités

intellectuelles a été proposé, protocole qui débute par le repos complet (McCrory et coll., 2017). En conséquence, le protocole a été légèrement modifié dans le 5e consensus pour que

l’étape 1 reflète le fait que les athlètes ont effectué le repos complet avant d’entreprendre le processus de retour à l’activité intellectuelle. Cependant, au moment de la collecte de données de cette thèse, le protocole de Zurich était celui utilisé. Ainsi, le protocole de Zurich sera décrit en détail dans les prochaines sections.

2.1.1. Protocole de Zurich

Le protocole de Zurich comporte six étapes et est basé sur une règle de régression. Si l’athlète réussit l’étape, c’est-à-dire qu’il la complète sans apparition de symptômes sur une période de 24 heures, il peut passer à l’étape suivante. Cependant, si l’athlète ne réussit pas, il doit retourner à l’étape précédente, attendre vingt-quatre heures supplémentaires, puis réessayer. La réussite est définie comme étant la capacité à rester asymptomatique pendant une période de 24 heures à la suite de la complétion de l’exercice.

Le protocole de Zurich, comme suggéré par le consensus de 2009, et le protocole de Berlin de 2017, sont présentés dans le Tableau VI. Dans le consensus de Zurich, en 2009, la première étape consiste un repos physique et cognitif complet tant que l’athlète rapporte toujours des symptômes (McCrory et coll., 2009). Cependant, si les symptômes persistent au repos pendant plus de quelques jours, une consultation médicale est recommandée, car le

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repos prolongé peut être néfaste pour la récupération (Halstead, Eagan Brown, & McAvoy, 2017 ; Silverberg & Iverson, 2013 ; Thomas, Apps, Hoffmann, McCrea, & Hammeke, 2015). En effet, après cette courte période de repos, l’athlète peut être encouragé à devenir, graduellement, plus actif tout en restant en deçà de son seuil cognitif et physique d’exacerbation des symptômes (c.-à-d., que l’activité ne devrait pas amener ou aggraver les symptômes ; McCrory et coll., 2017). La durée de la période de repos varie amplement d’un individu à l’autre, mais doit être d’au moins 48 heures. Elle permet au cerveau, qui vit un état de crise énergétique prolongé, de retrouver son équilibre. En effet, une étude de Brown et coll. (2014) suggère que le fait de ne pas réduire la demande cognitive peut retarder la récupération. Lorsque l’athlète ne rapporte plus de symptôme pour une période de 48 heures, la reprise graduelle des activités intellectuelles et physiques peut être amorcée ; ainsi, il peut passer à la deuxième étape. Dans le consensus de Berlin, en 2017, la première étape consiste en des activités quotidiennes qui n’augmentent pas les symptômes, puisqu’elle suppose que les athlètes ont effectué la période de repos au préalable du retour graduel aux activités intellectuelles. Les athlètes doivent avoir atteint un certain niveau d’activités intellectuelles avant de pouvoir amorcer le protocole de retour au jeu (McCrory et coll., 2017).

L’étape 2 consiste en une activité aérobie légère sur vélo stationnaire, soit d’une intensité de 60 à 70 % de la fréquence cardiaque maximale (FCmax). L’effort ne devrait pas dépasser vingt minutes et aucun exercice de musculation ne devrait être effectué. Le but de cette étape est d’augmenter la fréquence cardiaque.

Ensuite, l’étape 3 comporte des mouvements spécifiques au sport pratiqué par l’athlète (par exemple, des exercices de patinage pour des joueurs de hockey, de drible de ballon pour les joueurs de soccer ou de basketball, de lancer de ballon pour les joueurs de football). Ces exercices sont d’intensité moyenne, soit de 70 à 90 % de la FCmax. Le but de l’étape est d’accroître l’intensité de l’effort, en plus d’incorporer des activités spécifiques au sport et des changements de direction. Aucun exercice de musculation et aucun geste ou exercice impliquant des mouvements brusques de la tête (p. ex., lancer-frappés, acrobaties) ne devraient être effectués.

L’étape 4 consiste en un entraînement sans contact à pleine intensité (100 % de la FCmax ou plus, selon le sport pratiqué), dans lequel on ajoute de la coordination et de la

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charge cognitive (p. ex., prises de décisions rapides, inhibition des éléments distracteurs, analyses des situations de match, mise en place de stratégies). Par ailleurs, l’entraînement en résistance peut recommencer graduellement à partir de l’étape 4. Les buts de cette étape sont d’augmenter d’autant plus la fréquence cardiaque, d’ajouter de la coordination et de stimuler cognitivement l’athlète lors de l’entraînement. Une autorisation médicale est nécessaire pour le passage à la prochaine étape.

L’étape 5 consiste une pratique régulière, avec contacts. L’objectif principal de cette étape est de tester la capacité du cerveau à encaisser des mouvements, en plus de permettre à l’athlète de retrouver sa confiance en soi et sa vitesse d’exécution en situation réelle de jeu. S’il réussit la cinquième étape sans rapporter de symptôme pendant une période de 24 heures, il peut passer à la sixième, soit le retour au jeu complet ou le retour à la compétition.

Le moment critique du protocole de Zurich se trouve entre les étapes 4 et 5 ; on doit s’assurer que l’athlète est non seulement asymptomatique à l’effort physique, mais qu’il ne présente aucun déficit cognitif au repos et à l’effort physique avant la reprise de la pratique sportive avec contacts, qui nécessite sans arrêt les fonctions cognitives (c.-à-d., prise de décision, attention, flexibilité cognitive, vitesse visuelle motrice, inhibition des éléments distracteurs, etc.). Étant donné les conséquences potentiellement dangereuses des commotions cérébrales multiples et du retour au jeu prématuré, l’évaluation cognitive à la suite d’un effort physique devrait, selon moi, être une composante du processus de décision. En fait, les athlètes ne devraient pas retourner au jeu tant qu’ils ne montrent pas une stabilité à de tels tests au repos et après un effort physique d’intensité similaire à celle sur le terrain.

2.1.2. Critique du protocole de Zurich

Alors que ce protocole de retour au jeu est largement accepté et employé dans le monde du sport, celui-ci n’est pas basé sur des évidences scientifiques. Par ailleurs, il utilise uniquement les symptômes autorapportés de l’athlète pour déterminer s’il est remis de sa commotion. Ainsi, certains athlètes pourraient dissimuler volontairement leurs symptômes à différentes étapes du protocole afin de retourner à la compétition plus rapidement. D’un autre côté, la motivation lors de l’évaluation peut avoir un impact sur les résultats ; les athlètes sont conscients que leurs résultats peuvent être utilisés pour éclairer les décisions de retour au jeu,

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ce qui constitue un puissant incitatif pour une performance optimale (Bailey, Echemendia, & Arnett, 2006 ; Rabinowitz, Merritt, & Arnett, 2015). Des mesures objectives de la récupération, telles que l’évaluation cognitive, devraient être utilisées conjointement avec l’évaluation des symptômes pendant le retour au jeu progressif.

Ainsi, la période de repos post-commotion permet de réduire le risque potentiel de commotions répétées alors que le cerveau est encore en phase de récupération, en permettant au cerveau de restaurer ses fonctions normales (c.-à-d., neurotransmission et métabolisme) et en empêchant le syndrome du second impact. Alors que le protocole de Zurich est conservateur et détient un rationnel théorique qui tient la route, il n’est point fondé sur des données empiriques et laisse place à l’incertitude quant à la décision de retourner un athlète au jeu de façon sécuritaire. Néanmoins, un athlète ne devrait pas reprendre les entraînements avec contacts s’il rapporte des symptômes au repos ou après un effort physique.

À l’heure actuelle, l’évaluation cognitive ne fait pas officiellement partie du protocole de retour au jeu de Zurich bien que le panel d’experts du CISG la recommande (McCrory et coll., 2017 ; McGrath et coll., 2013). Puisque les tests cognitifs offrent une évaluation sensible et objective des fonctions mentales, cet outil devrait être implémenté en milieu clinique, ce qui permettrait aux professionnels de la santé d’aller au-delà des symptômes subjectifs déclarés par les athlètes pour prendre une décision éclairée quant au retour au jeu.

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Tableau VI. Protocole de Zurich (à gauche) et protocole de Berlin (à droite)