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Chapitre 3 — L’effet de l’exercice

3.1. Importance des fonctions cognitives dans le sport

Les aptitudes cognitives contribuent à la prévention des blessures, puisqu’elles sont associées au contrôle et à la coordination neuromusculaire (Grive & Bahdur, 2016). Un temps

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de réaction plus lent et une vitesse de traitement d’information ralentie, en plus d’une mémoire visuelle et verbale plus faible, ont été liés aux blessures du ligament intérieur croisé, puisque la diminution des capacités cognitives peut entraîner une augmentation de l’exposition à des situations plus susceptibles d’entraîner ces blessures (Brooks et coll., 2016 ; Lynall, Mauntel, Padua, & Mihalik, 2015 ; Petushek, Cokely, Ward, & Myer, 2015 ; Swanik, Covassin, Stearne, & Schatz, 2007).

Plus spécifiquement, la commotion cérébrale semble être un facteur de risque pour subir des blessures. Les résultats d’une méta-analyse récente montrent que les athlètes ayant subi une commotion cérébrale présentaient 2 fois plus de chances de subir une blessure aux membres inférieurs après le retour au jeu que le groupe témoin. De plus, les athlètes ayant subi une commotion cérébrale présentaient une prévalence 1,7 fois plus élevée de blessures des membres inférieurs après le retour au sport (Mcpherson, Nagai, Webster, Hewett, et coll., 2018). Une autre méta-analyse récente suggère que les athlètes ayant subi une commotion sont deux fois plus à risque de subir une blessure musculosquelettique, toutes blessures confondues, que les athlètes n’en ayant jamais subi (McPherson, Nagai, Webster, & Hewett, 2018). Au-delà des blessures musculosquelettiques, la commotion a été identifiée comme un facteur de risque à subir une deuxième commotion. Dans une étude de McCrea et coll. (2009), 635 athlètes de niveau secondaire et universitaire ayant subi une commotion ont été classifiés en deux groupes : groupe ayant effectué un repos post-commotion et groupe sans repos. Dans l’ensemble, 3,8 % athlètes ont subi une nouvelle commotion cérébrale lors de la saison sportive. Le taux de commotion récurrente était plus élevé dans le groupe sans repos (6,49 %) que dans le groupe avec repos (0,90 %). La plupart des commotions cérébrales répétées sont survenues dans les 10 jours suivant la blessure initiale, mettant ainsi l’accent sur l’importance de ne pas retourner au jeu trop tôt. Ainsi, il est primordial qu’un athlète montre un fonctionnement cognitif optimal lorsqu’il pratique activement son sport.

3.1.2. Différences entre athlètes élites et athlètes récréatifs

Plusieurs études suggèrent que les fonctions cognitives semblent être liées à une bonne performance sportive. En effet, une méta-analyse de Mann et collègues (2007) montre que les joueurs élites ont une meilleure performance aux tâches cognitives comparativement aux

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joueurs récréatifs (Mann, Williams, Ward, & Janelle, 2007). Une autre méta-analyse a trouvé des effets de taille faibles à moyens indiquant que les athlètes élites ont de meilleures performances cognitives que les athlètes non-élites, particulièrement pour la vitesse de traitement de l’information (Voss, Kramer, Basak, Prakash, & Roberts, 2010). Plus récemment, une étude chez de jeunes joueurs de soccer suggère que les joueurs élites ont une capacité d’inhibition motrice supérieure, mesurée par le temps de réaction à la tâche Signal

Stop (SSRT) et une capacité d’alerte plus efficace mesurée par le Attentional Network Task

(ANT), comparativement à des athlètes amateurs (Verburgh, Scherder, van Lange, & Oosterlaan, 2014). Une autre étude chez des joueurs de soccer adolescents indique que les athlètes élites ont un meilleur contrôle de l’inhibition (mesurée par le SSRT), une meilleure flexibilité cognitive (mesurée par le TMT) et une meilleure métacognition (mesurée par la batterie D-KEFS) que les athlètes sous-élites (Huijgen et coll., 2015). Des résultats similaires ont été obtenus auprès de marathoniens (Cona et coll., 2015), des joueurs et joueuses de volleyball (Alves et coll., 2013), de basketball (Mangine et coll., 2014 ; Nakamoto & Mori, 2008), de baseball (Castaneda & Gray, 2007 ; Nakamoto & Mori, 2008) et autres sports (Heppe, Kohler, Fleddermann, & Zentgraf, 2016 ; Wang, Tsai, et coll., 2015 ; Wang, Chang, et coll., 2013). De plus, un modèle de régression logistique avec le groupe (élite, amateur) comme variable dépendante a montré que les mesures de fonctions exécutives distinguaient les deux groupes d’athlètes avec une précision de 89 % (Verburgh et coll., 2014). Une étude du même groupe suggère également que les résultats à différents tests cognitifs mesurant les fonctions exécutives (tests inclus dans la batterie D-KEFS) prédisent le succès des athlètes au soccer (Vestberg, Gustafson, Maurex, Ingvar, & Petrovic, 2012). Ainsi, de nombreuses études semblent lier les fonctions cognitives, notamment les fonctions exécutives, et la performance sportive.

Inopportunément, la majorité des études ont été effectuées auprès d’athlètes pratiquant des sports d’équipe, notamment de soccer, et comptent peu de femmes. Peu de données sont disponibles pour, par exemple, le cheerleading. Par ailleurs, l’expertise est traitée comme une variable catégorielle dans ces études alors qu’elle devrait être traitée en tant que variable continue, comme suggéré par Swann, Moran, et Piggott (2015). Les athlètes pourraient être classés en fonction de la ligue la plus élevée dans laquelle ils ont joué, de leur rang dans

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l’équipe, de leurs statistiques personnelles, de leurs années d’expériences ou d’autres facteurs. Cette procédure permettrait une classification plus précise de l’expertise et permettrait une analyse des données plus juste. Néanmoins, les études disponibles suggèrent une association entre les fonctions exécutives et la performance des experts de sports hautement techniques (Heppe et coll., 2016).

Alors que les mécanismes cognitifs qui contribuent à la haute performance athlétique ne sont pas tout à fait clairs, plusieurs explications peuvent être avancées quant au transfert positif du sport sur les capacités cognitives des athlètes. Premièrement, il est possible qu’une prédisposition génétique soit à l’origine de la performance cognitive accrue des athlètes élites. Il est possible que les athlètes ayant de meilleures fonctions cognitives choisissent de pratiquer des sports hautement techniques, ce qui pourrait expliquer la différence observée entre les athlètes élites et les non-élites. Effectivement, si les fonctions exécutives sont excellentes à la base, il est possible qu’elles aient permis aux athlètes d’atteindre les niveaux élites. Deuxièmement, il est possible que les fonctions exécutives se soient développées au fil du temps et des années de pratique sportive, puisque l’activité physique régulière affecte le fonctionnement cognitif (Baek, 2016 ; Donnelly et coll., 2016 ; Khan & Hillman, 2014). Ainsi, nous ne pouvons nous prononcer quant à la direction de la causalité entre les fonctions exécutives supérieures et la performance sportive, mais nous pouvons en conclure que les athlètes élites montrent de meilleures performances cognitives que les athlètes non-élites. Des études longitudinales seront nécessaires afin de comprendre cette association.