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L’article 35 du TFUE dispose que «[l]es restrictions quantitatives à l’exportation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre États membres».

6.1. Définition des «exportations»

Dans le contexte de l’article 35 du TFUE, le terme «exportations» désigne les échanges entre États membres, c’est-à-dire les exportations d’un État membre vers un autre. Il ne s’applique pas aux exportations vers un pays situé en dehors de l’Union européenne.

6.2. Restrictions quantitatives et mesures d’effet équivalent

Bien que les libellés des articles34 et 35 du TFUE soient très similaires, la Cour a traité ces deux dispositions différemment. L’article 35 du TFUE s’applique essentiellement à des mesures qui constituent des discriminations par rapport aux biens. Ce principe a été établi dans l’affaire Groenveld190, dans laquelle la Cour a déclaré que l’article 35 du

186 Affaire C-2/18, Lietuvos Respublikos Seimo narių grupė, ECLI:EU:C:2019:962, point 45.

187 Ibidem, point 49.

188 Ibidem, point 57.

189 Ibidem, point 69.

190 Affaire C-15/79, P. B. Groenveld BV/Produktschap voor Vee en Vlees, ECLI:EU:C:1979:253.

TFUE «vise les mesures nationales qui ont pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d’exportation et d’établir ainsi une différence de traitement entre le commerce intérieur d’un État membre et son commerce d’exportation». S’il en résulte un «avantage particulier à la production nationale ou au marché intérieur de l’État intéressé, au détriment de la production ou du commerce d’autres États membres», alors l’article 35 du TFUE s’applique191.

Plusieurs raisons expliquent l’interprétation étroite que fait la Cour de l’article 35 du TFUE en comparaison avec sa jurisprudence sur l’article 34 du TFUE. Dans le cas des importations, des mesures non discriminatoires peuvent imposer une double charge aux importateurs si ceux-ci doivent respecter à la fois la réglementation de leur propre pays et celle du pays d’importation. Ces mesures sont donc considérées comme tombant à juste titre sous le coup des dispositions législatives de l’UE protégeant le marché intérieur. En revanche il n’en va pas ainsi pour les exportateurs, qui doivent simplement respecter la réglementation établie pour le marché. Ensuite, si la portée de l’article 35 du TFUE était trop grande, elle pourrait englober des restrictions qui sont sans incidence sur le commerce intra-UE.

Dans l’affaire Rioja, la différence de traitement résultait des conditions de production ou de commercialisation plus favorables dont bénéficiaient des sociétés nationales192. Dans l’affaire Parma, la différence de traitement était liée à l’octroi d’un avantage particulier à des entreprises situées dans la région de production. En effet, l’utilisation de l’appellation d’origine contrôlée «Prosciutto di Parma» pour le jambon commercialisé en tranches était subordonnée à la condition que les opérations de tranchage et d’emballage soient effectuées dans la région de production193. L’octroi de tels avantages au marché national

191 Affaire C-15/79, P. B. Groenveld BV/Produktschap voor Vee en Vlees, ECLI:EU:C:1979:253, point 7.

Voir également affaire C-12/02, Marco Grilli, ECLI:EU:C:2003:538, point 41.

192 Affaire C-47/90, Delhaize/Promalvin, ECLI:EU:C:1992:250 (dans cette affaire, la Cour n’a pas mentionné, dans son raisonnement, l’exigence d’assurer un avantage particulier à la production nationale, même s’il en allait manifestement ainsi dans les faits). Cependant, dans l’arrêt ultérieur de la Cour dans l’affaire C-388/95, Royaume de Belgique/Royaume d’Espagne, ECLI:EU:C:2000:244, la Cour a estimé que la condition litigieuse (à savoir, une condition d’embouteillage dans la région pour les vins d’appellation d’origine protégée) doit être considérée comme conforme au droit de l’UE, malgré ses effets restrictifs sur les échanges, s’il est démontré qu’elle constitue un moyen nécessaire et proportionné de nature à préserver la grande réputation dont jouit incontestablement la «denominación de origen calificada» Rioja. La Cour a considéré que c’était effectivement le cas, essentiellement car les opérateurs de la région disposaient du savoir-faire nécessaire pour effectuer des interventions complexes d’embouteillage. Le même raisonnement s’applique aux contrôles exercés dans la région.

Par ailleurs, le transport en vrac du vin en dehors de la région comporte un risque de détérioration de la qualité en raison de son oxydation.

193 Affaire C-108/01, Consorzio del Prosciutto di Parma, ECLI:EU:2003:296. Toutefois, la Cour a estimé dans cette affaire qu’une condition telle que celle en cause au principal (à savoir, que le tranchage et l’emballage du produit doivent se faire dans la région) doit être considérée comme conforme au droit de l’UE, malgré ses effets restrictifs sur les échanges, s’il est démontré qu’elle constitue un moyen nécessaire et proportionné de nature à préserver la qualité du produit en question, garantissant son origine ou assurant le contrôle du cahier des charges de cette IGP (voir point 66 de l’arrêt). La Cour a estimé que c’est en particulier le cas lorsque la procédure prévue par le cahier des charges attribue l’exécution des contrôles systématiques et approfondis aux professionnels ayant une connaissance spécialisée des caractéristiques du produit en cause et qu’il est, par conséquent, difficilement envisageable que de tels contrôles puissent être instaurés efficacement dans d’autres États membres (voir point 75). En ce sens, voir également l’affaire C-469/00, Ravil/Bellon, ECLI:EU:C:2003:295.

Cette approche a été confirmée dans l’affaire C-367/17, S/EA e.a., ECLI:EU:C:2018:1025, ainsi que dans l’affaire C-569/18, Caseificio Cirigliana, ECLI:EU:C:2019:873, point 39.

entraîne des désavantages concurrentiels pour les entreprises établies dans d’autres États membres en raison des coûts supplémentaires que celles-ci peuvent devoir supporter ou en raison des difficultés qu’elles peuvent éprouver à se procurer certains produits qui sont nécessaires pour entrer en concurrence avec le marché national.

Dans certains de ses arrêts plus récents relatifs à l’article 35 du TFUE, la Cour a adopté une approche différente de la dernière exigence prévue par le test Groenveld («au détriment de la production et du commerce d’autres États membres»)194. Dans l’affaire Gysbrechts195, la Cour a eu à se prononcer sur une réglementation belge qui interdit au vendeur d’exiger du consommateur un acompte ou un paiement quelconque avant l’expiration du délai de rétractation de sept jours permettant la renonciation à un contrat de vente à distance. Dans son arrêt, la Cour a confirmé la définition établie dans l’affaire Groenveld. Néanmoins, elle a déclaré que, bien que l’interdiction de percevoir des acomptes soit applicable à tous les opérateurs agissant sur le territoire national, elle affecte en réalité davantage les ventes transfrontières directes au consommateur et, partant, la sortie des produits du marché de l’État membre d’exportation que la commercialisation des produits sur le marché national dudit État membre. Il est intéressant de noter que, dans ce cas, les effets de l’obstacle entravaient davantage les activités commerciales des entreprises établies dans l’État membre d’exportation que celles des entreprises situées dans l’État membre de destination196.

L’approche adoptée dans l’affaire Gysbrechts a été approuvée dans l’affaire New Valmar, dans laquelle il a été considéré que les entreprises ayant leur siège dans le territoire d’un État membre étaient tenues d’établir toutes leurs factures à caractère transfrontière dans la seule langue officielle de cet État. Dans le cas contraire, les factures concernées seraient frappées de nullité absolue, constatée d’office par les juridictions nationales. Ici, la Cour semble en premier lieu s’inquiéter de savoir si une telle mesure affecte en fait davantage la sortie des produits du marché de l’État membre d’exportation197. Elle a estimé qu’une telle restriction tombait effectivement sous le coup de l’article 35 du TFUE. L’objectif de la mesure visant à promouvoir et à stimuler l’emploi de l’une des langues officielles d’un État membre constitue un objectif légitime, mais la mesure en cause n’était pas proportionnée198.

La Cour a suivi la même approche dans l’arrêt Hidroelectrica, dans lequel elle a estimé que les mesures nationales donnant la priorité à l’approvisionnement en électricité sur le marché national constituaient des mesures d’effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’article 35 du TFUE, en raison d’une incidence plus importante sur les exportations d’électricité199.

194 Affaire C-155/80, Oebel, ECLI:EU:C:1981:177; affaire C-388/95, Royaume de Belgique/Royaume d’Espagne, ECLI:EU:C:2000:244, point 41.

195 Affaire C-205/07, Gysbrechts et Santurel Inter, ECLI:EU:C:2008:730.

196 Ibidem, points 40 à 43; C-169/17 Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino, Rec. 2018, ECLI:EU:C:2018:440, point 29.

197 Affaire C-15/15, New Valmar, ECLI:EU:C:2014:464, point 36. Voir également affaire C-169/17, Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino, ECLI:EU:C:2018:440, point 29.

198 Affaire C-15/15, New Valmar, ECLI:EU:C:2014:464, points 47 et 50 à 56.

199 Affaire C-648/18, Hidroelectrica, ECLI:EU:C:2020:723, point 33.

Dans l’arrêt récent rendu dans l’affaire VIPA, qui concernait la réglementation hongroise empêchant la délivrance en Hongrie de médicaments soumis à prescription sur la base d’un bon de commande délivré par un professionnel de santé dans un autre État membre, la Cour est allée jusqu’à dire que des effets restrictifs mineurs, à condition qu’ils ne soient ni trop indirects ni trop aléatoires, suffisaient pour démontrer l’existence d’une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 35 du TFUE200.