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4. TYPES DE MESURES

4.8. Indications d’origine, marquages de qualité, incitations à acheter des

Les règles nationales qui prévoient l’indication de l’origine du produit sur le produit ou sur son étiquette constituent une mesure d’effet équivalent contraire à l’article 34 du TFUE.

La Cour a estimé que les règles nationales relatives à l’indication obligatoire de l’origine pouvaient inciter les consommateurs à acheter des produits nationaux au détriment de produits équivalents originaires d’autres États membres144. Selon la Cour, ces règles ont pour effet: de rendre plus difficile l’écoulement des marchandises produites dans d’autres États membres et de freiner l’interpénétration économique dans le cadre de l’Union en défavorisant la vente de marchandises produites grâce à une division du travail entre États membres145. La Cour a également souligné qu’il pouvait être dans l’intérêt de l’opérateur économique d’indiquer lui-même l’origine de ses produits, sans y être contraint. Dans ce cas, les consommateurs peuvent être protégés contre les indications d’origine fausses ou trompeuses susceptibles de résulter de règles existantes interdisant de tels comportements146.

La Cour a également estimé que les régimes de qualité prévus par la réglementation nationale et liés à l’origine du produit pouvaient avoir un effet analogue. Même si un régime de qualité en particulier n’est pas contraignant, il continue de constituer une mesure d’effet équivalent, du moment que l’usage de ce label favorise ou est susceptible de favoriser la commercialisation du produit concerné par rapport aux produits qui n’en bénéficient pas147.

La Cour a estimé que les États membres sont compétents pour établir des régimes de qualité pour les produits agricoles commercialisés sur leur territoire et peuvent subordonner au respect de ces régimes l’usage de dénominations de qualité. Néanmoins, de tels régimes et dénominations ne peuvent être liés à une localisation nationale du processus de production des produits en cause, mais uniquement à la présence des caractéristiques objectives intrinsèques qui donnent aux produits la qualité légalement exigée148. Un tel régime doit donc être accessible à tout producteur dans l’Union ou à tout autre opérateur potentiel de l’Union dont les produits respectent les exigences. Toute exigence empêchant l’accessibilité des produits d’autres États membres à ce régime

143 Affaire C-244/06, Dynamic Medien Vertriebs GmbH/Avides Media AG, ECLI:EU:C:2008:85; dans cet arrêt, la Cour a cependant considéré que les obstacles au commerce étaient justifiés par la nécessité d’assurer la protection des mineurs.

144 Voir, par exemple, affaire C-207/83, Commission/Royaume-Uni, ECLI:EU:C:1985:161, point 17.

145 Voir affaire C-95/14, UNIC et Uni.co.pel, ECLI:EU:C:2015:492, point 44.

146 Voir affaire C-207/83, Commission/Royaume-Uni, ECLI:EU:C:1985:161, point 21.

147 Voir affaire C-325/00, Commission/Allemagne, ECLI:EU:C:2002:633, point 24, et affaire C-255/03, Commission/Belgique, ECLI:EU:C:2004:378.

148 Affaire C-13/78, Eggers, ECLI:EU:C:1978:182, points 24 et 25.

devrait être évitée, car elle est susceptible de favoriser la commercialisation de produits d’origine nationale au détriment de produits importés149.

La Cour a accepté les régimes de qualité prévus par la réglementation nationale dès lors que ceux-ci permettent l’importation des produits en provenance d’autres États membres, sous les dénominations qu’ils portent, même si elles sont semblables, similaires ou identiques aux dénominations prévues par la réglementation nationale150.

Une campagne de promotion menée par les autorités des États membres et portant sur un étiquetage relatif à la qualité ou à la provenance constitue également une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 34 du TFUE. L’exemple le plus connu de semblable incitation à acheter des produits nationaux est l’affaire Buy Irish151, qui concernait une campagne à grande échelle encourageant l’achat de marchandises nationales. La Cour a également estimé qu’un régime introduit par les autorités afin de promouvoir la commercialisation de certains produits fabriqués dans un pays ou une région déterminés, peut inciter les consommateurs à acheter ces produits à l’exclusion des produits importés152.

4.9. Restrictions concernant la vente à distance (ventes sur l’internet, ventes par correspondance, etc.)

Grâce aux progrès des technologies de l’information et de la communication, il est de plus en plus fréquent que des produits soient vendus en ligne sur le territoire du marché intérieur. Ainsi, le nombre d’affaires liées à des transactions en ligne impliquant le transfert de marchandises d’un État membre à l’autre portées devant la Cour de justice a augmenté.

Les questions dont la Cour a été saisie dans l’affaire DocMorris153 trouvent leur origine dans une procédure nationale concernant la vente, sur l’internet, de médicaments à usage humain dans un État membre autre que celui où DocMorris était établi. À l’époque, la législation allemande interdisait la vente par correspondance de médicaments dont la vente était réservée aux pharmacies.

La première question soumise par le juge national portait sur le point de savoir s’il y a violation de l’article 34 du TFUE lorsque des médicaments autorisés, dont la vente est réservée aux pharmacies établies dans l’État membre concerné, ne peuvent pas être importés commercialement par correspondance par l’intermédiaire de pharmacies agréées dans d’autres États membres à la suite de commandes individuelles passées via l’internet.

149 Voir l’arrêt rendu par la Cour dans les affaires jointes C-321/94 à C-324/94, Pistre e. a., ECLI:EU:C:1997:229, point 45.

150 Affaire C-169/17, Asociación Nacional de Productores de Ganado Porcino, ECLI:EU:C:2018:440, points 24 à 28 et jurisprudence citée.

151 Affaire C-249/81, Commission/Irlande, ECLI:EU:C:1982:402.

152 Voir, par exemple, affaire C-325/00, Commission/Allemagne, ECLI:EU:C:2002:633, affaire C-6/02, Commission/France, ECLI:EU:C:2003:136. Voir aussi affaires jointes C-204/12 à C-208/12, Essent Belgium, ECLI:EU:C:2014:2192, points 88, 90 à 95 et 116. Voir également affaire C-573/12, Ålands Vindkraft, Rec. 2014, ECLI:EU:C:2014:2037.

153 Affaire C-322/01, Deutscher Apothekerverband eV/0800 DocMorris NV et Jacques Waterval, ECLI:EU:C:2003:664.

La Cour a commencé par considérer cette restriction nationale comme une modalité de vente, ce qui peut être contraire à l’article 34 du TFUE si elle est discriminatoire.

Premièrement, et conformément à ce qu’elle avait déclaré dans l’arrêt De Agostini (concernant l’importance de la publicité pour la vente du produit en question)154, la Cour a souligné l’importance de l’internet pour la vente d’un produit. Elle a ensuite expliqué qu’une interdiction totale de cette nature gêne davantage les pharmacies situées en dehors de l’Allemagne que celles situées sur le territoire allemand et constitue dès lors une violation de l’article 34 du TFUE.

Plus spécifiquement, la Cour a estimé que, pour les pharmacies qui ne sont pas établies sur le territoire allemand, l’internet est un moyen plus important d’«atteindre directement» le marché allemand155. La Cour a indiqué qu’une interdiction qui frappe davantage les pharmacies établies en dehors du territoire allemand pourrait être de nature à gêner davantage l’accès au marché des produits en provenance d’autres États membres que celui des produits nationaux.

Dans l’affaire Ker-Optika156, concernant la réglementation nationale autorisant la vente des lentilles de contact dans les seuls magasins de matériel médical, la Cour a confirmé qu’en interdisant leur vente en ligne, la mesure nationale enfreignait la directive 2000/31 et les articles 34 à 36 du TFUE en ce qui concerne l’interdiction de livraison ultérieure de lentilles de contact aux clients.

Un arrêt plus récent a été rendu dans l’affaire Visnapuu, en lien avec la loi finlandaise relative à l’alcool, en vertu de laquelle un vendeur établi dans un autre État membre est soumis à une exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques en vue de leur vente au détail à des consommateurs résidant en Finlande. La Cour a estimé que l’exigence d’autorisation de vente au détail pour l’importation de boissons alcooliques empêche les opérateurs établis dans d’autres États membres d’importer librement des boissons alcooliques en Finlande, ce qui constitue une mesure ayant un effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 34 du TFUE. Néanmoins, elle a également considéré que les articles 34 et 36 du TFUE ne s’opposaient pas à une telle réglementation, à condition que la mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de protection de la santé et de l’ordre public157.

154 Affaires jointes C-34/95 et C-36/95, De Agostini, ECLI:EU:C:1997:344, points 43-44. L’avocat général Geelhoed (affaire C-239/02, Douwe Egberts, ECLI:EU:C:2004:445, point 68) établit un contraste entre ce raisonnement et celui tenu par la Cour dans l’affaire C-292/92, Hünermund, ECLI:EU:C:1993:932) et l’affaire C-412/93, Leclerc-Siplec, ECLI:EU:C:1995:26). Il a estimé que, dans ces deux dernières affaires, les interdictions de publicité avaient une portée limitée. Il a souligné que, dans ces deux affaires, la Cour avait accordé de l’importance au fait que les restrictions en cause laissaient aux autres opérateurs économiques la possibilité de faire de la publicité d’une autre manière pour les produits en question. En d’autres termes, «le rôle de la publicité en tant qu’elle procure un accès au marché pour les produits concernés restait intact».

155 Affaire C-322/01, Deutscher Apothekerverband eV/0800 DocMorris NV et Jacques Waterval, ECLI:EU:C:2003:664, point 74.

156 Affaire C-108/09, Ker-Optika, ECLI:EU:C:2010:725, points 43-44.

157 Affaire C-198/14, Visnapuu, Rec. 2015, ECLI:EU:C:2015:751, points 99, 102, 208 et 129.