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Les restaurations de 1945 à 1956

3 ASPECTS PATRIMONIAUX

3.2 DES PROGRAMMES DE RESTAURATION CONTRASTÉS

3.2.3 Les restaurations de 1945 à 1956

Dès le mois de janvier 1945 des crédits d'urgence exceptionnels sont accordés dans le but de mettre l'édifice hors d'eau. Avant de "présenter un programme d'ensemble de restauration des charpentes

et des couvertures"719, l'ACMH M. Ranjard demande le 16 octobre 1945 au Directeur Général de l'Architecture de prendre une décision de principe quant à la nature des couvertures à prévoir. Dans son rapport, il décrit la situation du moment : "Lorsqu'on se trouve, la poterne franchie, dans la

cour du château toutes les couvertures que l'on peut apercevoir, sont en ardoises et ce matériaux semble bien avoir été prévu à l'origine, et sur le bâtiment principal situé au fond de la cour, il ne parait pas possible, en raison des pentes, d'envisager une couverture en tuiles plates. Avant de franchir la poterne par contre on aperçoit surtout des toits en tuiles. La poterne d'entrée est bien couverte en ardoises ainsi qu'une partie de l'aile des communs située à gauche mais l'extrémité de cette aile et toute l'aile droite sont couvertes en tuiles plates. Les bâtiments des communs ont donc,

715 Ib., lettre de Léon Catel au préfet du Calvados, 12 novembre 1933. 716

Ib., lettre du Ministre de l'Education Nationale au Préfet du Calvados, 11 décembre 1933.

717 Ib. 718

Voir en annexes la fig. 25, reproduction de photographies prises après 1960 du logis, côté nord et côté sud, et de la voûte du passage; et les fig. 46 et 47, Etude préalable de Bruno Decaris ACMH, 1990.

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presque partout, un versant couvert en tuiles et l'autre en ardoises"720. Le plan en couleur annexé au rapport et reproduit en annexes, fig. 40, montre ce qu'il appelle une "diversité désordonnée". L'architecte propose alors trois solutions. La première consiste à refaire toutes les couvertures en tuiles plates, solution qu'il déconseille au motif que les pentes du bâtiment principal et du pavillon d'entrée "ne sauraient admettre ce matériau". La deuxième solution consiste à refaire toutes les couvertures en ardoises, solution qui, selon lui, présente l'avantage de maintenir l'unité côté cour mais aussi l'inconvénient de manquer d'harmonie à l'extérieur de la cour, la plupart des bâtiments du village étant couverts en tuiles. La troisième et dernière solution serait d'envisager une couverture mixte : "L'ardoise serait maintenue sur le bâtiment principal au fond de la cour, de

même que sur le pavillon de l'entrée. Les versants côté cour des communs seraient prévus en ardoises tandis que le versant extérieur le serait en tuiles". Il met alors en avant l'avantage de

l'homogénéité vue de la cour et de l'harmonie avec les toits du village vu de l'extérieur, mais souligne l'impossibilité de prévoir une couverture mixte sur le pavillon d'entrée, et surtout le fait qu'il "n'est pas absolument rationnel de prévoir sur un même comble un versant en ardoises et

l'autre en tuiles (...) la charpente travaillerait d'une façon anormale"721.

En réponse à la demande d'avis de l'administration, l'Inspecteur Général des Monuments historiques M. Huignard propose le 22 novembre 1945 une quatrième solution qui "consisterait à

tout couvrir en tuiles, à l'exception du bâtiment d'habitation et du pavillon d'entrée, la pente des toitures de ces constructions ne permettant pas, normalement, l'emploi d'un autre matériau que l'ardoise", au motif que "Les couvertures en tuiles subsistantes, ont, en effet, actuellement un aspect magnifique" et qu'"Elles s'harmonisent parfaitement non seulement avec les bâtiments qu'elles protègent, mais aussi avec les fermes et les maisons du village avoisinants". Il ajoute une

mention importante : "Cependant, si, en vue d'une plus grande unité, le Comité préfère couvrir

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Ib.

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également en tuiles ce dernier pavillon, cette opération, à la condition de fixer les tuiles d'une façon spéciale, serait réalisable"722.

Cette proposition est entérinée par le Comité Consultatif des Monuments historiques le 4 février 1946 et le Directeur Général de l'Architecture notifie cette décision à l'ACMH M. Ranjard le 26 mars de la même année : "J'estime qu'il y a lieu de prévoir la réfection en tuiles plates des

couvertures des bâtiments des communs et de conserver les couvertures en ardoises seulement sur le bâtiment d'habitation et sur le pavillon d'entrée : la pente des toitures de ces deux dernières constructions en effet ne permet pas normalement l'emploi d'un autre matériau que l'ardoise"723. Cependant les mots "sur le pavillon d'entrée" sont barrés et dans la marge, on trouve la mention manuscrite : "non pas sur le pavillon d'entrée" et : "rectifier"724. Les couvertures des communs sont alors refaites uniquement en tuiles, y compris le pavillon d'entrée.

Cette décision est malheureuse dans la mesure où elle semble s'être appuyée sur des critères esthétiques, discutables, plutôt que sur une réflexion historique et archéologique. Une telle approche sur les couvertures alors en place aurait en effet peut-être permis d'émettre une opinion sur la datation du schéma "ardoises côté cour" et "tuiles côté extérieur", et "ardoises sur le pavillon d'entrée et le logis", ainsi que sur l'ancienneté de la déformation des charpentes consécutive à cette asymétrie. En tous cas, sur le plan historique, le cahier de comptes couvrant les années 1589 et 1590 permet d'être absolument affirmatif sur la coexistence de tuiles et d'ardoises, avec cependant une certitude sur la nature des couvertures limitée au grand pavillon et aux tourelles de la porte, tous deux couverts en ardoises725. Le plan de couverture fourni par M. Ranjard, parfaitement lisible parce qu'en couleur726, laisse par ailleurs penser que le schéma dans lequel l'utilisation de tuiles est limitée aux versants extérieurs, à l'exception du pavillon d'entrée, est parfaitement cohérent et voulu. Enfin, le constat que nous avons fait d'un très petit nombre de modifications dès la

722 Ib., réponse de l'Inspecteur Général des Monuments historiques M. Huignard, 22 novembre 1945. 723

Ib., lettre du Ministre de l'Education Nationale à M. Ranjard, ACMH, 26 mars 1946.

724 Ib. 725

Op. cit. 176 : "Plus po(ur) troys journez avoir achevé le pavyllon & deulx journez avoir choicy l'ardoisse" ; et :

"memoire de l'ardoisse achetée pour les thourelles".

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disparition, en 1627, de Pierre d'Harcourt, crédibilise, sans la prouver, l'hypothèse que ce schéma ait pu être ancien.

Nous avons déjà évoqué dans le chapitre sur l'histoire du site de 1837 à nos jours l'enchaînement des travaux de restauration des maçonneries, charpentes et couvertures des communs, du châtelet d'entrée et du grand pavillon, ainsi que la nouvelle intervention de M. Herpe, devenu Inspecteur Général des Monuments historiques, laquelle, pour motivée qu'elle fut, a malheureusement conduit à abandonner à la ruine l'aile est des communs.

Les fig. 40, 41 et 42 des annexes montrent les reproductions de quelques-uns des plans établis à l'époque. Avec les photographies prises après les travaux727, ils montrent la qualité de la préparation et de l'exécution de ces travaux qui ont eu le grand mérite de sauvegarder durablement deux des trois ailes des communs. On peut cependant regretter que, privilégiant le gros œuvre, ils aient conduit à la disparition d'une partie des aménagements intérieurs. Ainsi voit-on dans le mémoire de l'entreprise de charpentes E. Breton pour l'exercice 1945 concernant le bâtiment des pressoirs : Démolition : "Plancher haut du rez-de-chaussée, 3,5m x 2,5m ; Plancher haut du 1er, entre vieux plancher et 1ère ferme, 2,5m x 6,5m ; entre 1ère et 2ème ferme, id. ; entre 2ème et 3ème ferme, 2,4m x 6,5m ; et entre 3ème et 4ème ferme, 2,43m x 7m"728. De plus, lors de la restauration de la couverture des combles du grand pavillon, l'architecte M.J. Lebêgue propose : "Pour alléger les

ouvrages et permettre l'inspection de l'état de la charpente certaines parties des hourdis des planchers de greniers inutiles seraient supprimés. Les enduits intérieurs au plâtre et bourre sous rampants dans greniers ne seraient pas rétablis"729. Il semble s'agir ici des restes de l'aménagement de la "chambre bleue" et de la "dernière chambre du haut du grand pavillon"730. Nous pouvons encore citer le démantèlement des pressoirs, en 1944 selon Y. Nedellec731, ainsi que la disparition

727

Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Charenton-le-Pont ; réf. AP53P01587, Fresney-le-Puceux, Château, Pavillon d’entrée toiture refaite, 1 négatif noir et blanc, 1953 ; réf. AP53P01588, Fresney-le-Puceux, Château, Pavillon d’entrée et communs : état après restauration, 1 négatif noir et blanc, 1953 ; réf. AP53P01589, Fresney-le-Puceux, Château, Cour de la ferme, 1 négatif noir et blanc, 1953.

728 Op. cit. 300, Réfection partielle des charpentes suite aux bombardements, mémoire d'E. Breton Fils à Bourgueil,

Exercice 1945 - Chapitre DD - Dépense 1401.

729 Ib., Dossier remise en état de la couverture du pavillon d'habitation, lettre de l'architecte M.J. Lebêgue, 5 août 1953. 730

Voir en annexes la fig. 56, essai de restitution de l'organisation intérieure des 2e et 3e étages du logis; et la fig. 45, Etude préalable de Bruno Decaris, ACMH, 1990.

731

de l'aménagement des deux chambres du châtelet, la "chambre de dessus la porte" et la "chambre de la tourelle de la porte"732, à une date inconnue.