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UN ENSEMBLE EN GRAND PÉRIL DEUX FOIS EN 150 ANS

3 ASPECTS PATRIMONIAUX

3.1 UN ENSEMBLE EN GRAND PÉRIL DEUX FOIS EN 150 ANS

réalisés par Charles Paulmier. Il se passe encore plus 70 ans avant que le processus de classement démarre. Pendant ce temps, le château est probablement peu habité puisqu'E. Simon, lors de sa visite du 17 avril 1884, écrit à propos de la galerie : "Il a fallu voir cela vivement. On étend les

grains du fermier dans cette galerie"686. Les cartes postales éditées au début du XXe siècle montrent d'ailleurs que le logis et ses couvertures sont alors correctement entretenus, avec cependant déjà des lucarnes manquantes : une à deux étage et deux petites côté nord, deux autres petites côté sud687 ; et que le châtelet d'entrée, bien que possédant encore son lanternon, a des mâchicoulis en mauvais état688.

679

Op. cit. 125, t. 1, p. 4. C'est en 1757 que l'abbé Béziers a envoyé à tous les curés du diocèse la lettre circulaire qui annonçait son projet de Mémoires pour servir à l'état historique et géographique du diocèse de Bayeux ; et par ailleurs p. XVj : il est décédé le 18 août 1782.

680

Ib., t. 3, p. 15.

681

Ib., p. 130. Il y a deux erreurs dans cette assertion : d'une part le château a été bâti, comme nous l'avons vu, avant que Pierre d'Harcourt acquiert la vicomté de Fontenay-le-Marmion ; d'autre part, même si, comme nous l'avons aussi vu, la mouvance du fief de Saint-Germain, sur lequel est bâti le château, n'est pas connu, rien n'indique qu'il relève de Fontenay-le-Marmion.

682

Op. cit. 267, p. 132.

683 Op. cit. 277, A. Le Flaguais, 1842 ; et Op. cit. 274, A. de Caumont, 1844, p. 176. 684

Voir l'histoire du site au chapitre 1.2 : "De 1837 à nos jours".

685 Op. cit. 272, p. 489. 686

Op. cit. 281.

687

Voir en annexes les fig. 18 et 19.

688

Les photographies prises par l'Architecte en chef Gabriel Ruprich-Robert et annexées au dossier de demande de classement le 11 janvier 1923 confirment cet état correct, mais qui s'est manifestement dégradé en ce qui concerne les toitures689. D'ailleurs, ce dernier conclut son rapport de proposition de classement par : "Effectivement si le château de Fresnay n'est pas en ruines, les couvertures

offrent une importante surface et l'état de ces couvertures et de la corniche de la poterne nécessiteront certainement des travaux pour lesquels notre concours serait appréciable"690. L'intérieur ne semble pas non plus entretenu avec soin comme le montrent les deux photographies de la clôture de la chapelle annexées au même rapport691. Dans son rapport du 13 avril 1923, l'Inspecteur général H. Nodet argumente ainsi son avis défavorable au classement : "Le château et

la poterne d'entrée ont les ouvertures et les corniches en mauvais état, en outre la poterne a perdu son lanternon. Nous entrevoyons une dépense considérable pour un monument d'un intérêt secondaire et n'ayant même pas le charme du pittoresque"692. L'ensemble est alors inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 18 décembre 1824693, et il faut attendre qu'une forte tempête survienne, en janvier 1930, et que le nouveau propriétaire "menace

d'abattre toute l'aile gauche du château"694, pour qu'une nouvelle demande de classement survienne et aboutisse, après les demandes réitérées en 1924 du Secrétaire général de la Sauvegarde de l'art695 français et du Conseil général du Calvados696.

Après cet ouragan et le classement, l'incendie du premier étage du corps de galerie du 25 juillet 1932 est d'abord pris en charge par l'Architecte en chef É. Herpe, puis directement par le propriétaire, lequel , en dépit de l'interdiction qui lui en est notifiée en mai 1933697, abandonne à la ruine les deux-cinquièmes environ du corps de galerie (voir en annexes la fig. 47), fait clôturer ce qui en reste par un mur de refend en maçonnerie et, ce faisant, effondrer la voûte du passage du

689

Voir en annexes la fig. 22, en particulier la photographie N°5.

690

Op. cit. 288.

691

Voir en annexes la fig. 26.

692 Op. cit. 288. 693

Op. cit. 290.

694 Op. cit. 293. 695

Op. cit. 286, lettre de M. Rodier, secrétaire général, 20 mars 1924.

696

Ib., délibération du Conseil général du Calvados, séance du 29 mai 1924.

697

rez-de-chaussée (voir en annexes la fig. 46), et fait refaire la charpente et le toit de la partie restante sans faire remonter les lucarnes tombées lors de l'incendie698.

De plus la polémique induite après la seconde guerre mondiale par la question de savoir si le château avait été endommagé à l'occasion des combats de 1944 ou si son mauvais état était le fruit du manque d'entretien, et, partant, s'il était légitime de financer les travaux de restauration des communs avec des dommages de guerre ou non, a des conséquences catastrophiques. Le décès du propriétaire, survenu en 1957 alors que cette question n'est pas encore réglée, conduit finalement à ce que les travaux de restauration de l'aile est des communs soient interrompus. Une vingtaine d'années plus tard, elle est en ruine, sans couverture ni charpente ni planchers. Quatre photographies prises après 1960 et annexées au dossier de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie, ainsi qu'une dizaine d'autres prises par les propriétaires actuels après 1982, montrent l'état critique dans lequel se trouve alors l'ensemble. Seuls le châtelet et les parties des communs restaurées par l'administration des monuments historiques après la seconde guerre mondiale sont en bon état. Encore l'intérieur de ces bâtiments a-t-il été souvent sacrifié aux nécessités de travaux effectués dans des bâtiments d'exploitation alors exploités. Mais outre l'état de ruine, visible, de l'aile est des communs et de la partie ouest du logis, les douves et les murs du jardin sont alors en très mauvais état, et la cour du château n'est plus lisible dans son parti originel. Cette déchéance est révélée, principalement en creux, par l'historiographie du XXe siècle. Ainsi, Hachette Réalité, dans ses Merveilles des châteaux de Normandie, publié en 1966, propose-t-elle une très courte notice indiquant : "Le corps de logis est encadré de deux pavillons, dont l’un est en

ruines ; le château a été endommagé en 1944. Pierre d’Harcourt fit élever cette demeure à la fin du XVIe siècle. C’est aujourd’hui une ferme". En 1988 la description des Guides bleus est

particulièrement erronée : "Le château de Fresney a été construit pour Pierre d’Harcourt entre

1558 et 1584. Il est encore utilisé comme ferme. Élevé à l’époque des guerres de religion, il a un caractère nettement défensif : douves, traces de pont-levis, consoles, mâchicoulis du pavillon

698

Op. cit. 302. Voir la description donnée au ministre par l'Architecte en chef dont les conclusions ne semblent pas avoir été suivies d'effet : "Si le propriétaire passait outre à vos instructions, je vous demanderais instamment de donner suite

d’entrée sont encore d’inspiration nettement médiévale. Seules les lucarnes annoncent un style nouveau. Les bâtiments de ferme datent du XVIIe siècle. L’aile N. comprend le pressoir et les écuries. A l’étage, le fenil. Comme le veut la tradition locale, ces bâtiments délimitent une cour fermée" ; puis J.P. Babelon, dans les Châteaux de France au siècle de la Renaissance, publié en

1989 et dont le caractère succinct de la notice est révélateur : "Fresney-le-Puceux, M.H. Manoir

élevé à la fin du XVIe siècle pour Pierre d’Harcourt, animé de hauts pavillons. Endommagé en 1944". Mais surtout, l'ouvrage de Bernard Beck, Pierre Bouet, Claire Étienne et Isabelle Lettéron

sur l'Architecture de la Renaissance en Normandie, publié en 2003, ne cite même pas le nom de Fresney-le-Puceux.

Pourtant nous avons évoqué la qualité de la description et de l'analyse d'Y. Nedellec dans ses

Mélanges699, publiés en 1983. Après lui, Philippe Déterville décrit d'une manière assez complète mais non exempte d'erreurs l'ensemble seigneurial dans ses Châteaux de la plaine de Caen et du

Cinglais, publiés en 1991, et dont l'article se termine par : "Le château de Fresney, classé Monument historique en 1930, eut à souffrir des bombardements qui accompagnèrent le débarquement de 1944. Il a été restauré mais une partie importante reste en ruines"700.

699

Op. cit. 168.

700

DÉTERVILLE, PHILIPPE, Châteaux de la plaine de Caen et du Cinglais, Condé-sur-Noireau, Charles Corlet, 1991, p. 56-58.

3.2

DES PROGRAMMES DE RESTAURATION CONTRASTÉS