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Selon le modèle connexionniste, la mémoire fonctionnerait selon un réseau associatif. Cela est déterminé à partir de plusieurs résultats obtenus en étudiant les performances de participants dans des tâches de rappel. Il a notamment été montré que le fait de catégoriser les éléments à apprendre permettait aux individus d’accroître leur capacité de rétention (Wood, 1969) et que ces derniers vont avoir tendance à catégoriser automatiquement lorsqu’on leur demande de mémoriser une liste d’items désorganisée (Bousfield, 1953). De la même manière lorsque l’on présente à des participants des mots à identifier précédés d’une amorce reliée sémantiquement, on observe un temps de réaction beaucoup plus rapide que pour des mots associés à des amorces n’ayant aucun lien sémantique (Quaireau, 1995). McClelland et Rumelhart (1985) vont d’ailleurs postuler que cet effet d’amorçage serait expliqué au travers de la diffusion d’une activation au sein du réseau associatif. Ainsi, l’activation d’un nœud (point de convergence de plusieurs liaisons) du réseau associatif permettrait de faciliter

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l’activation ultérieure des nœuds qui lui sont reliés. Ce phénomène de diffusion est particulièrement important dans la théorie connexionniste pour laquelle les connaissances seraient organisées sous forme d’une arborescence composée de plusieurs nœuds reliés entre eux. Elle postule également que la représentation finale que l’on se fera d’une connaissance ne dépend pas simplement de la somme des activations des différents nœuds mais bien de l’ensemble des connexions qui s’effectuent entre eux.

Plusieurs modèles d’arborescence ont été développés dans la littérature afin d’expliquer ce mode d’organisation. Le modèle le plus connu est certainement celui de Collins et Quillian (1969). Selon ce modèle (Figure 4), les nœuds qui composent l’arborescence constitueraient des concepts généraux. Ces concepts vont ensuite s’associer les uns aux autres afin de créer une représentation plus précise de l’élément dont l’on cherche à se rappeler.

Figure 4. Exemple d’arborescence proposé par Collins et Quillian (1969) pour expliquer le fonctionnement de la

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Ce modèle fonctionne selon deux principes essentiels : une hiérarchie catégorielle et une économie cognitive. Selon le principe de hiérarchie catégorielle, les concepts composant le réseau sont organisés hiérarchiquement et s’emboitent les unes dans les autres. En d’autres termes, les étages supérieurs de l’arborescence propose des concepts très généraux (exemple : concept d’animal) associés à certaines caractéristiques. Les étages inférieurs en revanche se spécialiseront de plus en plus en séparant cette supra-catégorie en différentes sous-composantes. Le principe d’économie cognitive propose d’économiser l’occurrence des caractéristiques dans l’arborescence. Ainsi, si une caractéristique est propre à plusieurs éléments, celle-ci pourra être retrouvée au sein d’un nœud du réseau présent dans les étages supérieurs de l’arborescence et commun à l’ensemble de ces éléments.

Prenons un exemple largement référencé dans la littérature (Figure 4). Si je souhaite retrouver les caractéristiques du concept de "canari", une activation se diffusera au sein de mon réseau associatif jusqu’à parvenir au nœud permettant de récupérer les caractéristiques spécifiques du canari. La diffusion de l’activation au sein de l’arborescence permettra également d’activer les caractéristiques de l’ensemble des nœuds qu’elle aura traversé. Ainsi, par économie cognitive, des caractéristiques très générales et communes à tous les oiseaux (a des ailes, des plumes…) pourront être retrouvées dans les nœuds des étages supérieurs du réseau et les spécificités du canari (est jaune, chante…) se retrouveront au sein des étages inférieurs. Pour valider cette conception de l’organisation mnésique, Collins et Quillian (1969) ont évalué les temps de réactions des individus en fonction des caractéristiques qui leurs étaient présentées. Le principe était de décider si une phrase était vraie ou non. En concordance avec leur théorie, les auteurs ont montré que les temps de réaction, permettant de décider de la véracité d’une phrase, était en moyenne moins longs lorsque la distance sémantique entre les concepts sont moins importants.

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Une révision de ce modèle a été proposée par Collins et Loftus (1975). En effet, dans l’étude de Collins et Quillian (1969), certains exemples ne supportaient pas la théorie de l’organisation hiérarchique des éléments. Par exemple, le concept de "chien" entraînait des temps de réaction moins longs lorsqu’il était associé au concept "d’animal" en comparaison avec le concept de "mammifère". Pourtant en prenant en compte l’organisation hiérarchique de ces auteurs, le concept "d’animal" est supra-ordonné à celui de "mammifère" et devrait entraîner des temps de réaction plus long. Dans ce nouveau modèle (Collins & Loftus, 1975), le principe hiérarchique est totalement abandonné. Les relations entre les nœuds du réseau sont plus fortement dépendantes de leur distance sémantique, c’est-à-dire du degré de connexion qui va unir deux éléments du réseau. Plus des éléments vont être reliés sémantiquement et moins leur distance sémantique sera grande. Ainsi, lorsqu’un élément du réseau sera activé, il produira une diffusion de l’activation vers des éléments partageant de forts liens sémantiques avec celui-ci. Et plus la distance sémantique augmentera moins l’activation des nœuds sera importante. Ce mode d’activation est totalement différent de celui proposé par Collins et Quillian (1969). Mais il permet d’expliquer certains phénomènes qui restaient jusque-là impossibles à appréhender.

Reprenons l’exemple du "canari" proposé dans le paragraphe précédent (Figure 4). Dans le modèle de Collins et Quillian (1969), l’activation du concept de canari permettra d’en retrouver les caractéristiques et de diffuser une activation facilitant l’accès à des concepts qui lui sont associés dans le réseau hiérarchique (exemple : d’autres types d’oiseaux). Mais ce modèle ne permet pas d’établir de lien entre une caractéristique précise du canari (exemple : sa couleur jaune) et d’autres concepts. Le modèle de Collins et Loftus (1975) permet en revanche d’expliquer ce phénomène au travers de leur notion de distance sémantique. En fonction du contexte certains concepts vont pouvoir être plus ou moins reliés. Par exemple, si le contexte nécessite de retrouver plusieurs éléments de couleur jaune les concepts de "canari"

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et de "citron" auront une très faible distance sémantique et donc une forte probabilité d’association. En revanche, si le contexte nécessite de retrouver des éléments produisant des sons, les concepts de "canari" et de "citron" auront une distance sémantique très élevée et il sera impossible de les associer. Ces deux modèles ne sont en aucun cas en contradiction et peuvent, comme nous venons de le voir, permettre d’expliquer différents phénomènes mnésiques.

Ainsi, l’idée générale de ces deux modèles serait que les nœuds du réseau représentent des caractéristiques particulières qu’il sera possible de récupérer afin d’alimenter le concept que l’on souhaite se représenter. Le concept global de "canari" n’est pas disponible en un endroit précis du réseau, mais pourra être reconstruit au travers de la diffusion de l’activation au sein de celui-ci. Les nœuds représentent donc des caractéristiques pouvant s’associer entre elles et avec celles de nœuds adjacents afin de produire une représentation ayant un sens précis pour l’individu. Ce type d’organisation est, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, très important à prendre en compte dans la compréhension de l’organisation des connaissances expertes. Au travers de ses expériences, l’individu va construire un réseau organisé de connaissances. Ces connaissances sont séparées par des distances sémantiques variables en fonction de la proximité des concepts qui leurs sont associés. Une distance sémantique qui est dépendante des caractéristiques propres à ces concepts mais également du contexte en amenant l’activation.