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En psychologie de l’expertise, le modèle CHREST (Chunk Hierarchy and REtrivial STructures ; Gobet, 1993a) propose que les chunks soient organisés à la manière du réseau hiérarchique de Collins et Quillian (1969). Il s’agit d’une architecture cognitive construite afin

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de reproduire et d’expliquer le fonctionnement de la mémoire des joueurs d’échecs. Comme le concède Gobet, ce modèle représente une synthèse de trois modèles précédents qui s’étaient concentrés sur des aspects différents du fonctionnement cognitif des experts :

 Le modèle MATER (Baylor & Simon, 1966) : qui était capable de prévoir des combinaisons de coups menant à un avantage. Ce programme ne pouvait pas réellement jouer aux échecs, mais il permettait de mettre en place une stratégie de recherche et d’analyse à partir d’une position donnée.

 Le modèle PERCEIVER (Barenfeld & Simon, 1969) : qui reproduisait les mouvements de recherche oculaire mis en places par les experts lors de l’analyse d’une position. Le programme peut ainsi définir quels sont les patterns de pièces à prendre en considération ainsi que les relations qu’elles entretiennent entre elles.

 Le modèle MAPP (Gilmartin & Simon, 1973) : qui avait pour but de reproduire les performances de rappel de position des experts. Pour cela, le programme encodait un grand nombre de chunks et les organisait au sein d’un réseau de discrimination. Dans un second temps, lors de la phase de rappel, le programme était capable d’identifier les chunks sur le plateau en cherchant au sein du réseau de discrimination, puis de stocker l’information jusqu’à la phase de rappel.

L’architecture cognitive proposée par le programme CHREST (Figure 5) va reprendre plusieurs éléments de ces modèles afin de reproduire la performance experte de manière globale. Il est composé d’un espace visuel duquel vont être extraites les informations importantes en utilisant une procédure similaire au programme PERCEIVER ; d’une MCT ayant une capacité de sept informations maximum afin de reproduire le fonctionnement réel de la mémoire humaine ; d’une MLT qui permet de récupérer l’information au travers d’un réseau de discrimination ; et enfin des structures de récupérations qui servent à encoder rapidement l’information et à la récupérer efficacement lorsque l’on en a besoin.

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Figure 5. Fonctionnement du modèle d’architecture cognitive CHREST (d’après Gobet, 1993a).

Dans ce modèle, l’information en MLT est donc organisée selon une arborescence permettant de hiérarchiser l’information et de la retrouver efficacement. Comme dans le cas des modèles de Collins et Quillian (1969) et de Collins et Loftus (1975), l’information présente aux nœuds du réseau ne représente pas directement les concepts (ici il s’agirait de la position et des possibilités d’actions) que l’on souhaite se représenter. Au niveau des nœuds, l’information qui va être récupérée est stockée sous forme de schémas et productions. La notion de schémas représente ici l’ensemble des caractéristiques disponibles en un nœud du réseau de

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discrimination mais également les liens potentiels que ce nœud entretien avec des nœuds adjacents. L’activation d’un schéma inclue donc l’activation d’autres schémas reliés sémantiquement (Rumelhart & Ortony, 1977) et pouvant donner des informations supplémentaires sur l’évolution de la partie. Il a d’ailleurs été montré dans la littérature que les schémas permettraient aux joueurs d’échecs de se projeter dans les coups suivants en se représentant la situation telle qu’elle risque d’évoluer (Ferrari, Didierjean, & Marmèche, 2006). Ce sont les connaissances des experts qui permettraient aux schémas d’être activés et de mieux définir le problème présent sur l’échiquier, parfois même en décomposant les problèmes en plusieurs sous-composantes bien définies (Greeno & Simon, 1988). D’après Gobet (1993a), les schémas incorporés dans CHREST sont des représentations de chunks indépendants. Le programme va alors procéder à une recherche au sein du réseau de discrimination afin de retrouver le chunk possédant le plus d’informations en rapport avec la situation. L’activation du schéma correspondant permettra ainsi de retrouver les caractéristiques de ce chunk et les caractéristiques présentes dans les nœuds du réseau qui lui sont associés. Pour ce qui est des productions, ou systèmes de production, nous en avons déjà parlé dans les chapitres précédents. Il s’agit d’un couple Condition / Action permettant à une procédure de s’activer si et seulement si, l’ensemble des conditions nécessaires à son activation sont correctement validées (Newell & Simon, 1972). Ainsi, dans le cas spécifique du jeu d’échecs, ce sont les caractéristiques spécifiques de la position qui pourront s’activer, si et seulement si certains patterns sont correctement identifiés au sein de l’espace visuel. Un exemple très simple de production échiquéenne est donné par Gobet (2002). Si une colonne est ouverte sur le plateau de jeu et qu’une tour est disponible, alors il faut essayer de venir occuper cette colonne avec la tour. Ici, l’action "déplacer la tour sur la colonne vide" dépend de deux conditions : "la colonne est ouverte" et "une tour est disponible".

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Le modèle CHREST a permis de reproduire avec succès les performances des joueurs d’échecs (e.g., Gobet, 1993a ; Gobet & Simon, 2000a ; Waters & Gobet, 2008). Des variantes du modèle ont également permis d’expliquer et de reproduire les performances au sein d’autres domaines (Gobet et al., 2001). Ce type d’organisation semble donc être corroboré à la fois par les recherches en modélisation et par comparaison avec les données empiriques. Néanmoins, il reste encore à comprendre comment, suite à l’identification d’un chunk spécifique, le joueur sera capable de diffuser une activation au sein de ce réseau de discrimination afin de retrouver les caractéristiques de la position.

PROCESSUS DE RECUPERATION 2.3