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Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la réintroduction des congrès se fit en deux étapes. Tout d'abord, dès 1919, des assemblées à caractère local, voire paroissial, furent organisées à travers toute l'Allemagne. Ce phénomène se distinguait à la fois par son ampleur sans précédent et par sa durée. En effet, on assista à un véritable foisonnement de rassemblements, qui se prolongea au cours des années suivantes. Les 14 et 15 septembre 1920, le Vertretertag de Wurtzbourg fut la première réunion générale depuis la fin des hostilités. Elle tenta de reconstituer une certaine cohésion dans le travail des diverses associations et elle dressa un bilan des congrès locaux qui avaient déjà eu lieu1. Son bon déroulement encouragea les personnalités catholiques présentes à envisager le redémarrage des Katholikentage nationaux vers la fin de l'été 1921. Pour ce faire, elles choisirent dans un second temps de reformer le Comité central, au sommet de l'organisation pyramidale des congrès, et de relancer son action.

1 [Sans auteur], « Die katholische Woche in Würzburg », in BK 258 (14 septembre 1920), p. 1. [Sans auteur], « Die katholische Woche in Würzburg », in BK 260 (16 septembre 1920), p. 1. [Sans auteur], « Die katholische Woche in Würzburg », in BK261 (17 septembre 1920), p. 1. [Sans auteur], « Die katholische Woche in Würzburg », in BK 262/263 (19 septembre 1920), p. 1. [Sans auteur], « Vorgeschichte und Verlauf der 61. Generalversammlung der Katholiken Deutschlands zu Frankfurt am Main, 27. - 30. August 1921 », in [Gustav Raps] (dir.), Die Reden [...] 1921, op. cit., p. 5.

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ATHOLIKENTAGE LOCAUX COMME MOYEN DE STABILISATION SOCIALE

Les personnalités réunies à Berlin, le 3 décembre 1918, durent se rendre à l'évidence : les difficultés de communication et la pauvreté générale rendaient l'organisation d'un Katholikentag à l'échelle du Reich weimarien matériellement impossible à mettre en œuvre2. De plus, l'atmosphère était à l'émeute. Les risques de voir un rassemblement de masse dégénérer en bataille de rue étaient réels3. La guerre totale, en mobilisant l'ensemble des ressources socioéconomiques du pays, avait intensifié la conscience politique des populations qui défilaient dans les rues des villes et occupaient l'espace public. En 1919, le nombre de grèves était sept fois supérieur à celui de 19184. A l'extrême gauche, de nombreux ouvriers s'étaient détournés de l'Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne, USPD)5 dont la stratégie attentiste leur avait semblé inefficace. Ils étaient venus grossir les rangs de la Kommunistische Partei Deutschlands (Parti communiste

2 StAMn, Abteilung V, NL Heinrich Held 750, 61. Generalversammlung der Katholiken Deutschlands in Frankfurt am Main : Alois zu Löwenstein et Gustav Raps, Protokoll der Sitzung des Zentral-Komitees für die Generalversammlungen der Katholiken Deutschlands zu Frankfurt am Main – Hotel „ Excelsior “ am Samstag, 27. August 1921. Alois zu Löwenstein, « 61. Generalversammlung der Katholiken Deutschlands », in AR 35 (27 août 1921), p. 444-445, ici p. 444. Detlev J. K. Peukert, La République de Weimar, op. cit., p. 80-84.

3 G. L. Mosse parlait de « brutalisation » de la société allemande sous le coup de la guerre et de la chute des monarchies régnantes, d'après Louis Dupeux, Histoire culturelle de l'Allemagne, Paris, 1989, p. 13-16. Hans Mommsen, Aufstieg und Untergang der Republik von Weimar 1918-1933, Munich,

22001 (1989), p. 73-118.

4 Francis Ludwig Carsten, Revolution in Central Europe 1918-1919, Londres, 1972, p. 299-322. Heinz Hürten, « Bürgerkriege in der Republik. Die Kämpfe um die innere Ordnung von Weimar 1918-1920 », in Karl Dietrich Bracher, Manfred Funke et Hans-Adolf Jacobsen (éd.), Die Weimarer Republik 1918-1933. Politik – Wirtschaft – Gesellschaft, Bonn, 21988 (1987), p. 81-94. François-Georges Dreyfus, L'Allemagne contemporaine 1815-1990, op. cit., p. 107-108 et p. 110-112. Richard Bessel, « Mobilizing German society for war », in Roger Chickering et Stig Förster (éd.), Great War, total war. Combat and mobilization on the Western front, 1914-1918, Washington D.C./Cambridge, 2000, p. 437-451, ici p. 444-447.

5 L'USPD fut fondée en avril 1917, au congrès de la SPD à Gotha, par un groupe d'adhérents socialistes qui estimaient ne pas être suffisamment écoutés par la direction de la SPD. L'USPD joua un rôle important au début de la République de Weimar, obtenant même 18 % des voix aux élections au Reichstag du 6 juin 1920. En octobre 1920, l'USPD éclata parce que ses dirigeants n'arrivèrent pas à tomber d'accord sur la question de l'adhésion à la IIIe Internationale. Son électorat était à l'origine de culture protestante et résidait dans les zones urbaines. Georges Castellan, L'Allemagne de Weimar 1918-1933, op. cit., p. 95-97. Alfred Wahl, Les forces politiques en Allemagne XIXe-XXe siècle, op. cit., p. 181-187.

d'Allemagne, KPD)6 pour fomenter des insurrections notamment à Berlin, en janvier 1919, en Bavière, au printemps 1919, ainsi qu'en Saxe et à Hambourg, en mars 19237. Pendant les hostilités, la politique du gouvernement en faveur des ouvriers aux dépens des paysans avait aggravé les différends entre les deux groupes. Les campagnes étaient accusées d'affamer les villes et l'armée multipliait les expéditions pour réquisitionner de force les denrées alimentaires8. Ces divisions qui dépassaient les barrières confessionnelles n'avaient pas épargné les catholiques. Si ces derniers n'étaient pas des têtes brûlées voulant à tout prix en découdre avec le gouvernement et si leur degré d'anticléricalisme était trop faible pour craindre une révolte contre la hiérarchie ecclésiastique, des agitateurs pouvaient perturber leurs rassemblements. Les forces de droite n'auraient alors eu de cesse de dénoncer l'Eglise pour sa contribution au chaos général. Or, ce n'était certainement pas l'intérêt ni du Zentrum qui voulait se présenter comme suffisamment responsable pour assumer le pouvoir, ni de l'épiscopat favorable à une participation des catholiques au gouvernement afin de défendre les intérêts de l'Eglise9. Dans ces conditions, pourquoi courir le risque d'organiser des Katholikentage locaux ?

6 Fondée en décembre 1918, la KPD était un parti marxiste, devenu léniniste à partir de 1925 quand Ernst Thälmann en prit la direction. Son électorat était surtout à l'origine de culture protestante et résidait dans les zones urbaines. Georges Castellan, ibid., p. 97-99. Alfred Wahl, ibid., p. 223-239.

7 Gilbert Badia, Histoire de l'Allemagne contemporaine (1917-1962), tome 1, Paris, 1975, p. 199-202. Wolfgang Ruge, Deutschland 1917-1933, Berlin, 1967, p. 145-177. Georges Castellan, L'Allemagne de Weimar, op. cit., p. 95-99. Heinrich August Winkler, Von der Revolution zur Stabilisierung, Berlin/Bonn, 1984, p. 159-190 et p. 365-368. Suzanne Miller, « Die USPD in der Revolution 1918 », in Michael Salewski (éd.), Die Deutschen und die Revolution, Göttingen/Zurich, 1984, p. 341-359. Sigrid Koch-Baumgarten, Aufstand der Avantgarde. Die Märzaktion der KPD 1921, Francfort-sur-le-Main/New York, 1986, p. 141-214. Arthur Rosenberg, Geschichte der Weimarer Republik, Hambourg, 121991 (1935), p. 116-123. Klaus-Michael Mallmann, Kommunisten in der Weimarer Republik. Sozialgeschichte einer revolutionären Bewegung, Darmstadt, 1996, p. 20-54.

8 Ulrich Kluge, Die deutsche Revolution 1918/1919. Staat, Politik und Gesellschaft zwischen Weltkrieg und Kapp-Putsch, Francfort-sur-le-Main, 1985, p. 83-137. Robert G. Moeller, « Dimensions of social conflict in the Great War : the view from the German countryside », in CEH 14/1 (1981), p. 142-168, ici p. 151-168. Id., German peasants and agrarian politics, 1914-1924. The Rhineland and Westphalia, Chapel Hill/Londres, 1986, p. 116-135. Richard Bessel, Germany after the First World War, Oxford, 1993, p. 144, 212-214 et p. 254-255.

L'impulsion donnée par l'épiscopat

En avril 1919, lors de la conférence de la province ecclésiastique du Rhin-Inférieur10, sous la juridiction du cardinal-archevêque de Cologne, le cardinal Felix von Hartmann11 suggéra la mise en place de congrès au niveau paroissial en reprenant la proposition du comte Klemens Droste zu Vischering, président du Comité central, qui avait été le premier à en lancer l'idée en juin 191812. Son projet ayant reçu un accueil favorable, il en informa le comte, au nom de la conférence, dans une lettre datée du 10 avril 191913. Les ecclésiastiques n'étaient pas les seuls à se mobiliser. De leur côté, les principaux responsables protestants avaient décidé, dès la fin février 1919, de tenir un Kirchentag. Pourtant leurs motifs différaient sensiblement.

Depuis leur création, l'objectif prioritaire des Kirchentage avait été la simplification de la carte des Eglises protestantes. A la différence du catholicisme, le protestantisme allemand n'avait rien d'une construction monolithique : les trois Eglises officielles – les Luthériens, les Réformés et les Unionistes – se subdivisaient au niveau des Länder. En septembre 1848, des élites cléricales et laïques s'étaient réunies à Wittenberg afin de constituer un organe représentatif commun. Toutefois, ce premier Kirchentag s'était soldé par un échec. Jusqu'en 1872, les rencontres s'étaient poursuivies sans les Luthériens qui organisaient leurs propres congrès depuis 1852 : les Conférences des Eglises d'Eisenach14. Les pays germaniques s'étaient progressivement unifiés mais l'unification des Eglises

10 Voir la carte 4 : « Organisation de l'Eglise catholique en 1930 », p. 795.

11 Ordonné en 1874, Mgr Felix von Hartmann fut nommé vicaire général à Münster (1905-1911) avant d'être élu évêque par le chapitre de la cathédrale du lieu en 1911. Il devint archevêque de Cologne en 1912 puis cardinal en 1914. Avant la Première Guerre mondiale, il s'était distingué par son soutien aux syndicats ouvriers chrétiens contre les intégralistes et leur chef, le cardinal Georg Kopp, archevêque de Breslau (1893-1914), partisan des syndicats ouvriers catholiques. Mgr Hartmann était monarchiste, opposé à la démocratisation du système électoral prussien et il entretenait des relations difficiles avec le Volksverein qu'il essayait avec plus ou moins de succès de contrôler. Il décéda le 11 novembre 1919, cf. Eduard Hegel, « Hartmann, Felix von (1851-1919) », in Erwin Gatz (dir.), Die Bischöfe der deutschsprachigen Länder 1785/1803 bis 1945, op. cit., p. 286-289.

12 AEMF, NL Kardinal Faulhaber 3502 : circulaire de Klemens Droste zu Vischering aux membres du Comité central, 29 avril 1919. Michael Klöcker, Katholikentage im Erzbistum Köln 1919/20. Analysen und Dokumente mit besonderer Berücksichtigung des Kreises Jülich, Jülich, 2002, p. 30-31.

13 AEMF, NL Kardinal Faulhaber 3502 : lettre de Mgr Felix von Hartmann à Klemens Droste zu Vischering, 10 avril 1919.

protestantes avait pris du retard. En particulier, des Eglises territoriales s'étaient maintenues après le rattachement de leur Land d'origine à la Prusse15. Au début du XXe siècle, les tentatives pour les rassembler avaient finalement abouti à la naissance d'un organisme permanent, le DEKA, en 1903, à Berlin16. A partir de 1908, sa présidence fut confiée au responsable de l'Evangelischer Oberkirchenrat (Conseil supérieur de l'Eglise évangélique, EOK)17 de Prusse ce qui renforça l'autorité du DEKA car l'Altpreußische Union rassemblait à elle seule près de la moitié des fidèles. Au lendemain de la Révolution de novembre 1918, l'heure n'était plus aux tergiversations. Un accord devait être trouvé sous la pression des événements. Dans l'urgence, les responsables protestants, au cours d'une réunion les 27 et 28 février 1919, à Kassel, décidèrent de préparer un Kirchentag afin de fédérer leurs Eglises18. Du 1er au 5 septembre 1919, le premier congrès réunit 341 délégués à Dresde. Ils tombèrent d'accord pour créer le DEKB chargé de représenter les Eglises territoriales face à l'Etat19. Fondé à Stuttgart en 1921 pendant le second Kirchentag et officiellement inauguré en mai 1922 à Wittenberg, le DEKB devint une corporation de droit public en 192420. Ainsi, les Kirchentage permirent aux vingt-huit Eglises protestantes indépendantes de s'organiser au sein du DEKB dont ils étaient devenus un organe consultatif.

15 Régis Ladous, « Religion et culture en Allemagne », in id. et Alain Quagliarini, Religion et culture en France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni au XIXe siècle, Paris, 2001,p. 63-64. Se reporter à la carte 1 : « L'Empire allemand en 1871 », p. 789, et à la carte 5 : « Organisation des Eglises protestantes en 1920 », p. 797.

16 Le DEKA devint en 1921 le comité exécutif du DEKB. Il était constitué de 18 membres élus par le Kirchentag et de 18 membres nommés par le Kirchenbundesrat (Conseil de la Ligue des Eglises), un organisme constitué par les dirigeants des diverses Eglises territoriales. Jonathan J. R. Wright, 'Above parties', op. cit., p. 6.

17 Fondé à Berlin en 1850, l'EOK était théoriquement indépendant de l'Etat et dirigeait l'Altpreußische Union (Union de la vieille Prusse). Ibid.

18 Kurt Nowak, Evangelische Kirche und Weimarer Republik, op. cit., p. 68.

19 Ibid., p. 68-71. Id., Geschichte des Christentums in Deutschland, op. cit., p. 217-218. Gerhard Besier, « Les protestants dans une nation humiliée », in Paul Colonge et Rudolf Lill (dir.), Histoire religieuse de l'Allemagne, op. cit., p. 199-221, ici p. 208-209.

20 Le DEKB rassemblait 99,5 % des protestants : il regroupait 12 Eglises de l'Altpreußische Union avec 25 millions de fidèles, 15 Eglises luthériennes avec 16 millions de croyants et une Eglise réformée avec 300.000 membres. Le DEKB était constitué de trois organisations : le Kirchentag, le DEKA et le Kirchenbundesrat. Jonathan J. R. Wright, 'Above parties', op. cit., p. 20-31. Erwin Iserloh, « Die Kirchen im 1. Weltkrieg und in der Weimarer Republik », in Raymund Kottje et Bernd Moeller (dir.),

Ökumenische Kirchengeschichte, tome 3 : Neuzeit, op. cit., p. 243-246. Kurt Nowak, Geschichte des Christentums in Deutschland, ibid., p. 217-219.

Pour les évêques réunis à la conférence de la province ecclésiastique du Rhin-Inférieur, le défi à relever était tout autre. Visiblement, le cardinal Felix von Hartmann avait à cœur de faire appel aux masses comme pendant le Kulturkampf, une mobilisation qui avait jadis été favorable à la victoire21. « [Le cardinal voulait voir] les catholiques se rassembler étroitement[, ...] de nouveau avoir davantage le sentiment d'être des [croyants] et se présenter publiquement comme tels » afin de démontrer à leurs adversaires qu'ils

étaient une force qui comptait22. Il avait certainement en mémoire les

Lokal-Katholikentage organisés par des paroisses au cours de la décennie qui avait suivi la création des Katholikentage, en 1848. A l'époque, l'Eglise s'était alliée aux gouvernements monarchiques afin de mettre un terme à la vague révolutionnaire. Ces congrès locaux avaient été le moyen idéal pour l'aristocratie et les notables, avec l'aide du clergé qui jouait un rôle central dans leur préparation, de garder les populations sous leur contrôle. Jusqu'à la dernière décennie du XIXe siècle, les Katholikentage nationaux avaient rassemblé les dirigeants des principales associations catholiques ainsi que les notabilités économiques et politiques désireuses d'y assister, comme les propriétaires de maison d'édition et d'organe de presse. Ils n'avaient donc pas été des assemblées de masse en contact direct avec les populations23. Les congrès locaux présentaient l'avantage de pouvoir être agencés plus facilement et de réunir l'ensemble des catholiques d'un lieu donné, indépendamment de leur origine sociale. En contribuant à resserrer les liens entre le peuple et la hiérarchie ecclésiastique, ils s'étaient inscrits dans un processus éminemment moderne de participation des masses à la lutte contre la montée du positivisme et contre la sécularisation progressive de la société allemande24. Ils avaient apporté un soutien non

21 AEMF, NL Kardinal Faulhaber 3502 : circulaire de Klemens Droste zu Vischering aux membres du Comité central, 29 avril 1919.

22 « [Der Kardinal wollte, daß] die Katholiken sich enger aneinanderschlössen und sich wieder mehr als Katholiken fühlten und als solche im öffentlichen Leben aufträten. » AEMF, NL Kardinal Faulhaber 3502 : lettre de Mgr Felix von Hartmann à Klemens Droste zu Vischering, 10 avril 1919, citée par celui-ci dans sa circulaire aux membres du Comité central, 29 avril 1919.

23 Josef Mooser, « Volk, Arbeiter und Bürger in der katholischen Öffentlichkeit des Kaiserreichs. Zur Sozial- und Funktionsgeschichte der deutschen Katholikentage 1871-1913 », in Hans-Jürgen Puhle (éd.), Bürger in der Gesellschaft der Neuzeit, op. cit., p. 261. Heinz Hürten, Spiegel der Kirche – Spiegel der Gesellschaft?, op. cit., p. 64.

négligeable à la mobilisation des catholiques sous la tutelle des élites et du clergé dans un esprit de conciliation avec l'ordre établi25. Au printemps 1919, le sort de l'Eglise n'était pas encore fixé car la Constitution de Weimar était en cours d'élaboration. Grâce aux congrès locaux, les fidèles occupaient visuellement l'espace public au même titre que les autres groupes de pression.

Dans un contexte politique comparable, les catholiques autrichiens eurent d'ailleurs la même réaction. En septembre 1919, le Comité diocésain des associations catholiques de l'archevêché de Vienne proposa aux représentants de tous les diocèses la tenue d'un Katholikentag26. Ceux-ci l'acceptèrent avec joie mais ils ne purent trouver une ville qui remplît toutes les conditions matérielles pour permettre d'accueillir des foules de plusieurs dizaines de milliers de personnes. En désespoir de cause, en décembre 1919, le Comité diocésain des associations catholiques de l'archevêché de Vienne décida de déléguer à chaque diocèse l'organisation de congrès locaux. Lui-même mit en place sous le patronage de l'archevêque de la ville, le cardinal Friedrich Gustav Piffl27, un Katholikentag, à Vienne, les 24 et 25 mars 1920, auquel se rendirent plus de 5.500 Viennois28.

Klemens Droste zu Vischering réagit à la lettre que le cardinal Felix von Hartmann lui avait écrite, le 10 avril 1919, en envoyant une circulaire aux membres du Comité central le 29 avril 1919. Dans cette circulaire, il pria chacun de demander à son évêque l'autorisation d'organiser un Katholikentag à l'échelle de son diocèse et ensuite d'en superviser les préparatifs29. Les membres du Comité central devaient le mettre au courant du déroulement de leurs démarches. Il était prêt à leur venir en aide s'ils en formulaient le souhait. Le comte les invita aussi à encourager la tenue d'autres congrès locaux dans les

25 Rudolf Morsey, « Streiflichter zur Geschichte der deutschen Katholikentage 1848-1932 », in JChrS 26 (1985), op. cit., p. 14-15.

26 Sur les Katholikentage en Autriche avant 1914, voir Adam Wandruszka et Peter Urbantisch (éd.), Die Habsburgermonarchie, 1848-1918, tome 4 : Die Konfessionen, Vienne, 1985, p. 204-210.

27 Ordonné en 1888, Mgr Friedrich Gustav Piffl devint prince-archevêque de Vienne en 1913 et cardinal en 1914, cf. Maximilian Liebmann, « Piffl, Friedrich Gustav (1864-1932) », in Erwin Gatz (dir.), Die Bischöfe der deutschsprachigen Länder 1785/1803 bis 1945, op. cit., p. 562-565.

28 Jakob Fried, [sans titre], in Vorbereitendes Komitee (dir.), Bericht über den Ersten Katholikentag der Erzdiözese Wien am 24. und 25. März 1920, Vienne, 1920, p. 6.

29 AEMF, NL Kardinal Faulhaber 3502 : lettre de Klemens Droste zu Vischering et de Mgr Adolf Donders à Mgr Michael von Faulhaber, [?] mai 1919.

villes de leur diocèse. Il donna des directives précises quant aux sujets que les conférenciers étaient autorisés à aborder. Etant donné que les assemblées avaient pour finalité de rallier l'ensemble des croyants quelle que fût leur sensibilité politique, les prises de position partisanes devaient être soigneusement évitées. Les orateurs avaient pourtant l'obligation de défendre les intérêts de l'Eglise en réclamant explicitement le respect de ses biens et le maintien des écoles confessionnelles, deux thèmes éminemment politiques. Le Comité central était prêt à aider financièrement ces congrès locaux mais la majorité des fonds devait être recueillie par les organisateurs eux-mêmes. Klemens Droste zu Vischering présenta enfin de fermes instructions sur leurs programmes : ils devaient se tenir obligatoirement un dimanche, une messe célébrée dans la matinée était destinée à marquer le début de la rencontre qui se prolongeait dans l'après-midi par l'intervention de deux ou trois conférenciers. Le comte ne se prononça pas sur la mise en place d'un comité, ni sur des commissions qui auraient pu se partager le travail. Ces mesures étaient laissées à la discrétion des organisateurs. Dès avril 1919, le président du Comité central souhaitait donc quadriller l'Allemagne en multipliant les congrès locaux et il n'entendait pas que cela eût lieu de façon anarchique. Ses recommandations témoignaient d'une extrême prudence. Il cherchait à surmonter les divisions politiques en fédérant les populations autour de la défense de l'Eglise. Par ailleurs, il profita de cette missive pour remplacer les membres décédés pendant la guerre : il demanda aux évêques, dont les diocèses n'étaient plus représentés au Comité central, de nommer un laïc ou un clerc de leur choix, qui pût remplir cette fonction. A travers la préparation des Katholikentage locaux, celle des Katholikentage nationaux se mettait ainsi progressivement en place.

Les responsables associatifs et l'épiscopat accueillirent avec prudence les propositions de Klemens Droste zu Vischering même s'ils y étaient a priori favorables. La Caritas fit savoir au comte qu'il serait opportun de repousser l'organisation des Katholikentage locaux à octobre ou à novembre 1919 afin d'attendre une amélioration des moyens de communication et de laisser passer les mois des récoltes. Pendant ceux-ci, les populations des campagnes étaient occupées à travailler dans les champs, une tâche qui

apparaissait particulièrement vitale au printemps 1919, alors que le pays traversait une période de disette. Le père Kuno Joerger30, le secrétaire de l'association charitable, exigea en outre une réunion du Comité central afin que ce dernier fît une liste des sujets à aborder et qu'il guidât les conférenciers sur la manière dont ils devaient les traiter. A ses yeux, les réactions de l'opinion publique étaient trop imprévisibles pour laisser à des personnalités d'envergure locale le soin de décider seules si certains thèmes devaient être évités à cause de leur caractère subversif31. Les répercussions politiques éventuelles des Provinzial-Katholikentage préoccupaient également Mgr Michael von Faulhaber. Le président de la conférence épiscopale de Freising exécuta la requête de Klemens Droste zu Vischering en

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