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ENTRE

CONSERVATISME

ET

RENOUVEAU

depuis leur création. Il écrivit : « Les Katholikentage n'ont pas pu faire l'Histoire. Ils n'ont influencé ni la politique intérieure ni la politique extérieure de Bismarck, non plus que celles de ses successeurs »2. Pour lui, les raisons d'une telle inertie n'étaient pas seulement à rechercher dans la position minoritaire des populations catholiques mais dans la structure même des congrès. Contrairement aux souhaits de leurs organisateurs, on ne leur avait pas demandé d'être plus qu'« un lieu de clarification et de coordination » car « [...] dans les grandes assemblées, on ne pouvait [...] que parler sans pouvoir véritablement agir ni se sacrifier [...] »3. Selon Walter Dirks, après la date de leur création, en 1848, les congrès avaient progressivement perdu leur caractère démocratique au profit de l'autorité cléricale et ils étaient devenus une vitrine où les élites, coupées de leur base, se livraient à des

1 Membre du Quickborn lorsqu'il était lycéen, Walter Dirks fut le secrétaire du père Romano Guardini pendant quelques mois en 1923, après avoir interrompu des études de théologie. De 1924 à 1934, il fut rédacteur en chef du feuilleton de la Rhein-Mainische Volkszeitung publiée par Friedrich Dessauer à Francfort-sur-le-Main. Après la Seconde Guerre mondiale, Walter Dirks défendait ses idées dans les

Frankfurter Hefte qu'il avait fondés avec Eugen Kogon en 1946, cf. Hans-Otto Kleinmann, « Walter Dirks (1901-1991) », in Jürgen Aretz, Rudolf Morsey et Anton Rauscher (dir.), Zeitgeschichte in Lebensbildern, tome 8, Mayence, 1997, p. 265-281.

2 « Die Katholikentage haben keine Geschichte machen können. Sie haben weder Bismarcks noch seiner Nachfolger Staats- und Außenpolitik beeinflussen können. » Walter Dirks, « Hundert Jahre Deutsche Katholikentage », in Heinrich Bauer et Josef Thielmann (éd.), Das katholische Jahrbuch 1948/49, op. cit., p. 15. Id., « Der Mainzer Katholikentag », in FH 3 (1948), p. 395-397, ici p. 395.

3 « Alles was in Mainz gesagt würde, müßte auf diese seine schlichte, aber reale, die Welt wirklich verändernde Tat abgestellt sein, – die christliche Tat aber ist das Opfer, das nüchterne, bittere, heilige Opfer. Da indessen auf großen Versammlungen nur geredet, kaum aber gehandelt und geopfert werden kann, so müßte sich der Katholikentag als solcher relativieren, bescheiden werden, nicht mehr sein wollen als ein Ort der Klärung und Koordinierung, nichts in sich Bestehendes, sondern nur ein Anfang, ein Hinweis, – ein Hinweis auf das Opfer. » Walter Dirks, « Hundert Jahre Deutsche Katholikentage », in Heinrich Bauer et Josef Thielmann (éd.), ibid., p. 17. Id., « Der Mainzer Katholikentag », in FH 3 (1948), ibid., p. 396.

exercices de rhétorique4. Il ajouta cette sentence : « [Les Katholikentage] n'ont pas favorisé la griserie wilhelmienne [il faisait référence au prussianisme responsable pour lui du nazisme] mais ils ne l'ont également pas empêchée »5. Si ce constat d'impuissance, formulé par l'un des anciens rédacteurs en chef de la Rhein-Mainische Volkszeitung – le journal des catholiques de gauche pendant la République de Weimar –, est critiquable car il mésestimait les liens étroits entre les congrès et le Zentrum, il est pourtant fort intéressant6. Ce n'était pas seulement une réaction de dépit de la part d'un homme qui n'avait jamais été invité à prendre la parole aux Katholikentage. Certes, ce sentiment n'était peut-être pas absent quand il déclara péremptoire : « L'Allemagne catholique ne dépend pas des

Katholikentage mais du Sermon sur la Montagne », ce dont personne ne doutait7. En

réalité, Walter Dirks mesurait l'influence des congrès à l'aune de critères différents de ceux de Mgr Pacelli et du cardinal Ferrari. Il appartenait à un courant très critique envers la culture politique véhiculée par les Katholikentage parce qu'elle ne répondait pas à ses exigences républicaines8. De son point de vue, l'action devait être démocratique et le sacrifice individuel, une conception aux antipodes de celles d'un homme comme Mgr Michael von Faulhaber qui rejetait le consensus démocratique et lui préférait une vie publique inspirée par Dieu et soumise à ses lois. En 1911, dans un célèbre discours

4 Walter Dirks, « Hundert Jahre Deutsche Katholikentage », in Heinrich Bauer et Josef Thielmann (éd.), ibid., p. 12.

5 « Sie [Die Katholikentage] haben den wilhelminischen Rausch nicht gefördert, aber sie haben ihn auch nicht verhindert. » Ibid., p. 15. Id., « Der Mainzer Katholikentag », in FH 3 (1948), op. cit., p. 395, article cité par Rudolf Morsey, « Die deutschen Katholiken und der Nationalstaat zwischen Kulturkampf und Erstem Weltkrieg », in HJ 90 (1970), op. cit., p. 61.

6 Antimonarchiste et partisan de la coalition entre le Zentrum et la SPD, Walter Dirks cherchait à concilier le socialisme et le catholicisme. Bruno Lowitsch, Der Kreis um die Rhein-Mainische Volkszeitung, Francfort-sur-le-Main/Wiesbaden, 1980, p. 25-27. Heinz Blankenberg, Politischer Katholizismus in Frankfurt am Main 1918-1933, Mayence, 1981, p. 2. Ulrich Bröckling, Katholische Intellektuelle in der Weimarer Republik, Munich, 1993, p. 93-121. Karl-Egon Lönne, « Les catholiques dans la République de Weimar », in Paul Colonge et Rudolf Lill (dir.), Histoire religieuse de l'Allemagne, op. cit., p. 185 et p. 189.

7 « Das katholische Deutschland hängt nicht von den Katholikentagen, sondern von der Bergpredigt ab. » Walter Dirks, « Hundert Jahre Deutsche Katholikentage », in Heinrich Bauer et Josef Thielmann (éd.), Das katholische Jahrbuch 1948/49, op. cit., p. 18. Id., « Der Mainzer Katholikentag », in FH 3 (1948), op. cit., p. 396.

8 Walter Dirks resta à l'écart des grands courants de réflexion catholique de son époque et, après 1948, ses prises de position le conduisirent à s'opposer vivement à Konrad Adenauer. Jean Solchany,

Comprendre le nazisme dans l'Allemagne des années zéro (1945-1949), Paris, 1997, p. 130-133. Marie-Emmanuelle Reytier, « Die deutschen Katholiken und der Gedanke der europäischen Einigung 1945-1949. Wende oder Kontinuität ? », in JEG 3 (2002), p. 163-184, ici p. 177-178.

prononcé à Mayence, l'ecclésiastique s'était exclamé : « Les Katholikentage sont annuellement les exercices spirituels de l'apostolat des laïcs ! »9. Pour lui, ceux-ci ne devaient pas « prendre la place » du clergé « mais être [...] à [son] côté »10. Il avait expliqué que « [les] chrétiens qui n'[étaient] pas consacrés [étaient] appelés à être davantage que des pierres de construction inertes et inactives dans les mains du prêtre, ils [devaient] se transformer en maçons qui collaborent jusqu'à devenir eux-mêmes des prêtres et des apôtres au sens large du terme »11. « Les clercs et les laïcs doivent s'unir, sans joint, comme les deux branches de la croix, tout comme le chœur et la nef sont consacrés avec le même chrême lors de la construction d'une église » avait-il précisé12. Depuis leur création, les Katholikentage, grâce à leur fonction à la fois sociale, politique et religieuse, incarnaient à ses yeux l'entente réussie entre les laïcs et le clergé, une entente fondée sur la transcendance. L'action symbolisée par les liens serrés de la croix devait être religieuse et le sacrifice, collectif.

Walter Dirks dénonçait les Katholikentage devenus réfractaires aux idées de l'Aufklärung tandis que Mgr Michael von Faulhaber célébrait leur capacité à relier les hommes à leur Créateur, à faire " descendre le ciel sur la terre ", ce qui était pour lui la véritable modernité13. Les Katholikentage fonctionnaient-ils, comme Walter Dirks le laissait entendre, en circuit fermé sans s'adapter aux transformations socioéconomiques et politiques ? Leur organisation et leur cérémonial étaient-ils, comme Mgr Faulhaber l'affirmait, le fruit d'une collaboration mystique entre les laïcs et le clergé ?

9 « Die Katholikentage sind die jährlichen Exerzitientage des Laienapostolates ! » Michael von Faulhaber, « Priester und Volk und unsere Zeit », in Lokalkomitee (dir.), Bericht über die Verhandlungen der 58. Generalversammlung der Katholiken Deutschlands in Mainz vom 6. bis 10. August 1911, Mayence, 1911, p. 226-241, ici p. 230. Heinz Hürten, Spiegel der Kirche – Spiegel der Gesellschaft?, op. cit., p. 112.

10 « Laienapostel nicht an der Stelle, wohl aber dicht an der Seite der Kirchenregenten. » Michael von Faulhaber, « Priester und Volk und unsere Zeit », in Lokalkomitee (dir.), ibid., p. 231.

11 « Die nichtgeweihten Christen sollen mehr sein als gedankenlose und tatenlose Bausteine in der Hand der Priester, sie sollen in helfender Mitarbeit als Bauleute selber Hand anlegen und Priester und Apostel im weiteren Sinne des Wortes werden. » Ibid., p. 230.

12 « Klerus und Laienwelt müssen sich fest zusammenschließen, so fest wie die beiden Balken des Kreuzes, so fugenlos, wie beim Kirchenbau der Priesterchor und das Langhaus mit dem gleichen Chrisam zusammengeweiht werden. » Ibid., p. 231.

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