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L A notion de pré-traitement est relativement vague et peut désigner trois types d’opération.

3.2 Invariance aux variations de l’illumination

3.2.1 Représentations invariantes

La chromaticité d’une observation donnée est une grandeur qualifiant la couleur de cette observation de manière indépendante de sa luminosité. Il existe un grand nombre de mesures permettant de quantifier la chromaticité d’une observation, comme par exemple le couple Teinte / Saturation de l’espace TSV (HSV dans la littérature), le couple♣a,b! de l’espace CIELAB ou encore le couple ♣u,v! de l’espace CIELUV. Il est souvent suffisant de représenter la chroma-

CH. 3 - PRÉ-TRAITEMENT 3.2.1 - Représentations invariantes ticité à l’aide de deux variables indépendantes. Cependant pour une meilleure correspondance vis-à-vis des illustrations affichées en trois couleurs, nous désignerons par un triplet♣r,g,b! (en minuscules) la chromaticité d’une observation ♣R,G,B!, où la troisième coordonnée chroma- tique peut être directement exprimée en fonction des deux premières.

Représentation brute Les trois techniques de mesure de la chromaticité, présentées plus en détail dans les sections 3.2.2à 3.2.4, exploitent des rapports entre les couleurs observées afin

d’ignorer la luminosité de l’observation, dans le but final d’aboutir à une représentation inva- riante aux variations d’illumination. L’élimination de la luminosité est une bonne chose pour garantir l’invariance par rapport aux conditions d’illumination, cependant, cela a pour consé- quence indésirable de générer des faux négatifs. En effet, la luminosité d’une observation n’est pas uniquement liée à l’illumination de la scène. Par exemple, en considérant un objet blanc et un objet gris côte-à-côte et subissant donc la même illumination, les observations issues de l’objet blanc seront toujours plus lumineuses que celles issues de l’objet gris, et ce, quelque soit l’illumination de la scène. En d’autres termes, le fait d’ignorer la luminosité des observations implique la perte d’une partie de l’information liée à la scène, ce qui peut générer des faux négatifs.

La figure3.3 présente les résultats obtenus en appliquant, sur deux images acquises sous des conditions d’illumination différentes, chacune des mesures de chromaticité décrites dans les sections suivantes. Ces résultats montrent que la représentation brute obtenue à l’aide de chacune de ces techniques permet bien d’atténuer les variations d’illumination. Cependant, une bonne partie de l’information liée à la scène a également disparu. Par exemple, dans ces repré- sentations, les bâtiments blancs sont indistinguables des pistes goudronnées situées à proximité. Cette perte d’information peut avoir des conséquences néfastes sur les performances de détec- tion de changements, et peut en particulier générer des faux négatifs.

Représentation normalisée Afin de minimiser l’impact de cette perte d’information, nous avons proposé [18], pour un point physique donné, de transformer à nouveau le résultat de ces méthodes de représentation invariante, en exploitant l’observation moyenne ♣Rre f,Gre f,Bre f! dans les vidéos de référence au point physique considéré. Cette approche peut être justifiée par deux arguments. Premièrement, le fait d’exploiter la moyenne des observations pour un point physique donné est une technique efficace pour atténuer la dépendance aux effets non sta- tionnaires de l’illumination [78]. Deuxièmement, le fait de toujours se ramener à l’observation moyenne sur les vidéos de référence peut être vu comme une manière de comparer les données de référence et les données de test dans des conditions d’illumination normalisées. En pratique, l’expression analytique de la représentation normalisée♣Rnorm,Gnorm,Bnorm! d’une observation ♣R,G,B! dépend de la technique de chromaticité utilisée et sera donc détaillée dans les sections suivantes.

La seconde ligne de la figure3.4montre la représentation normalisée associée à une petite zone de l’image 1 de la figure3.3, pour chacune des techniques étudiées. Il est clair que cette représentation normalisée permet d’augmenter le pouvoir discriminant par rapport à la représen- tation brute, ce qui permet de réduire le nombre de faux négatifs, sans pour autant réintroduire de variabilité due à l’illumination. En revanche, la normalisation des conditions d’illumina- tion a également pour conséquence d’augmenter le nombre de faux positifs. Plus précisément, les trois mesures de chromaticité deviennent instables pour les observations faiblement lumi- neuses, puisqu’elles utilisent des rapports entre les couleurs considérées, qui impliquent alors une division par un terme qui tend vers zéro. Ce problème apparaît plus particulièrement avec les coordonnées chromatiques classiques, comme illustré à la figure3.4 (flèches noires), et se manifeste par des zones de couleur très saturée. Ainsi, de manière générale, la représentation normalisée d’une observation faiblement lumineuse (e.g. issue d’une zone ombragée) peut être instable et donc source de faux positifs.

3.2.1 - Représentations invariantes CH. 3 - PRÉ-TRAITEMENT Brute Norm. Comp. Desat. Coordonnées chromatiques classiques Coordonnées chromatiques logarithmiques Coordonnées chromatiques L1L2L3

FIGURE 3.4 – Cette figure illustre les résultats de la normalisation des conditions d’illumi-

nation, sur une petite zone de l’image 1 présentée à la figure 3.3, et montre que les observa- tions résultantes sont plus facilement exploitables. Les première, seconde, troisième et quatrième lignes montrent respectivement les représentations brutes, normalisées, compensées et désaturées de l’image en fonction des mesures de chromaticité utilisées. Les première, seconde et troisième colonnes montrent respectivement les résultats obtenus avec les coordonnées chromatiques clas- siques, les coordonnées chromatiques logarithmiques et les coordonnées chromatiques L1L2L3. Les différences entre les diverses représentations sont mises en évidences par des flèches noires.

Représentation compensée Pour contourner ce problème, nous proposons de compenser de manière progressive les observations faiblement lumineuses à l’aide de l’observation de réfé- rence moyenne. Plus précisément, en gardant les notations introduites plus haut, la représenta- tion compensée est exprimée comme suit :

Rcomp✏ ♣1 ✁ β# ☎ Rnorm% β ☎ Rre f Gcomp✏ ♣1 ✁ β# ☎ Gnorm% β ☎ Gre f (3.6) Bcomp✏ ♣1 ✁ β# ☎ Bnorm% β ☎ Bre f avec β ✏ ✂ 1✁R% G % B3 ✡5

Il est à noter que cette formulation présente un inconvénient, car elle remplace l’information présente dans l’image de test considérée par l’information issue des vidéos de référence. Ceci peut donc générer des erreurs de détection, par exemple dans le cas où l’image de test contien- drait un changement sombre, tel qu’un bâtiment noir. En effet, la zone correspondante serait alors remplacée par l’observation moyenne dans les vidéos de référence, qui par définition ne contiennent pas le changement. Par conséquent, le bâtiment disparaîtrait de l’observation de test et ne pourrait donc plus être détecté, augmentant ainsi le nombre de faux négatifs.

La troisième ligne de la figure3.4 illustre les résultats obtenus avec la représentation com- pensée et permet de voir les différences avec la représentation normalisée. Dans le cas des coor-

CH. 3 - PRÉ-TRAITEMENT 3.2.1 - Représentations invariantes données chromatiques classiques, le résultat montre que les zones de couleur saturées, sources de faux positifs, sont correctement éliminées.

Représentation désaturée Une alternative à la représentation compensée, permettant éga- lement de contourner le problème des faux positifs générés par la représentation normalisée, consiste à compenser de manière progressive les observations faiblement lumineuses à l’aide de la luminosité de l’observation de test. Plus précisément, en gardant les notations introduites plus haut, la représentation désaturée est exprimée comme suit :

Rdesat✏ ♣1 ✁ β# ☎ Rnorm% β ☎R% G % B 3 Gdesat✏ ♣1 ✁ β# ☎ Gnorm% β ☎R% G % B 3 (3.7) Bdesat✏ ♣1 ✁ β# ☎ Bnorm% β ☎R% G % B 3 avec β ✏ ✂ 1✁R% G % B 3 ✡5

Cette représentation permet bien de conserver l’information présente dans l’image de test considérée. En revanche, pour des raisons différentes de la représentation compensée, cette for- mulation est également problématique. En effet, elle réintroduit la variabilité due à l’illumina- tion dans le résultat final. Prenons l’exemple d’un bâtiment dont l’ombre portée aurait changé de direction. Le fait d’utiliser la luminosité R G B3 dans la formulation de la représentation désaturée a pour conséquence que l’ombre sera toujours présente dans le résultat final. Cette ombre sera donc détectée comme changement, augmentant ainsi le nombre de faux positifs. Ceci montre ainsi que le choix entre la représentation compensée et la représentation désaturée dépendra là encore du compromis souhaité entre faux positifs et faux négatifs.

La quatrième ligne de la figure3.4illustre les résultats obtenus avec la représentation désa- turée et permet de voir les différences avec la représentation normalisée. Ces résultats montrent que, comme dans le cas de la représentation compensée, les zones de couleur saturées sont cor- rectement éliminées sans influer sur les autres parties de l’image. Cependant, les ombres sont plus sombres et plus marquées que dans le cas de la représentation compensée.

Pour une image donnée, chacune des méthodes présentées ci-dessus traite les pixels de ma- nière indépendante les uns des autres. Par conséquent, la complexité algorithmique de ces mé- thodes est en O♣NimagesNpixels!, où Nimageset le nombre d’images à traiter et Npixelsle nombre de

pixels par image. Les performances en détection de changements de ces différentes représenta- tions, en fonction de la technique de chromaticité utilisée, seront analysées au chapitre6.

3.2.2

Invariance via les coordonnées chromatiques classiques

Dans le cas où les observations considérées sont représentées dans l’espace RGB, la chroma- ticité d’une observation peut être obtenue très simplement grâce aux coordonnées chromatiques classiques. Ces coordonnées chromatiques classiques, utilisées notamment par Elgammal et al. [38], possèdent des propriétés d’invariance intéressantes vis-à-vis de l’illumination. En effet, Gevers et Smeulders [47] montrent que, sous l’hypothèse que la scène observée est éclairée par une source lumineuse blanche et que les objets suivent une loi de diffusion Lambertienne, ces coordonnées chromatiques sont invariantes par changement de point de vue, par changement de la direction de l’illumination et par changement de l’intensité de l’illumination. Ces grandeurs restent intéressantes même lorsque les hypothèses mentionnées ne sont pas rigoureusement vé- rifiées, mais cela peut alors générer des faux positifs dans certains cas. En particulier, lorsque la source lumineuse n’est pas blanche, des variations de couleur peuvent apparaître localement, par exemple dans les zones sur-éclairés ou ombragées, générant ainsi des faux positifs.

3.2.2 - Chromaticité classique CH. 3 - PRÉ-TRAITEMENT Pour une observation♣R,G,B! donnée, les coordonnées chromatiques classiques sont obte- nues de la façon suivante :

♣r,g,b! ✏ ✂ R R# G # B, G R# G # B, B R# G # B ✡ (3.8) Notons que la troisième coordonnée est redondante par rapport aux deux autres, puisque b✏ 1 ✁ r ✁ g, et est donc fréquemment ignorée. La seconde colonne de la figure 3.3 montre le résultat de la représentation brute de deux images à l’aide des coordonnées chromatiques classiques.

Afin de minimiser la perte d’information liée au fait que les coordonnées chromatiques ♣r,g,b! ignorent la luminosité de la scène, nous utilisons l’observation moyenne sur les vidéos de référence♣Rre f,Gre f,Bre f! pour reconvertir les coordonnées chromatiques vers l’espace de couleur RGB classique. La représentation normalisée est exprimée de la manière suivante :

Rnorm✏ r ☎ ♣Rre f# Gre f# Bre f! ✏ R R# G # B☎ ♣Rre f# Gre f# Bre f! Gnorm✏ g ☎ ♣Rre f# Gre f# Bre f! ✏ G R# G # B☎ ♣Rre f# Gre f# Bre f! (3.9) Bnorm✏ b ☎ ♣Rre f# Gre f# Bre f! ✏ B R# G # B☎ ♣Rre f# Gre f# Bre f!