Chapitre 2. Coûts, prix et marchés de l’automobile électrique : Calcul du coût
2. Représentations des modèles d’affaires alternatifs et commentaires
2.1. Représentations des coûts de revient alternatifs.
Afin de donner un aperçu global du coût de revient et du seuil de rentabilité de l’AE par
rapport au véhicule thermique sur l’ensemble de son cycle de vie, nous avons choisi de
structurer notre analyse autour de trois distances, respectivement de 30.000, 105.000 et
150.000 kilomètres, qui sont autant d’étapes significatives de la vie d’une AE (Tableau 14 :
Coût kilométrique total amorti sur 30.000 kilomètres ; Tableau 15 : Coût kilométrique total
amorti sur 105.000 kilomètres ; Tableau 16 : Coût kilométrique total amorti sur 150.000
kilomètres). Pour le calcul du coût kilométrique, rappelons que nous avons optimisé le choix
des forfaits disponibles pour l’utilisateur, en glissant parfois d’une formule d’abonnement à
une autre, tout en tenant compte des engagements contractuels en termes de périodes et de
kilométrages parcourus. Afin de faciliter la lecture et la compréhension des tableaux suivants,
nous faisons apparaître les équations chiffrées en annexes (Annexes 10, p.572 ; 11, p.573 ;
12, p.573).
CkRDkm(VE)
=
(1)+
(2)+
(4)=
Ckhee+
Cke+
CE=
[(PAdfc+
FlB+
FaI)/
Dkm+
Dkm*Skm]+
RP*[(AVE*CsB)*CMe]+
Cat*[(Cmin*CEkVT)*(CmaxDkm)] (5)CkRDkm(VD)
=
(1)+
(3)+
(4)=
Ckhee+
Ckg+
CE=
[(PAdfc+
FlB+
FaI)/
Dkm+
Dkm*Skm]Tableau 14 : Coût de revient kilométrique amorti sur 30.000 kilomètres :
Tableau 15 : Coût de revient kilométrique amorti sur 105.000 kilomètres : Taux de conversion au 06/11/2012 : 1 Shekel = 0,20047€ Notes VE sans opérateur VE Renault Notes VESO VER VEBP VD Prix d’achat PA Prix d’achat déduction
fiscale comprise PAdfc
Forfait location batterie FlB FaI Coût kilométrique
hors énergie/entretien Ckhee
Coût kilo. en électricité Forfait d’accès infra.
Cke
Coût kilométrique gasoil Coût d’entretien
Ckg
CE Coût de revient amorti
sur 105.000km CkR105K 40.300 € 33.300 € 26.900 € 19.900 € 128€/mois 24.820 € 24.820 € 24.640 € 31.640 € 325€/mois 31,71cts/km 25,04cts/km 33,78cts/km 1,36cts/km 23,64cts/km 0,34cts/km 6,05cts/km 14,35cts/km 6,85cts/km 5,14cts/km 39,92cts/km 33,25cts/km 39,26cts/km 44,49cts/km VE Better Place Diesel (Renault Fluence) Taux de conversion au 06/11/2012 : 1 Shekel = 0,20047€ Notes VE sans opérateur VE Renault VE Better Place Diesel (Renault Fluence) Notes VESO VER VEBP VD Prix d’achat PA Prix d’achat déduction
fiscale comprise PAdfc
Forfait location batterie FlB FaI Coût kilométrique
hors énergie/entretien Ckhee
Coût kilo. en électricité Forfait d’accès infra.
Cke
Coût kilométrique gasoil Coût d’entretien
Ckg
CE Coût de revient amorti
sur 30.000km CkR30K 40.300 € 33.300 € 26.900 € 19.900 € 106€/mois 24.820 € 24.820 € 24.640 € 31.640 € 325€/mois 111cts/km 74,81cts/km 95,13cts/km 1,36cts/km 82,73cts/km 0,34cts/km 6,05cts/km 10,12cts/km 6,07cts/km 4,55cts/km 118,43cts/km 82,24cts/km 100,02cts/km 98,90cts/km
Tableau 16 : Coût de revient kilométrique amorti sur 150.000 kilomètres :
En procédant à des calculs similaires pour des kilométrages compris entre 30.000 kilomètres
et 210.000 kilomètres, il nous est possible de tracer les courbes de coûts de revient de chacune
des modalités alternatives d’achat d’une AE28, de même que leurs seuils de rentabilité à
l’égard d’un véhicule à motorisation diesel équivalent (Figure 7 : Seuil de rentabilité de l’AE
par rapport au véhicule diesel). Le tableau de valeurs correspondant est porté en annexe
(Annexe 13 : Tableau d’amortissement du coût de revient kilométrique relatif de l’AE,
p.574).
28 Pour le cas de Better Place, nous avons virtuellement prolongé le lien commercial entre l’opérateur et
l’utilisateur au-delà du kilométrage contractuel afin de procéder aux calculs sur des distances longues. Taux de conversion au 06/11/2012 : 1 Shekel = 0,20047€ Notes VE sans opérateur VE Renault Notes VESO VER VEBP VD Prix d’achat PA Prix d’achat déduction
fiscale comprise PAdfc
Forfait location batterie FlB FaI Coût kilométrique
hors énergie/entretien Ckhee
Coût kilo. en électricité Forfait d’accès infra.
Cke
Coût kilométrique gasoil Coût d’entretien
Ckg
CE Coût de revient amorti
sur 150.000km CkR150K 40.300 € 33.300 € 26.900 € 19.900 € 128€/mois 24.820 € 24.820 € 24.640 € 31.640 € 325€/mois 22,20cts/km 19,41cts/km 27,55cts/km 1,36cts/km 16,55cts/km 0,34cts/km 6,05cts/km 17,70cts/km 7,38cts/km 5,53cts/km 30,94cts/km 28,15cts/km 33,42cts/km 40,30cts/km VE Better Place Diesel (Renault Fluence)
Figure 7 : Seuil de rentabilité de l’AE par rapport au véhicule diesel :
2.2. Commentaires généraux sur le modèle de base.
À partir de l’analyse précédente, qui cherche à distinguer les coûts de revient de l’AE en
fonction de ses modes alternatifs de commercialisation, nous égrainons constats et tendances.
La lecture des tableaux de coûts kilométriques totaux illustre et confirme que l’AE et le
véhicule thermique à motorisation diesel sont sujets à des structures de coûts dissemblables.
L’AE est onéreuse à l’achat et moins coûteuse à l’usage, tandis que le véhicule thermique est
relativement moins onéreux à l’achat, mais est sujet à un coût d’usage élevé. Concrètement, le
prix d’achat d’une AE sans opérateur pèse respectivement 93,7% et 71,7% de son coût de
revient lorsqu’il est amorti sur 30.000 et 150.000 kilomètres, contre 83,6% et 41,1% pour le
véhicule thermique. A contrario, les coûts de l’énergie – en électricité ou gasoil – et
d’entretien pèsent respectivement 4,4% et 23,9% des coûts de revient de l’AE lorsqu’ils sont
Notons également que si les courbes de coûts de revient (Figure 6, p.78) ont une allure
similaire, toutes configurations confondues, il s’agit d’un phénomène mathématique. Le
raisonnement par un coût kilométrique entraîne une homogénéisation artificielle des coûts en
les ramenant à une même unité de distance. Dans le détail néanmoins, la courbe du coût de
revient « AE sans opérateur » apparaît plus « pentue », en ce sens que son coût kilométrique,
élevé en début de période, diminue fortement par la suite. Les cambrures des courbes « avec
opérateurs », lesquels proposent une « fonction de mobilité » consistant à offrir une prestation
forfaitaire de mobilité, sont plus ténues. Ceci met en évidence une volonté de lisser les coûts
de détention et d’usage de l’AE dans le temps par les opérateurs de mobilité.
Pour appréhender l’effet de lissage, outre la représentation graphique (Figure 8 : Différentiel
de coût de revient de l’AE par rapport au véhicule thermique ; Annexe 14 : Tableau de
données du coût de revient relatif de l’AE par rapport au diesel, p.574), nous calculons le
différentiel de coûts de revient en fonction des distances parcourues. La différence entre le
coût de revient d’une AE sans opérateur amorti sur 30.000 kilomètres et son coût de revient
amorti sur 210.000 kilomètres est ainsi de -78,6%, contre -70% dans les cas d’une AE vendu
par Renault ou par Better Place. Le différentiel est de -58,3% pour le véhicule diesel.
Le corollaire de ce phénomène de lissage est le fait que le modèle d’affaires commun aux
opérateurs de mobilité électrique ne repose pas sur le subventionnement d’une partie du coût
élevé de l’AE, mais vise à capitaliser sur la modicité de son coût d’usage au regard de celui du
véhicule thermique, en recourant – en quelque sorte – à une avance de trésorerie. En cela, ces
modèles d’affaires s’articulent à une redéfinition complète de ce qui relève du coût d’achat et
du coût d’usage des véhicules. Pour les opérateurs de mobilité électrique, l’enjeu est la
« variabilisation » de coûts – a priori – fixes, de sorte que l’équivalent du carburant pour le
véhicule thermique ne se résume pas à l’électricité pour l’AE, mais s’étend à un ensemble
formé de la recharge en électricité et de la location de batterie. Le coût d’usage de l’AE
dépend donc – tout à la fois – du coût de l’électricité et du coût d’entretien, mais également du
coût de la batterie, de son nombre de cycles de recharge, voire de sa valeur résiduelle.
2.3. Eléments de précision sur le modèle de base.
Préalablement à tout exercice de comparaison approfondie entre les multiples modalités de
vente des AE apparaissant dans notre analyse, il faut préciser qu’elles contrastent fortement
entre elles. D’une part, la batterie est louée par les opérateurs de mobilité et non fournie au
format « crédit-bail » (ou leasing) usuel, de sorte qu’elle ne revient jamais au propriétaire de
l’AE. Cette physionomie peut minorer la valeur résiduelle de l’AE et, en creux, dégrader le
coût de revient et le seuil de rentabilité de ces offres vis-à-vis de l’AE « sans opérateur » et du
véhicule thermique. D’autre part, les services fournis par les opérateurs de mobilité électrique
diffèrent. Si Renault se contente de facturer la location de la batterie d’accumulateurs, laissant
à l’utilisateur la charge financière de l’alimentation en électricité de son véhicule, les forfaits
de Better Place donnent accès à un réseau d’infrastructure de recharge plus performant en
Un examen du coût de revient kilométrique de l’AE montre que son seuil de rentabilité par
rapport à une motorisation diesel équivalente s’établit à 80.000 kilomètres (Figure 7, p.100),
ce qui, ramené à la distance moyenne annuelle parcourue en voiture en France de 12.500
kilomètres, représente six années et trois mois. Ce chiffre, élevé dans l’absolu, doit être croisé
avec la durée moyenne de détention des automobiles en France, s’établissant à cinq années
(INSEE, 2012). Bien sûr, ce raisonnement en moyenne peut apparaître commode et naïf, en
particulier dans la mesure où les usages de l’automobilité sont particulièrement hétérogènes
(Massot, 2010 ; Collet, 2008), mais le corollaire d’une telle lecture est que dans un cadre
usuel, l’AE constitue une solution de mobilité rentable par rapport à une voiture thermique.
En termes de comparaison des coûts de revient kilométriques de l’ensemble des cas analysés,
nous distinguons trois périodes distinctes. La première couvre une distance de 0 à 60.000
kilomètres, pendant laquelle les niveaux de coût de revient sont très distribués, puisque la
différence de coût entre la solution la moins onéreuse (« VE Renault ») et la plus onéreuse
(« VE sans opérateur ») oscille entre +44% et +33,8%. Durant la deuxième période, située
entre 60.000 et 100.000 kilomètres, la différence des coûts de revient se fait plus ténue, à
l’exception du cas de Renault, résolument moins onéreux. La troisième période excède
100.000 kilomètres et laisse entrevoir une convergence des coûts entre les trois modalités de
commercialisation de l’AE, mais une divergence avec les coûts de revient de la motorisation
thermique. La courbe du coût de revient de ce dernier est, en effet, asymptotique.
Bien qu’il étaye une analyse vraisemblablement fiable des coûts de revient kilométriques de
l’AE, le modèle de base mobilisé jusque-là s’avère largement imparfait et perfectible. D’une
part, il nous faut revoir certaines hypothèses de base, afin d’éviter tout anachronisme et de se
de prendre en compte l’évolution des prix de l’essence et de l’électricité. D’autre part, il nous
faut avoir une appréhension plus large et exhaustive des facteurs conditionnant pour les coûts
de revient de l’AE et souligner, par-là, le nouveau paradigme dans lequel se place ce dernier.
Notamment, nous devons intégrer un marché de l’occasion pour les batteries d’accumulateurs.
Aussi, en vue de dépasser le carcan d’un contexte par trop superficiel, nous entendons
désormais brasser de nouveaux éléments, qui n’ont pas seulement vocation à affiner nos
résultats, mais également à mieux évaluer le poids de chaque variable sur le coût de revient
kilométrique de l’AE et d’en mesurer la sensibilité à l’égard de leurs évolutions respectives.