Chapitre 1. Analyse technico-économique du cœur technologique de
1. Le régime technologique des batteries d’accumulateurs
D’un point de vue technique, la batterie d’accumulateurs constitue le principal élément
névralgique d’une AE par la complexité de son fonctionnement et par le défi de l’amélioration
de ses performances. D’un point de vue économique, elle est également incontournable par la
place qu’elle occupe dans la chaîne de la valeur de l’AE. A la confluence de ces deux
observations, les réflexions de nombreux commentateurs, acteurs de la filière automobile
(Hochfeld, 2010)8 ou consultants (BCG, 2010 ; Roland Berger, 2011), soulignent que la
batterie d’accumulateurs agrège les principaux verrous techniques et économiques affectant
les performances et la rentabilité de l’AE. Pour sonder cette assertion, nous abordons
l’analyse technico-économique des batteries d’accumulateurs en quatre temps. Une fois leur
mode de fonctionnement détaillé, nous passerons les technologies de batteries avancées au
crible des conditions d’opportunité, de cumulativité et d’appropriabilité technologique. Par la
suite, nous analyserons les fondements et la dynamique de la demande et de l’offre pour les
batteries avancées. Ces jalons fourniront le matériau nécessaire pour réduire le spectre de
notre analyse à la compréhension de la dynamique et des enjeux liés à la baisse du coût des
batteries fondées sur la technologie au Lithium-ion.
8 « Battery will be core of electric vehicles and main part of the value chain ; improvement of competences for
1.1. Fonctionnement des technologies de batteries d’accumulateurs avancées.
Communément, une batterie (ou accumulateur électrochimique) est un système qui convertit
de l’énergie chimique en énergie électrique. Son objet est de stocker l’énergie électrique et à
la restituer ultérieurement dans une unité de mesure exprimée en wattheure (Wh) ou en
kilowattheure (kWh). Ce fonctionnement repose sur des réactions électrochimiques entre deux
électrodes, l’anode et la cathode (Aboulaich, 2007). La propriété de certains couples
d’électrodes, qualifiés de couples électrochimiques, réside dans leur capacité à modifier leur
structure moléculaire de manière réversible. Cette propriété permet à la batterie
d’accumulateurs d’accéder à son caractère rechargeable. Techniquement, les réactions –
d’oxydoréduction – chimiques sont activées au sein d’une cellule élémentaire, elle-même
située dans un électrolyte solide ou liquide (Ibid.). L’assemblage de cellules élémentaires,
regroupées dans des packs, façonne la batterie d’accumulateurs. On distingue plusieurs
technologies d’ores et déjà « sur étagères » éligibles à la propulsion électrique (Minefi, 2006).
Nous les présentons succinctement et sous une entrée technique en Annexe 1 (Technologies
de batteries actuelles éligibles à la propulsion électrique, p.565).
Les condensateurs constituent un principe alternatif de stockage des charges électriques,
inventés par le physicien Von Kleist en 1745. Capables de fournir ou d’emmagasiner de
l’électricité de manière quasi instantanée, les condensateurs sont insensibles au phénomène
d’usure lié aux réactions chimiques propres aux batteries. Ils bénéficient néanmoins d’une
densité énergétique massique modeste, y compris dans leurs versions sophistiquées, les
supercondensateurs (Westbrook, 2001). Face à cette limite, ces derniers sont destinés à se
cantonner à des niches de marché où le poids de volumineux packs n’est pas un frein à leur
que ce soit surtout en complément des batteries que leur avenir se dessine. Probablement
s’agira-t-il des accumulateurs au lithium, les plus prometteuses pour la propulsion électrique.
Leur supériorité, qui s’est construite par le biais de recherches menées par des consortiums de
dimension internationale au long des années 1990 (Larrue, 2002, 2004), se fonde sur maints
aspects techniques, dont nous analyserons les répercussions économiques ultérieurement.
Techniquement, la réaction d’oxydoréduction des batteries au lithium s’opère à travers un
transfert d’ions (ou de phosphate de fer) entre l’anode et la cathode (Annexe 2 : Schéma
représentatif du fonctionnement d’une batterie Lithium-Ion, p.567). Plus précisément, le
lithium relâché par l’électrode négative (anode) sous forme ionique (ou phosphatée) vient
s’intercaler dans le réseau cristallin du matériau actif de l’électrode positive (cathode).
Réciproquement, cette quantité de lithium est exactement compensée par le passage d’un
électron dans le circuit externe, générant ainsi un courant électrique (CIRENE, 2000). La
densité énergétique libérée par ces réactions d’oxydoréduction est à la fois proportionnelle à
la différence de potentiel entre les deux électrodes et à la quantité de lithium qui se sera
intercalée dans l’électrolyte. Or, dans la mesure où le lithium est en même temps le plus léger
et le plus réducteur des métaux, les batteries d’accumulateurs comportant du lithium jouissent
de densités massique et volumique très supérieures à celles des batteries Plomb-Acide
usuelles (Ibid.). A cette densité énergétique importante, les batteries au lithium ajoutent le fait
d’être dépourvues d'effet mémoire et de ne nécessiter aucun entretien particulier.
Trois types d’accumulateurs actuellement industrialisés s’appuient sur la technologie lithium,
et chacun se singularise par des propriétés spécifiques en termes de performances, de stabilité
thermique ou encore de coût de revient (Aboulaich, 2007). En premier lieu, on distingue les
lithium métallique, la filière technologique est appelée Lithium-Métal. Lorsque celle-ci
mobilise une électrode négative à base de carbone ou de graphite, la filière technologique
relève du Lithium-Ion. Chacune d’elles peut s’associer à un électrolyte liquide ou bien solide
(gélifié), lequel leur donne le qualificatif de technologie polymère (respectivement LMP pour
Lithium-Métal-Polymère et Li-Po pour Lithium-Ion-Polymère). Dans cette physionomie, elles
sont, en outre, particulièrement permissives en terme d’architecture, car rendues malléables
par des éléments fins, plats et de toutes formes. Un troisième type d’accumulateur associe
lithium et phosphate de fer (Li-FePO4). Pêchant par une densité énergétique minorée, mais
très sûre, affichant une durée de vie élevée et des coûts de production sensiblement inférieurs
aux technologies lithium alternatives, cette batterie fait l’objet de recherches poussées par le
CEA (Commissariat à l'Energie atomique et aux énergies Alternatives) en France.
Il est d’usage de distinguer les performances d’une batterie d’accumulateurs à l’aune de trois
critères. Au premier chef, la densité de puissance massique est exprimée en Watt par
kilogramme (W/kg) et correspond à la puissance instantanée que la batterie peut fournir et
absorber, ce qui détermine la durée de sa recharge. La densité d’énergie massique (ou
volumique) est exprimée en Wattheure par kilogramme (Wh/kg, resp. Wh/L) et représente la
quantité d’énergie stockée par unité de masse d’accumulateur. Il s’agit d’un rapport entre
volume et énergie dégagée, duquel découle l’autonomie de l’AE. Enfin, la « cyclabilité » des
accumulateurs a trait à leur durée de vie, c'est-à-dire le nombre de cycles de charge et
décharge à la suite desquels la batterie peut continuer à restituer un niveau d’énergie
sensiblement égal après chaque nouvelle recharge. Ces trois critères, auxquels on peut ajouter,
d’amont en aval de la filière, des facteurs liés à la faisabilité, à la sécurité via la résistance à la
distinguer les technologies de batteries entre elles (Tableau 2 : Tableau comparatif des
technologies d’accumulateurs – actualisé 2012).
Tableau 2 : Tableau comparatif des technologies d’accumulateurs – actualisé 2012 :
Sources : AVERE (2012) ; Barchasz (2011) ; Postel-Vinay (2009) ; Schwartz et Gindroz (2005)
Fruits des espoirs placés en eux et, conséquemment, des lourds investissements consentis par
les industriels, d’importants progrès sont attendus au niveau des performances des batteries.
Néanmoins, si la densité énergétique des batteries au Lithium-Ion a plus que doublé depuis
son introduction sur le marché en 1991, certains travaux d’économistes conduisent à nuancer
ces attentes. Larrue (2004) souligne la spécificité du régime technologique des accumulateurs
au lithium, technologie qualifiée de « revêche », tandis que Fréry (2000) pointe la régulière
candeur des chimistes et économistes quant au rythme d’amélioration des performances des
batteries avancées pour dégager le principe d’une « technologie éternellement émergente ».
1.2.Degrésd’opportunitéetdecumulativitédesbatteriespourl’électromobilité.
Revenant sur les composantes du régime technologique, Larrue (2004) propose de caractériser
le régime technologique des batteries avancées (Tableau 3 : Le régime technologique des
batteries avancées) et met en évidence l’existence d’un faible taux d'opportunité, d’une forte
Critères Puissance massique (W/kg) Densité massique (Wh/kg) Densité volumique (Wh/L) Nombre de cycles Autodécharge mensuelle
Performances ramenées à une batterie d’accumulateurs d’une puissance de 22 kW Poids approximatif (kg)
Pb Ni-Cd Ni-MH ZEBRA Li-Ion Li-Po LMP LiFePO4
40 100 700 800 5% 550 370 275 183 138 110 123 110 N.C. 900 200 1500 250 320 800 60 80 120 180 200 160 200 120 270 2000 >20% 1200 >30% 180 1500 100% 270 1500 10% 10% 5% 5% 2500 2500 4000 300 140 220
appropriabilité, d’une faible cumulativité entre différentes générations de batteries, ainsi que
le faible soutien de connaissances scientifiques peu solides et maîtrisées.
Tableau 3 : Le régime technologique des batteries avancées :
Source : Larrue (2002), p.35
La forte appropriabilité des batteries avancées provient de ce que « le développement d'une
batterie est une activité d'ingénierie complexe, avançant par essais et erreurs, affinant
progressivement le design des cellules, parfois au moyen de combinaisons très complexes de
matériaux pouvant rester inconnues des autres producteurs » (Larrue, 2002, p.35). La faible
cumulativité des batteries avancées est liée au degré élevé d’indépendance technologique
entre les générations et entre les technologies. La base de connaissances apparaît complexe et
spécifique, en particulier à l’égard des recherches en chimie du solide, en métallurgie et en
science des matériaux, que toutes les technologies de batteries nécessitent en première maille,
et aux connaissances deux à deux spécifiques qu’elles mobilisent, telles que la chimie des
carbones, la thermodynamique des liquides, la science des polymères et autre chimie des
liens. Enfin, le faible degré d'opportunité des batteries repose, avant tout, sur le nombre fini et
relativement limité de couples électrochimiques éligibles à l’électromobilité.
A l’aune de ces constats, tout porte à croire que les technologies de batteries avancées
resteront, à terme, très éloignées des 10.000 Wh/kg offerts par les carburants liquides.
Conditions Déterminants principaux des caractéristiques
Cumulativité Faible Faible Appropriabilité Forte Base de connaissances Complexe et spécifique Caractéristique
Spécificités des technologies et générations de batteries, reposant sur des couples électrochimiques différents
Opportunités Petit nombre pratiquement possible de couples électrochimiques Activité d’ingénierie spécifique progressant par essais et erreurs Disciplines scientifiques sous-jacentes multiples, associées à
Pourtant, les batteries au lithium recèlent des qualités fondamentales leur assurant des marges
de progrès importantes et façonnant un degré d’opportunité assez favorable. Précisément, les
efforts des industriels portent sur cinq domaines dans lesquels les batteries avancées peuvent
et doivent s’améliorer, la densité énergétique, le temps de charge, la longévité, la sûreté et le
coût des batteries d’accumulateurs (Fontez et Grumberg, 2010).
(a) La densité énergétique conditionne l’autonomie de l’AE et dépend de la capacité des
électrodes à contenir le maximum de lithium ionique ou phosphaté par unité de masse. Sur la
cathode, les recherches se polarisent sur le nickel et l’air ambiant (Li-Air), aux rendements
très élevés, mais butant sur un faible pouvoir de décharge. La batterie Li-Air est ainsi
commercialisée dans un format non rechargeable pour les appareils auditifs notamment. Une
autre voie vise à remplacer le graphite de l’anode par du silicium, plus performant en termes
de stockage. Toutefois, ce dernier se dégrade après peu de cycles de charge. Une solution est
de substituer le matériau massif par des nanofils, mais leur maîtrise industrielle reste lointaine.
(b) Le temps de charge des packs de batterie pour AE est, quant à lui, actuellement compris
entre 5 et 10 heures, suivant la technologie de batterie et l’ampérage de la prise de recharge.
Si une intensité de 200 ampères, soit l’intensité généralement accordée à une installation
industrielle, est susceptible de recharger une AE en une heure dans l’absolu, la faible
longévité de la batterie dans ces conditions et l’infime éventualité d’une modernisation des
systèmes électriques domestiques invitent à investiguer d’autres champs. L’avenir est au
compromis ou bien à l’adoption d’anodes composées de matériaux plus performants.
(c) La durée de vie de la batterie est liée à l’afflux de matière qui, à chaque cycle de charge-
sont privilégiées, mais le corollaire de cette stabilité est souvent une densité énergétique
minorée. En outre, le mode de conduite de l’AE et le climat ont une influence sensible sur le
cyclage, puisqu’une température anormalement basse ou élevée de la batterie déclenche des
réactions chimiques occasionnant autodécharge et dégradation.
(d) La sûreté des batteries est centrale, alors que le lithium, agressif sous sa forme métallique,
ronge l’électrolyte, ce qui alimente une surchauffe, voire engendre des explosions provoquées
par des courts-circuits entre les électrodes. Les risques d’emballement thermique peuvent être
prévenus et contrôlés en intercalant des feuillets de carbone entre les électrodes ainsi que par
des capteurs de tension et de température actionnant fusibles et coupe-circuits qui stoppent le
courant en cas d’avarie. Pour contourner cette sophistication onéreuse, pesante et fragilisant
les performances des batteries, deux voies sont empruntées. Il s’agit, d’une part, de gélifier
l’électrolyte et, d’autre part, de mobiliser des matériaux ternaires associant le cobalt à d’autres
métaux, tels que le manganèse ou l’aluminium.
(e) Finalement, le coût de production des batteries – dont l’importance tient moins à la
présence de lithium qu’à l’usage du cobalt, lequel représente la moitié du poids de la cathode
– est central. Cette prééminence oriente la recherche vers l’usage de métaux moins coûteux
qui viendraient s’y substituer, à l’image du phosphate de fer, abondant et bien moins onéreux.
Cette solution est néanmoins fragilisée par une querelle autour de la propriété de ses brevets.
Le défrichage de ces cinq critères de performance des batteries avancées met en exergue un
degré d’opportunité technologique singularisé par des pistes d’améliorations nombreuses et
prometteuses, mais bornées par le principe de compromis autour duquel ces potentialités
la standardisation technologique de batteries convenant aux usages du plus grand nombre, ou
bien vers la conception de batteries aux performances ajustées à des usages spécifiques ? La
nécessité de faire intervenir rapidement les économies d’échelle à la production modèle
largement la réponse apportée par le marché. Les objectifs des laboratoires de recherche
publics et privés se concentrent ainsi sur la densité massique et la réduction du coût des
batteries. En termes chiffrés, l’autonomie des AE doit doubler à l’horizon 2015-2020, et les
coûts de stockage doivent être divisés par deux (Philippin,2010 ; Cornaert et Gay, 2010).
Afin d’évaluer l’horizon temporel de ces progrès potentiels et le respect de cette feuille de
route, il peut être utile de dresser le « portrait robot » de la batterie moyenne intégrant la
chaîne de propulsion de l’AE contemporaine. Il s’agit d’un pack d’accumulateurs de
technologie Lithium-Ion d’une puissance de 22 kW permettant au véhicule de parcourir une
distance de 185 à 210 kilomètres en 2012, contre 160 kilomètres en 2010. Câblages, carter et
refroidissement compris, son poids de 250 kg est à comparer aux 80 kg d’un réservoir plein
d’essence. Son coût de fabrication, sur le mode de la série, ressort à près de 12.750 euros en
2012, contre près de 16.000 euros. Cinq à huit heures de charge sont nécessaires pour
revigorer la batterie, déchargée en totalité. Durant son cycle d’utilisation, depuis la production
jusqu’au recyclage, l’impact écologique de ce pack de batterie sera tributaire de l’émergence
d’une filière de recyclage du lithium performante.
Avant d’amorcer une transition vers une approche économique, résumons les verrous d’ordre
technique auxquels sont soumises les technologies de batteries avancées. L’enseignement
principal qui se dégage de ce développement est lié aux faibles degrés d’opportunité et de
cumulativité technologique des batteries. La difficulté à capitaliser sur les recherches passées
sur la courbe d’apprentissage tâtonnante et inertielle. Notons pourtant que les limites
technologiques des batteries d’accumulateurs ne jouent qu’à l’égard du moteur thermique, qui
plus est, à usages et à périmètre constants. Par la suite, il sera nécessaire d’interroger en quoi
ces performances peuvent ou non se superposer aux changements de comportements dans
l’approche des déplacements et en quoi certains systèmes d’électromobilité peuvent s’adapter
ou contourner ces limites. A plus court terme, voyons en quoi l’environnement économique
est susceptible de façonner le degré d’appropriabilité et, dans une certaine mesure, le degré
d’opportunité des batteries d’accumulateurs avancées, notamment en contribuant à focaliser
les recherches sur la technologie Lithium-Ion.
1.3. Degré d’appropriabilité technologique des batteries avancées.
Une fois les principes de fonctionnement et les verrous techniques associés aux batteries
étayés, nous abordons une approche qui replace la batterie au lithium dans son contexte
industriel et économique. Pour appréhender le degré d’appropriabilité des batteries avancées,
nous débutons par l’amont de la filière, en particulier les questions liées à l’état des réserves
de lithium et de métaux rares. Dans un deuxième temps, nous analysons la dynamique de
l’offre et de la demande formulées pour les technologies de batterie avancées. Notre objectif
est double, présenter l’industrie de la batterie au lithium en dressant un « état des lieux » de
l’offre et de son organisation et, par-là, identifier les facteurs clés de son développement.
Alors même qu’il constitue la pierre angulaire de la quasi-totalité des technologies de batterie
destinées à l’électromobilité qui sont commercialisées actuellement, le lithium ne se trouve
pas sur terre sous sa forme élémentaire. Pis, cet élément, pourtant abondant dans la nature,
planète (Annexe 3 : Distribution géographique des réserves mondiales connues en Lithium,
p.567). Ces éléments rendent son exploitation industrielle, sa capacité à satisfaire la demande
agrégée anticipée et son application à l’automobile particulièrement questionnant.
Au titre des sites de production de lithium, une zone de lacs salés fossiles (ou « salars »),
située au confluent de l’Argentine, du Chili et de la Bolivie concentre 70% des ressources
mondiales connues. Le reliquat se divise entre certains lacs salés au Tibet et des mines situées
en Australie, Russie, Canada ou aux Etats-Unis. D’autres recherches accréditent l’existence
de foyers en Afghanistan ou à proximité des « Monts Métallifères » de Saxe en Allemagne
(Demoz, 2010). La production de lithium s’est élevée à 28.800 tonnes en 2011 (Baylis, 2012),
dominée par trois producteurs, dans une configuration d’oligopole à frange concurrentielle9.
La structure oligopolistique du marché, couplée à une accessibilité relative du lithium,
entraîne dans son sillage une augmentation sensible du prix de la tonne, passant de 350 dollars
en 2003, à près de 4300 dollars en 2011. Précisons qu’il n’existe pas de bourse du lithium et
que le prix de la matière est largement fixé par les grandes sociétés d’extraction en fonction
de leurs coûts, de la demande mondiale, de leur production et de leur stratégie. Pour autant,
gageons que le lithium n’est pas susceptible de mettre à mal l’équation économique de l’AE,
en représentant uniquement 1% du coût d’une batterie à son cours actuel.
Le manque d’accessibilité de la ressource et l’importance de ses coûts doivent être interprétés
à l’aune des applications industrielles du lithium et de l’étendue de sa demande. A ce titre, le
lithium a pris une place prépondérante dans les accumulateurs des appareils nomades dès le
milieu des années 2000 (26% des volumes en 2009), devant les lubrifiants (15%), la verrerie
(14%), la céramique (10%) et la pharmacie (7%) (Karayan, 2009). Le pourcentage massique
9
en carbonate de lithium d’une batterie Lithium-Ion étant de 8%, un pack d’accumulateurs de
150 kg en contient 12 kg, soit trois mille fois plus que la batterie d'un téléphone portable.
Néanmoins, avec une réserve mondiale connue en lithium de 58 millions de tonnes, il est
théoriquement possible d’équiper 3,6 milliards d’AE (Meridian, 2008), à technologie de
batterie et d’exploitation du lithium constantes, et 10 milliards à terme (Schott, 2010). En
outre, compte tenu d’une recyclabilité de 98%, la ressource lithium ne semble pas être un
facteur limitant au développement de l’AE. Cela n’empêche toutefois pas certains
constructeurs automobiles d’adopter des stratégies de préemption en amont de la filière, en
participant au financement et à l’exploitation de mines de lithium, respectivement en