mois. Dès cette époque,
elle
ne mangeplus et
nedort plus. Elle s'accuse
de s'être fait avorter six fois avant son mariage,
d'avoir volé des
dentelîes à.ses maîtres, lorsqu'elle était en service. Cest pour la punir
de tousces méfaitsqu'on va la guillotiner. Elle voit le couteau de la guillotine. Elle aété donnée au Diable. Elle entend des voix qui lui
disent : « Prie le bon Dieu ! » D'autres luidisent : « Ne le prie pas ».
Elleest très anxieuse et ne saitquefaire.Ellea vu le Diabletoutenfeu
sortirduplancher.
Ellene peut rien comprendre àtout ce qui se passe, elle ne peut rien expliquer. Elle reste toute la journée inoccupée, couchéepar terre, la
tête recouverte par sesjupes.
ObservationIII
Mélancolieavec hallucinations de. la vue, de l'ouïe, delà sensibilité-Hallucinations psycho-motrices et impulsions.
Rosalie A.... femmeP.... née le 18 août 1820, est entrée à l'Asile des Aliénés d'Evreux,le 15 mai 1881, et une secondefois,le 13juillet 1890.
Antécédents héréditaires. — La mère de la malade est morte, atteintedepuis neufans d'aliénation mentale.
Elleaeu deux enfants : un garçon et une fille, qu'elle a bien élevés etqui se portent bien.
Antécédentspersonnels etdébut de la maladie. — Son caractère avaittoujours été un peu mélancolique. Dès 1870,son mari s'aperçoit qu'elle devient de plus en plus triste, que son irascibilité, éclatant par accès de plusen [tins fréquents, contraste avec son caractère aupara¬
vanttrès doux.
Premier internement. —Le 15 mai 1881, son mari la conduit à l'Asile d'aliénés d'Evreux et déclare que la malade estprofondément mélancolique, a des idées de suicide qu'elle a plusieurs fois essayé de
mettre à exécution, qu'elle déchire tout : habits, literie, etc.; dé plus,
elle est obsédéepar la pensée demourir, afin de retrouverses enfants qu'elle croit morts.
■Cet état d'hypochondrie paraît dû à l'hérédité et aussi au chagrin qu'elleaéprouvé du départ de son fils pour le service militaire.
Al'Asile, elle ne cesse de se lamenter sur son malheureux sort,se
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désole de n'avoir plus sa tète à elle, ditque son mari l'a toujours mal¬
traitée et rendue très malheureuse; qu'un devin lui a jeté un sort;
qu'elle regrette de n'avoirpas réussi à sedonner la mort. A toutes les questions, elle répond que tout est bien fini, qu'elle vabientôt mourir.
Elle ne veut plus manger, montre ses mains qui sont mortes et ne demandequ'une chose : retourner chez elle, pour être enterrée dans sa famille.
Guérison. —Avec le temps, l'état mental s'améliorepeu à peu, il ne lui resteplusque la tristesse, qui fait le fonds de son caractère, et l'on peut la renvoyer danssa famille, le 30 avril 1885, après un séjour de quatre ansenviron àl'Asile.
Rechute. Examen de la malade. — En 1895, les mêmes troubles
intellectuels apparaissent; elle devient mélancolique et tente à deux reprises de sejeter à l'eau. C'est alors qu'elle est internée pour la
deuxième fois(13 juillet 189b) à l'Asile d'Evreux, où nous pouvons l'examiner.
Signesphysiques. —Mmo I)... est une femme de soixante-sept ans, d'une taille moyenne,d'une corpulence un peu forte; son visage est
assez régulier,tout enprésentantquelques stigmates de dégénérescence
héréditaire ; front bas, étroit, déprimé, pas proportionné à
l'ensemble
de la face, voûte du palais en ogive,
Etat mental. — Elle reste leplussouvent inoccupée,sa physionomie
et son attitudegénérale expriment le découragement le plus profond.
Parintervalles, ellesortde cetétat dedépression pourdevenir anxieuse, agitée : elle profère dés jurons grossiers, demande la mort à grands cris, cherche à sefaire du mal, en s'arrachant les cheveux et se frap¬
pant la tête contre lesmurs.
Quand elle est calme, elle répondassezdifficilement aux questions et
il faut insisterpour obtenir une réponse.
Ellerépète principalement qu'elle voudrait retourner chez sa
fille,
pour y mourir,que sa fille est morte. (Dans cette crise, elle ne
s'occupe
pas de son fils qui était l'objet deson déliredans la
première.)
Mémoire.—Elle nousdit quetout estconfus en elle, qu'elle ne sait
rien derien; il lui restepourtant encore quelques vestiges demémoire,
de la notion dutempsetdu lieu; elle se rappelle bien qu'elle a jtassé plusieurs
années dans l'Asile
onelle
setrouve actuellement; quoiqu'elle
ne puisse dire en quel moisnous sommes, elle
n'ignore
pas qu'elle est icidepuis trois mois environ.Hallucinations de l'ouïe. — Elleentend des voix qui lui disent que sa tille est morte.
Hallucinations de la sensibilité. — Elle prétend avoir les mains brûlées.
Hallucinations de lavue.— Ellea eu aussi, au début delà maladie,
une hallucination visuelle très nette. Elleerrait dans un bois
(c'était
une habitudechez elle, depuis le commencement de sa crise, d'obéir
aveuglémentà toutesses impulsions, mêmeles plusbizarres)quand elle
a vu le Diable: ilétait toutnoie, avait des cornesetétait accompagné
deplusieurs démons. Al'entendre, c'est cetteapparition qui a causé la mortde satille et tousses malheurs actuels.
Hallucinationspsycho-motrices etimpulsions.—Enfin, elleprésente
desimpulsions,avec hallucinations psycho-motrices très nettes: on lui faitproférer les jurons les plus grossiers, sans que sa volonté n'inter¬
viennepour rien; elleestdésolée d'avoir ainsi offensé Dieu et les soeurs
qui l'entendentet en manifeste beaucoup de regret.
Hallucinations du goût et del'odorat. —On n'apu constater d'hal¬
lucinations ni du goût ni de l'odorat.
Troublescle la motillté. — Pas de mouvements convulsifs dans les membres, car très souvent, quand elle est un peu moins
découragée,
elle s'occupevolontiers à des travaux decouture.
Caractèreimpulsifdeses idées de suicide. — Quant à ses tenta¬
tions de suicide, ellea avoué qu'elle lesa faitesinconsciemment.
Dans cet état mélancolique ethéréditaire, nous remarqueronsd'abord la curabilité de la première attaque, puis le caractère impulsif qui domine dans les manifestationsdélirantes ; enfin, dans le sujetqui nous
intéresse, nous attirons l'attentionsur l'hallucinationde la vue. qui n'a joué qu'un rôle épisodiquedansl'histoirede ce délire. Cette hallucina¬
tion delàvue, terrifiante,en rapportavec lesconceptions délirantes de lamalade, semble avoir été unique : ellea ététrèsnette et acceptée par la malade commeréelle, etcomme telle a contribué à aggraver l'état mélancolique qu'elle présentait.
Cette hallucination n'est apparue que plusieurs semainesaprèsque la malade était déjà en proie à un état
cénesthésique
tout spécial. Ellen'étaitplus commeavant, ellene pouvaitplus
s'occuper
des travaux deson ménage. Elle errait hors de chez elle, dans les bois. Déjà elle se
croyait perdue, damnée, l'hallucination de lavue n'a fait que venircon¬
firmer cetétatsecondaire à l'étatcénesthésique.
Observation IV
Mélancolieavec hallucinations de l'ouïeetprédominance
del'hallucination de lavue. s
Albertine L..., femmeB..., âgée detrente ans, est entrée à l'Asile d'Evreux, le 31 juillet 1893, transférée de l'asile de Saint-Yon, où elle
étaitplacée depuis le21 mai 1893.
Antécédents héréditaires. — Son père avait eu des attaques épilep-tiques dans sajeunesse. Sa mère, nerveuse etparaissant minus hahcns.
a toujours souffert de maux de tète.
Un cousin germain paternela été aliénépendant quelquetemps.
Un frère, cultivateur, porteur d'une hernie, a toujours souffert de
latête.
Unesœur aeu des crises de nerfs sans perte de connaissance, vers l'Age de dixà onze ans. Elle aeuhuit enfants, dont une petite fille de
douze ans,épileptique. Pendantsa grossesse ellea eudes envies.
Un dernier frèreest mort de la poitrineà vingtans.
Ellea eu six enfants, trois filleiet trois garçons, bien portants jus¬
qu'à cejour.
Antécédentspersonnels. — Dans son enfance elle a eu la variole et larougeole. Ellea marché et parlé de bonne heure et n'aéprouvéaucun accident au moment desa dentition. Elle étaitsujette, versl'âgedequa¬
tre ou cinqans. à despeurs nocturnes, des angoisses; la nuit, elle se
plaignait de voir des petites bêtes. Elle appelait à son secours et ne se
calmait quelorsque quelqu'un était auprèsd'elle. Ellefréquenta l'école
et apprit facilement à
lire,
àécrire
et à compter.Versl'âge de sept ans. lespremières crises de nerfs apparurent, à la suite, dit-on.de la peur d'un chien. Ces crises se succédèrent tous les mois environjusqu'à 1 âge de treize ans. Aumoment de l'apparition des
règles les attaques augmentèrent de fréquence et se continuèrent sans
interruption jusqu'à l'âge de vingt-deux ans environ.
Ces attaques débutaient subitement; elle tombait à terre, perdait complètement connaissance, avaitdesconvulsions, écornait, se mordait la langue. Quelquefois elles étaient précédées de tremblements et la maladepouvaitsecoucher auparavant.
Après l'attaque il lui arrivaitd'accomplir certains actes, comme celui
•de.déranger unmeuble,par exemple, sans en conserverle moindresou¬
venir.
Après son mariage, vers l'âge de vingt-deux ans, les attaques sem¬
blentavoir disparu. Alors apparurent desmaux de têtecontinuels et des périodes de dépression qu'elle arrivait difficilement à surmonter.
Elleeut quatre grossesses successives, pendantlesquelles elle éprouva des envies defruits, des idées bizarres obsédantes. Les accouchements furent toustrèspénibles et le dernier futsuivi de prolapsusutérin.
Depuis cinq ou six anssoncaractère était devenu
beaucoup
plus triste;elle éprouvait de gros chagrins à la moindre contrariété; les nuits étaient mauvaises; elle avait des cauchemarsqui la faisaient crier. Elle voyait des bêtes menaçantes.
Elle eut son sixième enfantau mois defévrier 1892. Troisjours après
son accouchement, unede sespetites filles fut victime d'un accident de
voiture, ce qui provoqua chez elle une violente émotion. Elle put cepen-d int nourrir son nouveau-né pendantsix mois. Mais, déjàen cemoment, elle sentait une dépression très grande; elle n'avait plus de goût au tra¬
vail, négligeait ses enfants qu'elle aimait cependant
beaucoup,
et s'oc¬cupait deson ménage.
C'est alors que semblent avoir apparu les premières hallucinations auditives et visuelles; elle entendait des voix dans sa tète qui lui
disaient de se tuer après avoir tué sesenfants, pour les empêcher d'être malheureux dansla suite. Lesoir, étant couchée, ellevoyait apparaître
lu Mort soitsforme d'un squeletteimmobile: il lui semblaitquec'était elle (pii lui causait. Elle se voyait entourée de tôles de morts;
elle voyait des hommes termes qui venaient pour la tuer. Sous l'influencede ces hallucinations elle a quitté sa maison et est allée se
jeter dans une mare, d'où elle a été retirée par des ouvriersqui larame¬
nèrent chezelle (août 1892).
A cette époque ellesevra son enfant et éprouva une exacerbatiûn de
ces troubles mentaux, qu'elle attribua à la montée du lait dans le cer¬
veau. Elle étaittrèsdébilitée par des pertes continuelles. Elle se sentait très malade, craignait de ne pouvoir résister ù son obsession et deman¬
daittoujours à son mari de resterprès d'elle. En médecin,consultépour
sa faiblesse, ordonna desfortifiants.
Elle vouluts'empoisonner et préparaun verre depétrolequesonmari l'empêcha de boire.
Le31 janvier 1893, après unenuit très mauvaise où elle entendit la voix lui ordonnerplus impérativement de se tuer et detuer ses enfants, elletrouvaun prétextepour lesretenir près d'elle etles empêcherd'aller
à l'école. Cinq minutes après le départ deson mari, ellecoupalagorge à
son plusjeune enfant etcassa les carreaux de la fenêtre, ce dont un des enfants profita pour crier : « Au secours,maman veut noustuer ». Son mari accourutau moment où elle venait de se faire au cou une entaille
avecunrasoir.
Arrêtée immédiatement après, elletombe dans un état de dépression complète; sesparents nepurent tirer d'elle aucuneparole; elle semblait n'avoir aucune conscience de ce qu'elle avait fait. Aujourd'hui ellenous dit que ce n'est que
longtemps
après qu'elle a eu conscience de sonaction et peuà peu seulement certains détails de cet attentat lui sont revenus.
Amenéeà la prison de Louviers,elle fut, au bout de quatre mois, transférée à l'Asile Saint-Yon, oii M. le docteur Giraud la considéra
comme une mélancolique anxieuse avechallucinations multiples.
Le 31juillet 1893, elle fut transféréeàl'Asile d'Evreuxoùnous avons pu
l'interroger
etl'examiner.La femme B... estune femme de trente-deux ans, d'une forte consti¬
tution, ayantmême un certain embonpoint. Ses traits sont réguliers et
nous ne trouvons*comme stigmate physique que la forme courte et carrée de la dernière phalange de ses pouces. Cette malformation se
retrouveraitaussi chez son grand-père paternel.
Lasensibilitéet lamotilitésontintactes.-Elleestdansun état d'anxiété profonde. Ellepleureetgémit constamment et il faut répéter plusieurs fois les mêmesquestionspourattirerson attention etobteniruneréponse
souvent monosyllabique. Elle se plaint surtout, de fortes douleurs de
Féray 3