EUÏR[ SOiiSilf go,30«
FAC
'LTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DEBORDEAUX
ANNÉE 1896-1897 40
SÉMÉIOLOGIE
DES
HALLUCINATIONS DE LA VUE
DANS LES PSYCHOSES
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 18 Décembre 1896
PAR
André-Jean-Marie F
É
RA YNéà Evreux (Eure), le 18 juin
187$
Elève du Service de Santé de la Marine
. . , , _. . . \ COYNE professeur...
Examinateurs de la These . < ,r,n„à ■ ■
) AUCHE agrege
MM. PITRES professeur Président.
COYNE professe AUCHÉ agrégé.
CANNIEU agrégé.
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les
diversesparties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1896
Facilité de Médecine et (le Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PKOFESSEURS
MM. MICÉ )
u , .
AZ\M., . . ( Professeurs honoraires.
MM.
v PjpOT
Clinique interne
J
PITRESDEMONS.
LANELONGUE.
DUPUY.
P1ECHAPD.
BOURSIER.
Clinique externe...
Pathologie interne.
Pathologie et théra¬
peutique générales. YERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOUS.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie YIAULT.
AGRÉCiÉK BO A
section de médecine(Pathologie interneetMédecine légale.)
MM. MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ. |
section de chirurgieet accouchements
(MM. VILLAR. I , , , iMM. RIY1ÈRE.
Pathologieexterne B1NAUD. |
Accoucllements....
CHAMBRELENTI
BRAQUEHÀYE |sectiondes sciencesanatomiquesetphysiologiques
Anainmlo
|MM.
PRINGETEAU I Physiologie MM. PACHON.Analomie
( CANNIEU. | Histoirenaturelle BEILLE.
section dessciences physiques
Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
Chimie etToxicologie
DENIGÈS. j
COURS C OII1*VjÉMF MT AIRES :
Clinique interne des enfants MM. MOUSSOUS.
Physiologie Hygiène Médecine légale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Cliniquedes maladies chirurgicalesdes en¬
fants
Clinique gynécologique HXIlRCICi; :
ieinterneetMédecine MM. SABRAZÈS.
Le DANTEC.
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABI AS.
FERRÉ.
BADAL.
Clinique des maladies cutanées etsyphilitique Clinique des maladies des voies urinaires.
Maladies dularynx, des oreilles etdunez
Maladies mentales Pathologie externe Accouchements Chimie
DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RIVIÈRE.
DENIGÈS
LeSecrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Par délibération du5 août 1879, la Facultéaarrêté que les opinions émises dans les Thesesquiluisontprésentéesdoiventêtre considérées commepropres à leursauteurs, et qu'elle n'entend leurdonner ni approbation ni improbation.
A MONSIEUR LE DOCTEUR AUG. VIGOUROUX
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE PROFESSEUR PITRES
DOYEN DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE I)E BORDEAUX
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'JIONNEUR
MEMBRE CORRESPONDANT DE LACADÉMIE DE MÉDECINE
MEMBRE CORRESPONDANTDE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
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AVANT-PROPOS
Danscetravailnous avons pour but
d'étudier
leshallucina¬
tions de lavue en temps que symptôme
des psychoses. Passant
en revue les différentes psychoses, nous chercherons
d'abord si
les hallucinations visuelles s'y rencontrent, quelle est
leur fré¬
quence, leur forme, leur objet; nous insisteronssur leurs rap¬
ports avecles idées délirantes; nousverrons si elles ont
précédé,
suivi ou
accompagné
ledélire,
si ellesn'ont été
quel'expression
des convictions délirantes du malade, où si elles n'ont pas con¬
tribué à orienterce délire.
Nous ne nous dissimulons pas la
difficulté de notre tâche,
mais elle nous a été rendue plus facile par les
conseils de M. le
docteur Seglas et les nombreux
documents
que nousavonspui¬
sés dans ses Leçons
Cliniques
sur lesmaladies mentales et
nerveuses. Nous tenons à le remercier du bienveillant accueil qu'il nous a fait et nous l'assurons de toute
notre gratitude
pour le concoursqu'ilnous asi aimablement prêté.
Nous remercions
également
M. ledocteur D. Brunet, méde¬
cin enchef de l'Asile des aliénés d'Evreux, qui nous a
permis
de prendre nosobservations dans son
service.
Nous sommes heureux depouvoir adresser nos
remerciements
les plus vifs
à
notre ami, M. le docteurAug. Vigouroux, qui
abien voulu nous aider de ses conseils pour mener
à bien le tra¬
vail que nous avions
entrepris.
Qu'ilsoit assuré de toute notre
gratitude pour le concoursdévoué qu'il
nous adonné.
— 10 —
Que M. le professeur Pitres,dont nous avons suivi avec tant d'intérêtles belles leçons, soit persuadéque nous sommes pro¬
fondément touché du très grand honneur qu'il nous fait en acceptant la présidence do notre thèse
inaugurale.
Bordeaux, 8 décembre 1896.
-f-■
S
HISTORIQUE
Faire
l'historique
des hallucinations de la vue serait faire l'his¬toire de l'a folie proprement dite. Suivant les théories
régnantes,
on les a considérées comme
provoquées
par les influences sur¬naturelles les plus
opposées,
etjusqu'à
lamoitié
du xvine siè¬cle, elles ne furent pas considérées comme symptôme morbide,
mais tantôt comme œuvre de Dieu, tantôt comme œuvre du démon; elles ont conduit aux destinées les plus contraires
ceux qui les
éprouvaient
:elles ont tour àtourallumé les bûchers du moyen-àge oumotivé
les plussingulières exagérations d'un
cultepoussé jusqu'à l'idolâtrie.
Hippocrate
n'avait que vaguementparlé
deshallucinations.
Arétée les
indique
avecnetteté
et cite les«images
rouges»,qui
seprésentent
aux yeuxde certains malades. Celse parle d'une
forme de maladie mentale qu'il attribue
à
laprésence
de l'atra-bile. Il insistesur cessujets
qui
ontdes hallucinations
de la vuesans délire proprement dit
(Quidam imaginibus
non mente fal-luntur).
Galien(131
ap.J.-Ch.) dit quelques mots des fantômes
et des'hallucinations de la vue.
Après Paul d'Egine (630
ap.J.-Ch.),
nousretombons
dans unelongue période d'ignorance
et de barbarie. Au xve siècle, la saine tradition médicale fait place aux
interprétations surnaturelles et à l'intervention cles^
idées
religieuses dans des faits purement pathologiques. Les théologiens
nevoyaient
dansl'hallucination
queles effets
per¬nicieux d'une
puissance infernale, hostile à la puissance divine
et qui devaient être combattus par les
exorcismes, les tortures
etle bûcher. Ils admettaient du reste une distinction fondamen¬
tale: les saints étaient visités par des anges
(visions
de saint- 12 -
Antoine, de saint Martin, de saint
Augustin, etc.);
tousles
personnages de
l'antiquité, voués
au paganisme et ayant eu des visions, étaient en rapport avec les esprits infernaux. Cettecroyance au démon était commune, non seulement aux théolo¬
giens et aux philosophes, mais aux médecins du xvie siècle, tels que Fernel et Ambroise Paré. Il faut arriver à Alciat, le grand jurisconsulte, à Leloyer et à
Montaigne,
pour voir naîtreune réaction contre la croyance à la sorcellerie. Ils osent écrire que la démonolàtrie est unemaladieet quel'hallucination estun
symptôme morbide.
Cependant,
Plater(1536-1614) distingue
lafolie ordinaire de la folie
démoniaque à
côté de doctrines ou dedescriptions
qui constituent unprogrès
scientifiqueréel. Lepois (1563-1633)
combat implicitement les idées de possession.Sennert
(1637)
admetencore la réalité de la forme du loup prisepar
bbelicanthrope.
Dans les travaux de Willis(1622-1675),
fort intéressants, la folie est attribuée à des esprits animaux quifont effervescence.
Au xvme siècle, la pathologie mentale entre dans une voie nouvelle. Vieussens
(1641-1720)
émet des théories conformes àses idées de chimiatrie. Boerhaave et son commentateur Van Swieten,
Flemingue,
etc., localisent dans le cerveaules diverses névroses. Les travaux immortels deMorgagni (1682-1771)
achè¬vent d'entraîner les esprits dans cette direction.
Sauvages (1706-1767)
divise les vésanies en quatre ordres parmi lesquels les hallucinations. Il divise les hallucinations endifférentes classes: le
vertige,
la berlue, ladiplopie,
le tin¬touin, etc.
AvecPinel et son élève Esquirol, nous entrons danslapériode moderne, et c'est Esquirol qui a donné de l'hallucination la définition, qui est encore considérée comme la meilleure : « Un homme, dit-il, qui ala conviction entière d'une sensation actuel¬
lement perçue, alors que nul objet extérieur, propre à exciter cette sensation, n'est mis à la
portée
desessens,est dans un état d'hallucination ». Cette définition que l'on peut remplacer par la formule plus connue,plus concise, plusgénérale
: « l'hallucina¬tion estune perception sans objet. »
— 13 —
La nouvelle école de psychiatrie considère l'hallucination
comme
provoquée
parl'excitation des centres corticaux. Cepen¬dant; avant M. leprofesseur Tamburini, MM.
Michea,Baillarger,
Bail, etc., ont admis l'influence de l'intelligence et des appareilssensoriels surla production des hallucinations; les uns accor¬
dent à chacun deces deux facteurs le pouvoirde faireapparaître
les hallucinations; pour les autres, l'intervention simultanée des deux seraitnécessaire.
Enfin, pour M. le professeur Tamburini, les hallucinations résulteraientd'une excitation morbide des centres sensoriels de l'écorce cérébrale. Elles constitueraient en quelque sorte « une
épilepsie
des centres sensoriels. »''4r v'.
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Des hallucinations
dela
vue engénéral.
Au point de vue
symptomatique,
les hallucinationsde la vue se divisent entrois grandes classes : les hallucinations visuellesélémentaires,
communeset verbales.Les hallucinations visuelles élémentaires consistent envisions de feu,
d'éclairs,
de lueurs. Elles sontproduites par l'éréthismedu centre
optique
cortical seul. Dans ce centre en effet se réalise la perceptionoptique
brute, qui différenciesimplement
les im¬pressions lumineuses en tant
qu'impressions lumineuses,
et ne lesdistingue
qu'au point de vue de leurton, de leur nature, de leurintensité.Les hallucinations visuelles communes sont caractérisées par des
apparitions
de personnes, d'animauxfantastiques,
etc.;1
impression
visuelle est alors mise en rapport avecl'objet
quila produit. Ce
degré
plus parfait de la perceptionoptique exige
l'intervention d'autres centres que le centre optique cortical : les centres, où sontévoquées
lesimages auditives,
tactiles, doi¬vent entrer enjeu; sans eux il ne peut y avoir de
perception
différenciée.
Enfin, quand le processus hallucinatoire atteint le centre visuel des mots, il y a hallucination visuelle verbale. Nous ne
retrouvons cette forme que chez des malades d'un niveau intel¬
lectuel relativement élevé.
Telles sont les trois
catégories
que l'on peut établir dans les hallucinations de la vued'après
la perfection plus Ou moins grande des visions et selon les différentscentresnerveuxexcités.- iG -
Onpourrait
également les classer
en neconsidérant que leur
objeten
lui-même;
nousles distinguerons alors
en :Hallucinations visuelles indifférentes, au cours
desquelles le
maladevoitdes lueurs,
aperçoit des visages
connusqui béton¬
nent,mais nel'effrayentpas;
Hallucinations visuellesterrifiantes, qui
consistent surtout
en flammes, éclairs, visageshideux et grimaçants, animaux fantas¬
tiques et mots
menaçants inscrits
surquelque objet situé en
face ou
près
dumalade;
Enfin en hallucinations visuelles consolantes, principalement
de nature mystique; ce
sont des apparitions de la Vierge, de
saints, souvent
accompagnées d'une légende;
ces personnages par leurattitude et leur physionomie rassurent le sujet qui les
voit.
Après avoir indiqué les différentes classes à établir dans les
hallucinations de lavue, nous allons
étudier leurs symptômes subjectifs
etobjectifs. Nous considérerons tout d'abord leur
objeten lui-même,
selon
sonunité
ou samultiplicité,
sanetteté
plus ou
moins grande,
samobilité
ou sonimmobilité, les
variations qu'il
peut subir
au coursd'une hallucination.
L'apparition peut être simple
oumultiple, présenter
un ouplusieurs sujets
;ainsi clans l'observation de ce médecin anglais,
relatée par
Walter Scott, apparaissent
unchat, puis
unspectre
ou un squelette.
Ces visions
pourront être plus
oumoins nettes. Ghardet rapporte le
casd'un homme ayant
eu unehallucination très compliquée
: cemalade raconte
queles figures de
savision
étaientbrillantes commedel'argent, que
les robes des
person¬nages apparus
étaient blanc gris, etc. Pour un autre, les images
semblentêtre formées devapeur
condensée. Un troisième
a vu leDiablecommetransparent.Selon lescas, ces êtres
imaginaires seront mobiles
ouimmo¬
biles. Baylecite un
employé, qui croyait voir
unearaignée
sus¬pendue
à
unfil et grossissant petit à petit.
De même
qu'ils peuvent varier dans leur situation réciproque
ou dans leur volume, de
même le
oules objets de l'hallucination
peuvent
changer
dans la durée de celle-ci : tel le malade de Ch. Bonnet, qui voit deg bâtiments s'élever sous ses yeux, des tapisseries se dérouler devant lui. Chez les mystiques, nous retrouvons des"faits analogues.Tantôt,l'objet de l'hallucination paraîtraen face du malade, tantôt à côté. Les visions du médecin anglais Bostock suivaient les mouvements dés yeux : nous avons pu constater deux cas semblables. Ladistance à
laquelle
se font les apparitions varie selon les sujets.Quant à la vision elle-même, elle peut arriver
brusquement
àsa perfection ou peu à peu acquérir toute son intensité.
Il semble que l'objet de l'hallucination soit en rapportavecles
préoccupations
du malade, son délire, le souvenir d'une émotion antérieure. Pascal voyait devant lui et àchaquepas unprécipice:
jamais il n'avait
éprouvé
semblable sensation avantsonaccidentau pont de
Neuilly,
d'où il avait failli êtreprécipité
dans la Seine.Tels sont les caractères
subjectifs
deshallucinations de lavue, étudions-en les symptômes objectifs. La tête de l'halluciné setourne, soit à droite, soit à gauche. Sa pupille se dilate ou se rétrécit suivant les sujets ; le
visage
prend une expression émo¬tionnelle, grâce au regard : l'attitude
générale indique
que le malade esten proie à une émotion quelle qu'elle soit. Alors p ourya se produire lephénomène
de l'extase. L'extase est« caractériséepar une contemplation profonde avec abolitionde la sensibilité et suspension de lalac-ulté locomotrice » (Michea,
art. « Hallucination », Nouveau Dictionnaire de médecine et
chirurgie pratiques).
Ce sont là les seuls signes communs à tous les sujets dans l'extase : tantôt en effet ceux-ci restentimmobiles, tantôt ilsgesticulent, soit qu'ils se taisent, soit qu'ils chantent. Mais qu'ils aient les yeux ouverts ou fermés, la sensi¬
bilité auditive ou visuelle de tous les extatiques est abolie. Enfin il existe des cas extrêmement rares où les hallucinationsnesont perçues que par unœil
(Magnan)
; dans d'autres casd'hémiopie,
la moitié seulement de l'apparition est perçue.
Après avoir décrit les
principaux
symptômes des hallucina-Férav 2
tions de la vue, nous allons examinerles circonstances quivont
favoriser leur production.
L'obscuritéjoueun très
grand rôle. C'est
engénéral
vers lachute du jour,pendant la nuit, que se
font
lesapparitions. Même
chez un individu sain, dans cet état intermédiaire à la veille et
au sommeil, soit au début du sommeil, soit au réveil,se produi¬
sent des hallucinations, hallucinations
hypnagogiques.
«Il
estdans le monde des gens
sensés,
qui sont sujets au moment du passage de la veille au sommeil, à des hallucinations qu'ilsapprécient très sainement
»(Régis).
Il nefaudrait pas croire cependant que les hallucinationsde la
vue ne puissent se
produire
en plein jour et être néanmoins conscientes, même chez des individus sains : ces derniers se rendent un compte parfait du caractère desphénomènes
qu'ils constatent : tel le cas du libraireNicolaï, de Berlin, qui voyait à quatre heuresdel'après-midi
une tête de mort en face de lui et qui avait conscience de cette fausse sensation ; tel encore, celui de cet étudiant en médecine, quivoyaità huit heures du matin, devant sa cheminée'le cadavre d'un enfant et reconnaissait l'ina¬nité de cette vision.
Baillarger et Doville
prétendent
que la position du malade ne serait pas sansinfluence
sur la genèsedes hallucinations.Chez quelques
sujets,
lesimple
abaissement de la paupièresuffit
quelquefo:s à les
faire naître. De même chez une femme,un retard de la menstruation seul peut lesprovoquer.Un certain
degré de congestion cérébrale
peutégalement
les fairenaître.Nicolaï, de Berlin, attribue le
genèse
desonhallucinationdelavueàce fait qu'il
n'avait
pasété saigné
comme à l'ordinaire.Mais de toutes ces circonstances le moment du réveil paraît être laprincipale, même pour les hallucinations de la vuecom¬
munes. C'est àce moment eneffet
qu'apparaissent
dans toute leur force les idées de suicide et les tentatives vers ce but sefontgénéralement
beaucoupplus
lematin qu'àtout autre instant de lajournée.
Ilsemblerait
qu'au réveil avant que le cerveau ait repris sonfonctionnement
normal, avant quel'équilibre
des centres nerveuxsoit rétabli, les centresinhibitoïres,
encore dans le repos, laissent uncertain
automatisme aux autres centres— IW
nerveuxet quechacun deces derniers
puisse
entrerenérôthisme.Ainsi s'expliquerait la facilité aveclaquelle s'installe l'idée obsé¬
dante
(automatisme
des centrespsychiques),
se produisent leshallucinations
(automatisme
des senssensoriels).
L'observationdes
neurasthéniques
nous montre aussi que lors du réveil les symptômes de leur affection sont plus accusés qu'en toute autrepériode de
lajournée
: abattement, aboulie, etc.Le lieu dans lequel se trouve le malade aurait
également
une influence indéniable : l'isolement, la solitude, l'absence de tout bruit favorisent laproduction des hallucinations de lavue. Une des malades que nous avons pu observera vu paraître le Diable dans une forêt où elle se promenait.Il nefaudrait pas non
pius
passer soussilencel'action de l'abs¬tinence. C'est toujours à la suite de longs jeûnes que l'on vit apparaître les
épidémies
mystiques dans les couvents. Il est presque inutilede
rappeler les hallucinations des affamés qui sonten rapport avecleur état de souffrance et le manque denourriture. De même, la continence peut devenir la cause de visions que nous rencontrons chez certains
sujets.
Voici en quelques mots les influences du milieu extérieur,
favorisant la
genèse
des hallucinations delà vue. Etudions main¬tenantlessujets,chezlesquels elles naissent. Nouspourrons tout d'abord établir deux
catégories.
Chez les uns, l'hallucination n'est que la traduction sous une forme sensible de leur délire, de leurs
préoccupations
cons¬tantes : elle n'est dès lors qu'un
phénomène
secondaire. Telle la mélancolique,obsédée
parl'idée
qu'elle est destinée à l'Enfer et qui finit parvoir le Diable. Tels les
voyants deTilly-sur-
Seulles, qui seréunissent la nuit
aulieu
des apparitions : « Oh ! cetteapparition, dit
unprêtre, qui
rapporte le fait, comme ils la souhaitent, comme ils ladésirent
ardemment, ceux qui sont làimmobiles et muets ainsi que les arbres qui bordent la route ! Tous les assistants sont recueillis, sérieux, ils n'ont rien vu, mais ils ont la conviction qu'ils vont voir quelque chose ; un souffle saint passe, etc.»
Chez les autres, au contraire,
déséquilibrés
héréditaires, lescentres nerveux
s'émancipent
avec la plus grande facilité, pro-— 20 —
duisent des hallucinations, qui servent
de thème à
undélire, à
réféthisme de leurs centres nerveux et se propagent
à la sphère psychique. Delà l'origine de
ceshallucinations conscientes, com¬
parables
à
cesmouvements convulsifs
queles malades
sevoient accomplir
sanspouvoir faire intervenir leur volonté
:ici l'hallu¬
cination estprimitive.
Après avoir établi les symptômes des hallucinations de la
vue, examiné les circonstances
aidant à leur production, recher¬
chons les affections dans lesquelles nous pourronsles
retrouver.
Au
premier
rangviennent les intoxications. Il n'entre
pas dans notre sujet deparler des hallucinations de la
vuedes
alcooliques,mobiles, muettes, multiples, sombres et terrifiantes,
qui sont pourainsi dire pathognomoniques et permettent de
déceler cette affection, môme
surajoutée
à d'autres délires. Nousne parlerons pas non
plus de celles, produites
parl'ingestion exagérée d'opium, de cocaïne, de belladone, bien
quecette
dernière ait
joué
unrôleimportant dans le délire des sorciers
etdu moyen-âge.
Nous n'étudierons pas les
infections,
les auto-intoxications, qui donnentsouvent naissance à des hallucinations de la
vue, mais dont le rôle et le cadre sont moins nettement fixés. Le délire et les hallucinations dans la fièvre puerpérale sont dusen effetà l'actionde toxines sur les centres nerveux. MM. Ballet et
Régis
ontmis
enrelief,
auCongrès de la Rochelle,
le rôle de l'aûto-iuloxicalion dans les étatsmélancoliques.
Ons'est même demandé si la névroseépileptique
et lanévrosehystérique,
oùnous rencontronsdeshallucinations de lavue, n'étaientpas dues à un état toxique dont l'attaque co'nvulsive serait en quelque
sorte la décharge.
Enfin
dans certains délires hallucinatoires aigus, en dehorsde toute considération théorique,
laséméiologie
des hallucinations, leurs caractères propres (mobiles et terri¬
fiants)
font penser audélire toxique:
leurcurabilité amène àune conclusion analogue. Nous ne ferons qu'effleurer cette question.
Nous allons doncétudier les hallucinations de lavue dans les différentes psychoses :
manie
etmélancolie,
délire systématiséprogressif, délire mystique
etenfin
ledélire
chez lesdégénérés.
CHAPITREPREMIER
Manie. — Mélancolie
Nousallonsétudiertoutd'abord leshallucinationsde lavuedans la manie et lamélancolie franches.Ces deuxaffections ont étécon¬
sidérées toutes les deuxcommedes
psychonévroses
:chez le sujet
atteint de manieoudemélancolie, l'état
cénesthésique
aété primi¬
tivement troublé. L'état
cénesthésique normal est produit
parle
consensus harmonique des
sensations organiques
;chaque fonc¬
tion vitale y contribue pour .sa part.
De cet apport complexe
résulte cette notion confuse, qui est
nous-même (Seglas), et le
sens de l'existence s'accompagne
d'un certain bien-être.
Ce sentiment de bien-être est
exagéré
dans lamanie. Il
se produit chez lemaniaque
uneexcitation générale: il
sesent
mieux
portant, plus robuste, plus actif qu'il
nel'a jamais été.
Ses facultés physiques et
intellectuelles sont
enétat de suracti¬
vité. « Jejouissais, dit un
malade cité
parBaillarger, d'une
sorte de béatitude; tout me semblait facile, aucun obstacle ne m'arrêtait enthéorie, ni en réalité. Ma mémoire acquéraittout àcoup une
perfection singulière, je
merappelais de longs
pas¬sages des auteurs
latins, j'écrivais aussi facilement
en vers qu'en prose.J'étais rusé et fertile
enexpédients de toute espèce,
etc. »De cet état
particulier dérivent cette agitation motrice, cette loquacité incohérente
en apparence, cesassociations d'idées
si rapides,
qui caractérisent la maladie
:le maniaque est tout
en dehors.
Il y adonc, dans cette
affection, excitation de
tousles
centres sensoriels,liyperacuité de
tousles
sens.C'est pourquoi, si
nous trouvons de nombreuses illusions de la vue dans la maniefran¬che. nous n'y rencontrons pas d'hallucinations de la vue. Le
trouble est. pour
ainsi dire, quantitatif et
nonqualitatif.
Nouslaissons de côté les états maniaques,
liés
à d'autres affections.Nous reviendrons sur ce
sujet
au moment où nous nous occu¬perons du délire chez les
dégénérés.
Dans la manie, l'état
cénestliésique
normal est modifié; de môme dans lamélancolie, il est transformé, mais dans un autresens ; chez le
mélancolique,
le trouble des fonctions organiquesdevient la cause d'un malaise
général,
d'un malaisepsychique.
De cette douleur morale vont dériver les premiers trou¬
bles intellectuels : cliniquement, ils se traduisent par de la dépression
générale,
de l'apathie, de l'indifférence, de l'aboulie.Dans le domaine purement intellectuel,
apparaissent
des phéno¬mènes identiques : le
mélancolique
réussit à peine à fixer sonattention sur un sujet quelconque, il groupe difficilement ses idées et suitavec peine un raisonnement, ses perceptions sont très souventindécises et très lentes à se faire. Le maladea cons¬
cience du
changement
survenudans
son individualitépsychique,
il se sent « tout drôle », « pas comme avant». Il
n'y
a pas, àpro¬prement parler,
délire
et même nousne trouvons pas d'halluci-nalions de lavue ; l'activité des centres sensoriels est diminuée,
mais non troublée.
De cette
dépression
physique etintellectuelle,
de cet étatcénestliésique
triste, que l'on rencontre chez lemélancolique
simple, vont naître les idées délirantes d'une nature toute par¬ticulière, existant chez le
mélancolique
délirant.En proie àla tristesse, à la douleur morale, le malade recher¬
che la cause du changement survenu en lui-même. « La loi de causalité exige que cette tristesse ait un motif, une cause et, avant qu'il
interroge,
laréponse
arrivedéjà
; ce sont toutes sortes depensées
lugubres, de sombres pressentiments, desappréhensions,
qu'il couve, qu'il creusejusqu'à
ce que quelques-unes de ces idées soient devenues assez fortes, assez persis-
tantes pour se
fixer
»(Griesinger). L'un
sefigurera qu'il est
coupable, l'autre secroira abandonné de Dieu, voué
auxpuis¬
sances infernales ; un troisième se sent
incapable d'agir
et se voit ruiné, à la charge de toutle monde, etc., etc. Le délire
mélancolique estalorsconstitué, délire dont M. le docteur Seglas
a résumé ainsi les caractères principaux : «
délire secondaire, pénible,
fixe,monotone, d'humilité, de passivité, de résignation,
divergent oucentrifuge, d'attente, rétrospectif.
»La mélancolie se divise
cliniquement
entrois formes
:dépres¬
sive, anxieuse, stupide. On peut
rencontrer dans
cestrois formes
de la mélancolie deshallucinations de la vue : nous allons les étudier dans chacune d'elles.
Remarquons
tout de suite
quedans la mélancolie franche,
ainsi que nous
l'avons décrite
avecM. le docteur Seglas, les
hallucinations de la vue sontbeaucoup plus rares
qu'on
pour¬rait le penser.
On
lesrencontre surtout dans les mélancolies
d'originetoxique (alcoolisme, morphinisme, etc.),
oudans les
mélancolies
surajoutées à l'hystérie.
Il ne faudrait pas, d'un autre
côté, confondre les hallucina¬
tions avecles illusions : ces dernières sont, en effet, extrême¬
ment nombreuses et
s'expliquent naturellement
parl'existence
de cet état
cônesthésique, dont
nous avonsdéjà parlé. Esquirol
cite un mélancolique
qui s'exprimait ainsi
: «.T'entends, je vois,
je touche, mais je ne sensplus
commeautrefois
: unvoile
change la
teinte
etl'aspect des'corps
».Très fréquentes sont
ces illusions, et, sousl'influencede
cesinterprétations délirantes, les
maladess'imaginent
être
enprison, voir leurs enfants
sous un aspectmisérable
etmaladif.
Aucontraire, les hallucinations
delà
vuesont
raresdans la
mélancolie franche, mais elles n'en
existent
pasmoins
:elles
sont— et les observations que nous
donnons le confirmeront
— secondairesau délire, en rapport avecles préoccupations déli¬
rantes dumélancolique, et
souvent n'apparaissent
quetardive¬
ment, d'une façon
épisodique. Elles peuvent être élémentaires,
communes ou verbales. Nous lesavons moins souvent rencon¬
trées que
celles de l'ouïe. La plupart du temps elles sont
accom-— 24- —
pagnées
d'hallucinations psycho-motrices, qui. elles, dominent la scène de la mélancolie délirante.Une
mélancolique, étudiée
par M. te docteurSeglas,
un joura vu, écrits sur le mur, cestrois mots : « Tu es maudite! » Ces
paroles lui avaient été dites à l'oreille. Au moment où eut lieu cette hallucination visuelle verbale, les troubles
mélancoliques
avaient
déjà
débutédepuis
trois mois. Cette hallucination n'était que la confirmation decette idée, qui obsédait la malade, celle de la malédiction jetée sur elle. Dans la suite, le sujet a vu le Diable, l'Enfer, etc., etc. Ces visions ne se produisaient que pendant la nuit. Elles étaientindistinctes,
n'étaient que des ombres.Une malade,que nous avonsobservée nous-même, est atteinte de mélancolie anxieuse avec prédominance d'hallucinations psycho-motrices; elles'accuse de crimes
imaginaires,
a voulu se donner la mort, et a fait différentes tentatives en ce sens.Cette malade se trouvait dans une forêt, où elle errait
depuis
plusieursjours,
en proie à lamélancolie, lorsqu'elle
a vu le Diable. A ce moment, nous dit la malade, tout était confus enelle, ellene comprenait rien de rien, elle prononçait desjurons malgré elle, fait qu'elle attribuait à la possession. A cetinstant, leDiablelui est apparu. Le Diable qu'elle nous
dépeint
était tout noir et portait descornes ; il était accompagnéde plusieurs démons. Les jurons, qu'elle a proférésmalgré
elle, sont dus à destroubles psycho-moteurs. Quant à l'hallucinationvisuelle,
elle est commune, secondaire,
épisodique,
car elle n'a pas reparu.Un autre de nos malades,
mélancolique,
croit s'être renducoupable d'une série de forfaits. Il entend des voix qui le mena¬
cent de la prison. Il se
figure
être condamné à mort parles assises. Unenuit, il a vu l'échafaud que l'on dressait pour lui dans la cour de l'Asile.Une troisièmemalade,atteinte de mélancolie
anxieuse,
a des idées de suicide : elle a vu son mari mort au milieu de la rue.Enfin, une autre
mélancolique,
obsédée par desidées de suicideet par
l'idée de
tuer sesenfants
pourleur éviter tous les malheurs
qu'elle
éprouvait, vit apparaîtreJa Mort.
Beaucoup plus
difficile devient l'étude symptomatique de l'hal¬
lucination de la vuedans la mélancolie avec stupeur : on
doit,
en effet, s'en
rapporter uniquement
aurécit du malade, fait
après
saguérison, et souvent il arrive
queles souvenirs sont
peu
précis. Cette forme de la mélancolie, selon l'opinion de Bail-
larger. que nous
adoptons, est le plus haut degré de la variété
délirante et non une
suspension accidentelle des facultés intel¬
lectuelles.
Dans les nombreuses observations
publiées
parBaillarger,
dans son Étude sur la
Stupidité,
nous voyonsexagérés les
mêmes éléments quedans la
mélancolie simple
:tous les mala¬
des y
présentent à
unhaut degré
cetrouble de l'état cénesthé-
sique.
Mlle R... avait
comme 1111bandeau sur les yeux; elle
demandait: «Où
suis-je? Qu'est-ce
quecela veut dire?» Elle
prenait pour
des soldats toutes les autres malades; elle ne
voyait autour
d'elle
quedes figures hideuses et menaçantes, et
croyait Paris
à
feuet à
sang.Elle interprétait tous Jes bruits
qu'elle
entendait. Elle
a eu uneseule hallucination de la vue
. elle a vu, sur le plancher,des trappes qui recouvraient 1111
vaste souterrain.
Dansl'Observation I de ce mêmeouvrage,
M. B... croyait à
un anéantissementgénéral: la terre tremblait, s'ouvrait sous ses
pas*, il se
voyait à chaque instant
surle |>oint d'être englouti.
Dans la salle de bains, il se croyait en
enfer et prenait toutes les baignoires
pourdes barques. Un vésicatoire sur la nuque étail
devenu pour
lui la
marquedes forçats. Il entendait des détona¬
tions d'armes à
"feu
de tous côtés ; ilavait la sensation de balles
traversant son corps et
allant tuer d'autres
personnes.Parmi
toutes ces illusions, toutes ces
interprétations délirantes, il n'a
eu qu'une
seule hallucination de la
vue :il a vu son frère au
milieu des supplices.
Une des malades que nous avons
étudiée, Léonie M...,
nous raconte,après la guérison d'un accès de stupidité, qu'elle voyait
la maison en flammes, la cour pleine
d'eau. De même qu'une
mélancolique
deBaillager, elle
s'estcruedans le
paysdes nègres
et attendait le supplice. Cette
dernière interprétation délirante,
il est vrai, s'explique par la
présence
d'unenégresse parmi les
malades qui l'entouraient.
Nous voyons doncque,dans le cas
de, mélancolie
avecstupeur,,les hallucinations de la vue ne tiennentqu'une place
secondaire:
au premier planse trouvel'état
cénesthésique du sujet
etl'orien¬
tation consécutive de son délire.
Enrésumé, dans la mélancolie, l'hallucination de la vue est
épisodique,
tardive, secondaire. Elle peut êtreélémentaire,
com¬mune, verbale; son objet est souvent unique,
immobile
et appa¬raît devant le malade.
Observation I
Mélancolie avec stupeur. Panoplwbie. Hallucinations de lavue.
LéonieM..., néeen 1830. estentrée à l'Asile des Aliénés
d'Èvreux,
en 1802, le5 novembre.
Antécédents héréditaires. — La mère de la malade était très
nerveuse, très vive et s'emportait très facilement.
Antécédentspersonnels. — On n'apas de renseignements surelle.
Son caractère avaitchangé quelquesmois avant son entrée à l'Asile.
Huitjours auparavant,elle avait eu peur d'un aliéné évadé. Elle crai¬
gnait d'être àcharge auxautres.
Elle voit des flammes ou de l'eaudans la chambreoù elle se trouve, elle crie : « au feu! », «à l'eau! ».
Lecertificat du docteur Marie porte comme diagnostic : mélancolie
avec stupeur, panophôbie, hallucinations.
Elle resteplusieurs mois dansun état de stupeur complète, nourrie à la sonde œsophagienneetgardantun mutisme absolu.
Le 22avril 1893. elleserappelle qu'elle voyait des flammes par la fenêtreet que les bâtiments enface étaientenfeu. Elle n'a jamais vu ni sa chambre, ni sonlit brûler.
Puis,en regardant par
la fenêtre, elle
a vula
courremplie d'une
mare de sang, puis de
l'inondation dans la
cour:elle voyait les
sœurs de la cuisine dans l'eau.
La mémoire du passé n'est pas
conservée. Elle
nereconnaît
pasl'endroit oiiellese trouve. Ellesecroyait en pays
étranger, parmi les
nègres,qui
allaient la faire mourir. Ce qui la confirmait dans son idée,
c'estqu'une négresse
(malade) coupait de la viande auprès d'elle.
Elle reconnaissaitles médecins.
Enjour, elle a dit
qu'elle avait tué beaucoup de
personnes,entre
autres, le préfet de l'Eure.
Quelqu'un de la visite ayant dit qu'il
faudrait avertir la police, elle a cru
avoir dit
unechose fausse qui
pourrait la mener à
Téchafaud.
En mieuxs'estfaitsentir, elle s'est rendue compte de
l'endroit
oiielle se trouvait. Elle a compris
qu'elle était malade, mais elle
se trouvait dansl'impossibilité de
causer:elle aurait voulu, mais elle
ne pouvait pas.Ellecroyait que tout son
argent était perdu, elle voulait cependant
payer pour sefaire
soigner.
Ladernière fois qu'on l'a
examinée, elle était très émotive et
a sangloté à plusieursreprises.
Oservatiox II
Mélancolie anrieuse. Hallucinations de la rue et de l'ouïe.
Let....femme E.... âgée de quarante-septans.
est entrée à l'Asile des
Aliénés d'Evreux, le 18 mars
1800.
Antécédents héréditaires.— Lagrand'mère
maternelle,de la malade
estaliénée ainsi que sa sœur.
Antécédentspersonnels. —- La
malade avait
uncaractère triste.
Elle asubi delongues
privations pendant
unemaladie de
sonmari, qui
dura fortlongtemps.
Quand elle rentraàl'Asile,
elle était déjà malade depuis plus de cinq
mois. Dès cette époque,
elle
ne mangeplus et
nedort plus. Elle s'accuse
de s'être fait avorter six fois avant son mariage,
d'avoir volé des
dentelîes à.ses maîtres, lorsqu'elle était en service. Cest pour la punir
de tousces méfaitsqu'on va la guillotiner. Elle voit le couteau de la guillotine. Elle aété donnée au Diable. Elle entend des voix qui lui
disent : « Prie le bon Dieu ! » D'autres luidisent : « Ne le prie pas ».
Elleest très anxieuse et ne saitquefaire.Ellea vu le Diabletoutenfeu
sortirduplancher.
Ellene peut rien comprendre àtout ce qui se passe, elle ne peut rien expliquer. Elle reste toute la journée inoccupée, couchéepar terre, la
tête recouverte par sesjupes.
ObservationIII
Mélancolieavec hallucinations de. la vue, de l'ouïe, delà sensibilité- Hallucinations psycho-motrices et impulsions.
Rosalie A.... femmeP.... née le 18 août 1820, est entrée à l'Asile des Aliénés d'Evreux,le 15 mai 1881, et une secondefois,le 13juillet 1890.
Antécédents héréditaires. — La mère de la malade est morte, atteintedepuis neufans d'aliénation mentale.
Elleaeu deux enfants : un garçon et une fille, qu'elle a bien élevés etqui se portent bien.
Antécédentspersonnels etdébut de la maladie. — Son caractère avaittoujours été un peu mélancolique. Dès 1870,son mari s'aperçoit qu'elle devient de plus en plus triste, que son irascibilité, éclatant par accès de plusen [tins fréquents, contraste avec son caractère aupara¬
vanttrès doux.
Premier internement. —Le 15 mai 1881, son mari la conduit à l'Asile d'aliénés d'Evreux et déclare que la malade estprofondément mélancolique, a des idées de suicide qu'elle a plusieurs fois essayé de
mettre à exécution, qu'elle déchire tout : habits, literie, etc.; dé plus,
elle est obsédéepar la pensée demourir, afin de retrouverses enfants qu'elle croit morts.
■Cet état d'hypochondrie paraît dû à l'hérédité et aussi au chagrin qu'elleaéprouvé du départ de son fils pour le service militaire.
Al'Asile, elle ne cesse de se lamenter sur son malheureux sort,se