• Aucun résultat trouvé

Rendements d’élimination des procédés d’épuration

Dans le document en fr (Page 63-67)

4. Les STEP domestiques : lieu de transfert et de biodégradation des micropolluants 19

4.2. Rendements d’élimination des procédés d’épuration

En France et en Europe, plusieurs études de terrain (AMPERES, POSEIDON, KNAPPE, SCORE-PP, OPUR) ont été menées afin d’établir les possibilités d’élimination des micropolluants en STEP. Parmi ces études, le projet AMPERES a tout particulièrement attiré notre intérêt. Le projet AMPERES porté par des acteurs de l’analyse et du génie des procédés

A. Synthèse bibliographique

(Irstea, Cirsee Suez Environnement, laboratoire EPOC LPTC de l’université de Bordeaux 1) a permis d’établir un état des lieux des connaissances et de la présence des micropolluants dans les eaux (Coquery et al., 2011). L’objectif était de quantifier l’occurrence, les concentrations et les flux en micropolluants dans les eaux résiduaires brutes, les eaux traitées, et les boues ainsi que les capacités d’élimination des filières conventionnelles d’épuration. 21 STEP domestiques françaises ont été étudiées. Au total, 127 micropolluants prioritaires et émergents (parmi les plus utilisés en France et les plus connus pour leur dangerosité) ont été recherchés.

Cette étude a notamment permis de montrer que la moitié des substances étudiées est éliminée à plus de 70% en filières biologiques. Dans la suite du manuscrit, nous nous appuierons souvent sur les résultats du projet AMPERES (notamment au Chapitre C) car ils concernent de nombreux micropolluants et ont été produit à partir des mêmes méthodologies (prélèvement, analyse, exploitation des résultats) que celles employées lors de ce travail de thèse.

Dans les paragraphes suivants, nous proposons une synthèse des rendements d’élimination de la filière eau des micropolluants relevés dans la littérature pour chaque étape de traitement d’une filière conventionnelle de traitement des eaux usées (i.e., traitements primaires, secondaires, tertiaires).

4.2.1. Traitements primaires

Les traitements primaires (décantation) éliminent principalement les micropolluants qui sont sorbés sur les MES des eaux usées brutes. Les composés lipophiles comme les muscs sont en partie éliminés : 15-51% (Artola-Garicano et al., 2003; Carballa et al., 2004). C’est aussi le cas pour les métaux fixés aux MES (ex. Hg, Al, Ag, Zn, Cu, Pb, Cd, Cr, Ti) et certains HAP éliminés jusqu’à 50% (Choubert et al., 2011a). Par contre, ce n’est pas le cas pour les composés hydrophiles comme certains composés pharmaceutiques et pesticides (Khan et Ongerth, 2004; Choubert et al., 2011a; Soulier et al., 2011). Les rendements d’élimination pour l’ibuprofène, le naproxène et la sulfaméthoxazole sont proches de 0% dans l’étude de Carballa et al. (2004).

4.2.2. Traitements secondaires

Les traitements secondaires apparaissent plus efficaces que les traitements primaires pour l’élimination de nombreux micropolluants (Choubert et al., 2011a). Les micropolluants sont

A. Synthèse bibliographique

24

éliminés principalement par piégeage des MES des eaux usées brutes, par sorption sur les boues et/ou par biodégradation (ces aspects seront spécifiquement développés dans le paragraphe A.5). En revanche, la volatilisation en traitement secondaire ne concerne que peu de micropolluants (Cf. A.5.) et la photodégradation est négligeable. La majorité des études portant sur les procédés biologiques concernent les procédés à boues activées et un nombre plus restreint porte sur les bioréacteurs à membranes (Miège et al., 2009; Verlicchi et al., 2012).

Pour les micropolluants avec des propriétés physico-chimiques « extrêmes » (par exemple, très hydrophiles, très hydrophobes, très biodégradables, très persistants), nous pouvons prévoir les rendements d’élimination. De manière générale, les composés hydrophiles et pas ou peu biodégradables comme la carbamazépine, le diazépam ou le nordiazépam (Joss et al., 2005; Soulier et al., 2011) ou le lithium ou le bore (Choubert et al., 2011b) ne sont pas éliminés par les procédés biologiques. En revanche, les composés ayant tendance à se sorber, comme la plupart des autres métaux et des HAP, sont éliminés de l’eau par sorption sur les boues (Coquery et al., 2011). Les micropolluants très biodégradables sont toujours très bien éliminés, par exemple l’ibuprofène, le paracétamol, l’aspirine, la ciprofloxacine, la caféine et les hormones estrogéniques (Golet et al., 2003; Muller et al., 2008; Miège et al., 2009; Gabet-Guiraud et al., 2010; Soulier et al., 2011; Suarez et al., 2012).

Pour de nombreux micropolluants les valeurs de rendements d’élimination dans les boues activées dans la littérature peuvent être très différentes d’une installation à l’autre (Miège et al., 2009). Par exemple, pour l’aténolol, Castiglioni et al. (2006) obtiennent un rendement de 21% alors que Carucci et al. (2006) obtiennent 71%. De même, pour le propranolol, Alder et al. (2010) obtiennent un rendement de 33% alors que Soulier et al. (2011) trouvent 61 % et Ternes (1998) obtient 96%. Pour le diclofénac, la gamme de rendements retrouvée dans la littérature est de 0 à 75% (Clara et al., 2005b; Gomez et al., 2007; Suarez et al., 2010; Jelic et al., 2011; Soulier et al., 2011).

Les rendements d’élimination ne dépendent donc pas seulement des propriétés physico-chimiques des micropolluants. Ces variations de rendement sont à relier aux conditions de fonctionnement associées au traitement biologique (Cf. A.4.3.).

De plus, de nombreuses études se contentent de calculer les rendements d’élimination à partir des concentrations dissoutes dans les eaux usées brutes et traitées. Pour les substances

A. Synthèse bibliographique

hydrophiles, la valeur de rendement calculée n’est pas modifiée. Dans la revue de Miège et al.

(2009), sur les 117 publications traitant de l’élimination des composés pharmaceutiques en STEP, la majorité portait sur des concentrations dissoutes, et seulement 15 ont fait état des concentrations dans les boues sans néanmoins les intégrer dans le calcul des rendements d’élimination. Pour certains composés pharmaceutiques plutôt hydrophobes (amitriptyline, diclofénac, fluoxétine, log Kow > 4), il est nécessaire de tenir compte des concentrations dans les particules afin d’établir des valeurs de rendements fiables.

Notons aussi que des rendements négatifs sont trouvés dans la littérature (Stadler et al., 2012).

De tels résultats peuvent être dus à une stratégie d’échantillonnage inadaptée (Ort et al., 2010;

Plosz et al., 2013). Une fréquence d’échantillonnage trop faible est notamment inadaptée à la recherche de micropolluants émis par intermittence et parvenant en entrée de STEP sous la forme de pics de concentrations très localisés dans le temps (ex. : produits de contraste utilisés dans les hôpitaux). Une autre hypothèse est le phénomène de conjugaison/déconjugaison qui peut se produire au sein du réacteur biologique (Suarez et al., 2012). Par exemple, la gamme de rendements d’élimination de l’antidépresseur doxépine calculé par Wick et al. (2009) était de -120 à -40%. Or, Rana et al. (2008) ont montré que plus de 90% de la doxépine était excrétée par le corps humain sous forme conjuguée (avec un acide glucuronique). Celle-ci se déconjugue lors de son passage dans le procédé à boues activées. Zorita et al. (2009) ont fait la même observation pour le diclofénac. De même pour les hormones, il faut tenir compte des formes conjuguées présentes dans les eaux usées brutes, fraction qui peut représenter jusqu’à 30% (Gabet-Guiraud, 2009), en procédant à une étape de déconjugaison avant analyse. De plus, un composé parent et un de ses métabolites peuvent se transformer l’un en l’autre dans le procédé à boues activées. De nombreux médicaments par exemple sont excrétés par le corps dans les eaux usées brutes en partie sous forme inchangée (composé parent) ou de métabolites (Heberer, 2002; Jones et al., 2005; Zhang et al., 2008; Besse, 2010). Cela influence alors les bilans matières et le calcul des rendements. Plosz et al. (2010; 2012) ont mis cela en évidence pour la sulfaméthoxazole et le diclofénac.

Les APEO se biodégradent en 4-NP, 4-t-OP et NP1EC au sein du procédé à boues activées (Cf. A.3.). Cependant, les rendements d’élimination de 4-NP et 4-t-OP sont élevés indiquant qu’ils sont biodégradés à leur tour. En revanche NP1EC semble moins biodégradable car il est parfois retrouvé à des concentrations supérieures en sortie qu’en entrée de STEP (Soulier 2012).

A. Synthèse bibliographique

26 4.2.3. Traitements tertiaires

Les traitements tertiaires classiques (décantation rapide, lagunage, filtration sur sable) ont un effet plutôt limité sur l’élimination des micropolluants alors que les filières avancées (procédés d’oxydation, adsorption sur charbon actif) permettent de retenir ou éliminer 70% de substances étudiées (Martin Ruel et al., 2010; Margot et al., 2011).

En conclusion, les procédés de traitement des eaux usées permettent d’éliminer significativement de nombreux micropolluants, notamment avec les traitements secondaires.

Dans un procédé biologique, les mécanismes d’élimination principaux sont la sorption sur les boues et la biodégradation. En effet, seuls les micropolluants volatils sont sensibles à la volatilisation et les conditions de temps de séjour long nécessaire à la photodégradation ne sont pas réunies. En revanche, la variabilité des rendements observés sur différentes STEP met en exergue des questions relatives aux mécanismes d’élimination et à l’impact des conditions de fonctionnement des installations sur les performances d’élimination.

4.3. L’influence des conditions de fonctionnement sur les rendements du procédé à

Dans le document en fr (Page 63-67)