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2. PROCESSUS DE RÉSURGENCE CULTURELLE

2.2 Processus de résurgence culturelle

2.2.1 A.2) Mes rencontres avec les tatoué.e.s

Au cours de ce passage à Toronto, j’ai rencontré plusieurs tatoué.e.s qui ont accepté de me parler de leurs tatouages. J’ai eu la chance de discuter avec des hommes et des femmes autochtones âgé.e.s entre 18 et 55 ans. Ils étaient tou.te.s, ou presque, de nations différentes et chacun avait une histoire à conter. C’est en discutant avec ces personnes que j’ai eu l’idée de leur laisser une grande place dans mon mémoire afin que leur voix soit entendue.

Lors de mon second jour à Toronto, j’ai rencontré Aaron Roberts; unInuit et Métis venant du territoire de NunatuKavut à Terre-Neuve-et-Labrador. D’abord, nous avons eu une grande discussion par rapport aux questions identitaires des autochtones urbains. Puis, nous avons discuté du tatouage qu’il allait se faire tatouer par Sicks le jour même. Il s’agit de chiens de traineau tirant une personne sur une luge. C’est le premier tatouage d’Aaron. Par la suite, il a accepté que j’assiste à la séance de tatouage. L’œuvre est située sur l’avant-bras droit de Roberts. Lors de notre conversation, il m’a expliqué que la signification des chiens de traineau est liée à la culture inuite ainsi qu’à un souvenir d’enfance de sa grand-mère. À la fin de notre rencontre, Aaron m’a avoué qu’habiter dans une métropole multiculturelle comme Toronto nous incite à nous rapprocher de

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notre propre culture. Son tatouage lui permet de se sentir connecter et d’afficher son identité inuite admet-il (Roberts, 2019).

Le lendemain, j’ai eu la chance de rencontrer Kara Jade Lucas-Michaels; une Crie des Plaines et Métisse de la nation de Moosomin First Nations située à Winnipeg au Manitoba. Cette jeune femme est une chanteuse et activiste connue sous le nom de Kara ‘‘The Ra11n’’ Jade. Bien que son style se rapproche beaucoup de celui de la culture populaire noire contemporaine, elle milite pour les droits autochtones avec ses textes engagés sociopolitiquement. Il est possible d’entendre sa poésie controversée avec sa chanson intitulée Original diffusée en 2015 sur YouTube46. Elle fût

très ouverte à me parler de ces nombreux tatouages. Omis son premier tatouage, ils sont tous liés aux cultures crie et métisse. Pour Kara Jade, ses tatouages sont des moyens de représenter ses convictions et ses croyances en plus d’exprimer son identité crie et métisse (Lucas-Michaels, 2019).

Le même jour, j’ai fait la connaissance de Chelsey Laliberté; une Crie de la nation de Red

Pheasant First Nation située en Saskatchewan. Kara et Chelsey sont venues se faire tatouer

ensemble. Cette dernière était accompagnée de son jeune fils Easton. Bien que ses tatouages soient moins engagés politiquement que ceux de la chanteuse, ils sont liés à la culture crie. Lors de notre entretien, elle m’a avoué être connectée à sa culture, mais être en processus d’apprentissage. La jeune femme m’a expliqué que ses tatouages sont davantage liés à son fils. Easton est, d’ailleurs, la raison qui l’a motivé à mettre fin à ses problèmes de consommations. Elle souhaite réapprendre la culture crie afin de la transmettre à son fils dit-elle (Laliberté, 2019). Ces deux femmes ont été, pour moi, une source d’inspiration et un modèle de force et de résilience autochtone.

Le quatrième jour, j’ai rencontré Jay Tom, d’origine mohawk et irlandaise. Jay et moi avons eu une enrichissante conversation à propos des identités métissées. Comme moi, Jay m’a avoué avoir longtemps senti qu'il n’appartenait à aucun groupe. Pour les blancs, il était autochtone. Pour les autochtones, il était blanc. Le tatouage exécuté par Sicks est le premier tatouage autochtone de Tom. Il s’agit d’une reproduction de l’œuvre Windigo réalisée par Norval Morrisseau, aussi connu sous le nom de Copper Thunderbird. La légende du Windigo a pour enseignement de ne jamais

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être trop gourmand dans la vie. À la fin de notre entretien, Jay m’a expliqué que de recevoir un tatouage autochtone réalisé par un autochtone est sa façon de porter sa culture (Tom, 2019). Le jour même, j’ai discuté avec Saga Kwandibens; une Ojibwé Crie. Lorsque je l’ai rencontrée, Saga était apprentie tatoueuse à l’Inkdigenous Tattoo studio. Cette talentueuse jeune femme est impliquée dans sa culture. Elle s’investit, surtout, dans la représentation de la culture ojibwée crie en milieu urbain en réalisant des performances de danses traditionnelles (fancy shawl dance et

jingle dance). Saga possède de nombreux tatouages. Lors de notre conversation, elle m’a parlé de

plusieurs d’entre eux. Tous les motifs ne sont pas directement liés à sa culture ojibwée crie dit-elle. Toutefois, ils relèvent d’enseignements et de concepts autochtones comme la vision circulaire et relationnelle. Les tatouages de Saga sont, aussi, énormément liés à son histoire personnelle et familiale comme les nombreux suicides au sein de ses proches (S. Kwandibens, 2019). Lors de mon dernier jour à Toronto, j’ai rencontré E.J. Kwandibens; un Ojibwé et Woodland de la nation de White Sand First Nation. Il est membre du clan du Loon. E.J. est le père de Saga. C’est un éducateur culturel autochtone engagé dans la diffusion des cultures autochtones au Canada. Lors de notre entretien, E.J. m’a longuement parlé de ses tatouages. D’abord, ils sont tous réalisés à l’encre noire, puisque les tatouages réalisés par ses ancêtres étaient, traditionnellement, sans couleur. Puis, les motifs représentés sont tous liés aux cultures ojibwée et woodland. Certains sont rattachés à son clan. D’autres symbolisent son implication dans les luttes de résistance culturelle. Puis, d’autres, encore, représentent directement les croyances et les légendes ojibwées et woodland. Selon E.J, nos tatouages doivent être reliés à notre culture et à notre identité autochtone (E. Kwandibens, 2019).

Bref, je suis revenu de Toronto avec un énorme bagage culturel. Les rencontres que j’y ai faites ont guidé la suite de mon voyage. Grâce à Facebook, j’ai gardé contact avec la majorité des personnes rencontrées lors de mon séjour. Quelques mois plus tard, en septembre, j’ai dû leur réécrire afin d’obtenir des informations complémentaires. J’étais ravi de voir leur enthousiasme en répondant à mes questions supplémentaires. Ainsi, ces gens formidables que j’ai connus lors de ce séjour de re-cherche m’ont inspirée tout au long de mon projet et m’ont donné le courage de continuer lors d’impasses.

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