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La remobilisation physique du plutonium

6. Etude expérimentale de la remobilisation du plutonium

6.1. La dynamique des sédiments cohésifs

6.2.3. Résultats sur la remobilisation du plutonium

6.2.3.3. La remobilisation physique du plutonium

1 100 % + × = traceur du coups de nombre n échantillo l de coups de nombre totale Erreur Équation 6-1

Pour nos mesures, les erreurs cumulées liées à l’addition des deux traceurs (236Pu et 242Pu) sont de 12 à 16 % pour le 239,240Pu et de 17 à 40 % pour le 238Pu. Par conséquent, les résultats sur la remobilisation du Pu en phase dissoute sont à prendre avec une extrême précaution et seront écartés pour la suite de ce travail.

6.2.3.3. La remobilisation physique du plutonium

Les activités remobilisées dans la phase particulaire à la fin de chaque expérience de remise en suspension ont été calculées d’après l’équation 4-8 et sont présentées dans le tableau 6-6.

Tableau 6-6 : Activités en 238Pu et 239,240Pu remobilisées dans la phase particulaire du canal à courant à la fin des expériences de remise en suspension (mBq) et estimations des masses de matières remises en suspension MRES d’après les filtres GF/F (0,5 µm) et la cartouche Millipore (0,7 µm).

Station 238Pu 239,240Pu 238Pu/239,240Pu MRES (GF/F) MRES (Millipore)

Fos 0,3 3,8 0,07 3,84 4,4 Roustan Est 5,7 32,1 0,18 2,64 1,24 Chenal 1,7 7,9 0,21 6,74 14,7 Roustan Ouest 0,5 2,7 0,17 5,76 7,4 Sète 0 0 / 9,51 26,2 Rhône 3,7 44,9 0,08 13,80 37,0

Les activités remobilisées dans la phase particulaire sont généralement faibles, en particulier pour l’isotope 238. Aucune remobilisation du plutonium n’a pu être mise en évidence à la station Sète. Par contre, les stations Roustan Est et Rhône présentent une remobilisation significative atteignant 5,7 mBq en 238Pu et 45 mBq en 239,240Pu. Les rapports d’activité 238Pu/239,240Pu remobilisés sont en accord avec les rapports d’activité 238Pu/239,240Pu mesurés dans les sédiments de surface (Tableau 6-2). La bonne concordance des RA 238Pu/239,240Pu permet d’attester de l’origine sédimentaire du Pu remobilisé dans la colonne d’eau.

Une des difficultés des expériences en canal à courant réside dans la détermination précise de la masse de sédiments remis en suspension (MMRS). En effet, la masse de sel retenue sur le filtre Millipore (10,70 ± 1,80 g ; § 4.5) représente dans certains cas plus de 8 fois la masse de sédiment remis en suspension. Compte tenu de cette différence, nous avons estimé la charge particulaire totale dans l’eau du canal en utilisant les mesures de concentrations en MES. L’estimation faite à partir des filtres GF/F a été obtenue en multipliant la charge particulaire de l’eau du canal à la fin des expériences de remise en suspension par le volume total d’eau de mer (Tableau 6-6). Les estimations de MMRS faites soit sur les filtres Millipore soit sur les filtres GF/F montrent de grandes différences pouvant atteindre un facteur 3. La taille des pores des filtres GF/F est de 0,7 µm alors que celle des cartouches Millipore est de 0,5 µm. Cette différence peut expliquer une partie seulement des différences observées. L'effet de sel pour chaque expérience est impossible à quantifier précisément et il est probablement responsable d’une grande partie des différences observées. En raison des incertitudes liées au sel, nous avons fait le choix de retenir les masses de sédiment remis en suspension déterminés par les filtres GF/F.

A l’exception des stations Roustan Est et Sète, la remobilisation physique du plutonium est proportionnelle au flux d’érosion et donc à la masse de MRS (Figure 6-6). Le nombre de mesure est limité mais les corrélations sont significatives (p<0,05).

R2 = 0,95 0 10 20 30 40 50 0 5 10 15

Masse de sédim ent (g)

23 9, 2 4 0Pu ( m B q ) R2 = 0,95 0 1 2 3 4 5 0 5 10 15 Masse de sédiment (g) 23 8Pu ( m B q )

Figure 6-6 : Activités en 238Pu et 239,240Pu remobilisées en fonction de la masse de sédiment remis en suspension (à l’exception des station Roustan Est et Sète).

Par contre, les deux exceptions présentent deux situations très contrastées.

Les résultats de la station Roustan Est sont très différents des résultats des autres stations du prodelta du Rhône. En effet, le flux d’érosion à cette station est le plus faible de tous (41 g.m-2.h-1) et pourtant l’activité remobilisée est l’une des plus élevées. Cette différence pourrait s’expliquer par une forte activité spécifique des particules les plus fines qui sont préférentiellement remises en suspension. Dans ce cas, la remise en suspension d’une faible quantité de matière pourrait entraîner une remobilisation importante du plutonium.

La station Sète, située en dehors de l’influence directe du Rhône, donne des résultats opposés. En effet, le flux d’érosion à cette station est l’un des plus importants (162 g.m-2.h-1) et on pouvait s'attendre à une importante remobilisation puisque les concentrations des sédiments de surface (0-2 cm) étaient de 45 mBq.kg-1 en 238Pu et de 904 mBq.kg-1 en 239,240Pu. Or, l’activité remobilisée est nulle. Il existe donc un décalage entre l’activité spécifique des sédiments en place et celle des sédiments remis en suspension. Cette différence pourrait s’expliquer par l’accumulation récente de sédiments très faiblement marqués qui recouvrent des sédiments plus anciens marqués par les retombées atmosphériques. Ces résultats mettent en évidence un problème de résolution spatiale entre la hauteur de sédiment érodé, de quelques millimètres tout au plus, et la hauteur de sédiment échantillonnée pour mesurer les concentrations en Pu (2 cm). Par ailleurs, Zuo et al. (1991) estiment un taux de sédimentation apparent inférieur à 2 mm.a-1 pour la partie de plateau continental où est localisée la station Sète. D’un côté, la remise en suspension pourrait donc éroder l’équivalent d’une année de sédimentation, alors que de l’autre, le terme source en Pu est déterminé sur plus de 10 années d’accumulation sédimentaire. Il n’est donc pas surprenant d’observer une différence des activités spécifiques puisque les sédiments en place et remis en suspension ne correspondent pas aux mêmes périodes de sédimentation.

Ces deux exemples montrent que la quantité de plutonium remobilisée n’est pas toujours proportionnelle au flux d’érosion et qu’il faut tenir compte de l’historique des dépôts. En effet, l’accumulation récente de sédiments peu contaminés recouvre des sédiments anciens et plus contaminés. Cette sédimentation récente forme une sorte de chape sédimentaire qui s’oppose à la remobilisation du plutonium.

Malgré les incertitudes sur les masses (MMRS), nous avons calculé les activités spécifiques des sédiments remis en suspension (Tableau 6-7).

Tableau 6-7 : Comparaison des concentrations en 238Pu et en 239,240Pu (mBq.kg-1) entre les matières remises en suspension (MRS) et les sédiments (SED).

238Pu 239,240Pu

Station MRS SED MRS SED

Fos 78 60 ± 3 990 618 ± 15 Roustan Est 2159 134 ± 4 12159 618 ± 12 Chenal 252 166 ± 4 1172 706 ± 11 Roustan Ouest 87 59 ± 2 469 349 ± 10 Sète 0 45 ± 2 0 904 ± 16 Rhône 268 83 ± 2 3254 940 ± 14 105

Les particules remises en suspension présentent une activité spécifique en générale supérieure à celle des sédiments en place. Les activités spécifiques des sédiments remis en suspension peuvent être jusqu’à 20 fois plus élevées que celles mesurées pour les sédiments de surface. Ces résultats suggèrent alors l’existence d’un tri granulométrique et les particules les plus fines, remises en suspension, seraient “plus riches” en plutonium que les particules plus grossières. En mer d’Irlande, MacKenzie et

al. (1999) montrent que le plutonium est principalement associé aux particules fines (argiles et silts)

même si les particules plus grossières peuvent jouer un rôle aussi important. Dans notre cas, compte tenu des incertitudes sur les masses, d’autres mesures seront nécessaires pour préciser l’existence d’un tri granulométrique.

Les expériences de remise en suspension permettent pour la première fois d’estimer des flux de remobilisation du Pu dans des conditions proches des conditions environnementales. Le flux de remobilisation a été calculé à partir de la quantité de Pu remobilisé dans la phase particulaire rapportée à une unité de surface de sédiment et à unité de temps (mBq.m-2.h-1). Ces flux ont été déterminés pour un stress hydrodynamique bien précis et ils correspondent donc à des flux potentiels de remobilisation (Tableau 6-8).

Tableau 6-8 : Flux de 238Pu et 239,240Pu remobilisés avec la phase particulaire lors des expériences de remise en suspension (mBq.m-2.h-1) Station 238Pu 239,240Pu Fos 3 55 Roustan Est 81 455 Chenal 23 113 Roustan Ouest 6 39 Sète 0 0 Rhône 52 635

Les flux de plutonium associés à la remise en suspension des sédiments de surface sont au maximum de 81 mBq.m-2.h-1 en 238Pu pour Roustan Est et de 635 mBq.m-2.h-1 en 239,240Pu pour la station Rhône. Compte tenu de l’hétérogénéité des résultats, les flux moyens pour la zone du prodelta du Rhône sont de 40 mBq.m-2.h-1 en 238Pu et de 310 mBq.m-2.h-1 en 239,240Pu. En raison de la superficie étudiée (environ 500 km2), ces flux potentiels pourraient représenter une source secondaire non négligeable de plutonium pour le golfe du Lion.