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Expérimentation pour étudier la remobilisation du plutonium

4. Stratégie d’échantillonnage, méthodes d’analyse et expérimentations

4.5. Expériences de remise en suspension en canal à courant

4.5.2. Expérimentation pour étudier la remobilisation du plutonium

Dans le cadre des expériences de remise en suspension en canal à courant, nous avons développé un volet spécifique pour l’étude des radionucléides. En effet, pour appréhender la remobilisation du plutonium lors des phénomènes de remise en suspension, nous avons mis au point l’approche expérimentale suivante. Les carottes de sédiment subissent une augmentation linéaire du courant pendant 45 minutes jusqu'à une vitesse maximale d’environ 35 cm.s-1 (Figure 4-13). L’intensité maximale du courant est ensuite maintenue constante sur une période de 30 minutes, dans le but d’augmenter la charge en MES car les activités attendues en Pu sont très faibles.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 Temps (mn) Vi te s s e ( c m .s -1 ) 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 MES (m g .l -1 ) Vitesse MES ∆t

Figure 4-13 : Exemple type d’une expérience de remise en suspension en canal à courant.

Au bout de 75 minutes, les sédiments sont recouverts d’une plaque en Plexiglas pour stopper l’érosion et isoler les sédiments de l’eau surnageante. Les 300 litres d’eau de mer sont ensuite maintenus en circulation et filtrés en totalité. La filtration a été effectuée par filtration tangentielle sur une cartouche millipore de 0,5 µm, à la vitesse de 2 à 3 litres par minute.

Le filtre et la fraction particulaire ont été séchés pendant 1 semaine à l’étuve (60°C) dans le but d’estimer la masse totale de sédiments remis en suspension.

La fraction dissoute a été récupérée dans trois bidons de 120 litres.

4.5.2.1. Détermination des paramètres de l’érosion

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Les caractéristiques de l’écoulement turbulent

La dynamique des sédiments est sous la dépendance des conditions hydrodynamiques de l’écoulement. D’une manière générale, l’écoulement turbulent au voisinage d’une paroi peut se diviser en deux zones distinctes (Figure 4-14), (Soulsby, 1983). La première est située à proximité du fond où l’écoulement est directement influencé par les conditions du fond. Cette zone est appelée couche limite de fond et représente entre 10 et 20 % de la colonne d’eau. La seconde située au dessus n’est affectée qu’indirectement par le fond et correspond à la zone de vitesse libre.

Sous-couche visqueuse Zone de vitesse libre

Zone logarithmique Zone externe U h Z Couche limite U∞ Sous-couche visqueuse Zone de vitesse libre

Zone logarithmique Zone externe U h Z Couche limite U∞

Figure 4-14 : Représentation schématique des différentes zones formant la couche limite de fond.

Dans le cadre de ce travail, nous nous focaliserons sur la couche limite de fond qui est le siège des processus turbulents contrôlant à la fois l’érosion et le dépôt des particules. Pour un fond lisse, la couche limite peut être sub-divisée en trois sous-couches :

la sous-couche visqueuse

la zone logarithmique

la zone externe

Dans le canal à courant, la couche limite se développe sur une hauteur d’environ 4 cm au-dessus de la section test (Schaaff, 2003).

Dans le cas d’une couche limite turbulente, uniforme, à l’état d’équilibre, le profil de vitesse suit une distribution logarithmique sur la verticale qui est décrit par la loi de Von Karman-Prandtl (Dyer, 1976) :

      = 0 * ) ( ln z z k u u z Équation 4-4

Avec :

u

( z) : vitesse moyenne du courant à la distance z (m) par rapport au fond (m.s-1)

*

u : vitesse de cisaillement sur le fond (m.s-1) k: constante de Von Karman (0,4)

0

z

: longueur de rugosité du sédiment (m)

Parmi ces paramètres, la longueur de rugosité du lit sédimentaire est le paramètre le plus difficile à déterminer avec précision. En effet, la longueur de rugosité est une variable complexe, fonction de la nature du sédiment, de la taille des grains mais aussi de la microtopographie du fond. Dans la littérature, les sédiments fins ont généralement les valeurs de

z

0 les plus faibles, de l’ordre de 10-4 à 10-5 m (Soulsby, 1997). Pour les sédiments du prodelta du Rhône, Schaaff (2003) a déterminé des valeurs de

z

0 comprises entre 4.10-6 et 4.10-5 m. Une valeur moyenne de 10-5 m a été retenue pour l’ensemble de ce travail et ce quel que soit la station considérée.

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La contrainte de cisaillement sur le fond

La contrainte de cisaillement associé au courant, notée

τ

c, correspond à la force de friction par unité de surface (N.m-2) qu’exerce le courant sur le fond. C’est un paramètre essentiel pour l’étude de la dynamique sédimentaire car il représente la force induite par l’écoulement sur les grains du lit sédimentaire. De cette valeur dépend un grand nombre de phénomènes comme la remise en suspension, le charriage, la saltation ou encore la sédimentation. La contrainte de cisaillement exercée par le courant sur le lit sédimentaire a été calculée par :

2 *

u

c

ρ

τ =

Équation 4-5

Avec :

ρ

: masse volumique de l’eau de mer (1038 kg.m-3)

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Le seuil de mise en mouvement

Le seuil de mise en mouvement est caractérisé par une vitesse de cisaillement critique à partir de laquelle les particules commencent à se déplacer ; on parle alors de mouvement naissant. La vitesse critique d’érosion est déterminée graphiquement en suivant l’évolution du signal de turbidité qui est

corrélée à l’évolution des concentrations en MES. Au cours de ce travail, la vitesse critique d’érosion a été déterminée lorsque la concentration en MES, moyennée sur 30 secondes, atteint la concentration initiale moyenne + 5 %. A cette vitesse est associée une contrainte critique d’érosion qui dépend des caractéristiques de l’écoulement (turbulent, laminaire) mais aussi de la nature des grains (densité, taille, forme…) et du fluide (densité, viscosité). Les sédiments sont susceptibles d’être érodés si et seulement si la contrainte appliquée est supérieure à la contrainte critique d’érosion. La détermination de la contrainte critique d’érosion est généralement empirique, basée sur des expérimentations en laboratoire, et elle nécessite dans la mesure du possible une validation in situ (Chapitre 7).

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Quantification des flux d’érosion

Lorsque la contrainte critique d’érosion est dépassée, la concentration de matière particulaire dans l’eau du canal augmente. Le flux d’érosion est défini comme étant la quantité de matière introduite dans la colonne d’eau par unité de surface et par unité de temps (Parchure et Mehta, 1985). Dans le cadre de nos expériences en canal à courant et en se basant sur les mesures de MES, le flux d’érosion peut être calculé de la manière suivante (Tolhurst et al., 2000).

t S V C C F sed c t t x crit ∆ × × − = ( () ( )) Équation 4-6

Avec :

F

x : flux d’érosion de la matière particulaire (g.m-2.h-1)

) (t

C

: concentration en MES (g.l-1) au temps t (h)

c

V

: volume total d’eau de mer dans le canal (300 l)

sed

S

: surface de sédiment (0,0707 m2) t

∆ = t-tcrit avec tcrit temps correspondant au début de la phase d’érosion

Le flux d’érosion est calculé pour la période de temps comprise entre le début de l’érosion et le palier de vitesse atteint au bout de 45 minutes. Le pourcentage d’erreur calculé pour le flux d’érosion est de ± 10 %.

Analyses des activités de plutonium remobilisé

Les échantillons solides et liquides, obtenus à la fin des expériences de remise en suspension, ont fait l’objet d’analyses en plutonium. Les activités en Pu des matières remises en suspension ont été mesurées en suivant le même protocole que les échantillons de sédiment (§ 4.3). Par contre, l’analyse

du plutonium dissous, dilué dans les 300 litres d’eau de mer, nécessitait avant tout une première étape de concentration (Annexe 1). Après la filtration, les échantillons d’eau de mer ont été immédiatement acidifiés jusqu’à atteindre un pH<1 par addition directe d’HNO3 concentré. Puis, un spike de 236Pu a été ajouté dans le but de déterminer le rendement d’extraction de cette étape. Le plutonium dissous a ensuite été concentré par co-précipitation en utilisant la technique standard aux hydroxydes de fer (Vives i Batlle, 1993). Le pH a été ajusté à 8,5, par ajouts successifs de soude (NaOH), afin de faire co-précipiter les hydroxydes de fer. Après une nuit de décantation, les précipités ont été récupérés en siphonnant le surnageant. Par la suite, l’ensemble des échantillons dissous ont été traités en radiochimie et mesurés par spectrométrie alpha comme les autres prélèvements.

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Détermination des activités de plutonium de l’eau de mer

Pour quantifier les activités de plutonium remobilisé lors des expériences de remise en suspension, il était indispensable de déterminer préalablement les activités de Pu dans l’eau de mer introduite dans le canal. En Méditerranée, les concentrations en plutonium sont généralement faibles (Mitchell et al., 1995 ; León Vintró et al., 1999). La détection des isotopes du Pu nécessite donc la collecte d’échantillons d’un volume de l’ordre de 102 à 103 litres (Vives i Batlle, 1993). Avant chaque série d’expériences, environ 600 litres d’eau de mer ont été prélevés puis filtrés afin de déterminer les activités dites de “bruit de fond” pour les phases particulaire et dissoute. Les activités de l’eau de mer ont été calculées pour la phase dissoute et la phase particulaire par :

EDM

BF Pu V

Pu = / Équation 4-7 Avec : PuBF : activité Pu dans la phase considérée par unité de volume d’eau de mer (Bq.l-1)

Pu : activité totale mesurée dans la phase considérée (Bq)

EDM

V : volume d’eau de mer filtrée (l)

Par ailleurs, l’activité en Pu dans la phase particulaire est fonction de la concentration en MES de l’eau de mer. Les concentrations en MES ont été déterminées par la filtration de plusieurs échantillons d’un litre d’eau de mer sur des filtres GFF (0,7 µm). L’activité du plutonium particulaire pourra donc également être exprimée en Bq.g-1 de sédiment remis en suspension.

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Détermination des activités de plutonium remobilisé

Les activités de Pu remobilisé dans les phases particulaire et dissoute à la fin des expériences de remise en suspension ont été déterminées selon la formule suivante :

)

(

BF C

TOT

REM

Pu Pu V

Pu = − ×

Équation 4-8

Avec : PuREM : activité en Pu remobilisé dans la phase considérée (Bq) : activité totale de la phase considérée (Bq)

TOT

Pu

: activité de la phase considérée par unité de volume d’eau de mer (Bq.l

BF

Pu -1)

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Détermination de la quantité de matière remise en suspension

Pour la fraction particulaire, l’activité de plutonium remobilisé est fonction de la quantité de matière remise en suspension. Il est donc essentiel d’avoir une bonne estimation de la masse totale de matière récupérée sur le filtre. Il est également nécessaire de faire la distinction entre les matières en suspension (MES) initialement dans l’eau de mer et le sédiment réellement remis en suspension (MRS) au cours de l’expérience. La masse de sédiment resuspendu est calculée de la manière suivante :

( )

(

SEL MES C

)

TOT MRS

M M C V

M = − + ×

Équation 4-9

Avec

M

MRS : masse de sédiment resuspendu (g)

TOT

M

: masse totale retenue sur le filtre (g)

SEL

M

: masse de sel retenue sur le filtre (g)

MES

C

: concentration moyenne des MES dans l’eau de mer (g.l-1)

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L’effet de sel

Pour éviter toute désorption artificielle du plutonium, nous avons fait le choix de ne pas rincer les filtres Millipore à l’eau douce. En effet, les niveaux d’activité attendus étant relativement faibles, nous voulions éviter d’introduire des artéfacts pouvant favoriser la redissolution du Pu. En contre partie, une masse de sel non négligeable était retenue sur le filtre. Cet effet de sel nous porte malheureusement préjudice pour donner une estimation précise de la masse de sédiment resuspendu (MRES). Néanmoins, des tests ont été réalisés sur des filtres témoins plongés dans de l’eau de mer artificielle à 38 g.l-1. Dans ces conditions, l’effet de sel moyen a été quantifié à 10,70 ± 1,80 g.