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Lors des entretiens avec les éducateurs, nous leur avons posé la question suivante

"Vous êtes-vous remis en question suite à ces violences vécues ?". Cette remise en question concerne la prise en charge éducative des éducateurs. A-t-elle changé ? Evolué ? Ceux-ci avaient des avis divergents qui seront expliqués ci-dessous et que nous avons répertoriés comme suit :

 Les éducateurs ayant démissionné suite à l’agression ;

 Remise en question par rapport à l’évolution de la violence.

Quatre des sept éducateurs interviewés nous ont raconté comment ils se sont remis en question suite aux violences vécues.

Danielle, Jacques et Baptiste, ont appris de leurs expériences à ouvrir les yeux et à être plus attentifs aux signaux que les adolescents émettent. Dorénavant, ils mettent plus d’outils en place afin de prévenir la violence. « On apprend de nos expériences.

Je suis encore plus attentive à certains signaux qui peuvent être des agressions. Et ça fait également partie des risques de notre métier. J’ai pu également avoir de très chouettes discussions avec les autres jeunes du groupe suite à cette agression et ça a pu lever un sujet peut-être un peu tabou qui finalement fut très constructif. » (Danielle). Jacques se questionne à propos du sens qu’il donne à son travail et à sa façon de fonctionner. Il fait maintenant attention à ne pas avoir une attitude agressive envers les jeunes. Il a appris à adopter un comportement ne provoquant pas la violence des jeunes. « En tout cas ce qui est sûr c’est que j’ai moins de certitudes, j’suis beaucoup plus prudent […] J’pense que y’a des moments où j’étais trop intrusif et probablement ouais trop, trop, trop,….rigide un peu comme ça… Alors p’t’être j’ai assoupli certaines choses. […] Parce qu’on peut être vraiment agressif, enfin être perçu comme être intrusif, agressif, en voulant tout le temps aider…Enfin j’veux dire ça fait aussi poser des questions pourquoi on fait ce job. » (Jacques). Baptiste souligne le fait que cela l’a rendu plus calme dans son métier. « Ouais après moi je pense que ça m’a fait grandir, mûrir pis que je suis aussi beaucoup plus calme dans la profession et je prends plus de recul. » (Baptiste).

Jacques s’est rendu compte que ce n’est pas de sa faute si les jeunes ont des comportements violents mais qu’il peut leur donner des outils, libre à eux de les

utiliser ou non. « Ça, j’ai appris voilà. C’est-à-dire que maintenant je me rends compte que c’est pas moi qui vais pouvoir le sauver en entier. J’vais pouvoir lui donner deux trois trucs. » (Jacques).

Suite à la question "que changeriez-vous dans votre démarche suite à l’agression ?"

Christiane nous a répondu qu’elle irait de suite demander de l’aide plutôt que d’essayer de gérer la situation seule. Nous considérons sa réponse comme une forme de remise en question de sa part puisqu’elle insinue ici qu’il faut reconnaître ses limites et demander de l’aide lorsqu’elles sont atteintes. Cette solution aurait peut-être évité la violence qu’elle a subie. « Et pas essayer de gérer seule et pis d’après appeler quelqu’un. Enfin d’essayer de mettre une petite parenthèse si on peut, d’appeler et puis de continuer. » (Christiane).

4.4.1 LES ÉDUCATEURS AYANT DÉMISSIONNÉ SUITE À LAGRESSION

Quatre éducateurs sur sept ont démissionné de leur lieu de travail suite aux violences vécues. Après les événements subis, ils ont tous choisi de travailler avec une population qu’ils califient de "plus calme". Par exemple Baptiste travaille actuellement avec des enfants plus jeunes où il y a moins, selon lui, de risques d’être victime. Ces démissions ne sont-elles pas une façon de fuir le problème ou d’éviter des situations de violence?

Comme énoncé ci-dessus, Baptiste exprime sa motivation à changer de population afin d’être moins exposé à la violence. « J’ai aussi volontairement voulu changer de cadre de travail avec une population plus jeune où je me dis que je peux p’t’être leur apporter quelque chose parce que la population adolescente, quand elle est dans ce genre d’institution, c’est presque, c’est presque trop tard quoi pour leur donner un coup de main enfin ils sont presque adultes et s’ils sont dans des schémas de violence et tout ça c’est un peu compliqué de, y avait un tel petit pourcentage de réussite d’aller mieux plus tard que je me suis dit voilà p’t’être que… » (Baptiste).

Simon, comme pour Baptiste, a choisi de changer totalement de population.

Actuellement il travaille avec des personnes en situation de handicap, il sera donc selon lui moins exposé à cette violence. « Alors j’ai arrêté à la fin parce que j’ai pris cette décision, j’ai décidé d’arrêter, j’ai décidé de ne plus travailler avec cette population, de ne pas travailler avec cette population même de jour. » (Simon).

Christiane a également choisi de quitter son travail suite aux agressions subies, une des raisons étant qu’elle ne s’est pas sentie soutenue par l’institution suite à ces violences. La réaction de l’institution ne correspondait pas à ses attentes. « J’suis pas restée à mon poste suite à ça. » (Christiane).

Jacques est parti de son poste à cause, selon lui, de la mauvaise gestion de l’institution par rapport à la violence. Il nous dit qu’il est parti à la limite du burn out, ce n’est donc pas uniquement une remise en question mais aussi une protection quant à son état psychique. Selon lui, le contexte professionnel ne permettait pas d’exercer son métier comme qu’il l’entendait. « J’pense qu’on peut pas changer simplement sa manière de travailler soi-même indépendamment du contexte dans lequel on est, donc c’est un peu dépendant quoi. Mais j’ai pas tellement de souvenirs d’avoir changé beaucoup de choses à ce moment-là. J’suis surtout parti quoi…[…]

De mettre un peu de jeu là-dedans quoi et que c’est pas l’éduc qui doit tout porter

seul. Moi c’est vraiment ça, c’est parce qu’en reparlant maintenant moi j’le ressens encore fort quoi…J’suis parti quand-même, disons pas fâché mais à la limite du burn out quoi… » (Jacques).

4.4.2 REMISE EN QUESTION PAR RAPPORT À LÉVOLUTION DE LA VIOLENCE

Christiane nous dit que sa manière de travailler n’a pas changé mais qu’elle se pose plus de questions sur la société en général et sur l’évolution de cette violence chez les jeunes. « Mais j’crois qu’elle a pas changé et évolué (la manière de travailler).

J’suis plus inquiète en fait mais pas par rapport à moi mais par rapport au fait qu’avec le temps de voir comment ça évolue et que sur la jeunesse aussi, la violence qui augmente quand-même. » (Christiane).

Résumé

Les remises en question des éducateurs interrogés les plus fréquentes sont : le fait d’être plus attentif aux signaux que donnent les jeunes, d’être plus prudents et calmes.

Les éducateurs interviewés aimeraient dorénavant mettre plus de stratégies en place afin de prévenir les violences.

Nous avons identifié deux façons qu’ont les éducateurs interrogés de palier à la violence : se remettre en question professionnellement (c’est-à-dire sur son action éducative ou dans l’interaction avec les jeunes) ou en évitant les situations de risque, comme par exemple ici, la démission.

Plusieurs éducateurs sociaux ont en effet démissionnés suite aux agressions subies.

Mais est-ce une remise en question ou un moyen d’éviter la violence au quotidien ?

5 S

YNTHÈSE

Dans ce chapitre, nous allons confronter nos hypothèses avec les données que nous avons récoltées. L’analyse va nous permettre de les infirmer ou les confirmer. Nous nous octroyons toutefois le droit de les modifier si nécessaire.

5.1 H

YPOTHÈSE

1 : L

ES ÉDUCATEURS AGRESSÉS PAR UN CLIENT ONT