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ÉDUCATEUR

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Lors de nos recherches théoriques, nous avons trouvé intéressant de parler du concept du traumatisme dans notre travail. N’étant pas formées pour diagnostiquer des troubles, nous ne pouvons affirmer qu’il est possible que les personnes agressées ont subies un traumatisme suite aux violences vécues. Au cours de

83MADOUN Sophie, LOPEZ Gérard. ABC de la victimologie. Paris : Grancher, 2007. (Psychologie). p.10

l’analyse des données, nous avons repéré un certain nombre de signes émotionnels (ton de la voix par exemple) qui pourraient nous faire penser qu’il y a eu un traumatisme chez les éducateurs interrogés. Par contre le discours des personnes ne nous a pas permis d'identifier des signes évidents de traumatismes tels que les cauchemars, etc.

Par contre, nous avons pu observer que tous les éducateurs interrogés ont vécu un bouleversement interne. Nous avons identifié différents facteurs le provoquant. En effet, certaines personnes ont eu des difficultés à s’exprimer à propos des violences vécues (violences physiques, dénonciation calomnieuse) lors des entretiens. Les insultes et actes violents à répétition, subi par certains éducateurs, ont aussi provoqué des bouleversements internes. Effectivement selon Sophie Madoun et Gérard Lopez84, les actes répétés ont des conséquences psychologiques graves car ils sont épuisants à la longue pour les éducateurs interviewés. De plus, les êtres humains ne réagissent pas tous de la même manière. Suite à un même événement violent certaines personnes peuvent avoir des séquelles psychologiques tandis que d’autres ne seront pas touchées par celui-ci.

Nous considérons que la crainte des antécédents violents des jeunes est aussi un facteur de bouleversement interne. Ces craintes risquent-elles d'influencer la prise en charge éducative ? En effet, un éducateur ayant peur d’un bénéficiaire pourrait assouplir ses règles et faire en sorte de ne pas contredire et ne pas provoquer le jeune dans le but d'être à nouveau victime. Cela peut également, selon nous, modifier sa posture professionnelle (ne plus être objectif face au jeune en question).

Ces craintes contribuent-elles à rendre les personnes concernées vulnérables, voire de représenter un facteur de risque, dans le sens où les bénéficiaires profiteraient de cette vulnérabilité?

Les agressions commises à deux (un exécutant l’acte et l’autre encourageant celui-ci) peuvent créer une désillusion du pouvoir d’autorité chez l’éducateur. En effet, l’éducateur peut s’attendre à une réaction de défense par l’adolescent plutôt que d’encouragement du camarade. Cela peut choquer l’éducateur et lui démontrer qu’il n’a plus le contrôle sur la situation. Il est donc difficile pour le travailleur social d’accepter qu’il est en position vulnérable face à deux adolescents. Ceci provoque un bouleversement interne, selon nous.

Ainsi certaines personnes modifient leur rythme de vie suite à une agression subie, en évitant par exemple des situations violentes, comme de ne plus regarder des thrillers ou de changer de place de travail pour une autre population (enfants plus jeunes, personnes en situation de handicap, etc, voir à ce sujet Sophie Madoun et Gérard Lopez85.). La démission est-elle la conséquence d’un bouleversement interne ou est-ce un moyen de fuir des événements violents ?

Ces comportements d'évitements nous indiquent qu’il y a un bouleversement interne chez les éducateurs interrogés. Le fait d'éviter des situations similaires au passage à l'acte violent peuvent être assimilés à des signes d’état de stress post-traumatique associés au sentiment de honte. En effet, selon Jean Audet et Jean-François Katz86,

84MADOUN Sophie, LOPEZ Gérard. ABC de la victimologie. Paris : Grancher, 2007. (Psychologie). Pp. 13-21

85Ibid.

86AUDET Jean, KATZ Jean-François. Précis de victimologie générale. Paris : Dunod, 1999. Pp. 511-513

la victime peut éprouver de la honte et de la culpabilité suite à une agression alors qu’en réalité cela devrait être à l’agresseur de subir cela.

Nous pouvons noter que ce n'est pas le type de violence subi qui est forcément le facteur déterminant de ce bouleversement. Tous les éducateurs interviewés ayant vécu des violences physiques ont également subi des agressions psychologiques.

Pour dépasser ce bouleversement interne, la victime doit se reconstruire au travers d’un suivi médical ou social adapté (Madoun & Lopez87). Les éducateurs que nous avons interrogés ont mis en place diverses stratégies afin de faciliter cette reconstruction: tels que s'appuyer sur des liens sociaux (l’écoute d’un proche, discussion avec les collègues et la direction), des supervisions individuelles, ou encore des séances de thérapie. D’après Carol Gachet88, ces stratégies permettent aux victimes (en l’occurrence les éducateurs que nous avons interviewés) d’admettre et de s’exprimer sur ce qu’ils ont vécu. Cela les aide à sortir du choc ou du déni et à entamer le processus de reconstruction. Suite à cela, la personne victime doit tenter de retrouver sa confiance en soi et aux autres qui a peut-être été perdue suite aux agressions.

Nous avons remarqué que la remise en question chez les éducateurs n'intervient pas toujours immédiatement après un bouleversement interne. Elle fait suite à une réflexion à propos du sens donné à la violence et au questionnement de leur prise en charge éducative. C’est-à-dire qu’ils ont identifié les causes qui auraient pu engendrer ces violences, comme leur comportement à l’égard des adolescents (prise de pouvoir par exemple) ou encore la volonté de gérer seul ces situations. Ils ont mis en place des stratégies afin de surmonter ces violences.

Suite à ces réflexions, nous confirmons l’hypothèse de départ. Toutefois, nous choisissons de distinguer le bouleversement interne de la phase de remise en question pour une meilleure compréhension de l’hypothèse.

Hypothèse 2

L’agression provoque chez l’éducateur social un bouleversement interne. Celui-ci se traduit par exemple par l’évitement de situations à risque (démission de l’éducateur, ne pas provoquer de réactions violentes chez le jeune, etc.).

Hypothèse 2 bis

L’éducateur victime se remet en question en mettant en place plusieurs stratégies (changement de prise en charge éducative, par exemple) afin de surmonter les violences vécues.

87MADOUN Sophie, LOPEZ Gérard. ABC de la victimologie. Paris : Grancher, 2007. (Psychologie). Pp. 13-21

88 GACHET Carol. Aspects psychologiques de reconstruction chez les personnes victimes d’un événement traumatique. In : EHRENZELLER B. [et al.]. La nouvelle loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions. Dike. St-Gallen : 2009. Pp. 137-139

5.3 H

YPOTHÈSE

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