Nous allons reproduire une observation
typique de
cemode opératoire.
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Observation III
Prolapsus rectal complet de 10 centimètres. — Rectopexie postéro-inférieure. — Guérison. — Rapport de M. le Profes¬
seurVerneuil.
C. Ledric, âgé de dix-huit ans, entré àla Pitié le 10 novembre 1888 dans le service de laclinique, salle Michon, n° 55.
C'estunjeune homme un peufaible, pâle, d'une assez bonne santé habituelle cependant, dont le prolapsus a débuté il y a quatre ans. Il
raconte qu'à la suite d'une constipation prolongéeon lui administrade violents purgatifs et qu'en allant à la selle il sentit tout d'un coup une
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tumeursortir parl'anus. Elle se réduisit spontanément, mais à partir
de cette époque, il constata qu'elle reparaissaità chaque défécation.
Depuisun an, elle a augmenté sensiblement ; elle provoque fré¬
quemmentun tenesmequi le pousse cinqousix fois par jour à faire
des efforts de défécation sans autre résultat que l'expulsion au dehors deson prolapsus. Lorsqu'il est debout, le prolapsus sort en partie.
Latumeurest du volume d'un grospoing, arrondie, elle se continue
sans ligne de démarcation avec lapeau. Les douleurs sont modérées.
Le 10 décembre onfaitune application de raies de feu sur la tu¬
meur ; ellene produit aucun résultat.
Le 25 mars 1889, le professeur Verneuil fait la rectopexie postéro-inférieure par leprocédé que nous avonsdécrit. On place undrain de quatrefils fixateurs. Les fils et le drain sont retirés le dixième jour.
La rCL.nion esttotale en moins d'un mois. Iln'y a eu aucune compli¬
cation si cen'est une constipation excessive qui,àpartir du quinzième jour, anécessité des purgatifs répétés et même unvéritable curage du
rectum. Le prolapsus ne reparaît pas.
Le malade a étérevu le 8 mars1890, c'est-à-dire un anaprès l'opé¬
ration. Les défécations sont régulières. Lorsqu'il fait un effort on
aperçoit untrès léger bourrelet muqueuxqui se montre sur la partie postérieure de l'anus. L'orifice analreste étroit, déprimé aufond du sillon interfessier.
Nous n'entreprendrons pas de faire ici la critique détaillée
du procédé de Mr le Professeur Verneuil; nous réservons ce travail pour le chapitre où nous consacrons les procédés exposés au nôtre. Nous pouvons toutefois dire dès à présent
que les guérisons absolues ont été fort rares.
Colopexie.— Gomme son nom seul l'indique, cetteméthode
consiste à aller prendre l'intestin assez haut ; cela fait, on tire sur lui en le saisissant dans sa portionla plus mobilece
qui permet de maintenir tendue toute la portion sitiiée
au-dessous du point lixé. C'est ce qu'a réalisé M. Jeaunel, de Toulouse, par la colopexie ou colopexotonie. Cette méthode
est toute originale et a mis les chirurgiens sur une voie nou¬
velle du traitement du prolapsus du rectum.
Elleapour but, telle qu'elle a été appliquée parM. Jeaunel : 1° D'attirer le côlon en haut et de le fixer solidement à-la
paroi abdominale ;
2° De mettre la région malade à l'abri du passage des
matières.
M. Jeaunel a pratiqué dans la fosse iliaque gauche l'inci¬
sion de Lettre mais en raison dudéplacement qu'avait subi
le côlon, il dut aller le chercher au niveau de l'articulation socio-iliaque gauche. Il l'attira au dehors en exerçantdes¬
tructions douces sur sou extrémitéinférieure et constata non
seulement la réduction du prolapsus, mais la traction en haut de l'abus qui prit un aspect infundibuliforme. Le
côlon fut fixé à la partie inférieure de la plaie par la méthode
dite de Maydl et ouvert le sixième jour. D'après ce qu'il a pu constater sur sa malade, M. Jeaunel estime que la fixation simple du côlon, sans l'attirer au dehors, et l'incision secon¬
daire suffiraient et que l'on pourrait, dès la fin du premier mois, commencerla cure de l'anus artificielparune en téroto-mie profonde. Nous allons reproduire l'observation qui vient
à l'appui de ce mode opératoire : nous en ferons la critique
dans le chapitre spécial réservé à cet effet.
Observation IV.
Prolapsus complet du rectum. — Colopexieavec anusiliaque.
— Guérison (Je.auxel, Rapport du professeur Yerneuil Bull. Accid.
de Méd., 8octobre1889).
Ray. L..m trente-sept ans, blanchisseuse. Santé antérieure excel¬
lente, ni diarrhée, ni constipation, ni hémorrhoïdes. Accouchement à terme, àvingt-cinq ans. Travail naturel. Suite de couches simples. La menstruation, régulière jusqu'à trente ans, cesse à cette époque sans
cause connueet sans accident.
En 1888, cette femme, en marchant surla route, ressentsubitement
à l'anus une douleur si vive qu'elle s'arrête et se roule à terre. Elle constate au point douloureux une petite tumeur molle, qui rentre faci¬
lement et saigne un peu. Reçue pendant huitjours à l'hôpital de
Car-cassonne elle a de l'incontinence des matières fécales et de l'urine.
Enfin, le 29 décembre, elle entre à l'hôpital de Toulouse où l'on fait les constations suivantes : femme peu intelligente, minée parla misère et la souffrance, reste dans son litsans faire de mouvements, non qu'elle
soit paralysée, mais parce que les douleurs lombaires, nulles dans le décubilus dorsal, surviennentaussitôt dans laposition verticale.
A larégion pêrinéale on voitsortir de l'anus, largement dilaté, une tumeur rouge, saignante, périforme, mesurant 10 à 12 centimètres de long et.8 centimètres de diamètre àsa base. Son sommet, dirigé en bas eten arrière présente unorifice qui laisse pénétrer le doigt et au niveau duquel se continuent les deux cylindres intestinaux, l'un
externe et l'autre interne qui constituent la masse prolabée; jamais
cette masse ne se réduit spontanément; elle conserve toujours 7 à 8 centimètresde longueur. Letenesmeestcontinuel,sans toutefois qu'il
y ait de véritables coliques intestinales. Il y a incontinence d'urine.
Le 9 janvier 1889on employa les cautérisations au thermocautère.
Le prolapsus fut attiré le plusbas possibleau dehors et six raies de feu furentfaites, parallèles entre elles et au grand axe de la tumeur, intéressantmôme le sphincter relâché. Le résultat fut nul.
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Le 6 février 1889, M. Jeaunel ouvrit le ventre par l'incision de Littre, mais l'S iliaque avait perdu ses rapports et ne se trouvait
pas dans le sinus formépar la fosse iliaque et la paroi abdominale, il
fallut, pour latrouver, allerjusqu'à la symphyse sacro-iliaque gauche.
Onput alors l'amenersans peine au dehors eton constata avec satis¬
faction qu'une tractiontrèsdouce exercée surelle suffisaitpourréduire rapidement et complètement toute la masse prolabée. On fixa très
facilement l'intestin parle procédé de M. Maydl, qui consiste à passer à travers le mésentère une grosse sonde uréthorale recouvertede gaze ]odoformée, etpour rendre plus sûre encore la formation des adhéren¬
ces, on comprit deux appendices épiploïques dans les points de suture
destinésà rétrécir la plaie abdominale. Un pansement compressil fut appliqué sur le tout. L'opération n'avait guère duré plus d'un quart
d'heure.
Les suites furentsimples :
Le 12 février, création de l'anus artificiel par incision pratiquéeavec lethermocautère surle sommetde l'anse intestinale herniée.
Le 14 février, selle abondante par cetorifice.
Le 15, suppression de la sonde traversantle mésentère.
Le 5 mars, selle peu abondante par l'anus périnéal, sans la moindre
issuede l'intestin. Apartir de cemoment, les matières fécalesseparta¬
gent entreles deuxouvertures, de plus en plus abondantes parl'anus normal, l'anusartificiel commençant à se rétrécir.
Le 4 avril, deux mois environ après l'opération, la malade, très bien portante, se lève, va et vientet mange immodérément au point de se donnerdes indigestions etparfois de la diarrhée qui s'échappe par les
deuxanus. Malgré cela le prolapsus ne reparait pas et semble guéri
d'unemanière complète et permanente.
L'incontinence d'urine a presque disparu sauf quand il y a de la
diarrhée.
Le 15 septembre, M. Jeaunel, reprenant sa clinique,examinaatten¬
tivementson ancienne opérée et fit les constatations suivantes : 1/anuspérinéal arepris presque complètement saplaceet saforme.
Situéau fond de la rainure interfessière, il est entouré de plis rayon-nés, bien marqués, mais semble pourtant un peu plus ouvertqu'à l'-état
normal. Il fait d'ailleurs saillie et son orifice, sans être béant, devient
A.
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un peu ovale d'avanten arrière quand la malade faituneffort expulsif,
la muqueuse nefait alors aucune issue au dehors. Le sphincter a repris un peu de sa tonicité normale.
L'anus iliaque possède actuellement un éperon rendant impossible
toute communication entre les deux boutsde l'intestin, il sera
peut-êtreaisé de détruire cet éperon quand on voudra fermer l'orifice.
Celui-ci acessé de se rétrécir ; il estun peu large et, suivant l'abon¬
dance et la fréquence des selles, permet l'issue intermittente de la
muqueusequi, d'ailleurs, est trèsaisément réductible.
Enfin la maladegarde ses urines aussi longtemps qu'elle ledésire et
urine àvolonté. Le cystocèleet la chute de l'utérus ont disparu. Ce
dernierorgane a reprissa place et l'on retrouve les culs-de-sac à leur profondeur habituelle.
Lacure de l'anus contre nature ne peut être entreprise pour des
raisonsétrangères àla maladie avant le mois d'octobre. M.
Jeaunel
dut faire trois applicationsd'entérotonie sur l'éperon les 21 octobre,
27 novembre et21 décembre. Les deux dernières applications étaient
destinées à supprimer unreliquat d'éperon difficile à atteindre et à
saisir.
Le 26 février, la fistule, depuis longtemps, ne laissait plus passer quedes mucosités etdes gaz. Les garde-robes se faisaient exclusive¬
ment et volontairement par l'anus, sans aucune tendance à la récidive
duprolapsus. M. Jeaunel procédaà l'occlusion de la fistule par une œutoplastie.
Nous allons abordermaintenant les modesopératoires plus
récents que nous avons recueillis dans la Société de chi¬
rurgie de ces dernières années : D'une
façon générale,
nous pouvons dire qu'ils ne sont quedes variantes des procédés
déjà utilisés.SOCIETE DE CHIRURGIE (14 oct., 25 nov. 1896)
M. Ch. Nelaton. — Traitement chirurgical du prolapsus
du rectum.— M. Nelaton a pratiquésur un homme de 60ans atteint d'un prolapsus rectal d'environ quinze centimètres,
une opération nouvelle.
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Pensant que pour éviter toute récidive, il fallait exciser
non seulement le prolapsus mais encore tou telaportion"d'in¬
testin susceptible de descendre ultérieurement, autrement dit, l'anse onéga, il pratique d'abord une laparatomie pour libérer l'anse oméga en plaçant deux ligatures dans son méso. Puis, plaçant le malade dans la position de la taille, il
attira par voie ano-sacrée tout ce qui pouvaitdescendre d'in¬
testin, soit environ vingt-six centimètres, sectionna tout ce qui dépassait l'anus et suturaàla peau l'extrémité inférieure
de l'intestin sectionné.
M. Félizet a eu plusieurs fois l'occasion de pratiquer chez
les enfants l'excision pure et simple d'un prolapsus et a
toujours obtenu de bons résultats.
M. Bazy a opéré,ily a deux ans, une femme de 35 ans qui
lui fut adressée pour un double rein mobile et qui portait en outre un prolapsus rectal de dix-huit centimètres, d'ailleurs
facilement réductible. Dans une première intervention, il lui
fit une rectopexieparle procédé de M. Gérard-Marchand, puis compléta l'opération par une seconde intervention dans la¬
quelle il fit une sphinctérorapliie. Le malade guérit parfai¬
tement et la guérison s'est maintenue malgré un accouche¬
ment survenu depuislors.
XIIIe CONGRÈS ITALIEN DE CHIRURGIE 1899
M. Chedini. — Rectopexie postérieure de A. Verneuil. —
Rectococcipexie ^e Gérard-Marchand.
L'auteur propose un procédé de rectopexie latérale qui se base sur ces points principaux :
'1° Soutenir et fixer non seulement ia paroi postérieure du rectum, mais l'organe tout entier par des points de soutien
latéraux;
2° Fournir au rectum des points d'appui plus solides que la peau et le tissu sous-cutané (Verneuil) en le fixant aux marges inférieures des deux grands ligaments
socio-iscliia-tiques;
SîSESsS?*
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3° Raccourcir le rectum non-seulement dans sa paroi postérieure (Gérard-Marchand) mais dans toute sa circonfé¬
rence;
4° Rétablir les rapports du rectum avec l'aponévrose pel¬
vienneet le coccyx par la résection de deux lambeaux rec¬
tangulaires de ladite aponévrose et sa suture à la paroi pos¬
térieure de l'organe prolapsé;
5° Eviter toute lésion du rectum.
L'incision cutanée est conduite selon deux lignes qui par¬
tent à trois centimètres au-dessous de l'articulation
sacro-coccygienne et vont se réunir à l'extrémité du coccyx.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
M. Delorme. — Traitement desgrands prolapsus rectaux
par l'excision de la muqueuse rectaleou rectocolique. —Elle
consiste à faire l'excision simple et large de la muqueuse rectale suivie de la suture du bord inférieur du cylindre
muqueux restant à la peau de la margede l'anus. Après exci¬
sion large de la muqueuse rectale, le cylindre muqueux res¬
tant, qui aété fixé par son ouverture inférieure au pourtour
de l'anus, est le plus souvent fortement tendu, rigide; en se soudant par sa face externe à la face interne du cylindre
musculeux qui l'engaine ; il oblige ce dernierà épouser sa
rigidité et empêche ultérieurement toute tendance au pro¬
lapsus. Dans les cas graves, compliqués d'invagination,
outre le résultat précédent,l'excision de la îpuqueuseen a un autre ; cette excision porte en effet dans ces cas non seule¬
ment sur le cylindre invaginant, mais aussi sur le cylindre invaginé, et au moins jusqu'à l'orifice de ce dernier; elle permet donc l'accolement et la cicatrisation musculeuse à
deux cylindres, ce qui a pour résultat d'amener l'accu¬
mulationau-dessus dusphincterexterned'unemasse de fibres
musculaires formantun large sphincterqu'emprisonne forte¬
ment ledoigt qui pratique le toucher rectal. Ainsi, suppression
duglissement, augmentation d'épaisseur des tissus et,eu
parti-— 39 —