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Remarque sur l’interpr´etation de la covariable dynamique : h´et´e-

2.5 Mod`eles avec covariables dynamiques

2.5.4 Remarque sur l’interpr´etation de la covariable dynamique : h´et´e-

2.5.4.1 Parall`eles entre h´et´erog´en´eit´e et effets dynamiques

Les mod`eles dynamiques permettent d’utiliser l’information contenue dans le pass´e

pour expliquer le risque de futurs ´ev´enements. L’interpr´etation d’une d´ependance

statis-tique par rapport au pass´e est complexe, puisque cette d´ependance peut ˆetre attribu´ee `a

deux ph´enom`enes tr`es diff´erents : la premi`ere possibilit´e est que les covariables externes

ne suffisent pas `a expliquer la susceptibilit´e du sujet `a subir des ´ev´enements, les

´ev´ene-ments pass´es apportant alors une information compl´ementaire sur cette susceptibilit´e ;

une deuxi`eme explication est que les ´ev´enements pass´es ont des cons´equences sur la

survenue des suivants. Dans la plupart des cas, il est vraisemblable qu’il y ait `a la fois

une h´et´erog´en´eit´e entre sujets et une d´ependance causale entre ´ev´enements.

L’interpr´etation d’un mod`ele dynamique peut donc ˆetre double : soit la survenue

d’un ´ev´enement modifie la probabilit´e de survenue d’un nouvel ´ev´enement, soit il ne fait

qu’actualiser les connaissances sur la vuln´erabilit´e d’un sujet. A ce titre, les mod`eles

dynamiques peuvent avoir une valeur pr´edictive.

Ce probl`eme de distinction entre h´et´erog´en´eit´e et d´ependance causale est connu. Par

exemple, Feller (1971, p 57-58) ´evoque le ph´enom`ene de fausse contagion, expliquant

que le processus de Polya, d´efini par une intensit´e :

λ(t) = α1 +ϕN(t

)

1 +ϕαt , (2.50)

peut ˆetre consid´er´e soit comme un processus de contagion, o`u chaque cas accroit

la probabilit´e de nouveaux cas, soit comme un m´elange de processus de Poisson sans

contagion. Ainsi, une ad´equation `a ce processus a ´et´e longtemps utilis´ee pour tester la

2.5. MOD`ELES AVEC COVARIABLES DYNAMIQUES 57

pr´esence de contagion, tandis que cette mˆeme distribution a ´et´e propos´ee par ailleurs

par Greenwood et Yule (1920) pour tester l’absence de contagion, une bonne ad´equation

correspondant `a une ad´equation `a des processus de Poisson mixtes, qui impliquent une

absence d’effet des ´ev´enements sur le risque ult´erieur. Feller affirme donc qu’une bonne

ad´equation `a la mˆeme distribution peut ˆetre interpr´et´ee«de deux fa¸con diam´etralement

oppos´ees par leurs natures et leurs implications pratiques».

Le probl`eme se pose ´egalement en ´economie. Heckman (2000) discute dans sa

conf´e-rence de remise de prix Nobel du probl`eme de la distinction entre h´et´erog´en´eit´e et

d´ependance. Il consid`ere qu’on ne peut s´eparer des effets dynamiques causaux d’une

h´et´erog´en´eit´e individuelle qu’en faisant des hypoth`eses fortes sur la forme de

l’h´et´e-rog´en´eit´e et de la d´ependance entre ´ev´enements. Plus particuli`erement, certains types

d’effets causaux sont plus facilement s´eparables de l’h´et´erog´en´eit´e que d’autres : en

particulier, identifier un effet du nombre d’´ev´enements pass´es n´ecessiterait moins

d’hy-poth`eses qu’identifier l’effet du temps pass´e dans un ´etat. Il montre qu’´evaluer une

d´ependance li´ee au nombre d’´ev´enements pr´ec´edents (mais pas `a leur date de survenue)

sans faire d’hypoth`ese sur la forme de l’h´et´erog´en´eit´e est possible si l’on suppose un

risque param´etrique et dans un cas o`u tous les sujets pr´esentent un certain nombre

d’´ev´enements non censur´es. Pour ´evaluer une d´ependance li´ee aux temps d’´ev´enements

en revanche, il est n´ecessaire de faire une hypoth`ese sur la distribution de

l’h´et´erog´e-n´eit´e. Heckman s’int´eresse notamment au chˆomage : partant de recherches montrant

que les personnes ayant ´et´e souvent au chˆomage ont davantage de risque de l’ˆetre `a

nouveau, il cherche `a d´eterminer si une p´eriode de chˆomage est une cause de chˆomage

futur ou est seulement le signal d’une susceptibilit´e `a ˆetre au chˆomage. Il conclut plutˆot

en faveur de cette derni`ere hypoth`ese (Heckman et Borjas, 1980).

Dans l’exemple des d´epressions et troubles bipolaires mentionn´e au chapitre 1, partie

1.3.4, l’hypoth`ese d’int´erˆet est une sensibilisation li´ee aux ´ev´enements pass´es,

c’est-`a-dire une d´ependance causale. De premi`eres ´etudes avaient permis de constater un effet

significatif du nombre d’´ev´enements pr´ec´edents sur le risque de nouvel ´ev´enement. Ceci

avait ´et´e interpr´et´e dans un premier temps d’une fa¸con causale en supposant que le

syst`eme nerveux central ´etait affect´e par chaque ´episode d’une fa¸con qui rendait la

survenue des suivants plus probable. N´eanmoins, il ne pouvait ˆetre exclu qu’une part

au moins de l’effet constat´e ´etait en fait li´ee `a une h´et´erog´en´eit´e entre sujets. L’effet

du nombre d’´ev´enements pr´ec´edents N(t

) a alors ´et´e test´e par Kessing et al. (1999,

2004) dans un mod`ele incluant une fragilit´e gamma afin de s´eparer l’h´et´erog´en´eit´e de la

sensibilisation. L’effet du nombre d’´ev´enements pass´es estim´e apr`es l’introduction d’une

fragilit´e est consid´er´e comme l’effet causal. L’effet des ´ev´enements pass´es observ´e ´etait

alors moindre, bien qu’encore significatif en g´en´eral. Dans certains cas, par exemple pour

les troubles unipolaires chez les hommes, il n’y avait plus d’effet significatif du pass´e.

Un inconv´enient de cette mod´elisation r´eside dans le fait que l’effet de la covariable

dynamique est relativement sensible au choix de la distribution de fragilit´e. Or, ainsi

qu’il a ´et´e mentionn´e dans la partie 2.4.3, il est difficile de tester la distribution de

fragilit´e.

2.5.4.2 Connexion entre mod`eles `a fragilit´e et mod`eles dynamiques

L’expression (2.30) montre comment un processus de Poisson mixte o`u la fragilit´e

individuelle inconnue est suppos´ee distribu´ee selon une loi gamma, se transcrit par une

intensit´e qui d´epend du nombre d’´ev´enements pass´es.

Il serait possible pour toute autre distribution de fragilit´e de d´eduire une intensit´e

marginale conditionnelle au pass´e qui s’exprime de fa¸con dynamique. Cette intensit´e

peut ˆetre obtenue d’apr`es le th´eor`eme d’innovation en rempla¸cant la fragilit´e inconnue

par son esp´erance conditionnellement au pass´e (2.26). L’h´et´erog´en´eit´e est ainsi

trans-crite par un effet dynamique.

Dans l’autre sens, il est possible de relier un mod`ele dynamique `a un mod`ele `a

fragilit´e (Aalen et al., 2008). Ainsi, si l’on consid`ere le processus de Polya d’intensit´e

(2.50), on peut d’embl´ee constater que cette intensit´e est identique `a l’intensit´e du

mod`ele `a fragilit´e gamma (2.30) dans le cas o`u α

i

(t) = α (et donc A

i

(t) = αt). Par

ailleurs, Chiang (1968) montre que dans le cas d’un processus de Polya, le nombre

d’´ev´enementsN(t) survenus sur une p´eriode [0;t] a une distribution binomiale n´egative,

2.5. MOD`ELES AVEC COVARIABLES DYNAMIQUES 59

c’est-`a-dire la mˆeme distribution qu’un processus `a fragilit´e gamma (voir partie 2.3.1),

de transform´ee de Laplace :

L

N(t)

(s) = exp

s

ϕ

{1 + (exp(s)−1)(1 +αϕt)}

ϕ1

.

L’intensit´e (2.50) est une fonction affine deN(t

), ce qui permet d’obtenir sa

trans-form´ee de Laplace :

L

λ(t)

(s) = exp

2αs

1 +αϕt 1 +

exp

αϕs

1 +αϕt

−1

{1 +αϕt}

ϕ1

,

dont la limite quand t tend vers l’infini est :

lim

t→∞

L

λ(t)

(s) = (1 +αϕs)

ϕ1

.

Cette derni`ere expression correspond `a la transform´ee de Laplace d’une distribution

gamma, d’esp´erance α et de variance ϕα

2

, c’est-`a-dire la mˆeme distribution que celle

de l’intensit´e d’un processus de Poisson mixte, homog`ene d’intensit´e conditionnelle α

et de fragilit´e gamma d’esp´erance 1 et de varianceϕ.

Simulations de processus de Polya et de processus de Poisson mixtes

Pour illustrer cette similitude, des simulations ont ´et´e r´ealis´ees pour comparer le

nombre d’´ev´enements observ´es `a partir d’intensit´e correspondant `a des processus de

Poisson mixtes, et `a partir de l’intensit´e du processus de Polya. Des proc´edure pour

g´en´erer des processus dynamiques sont d´ecrites au chapitre 4 (partie 4.1). Les processus

ainsi g´en´er´es sont repr´esent´es par les figures 2.1, 2.2 et 2.3.

On constate que les processus g´en´er´es selon l’intensit´e dynamique du processus de

Polya et les processus de Poisson mixtes ont des allures tr`es similaires. Les trajectoires

suivies par les diff´erents sujets sont des droites de pentes variables. Cette trajectoire est

attendue pour les processus de Poisson mixtes : chaque sujet a une intensit´e constante

qui lui est sp´ecifique et qui correspond `a la pente de la droite. Pour les processus de

0 200 400 600 800 1000 0 500 1000 1500 2000 Temps Nombre d'é v énements

Figure 2.1 – Simulations de 20 processus de Polya d’intensit´e λ

i

(t) =

1+0.5Ni(t) 1+0.5t

Polya, cette allure est r´ev´elatrice du fait que l’intensit´e converge vers une distribution de

fragilit´e : ainsi les processus individuelsλ

i

(t) partent dans des trajectoires diff´erentes,

convergeant pour chaque sujet vers une fragilit´e sp´ecifique. Au vu des simulations, la

trajectoire suivie par chaque individu semble d´etermin´ee assez rapidement : les premiers

´ev´enements pass´es (figure 2.2), il y a peu de variations.