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2. La foi : confiance, croyance et idéologie

2.3. De la religion

Le terme de la foi n’est pas indépendant de celui de la religion. L’endroit où tous les personnages, à la fin de la série, se donnent rendez-vous est en fait une église. Les explications de la fonction des mondes parallèles convergent vers une idée de réconciliation des religions :

L’église où tous les personnages se retrouvent présente les symboles des grandes religions, comme si ces dernières étaient des chemins différents qui mèneraient au même lieu – ce lieu de purgatoire rempli des résonances des vies passées. Les signes religieux multiples disent à quel point les relations nouées entre les êtres sont de l’ordre du spirituel, et témoignent du syncrétisme d’une série qui tente de réconcilier différentes visions du monde237.

Même si la vision est profondément judéo-chrétienne, plus largement, Lost est une série sur la réconciliation : être en paix avec son passé, avec autrui et tous les conflits que cela implique, et finalement, être en paix avec sa spiritualité.

232 Ibid., p. 111.

233 Idem.

234 Jacqueline Morne, « Une énigme de la confiance. La mauvaise foi selon Sartre » sur Ressources communes, 8 juillet 2008, [en

ligne]. http://pierre.campion2.free.fr/mornej_sartre.htm [site consulté le 16 mars 2014].

235 Sandra Bonetto, « No Exit… from the Island : A Sartrean Analysis of Lost », Sharon M. Kaye [dir.], Lost and Philosophy, op. cit., p.

130.

236 Ibid., p. 133.

La notion de « foi » semble répondre à plusieurs éléments mystiques de la série : « With its emphasis on the meaning of faith, Lost always has a spiritual dimension238 ». Les personnages de Jacob et de l’Homme

en Noir incarnent cette spiritualité. On les croit dieux ou seigneurs puissants de l’île. Pourtant, les agissements de Jacob s’avèrent peu orthodoxes. Aussi, il peut mourir et commet des erreurs au cours de sa longue existence. L’Homme en Noir, de son côté, suit des règles qu’il invente au fur et à la mesure, tout comme celles que suivent Ben, Widmore et même Jacob. Tout compte fait, ce ne sont pas eux qui représentent la spiritualité telle que la série l’enseigne. Au contraire, ce sont les personnages qui font montre d’une force morale caractérisée par la confiance, la solidarité et les sacrifices qu’ils ont faits pour le bien de leur communauté : « In “The End”, we discover that there is spiritual meaning beyond the petty struggles of life (even beyond the struggle over control of the light on the island) and beyond the so-called rules for achieving salvation239 ».

Une autre réflexion sur la foi dans la série s’appuie sur l’idée que le pouvoir de la foi se retrouve à l’intérieur des personnages. Dans Literary Lost, Stuart étudie la portée intertextuelle du roman et du film pour enfants The Wonderful Wizard of Oz au sein de la série240. Elle justifie la pertinence de ces deux fictions à

l’aide du propos de Friedrich Nietzsche sur la mort de Dieu. Le philosophe prétend que l’avènement de la prise de conscience de la mort de Dieu donne la possibilité aux humains d’agir comme de véritables héros, d’être leur propre héros. Tout en maintenant qu’un nihilisme pourrait nuire à cet état du « Dieu mort », il affirme tout de même que la situation ouvrirait l’humain sur une possibilité créative jamais connue jusqu’à ce jour241. Au

cours du siècle qui a suivi les réflexions de Nietzsche, les religions, plus précisément le christianisme, se sont effritées ; les états occidentaux sont devenus laïcs : au XXIe siècle, le Dieu chrétien est réellement mort, il ne

reste que sa hantise, qui est partout, comme un revenant. Enfin, la situation de remise en question des religions par les sociétés occidentales est approfondie au sein même du microcosme de l’île. Tous cherchent à savoir qui faut-il croire. Les figures hiératiques d’autorité, comme Ben, Jacob, Richard, l’Homme Sans Nom ou la fumée noire, Hurley ou Jack, amènent avec eux un lot d’imprécisions et de questionnements : « [T]he castaways all seem to have competing notions about why they are there and what they should believe. At the outset, few of them trust their own intuition and abilities and, consequently, they surrender authority to figures like Ben who are just “making believe”242 ». Les supposés sauveurs n’ont plus le rôle et le pouvoir qu’ils

avaient dans l’imaginaire religieux. Celui qui ne recherche que l’appui d’autrui et qui le manipule pour arriver à ses fins agit comme tel pour camoufler son grand besoin de puissance et son manque de connaissances (ici, pour Ben, ce sont les intentions précises de Jacob et certaines questions à propos de la nature de l’île). C’est

238 Sander Lee, « See You in Another Life, Brother : Bad Faith and Authenticity in Three Lost Souls », Sharon Kaye [dir.], The Ultimate

Lost and Philosophy, op. cit., p. 140.

239 Ibid., p. 141.

240 L. Frank Baum, « The Wonderful Wizard of Oz », dans L. Frank Baum, Literature.org - The Online Literature Library, [en ligne].

http://www.literature.org/authors/baum-l-frank/the-wonderful-wizard-of-oz/ [Texte consulté le 1er juillet 2014]. 241 Sarah Clarke Stuart, Literary Lost : Viewing Television Through the Lens of Literature, op. cit., p. 62. 242 Ibid., p. 63.

davantage la force morale d’un personnage qui le sauve des nébulosités de la religion et qui l’amène à répondre à ses questions lui-même.