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2.1 Affirmer son identité par la religion

2.1.1 La religion

Dans le contexte des sciences humaines, il faut être humble dans l’approche des religions puisque le concept même diffère d’une culture à l’autre et d’un individu à l’autre. En introduction d’un article dont le sujet porte sur le culturel et le religieux, le politicologue Olivier Roy soutient « [qu’] au lieu d’un choc des cultures, on a un grand marché concurrentiel du religieux, où l’on voit les gens en quête de salut tâter de toutes les religions avant de faire leur choix en dehors de toute détermination culturelle.207» Selon lui une civilisation peut se définir de bien

des manières et « […] l’usage contemporain tend à le faire par l’association d’une culture, d’une religion et d’un espace208.» Il soutient que la fusion des

culture hellénistique, de l’Empire romain et du christianisme serait à l’origine de l’Occident alors que «l’islam serait né […] de la translation quasi immédiate de Mahomet en un empire territorial209.» Quant à la Chine, pour sa part, certains

sinologues considèrent « […] qu’un nombre restreint de textes, à contenu moral et philosophique, sont la matrice de la culture chinoise210.» Toujours selon Roy,

l’américain Samuel Huntington211 a, quant à lui, « […] mis la religion au cœur de

la culture [pour qui] la sécularisation ne remet pas en cause ce lien entre culture et religion212.» Ce qui pose, selon Roy, « […] un défi aux laïques militants213

207ROY, Olivier. «Le culturel s’est déconnecté du religieux», dans L’Atlas des civilisations, coédition 2009- 2010, p. 119.

http://3.bp.blogspot.com/_VfiW5TcrOmo/SukvAhAlrGI/AAAAAAAABIA/MrhSz36WD3o/s1600- h/Sommaire+Atlas+du+Monde.jpg consulté le 26 août 2013

208 Ibid., p. 118 209 Ibid. 210 Ibid.

211 HUNTINGTON, Samuel. Le choc des Civilisations, Éd. Odile Jacob, Paris, 2007, 400 p. 212 Op.cit. Olivier Roy. «Le culturel...»

[c]e qu’on appelle la pensée des Lumières en Occident marque-t-il une rupture en profondeur avec la religion, ou bien repose-t-il au contraire sur un développement original de la pensée chrétienne, où le respect de la personne comme créature de Dieu se transmute en humanisme, c’est-à- dire en une sorte de la sacralisation de la personne humaine, devenue, avec Kant, l’absolu d’une société qui ne connaît plus Dieu, mais se définit par rapport aux droits de l’homme? C’est cette vision qui pose Occident et islam comme antagoniques […].214

Les sciences humaines sont des sciences empiriques ayant pour objet l’étude de l’être humain, de son devenir et de ses productions tandis que les sciences de religions étudient le phénomène religieux, dimension importante de la condition humaine et de la culture d’un peuple, donc comme un fait humain qu’il est possible d’explorer en se servant d’approches différentes des sciences humaines justement. Par exemple, Richard Bergeron définira la religion comme « [u]ne voie humaine de libération qui consiste dans la mise en place d’un univers de sens englobant et d’un système de pratiques individuelles et sociales […]215» et

Jean-Paul Willaime comme « [u]ne communication symbolique régulière par rites et croyances se rapportant à un charisme fondateur et générant une filiation216

Dans un collectif en collaboration avec Dominique Borne, Willaime soutient que […] les élèves ont besoin d’une initiation aux langages qui relèvent de l’ordre du symbolique [qui] habitent les textes et les gestes rituels dont se réclament les communautés de croyants [et] portent aussi les œuvres […] qui choisissent le détour par le mythe ou l’imaginaire pour parler, autrement, du réel [car] [s]ans l’initiation au symbolique, aucune religion, aucune poésie n’est intelligible217.

Nous nous permettrons ici de distinguer les mots religion et foi comme l’a fait Benoît XVI en affirmant lors de la fête de saint Charles Borromée que la foi implique un choix de vie, un renoncement radical à tout ce qui enchaîne l’homme. Cette même foi, semble-t-il, qui était l’une des absentes des élections de mi-mandat aux États-Unis selon Mathieu Perreault qui affirmait que « […] les questions de l’immigration illégale et de la réforme de santé divisent la droite

214 Ibid.

215 BERGERON, Richard. Le cortège des fous de Dieu, Montréal, Éditions Paulines, 1982, p. 22 216 WILLAIME, Jean-Paul. Sociologie des religions, P.U.F., Coll. Que-sais-je, 2010, p. 124,

217 BORNE, Dominique et WILLAIME, Jean-Paul. Enseigner les faits religieux quels enjeux?, Coll. ¨Débats d’école¨, Paris, Éd. Armand Colin, 2007, 223 p.

religieuse, notamment chez les catholiques, affaiblissant [cette voix de la foi religieuse)218». Le journaliste soulignait alors l’affaiblissement des organismes

religieux « […] par un changement générationnel. En 2008, Obama avait réussi à attirer de jeunes évangélistes et les protestants des grandes dénominations» en citant l’historien Wilfred McClay.219

Plus près de nous, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal depuis 2012, qui prêche une «laïcité ouverte», concept que nous explorerons au chapitre 4, projette de créer d’ici juin 2014 « […] une résidence pour jeunes universitaires qui ont soif de foi220.» L’archevêque est désolé « […] de voir que le Québec est

en train de jeter le bébé de la religion catholique avec l’eau du bain [face au phénomène d’églises] cédées ou vendues, laissant à découvert certains quartiers qui n’ont plus de lieux de culte221.» Parmi divers projets, le plus

susceptible d’aboutir à court terme est celui d’une résidence pour jeunes universitaires qui pourraient se ressourcer et « […] vivre selon les valeurs chrétiennes catholiques222.» Selon Mgr Lépine, «les enfants n’appartiennent ni à

l’État ni non plus à l’Église, mais aux parents qui sont responsables de leur éducation223.» Cela n’est-il pas vrai pour toutes les religions d’ailleurs? Et pour

qu’elles aient toutes leur place légitime, l’archevêque « […] se fait le chantre de la laïcité ouverte, où toutes les religions sont libres de s’exprimer sous le couvert d’un État tolérant aux manifestations et aux signes religieux224

Pour le sociologue Guy Rocher, « […] la religion est une réalité humaine et sociale très importante, qui a un immense passé et sans doute un grand avenir. Et c’est une réalité évolutive qui connaît des hauts et des bas, des avancées et des reculs225

218 PERREAULT, Mathieu. La religion, grande absente des élections, La Presse, 29 octobre 2010, Cahier A, p. 18

219 McCLAY, Wilfrid. Religion Returns in the public Square, Washington Éditions Hugh Heclo et Wilfrid M, McClay, 2003, 382 p.

220 GERVAIS, Lisa-Marie. La foi n’est pas affaire d’État, Le Devoir, 10 juin 2013, p. 1 et A8 221 Ibid.

222 Ibid. 223 Ibid. 224 Ibid.

Nous nous interrogeons, tout comme le fait Raymond Lemieux, si la dimension religieuse peut échapper à une société. «La religion n’est-elle pas plus qu’un épiphénomène de la vie sociale dont l’appropriation serait le propre de quelques institutions traditionnelles?226». Le professeur, se référant à la lecture de

Durkheim, se dit convaincu « […] qu’une société ne peut pas se débarrasser si facilement de la religion que le laissent croire les interprétations banales de la sécularisation227.» En qualifiant cette question de la religion complexe il la

souligne « […] irréductible à une pensée dualiste qui divise le monde entre croyants et incroyants [et que l’on demeure] toujours l’incroyant de celui qui croit autrement228

Avant d’aborder les symboles ou les signes religieux il nous semble essentiel de traiter du concept de l’identité; n’est-il pas directement lié à celui de religion?