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4. T RANSFORMATION DES RÉSEAUX D ’ ACTEURS

4.5 Relations entre les organisations

4.5.1 Concertation sectorielle et intersectorielle et réalisation de plans d’action territoriaux

On assiste au renforcement de la concertation intersectorielle multiréseaux, à la fois institutionnels et communautaires, visant la planification des interventions des acteurs agissant au sein de territoires locaux. Cette tendance est illustrée par le rôle accru des CDEC dans le développement local, l’organisation des CDC sur le territoire montréalais, le renforcement des tables de quartier et le développement de la concertation autour des CLSC, puis des CSSS (Lachance, Bernier et Herjean, 2004; Germain, Morin et Sénécal, 2004; Sénécal, Cloutier et Herjean, 2008). Le développement de l’économie sociale, articulant une logique de viabilité économique et d’utilité sociale, participe aussi au décloisonnement de l’action (Favreau, 2005). Néanmoins, dans les relations aux usagers, persistent des interventions sectorielles. De plus, les organisations ciblant certains groupes sociaux, telles les personnes immigrantes, dont l’ancrage territorial est dispersé sur plusieurs quartiers, rend difficile la participation aux instances de concertations locales (Morin, Sénécal et Germain, 2004), malgré la création des Carrefours locaux d’intégration dans le cadre d’une entente Ville-MICCC (1999)125. Finalement, les organismes

communautaires axés sur la défense de droits, plus militants, résisteraient à l’adoption d’une approche de concertation impliquant les milieux institutionnels (E8). De même, des divergences existeraient parfois entre les organismes et leurs regroupements (E10).

Les tables intersectorielles de concertation de quartier viennent, dans de nombreux cas, formaliser des expériences plus ou moins soutenues de concertation entre organismes communautaires en les élargissant de manière à pouvoir inclure davantage d’organismes parapublics et publics (Germain, Morin et Sénécal, 2004). Suivant la logique de décentralisation, les acteurs publics présents proviennent des réseaux locaux ou régionaux de la santé et des services sociaux (CSSS, DPS, ASSS) et de l’éducation (commissions scolaires, écoles) ainsi que des élus locaux (maires et conseillers de ville ou d’arrondissement, députés) plutôt que des ministères. Ces espaces intersectoriels et multiréseaux servent alors à définir des plans d’action – fondés sur des études de besoins et portraits locaux - concertés sur une base territoriale qui doivent orienter les actions des organismes du milieu (E1, E3). Ils permettraient de développer une meilleure connaissance et répartition des services et ressources disponibles et d’assurer une meilleure coordination des actions locales (E9, E11).

Les territoires de ces espaces de concertation ne se superposent pas toujours avec le découpage administratif du territoire (cf. Partie 2), occasionnant parfois des tensions en raison de la complexité des tâches de concertation et des projets partenariaux ou de la concurrence entre organisations pour l’obtention de mandats ou de ressources (Morin, Sénécal et Germain, 2004; E1, E2, E7, E9, E12). La multiplication des instances intervenant en développement social rendrait difficile le développement d’une vision commune, les organisations se connaissant peu à l’extérieur de leur secteur (E4). De surcroît, sur les tables intersectorielles siègent des acteurs qui

125 Le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration repense son approche pour la prestation des

services d’accueil et d’établissement et privilégie une base territoriale en instituant des carrefours locaux d’intégration. À Montréal, 4 carrefours sont créés : Carrefour d'intégration du Nord, Carrefour d’intégration de l’Ouest, Carrefour d’intégration de l’Est et Carrefour d’intégration du Sud. En 1999, ils signent une entente avec la Ville de Montréal afin de lui confier la gestion d’un plan d’action visant l’accueil et l’intégration des immigrants dans les quartiers.

sont organisés dans leurs champs d’intervention sur une base sectorielle (E12, E13). De plus, la concertation qui s’organise autour des financements provinciaux autour d’enjeux sectoriels multiplie les plans locaux, alors qu’ils manquent de financement pour leur mise en œuvre (E2). Les acteurs locaux se sentent aussi souvent surchargés par les différentes instances de concertation (E3). Toutefois, l’harmonisation des procédures liées au financement, à la reddition de compte et des interventions est préconisée par les différents partenaires et bailleurs adoptant une logique territoriale (E1, E12) et des efforts sont faits à cet égard au sein des instances de concertation (E3).

Figure 1 : Réseaux d’acteurs du développement social dans la région administrative de Montréal (2014)

Source : Auteurs et bonifié par le comité scientifique mobilisé dans le cadre de la démarche menant vers la Biennale sur le développement social de l'île de Montréal 2015.

4.5.2 Coproduction de services publics et négociation conflictuelle des politiques publiques

Les relations de collaboration entre organismes communautaires et publics, allant du partenariat à la sous-traitance en passant par une offre complémentaire de services, semblent surtout s’être développées en ce qui a trait à la prestation de services, dont la définition se fait de plus en plus dans une logique de concertation intersectorielle entre acteurs institutionnels et communautaires (ex. maturité scolaire). Au contraire, la participation à l’élaboration des politiques publiques se fait à travers les regroupements provinciaux, dans une logique plus conflictuelle que collaborative de négociation (cf. Partie 2). Dans ce cadre, bien qu’il existe au niveau de la ville de Montréal et de ses arrondissement des collaborations entre acteurs travaillant à la concertation et à la mobilisation des collectivités et acteurs publics, les nouveaux acteurs locaux issus de la concertation considèrent avoir peu d’incidence sur l’élaboration des politiques publiques aux autres échelons (E3, E8).

4.5.3 Repositionnement face à la nouvelle économie sociale et à la philanthropie

L’émergence de la nouvelle économie sociale a forcé un positionnement et des efforts de structuration des acteurs, notamment du mouvement de l’action communautaire autonome et du mouvement coopératif québécois, créant des tensions entre ces mouvements ayant des logiques d’action différentes.

Ainsi, alors que la logique d’action primordiale des entreprises d’économie sociale, incluant les coopératives, est d’assurer à leurs activités une viabilité économique qui soit socialement utile; les organismes communautaires autonomes sont composés d’associations dont la logique première est la mobilisation pour la justice sociale et la reconnaissance de droits et d’organismes offrant des services de proximité desservant la communauté locale ou des groupes exclus et/ou défavorisés, dont la mission sociale est reconnue comme un service quasi public. Mais dans leur quête de reconnaissance, ces organismes mettent de l’avant aussi leur contribution économique à l’échelle des milieux locaux (Klein, Tardif, Tremblay et Tremblay, 2004). La défense de ces logiques d’action différentes a mené ces organisations, à travers leurs regroupements, à faire reconnaître leur légitimité dans des politiques publiques différentes (Favreau, 2005) (cf. Partie 2). Le renforcement de l’économie sociale a favorisé la promotion du développement économique intégrant des principes de fonctionnement démocratique et une responsabilité sociale et environnementale des entreprises, prenant en compte les besoins des communautés (E5) et participant au décloisonnement des formes de développement.

De même, l’implication des fondations, en particulier privées, dans le financement des organismes œuvrant en développement social reçoit un accueil diversifié, allant du conflit à la collaboration, selon les acteurs, leurs secteurs d’intervention, leurs logiques d’action et les rapports établis avec l’État, notamment en matière de financement. Les relations entre les fondations et les acteurs publics semblent moins conflictuelles qu’avec le mouvement communautaire (E1, E2, E3, E8)126, alors que l’économie sociale paraît moins concernée par la

126 De l’avis de personnes interrogées, bien qu’ils cherchent à obtenir le financement, les organismes communautaires

et leurs regroupements sont parfois réticents envers les fondations, considérant qu’elles superposent des structures de concertation à celles déjà existantes, financent la participation de certains acteurs à la concertation, ce qui crée des tensions avec les acteurs non financés, qu’elles adoptent des logiques descendantes ou qu’elles offrent un financement à court terme pour l’élaboration de plans d’action fragilisant la pérennité des organismes.

philanthropie, ayant des sources de financement plus solides (autofinancement par les activités économiques, outils financiers des fonds de développement local et des fonds de travailleurs, etc.).