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Quelles relations entre migrations étudiantes et spécialisation universitaires des territoires ?

PERTINENCE DES APPROCHES REGIONALES

C.2. Dynamiques des disparités régionales liées aux migrations étudiantes

C.2.1. Quelles relations entre migrations étudiantes et spécialisation universitaires des territoires ?

Pour les étudiants, la description des échanges entre régions métropolitaines françaises renvoie aux spécificités régionales liées à l’offre de formations universitaires. Pour les diplômés entrant dans la vie active, elle renvoie aux caractéristiques régionales liées aux conditions d’insertion professionnelle sur les marchés du travail. Et ce, même si ces relations sont loin d’être simples et directes. C’est ainsi que les attractivités régionales pour les étudiants ne sont pas liées aux différenciations régionales majeures liées à l’offre de formations, mais plutôt aux différenciations secondaires qui opposent régions marquées par les formations dans les secteurs Sciences et STAPS à celles caractérisées par celui de la Santé. La qualité des conditions d’emploi offertes aux jeunes diplômés du supérieur tend en outre à

être liée aux phénomènes d’émigration et d’immigration régionales lors de l’entrée sur le marché du travail : l’accroissement des difficultés d’emploi se combine avec le départ d’une proportion croissante de diplômés entrant dans la vie active et avec une diminution de la part des emplois régionaux occupés par des jeunes non formés dans un établissement régional.

Figure C.4 : Différenciations entre régions françaises

La description de ces échanges souligne certes les similitudes entre les comportements

migratoires des jeunes liés à l’enseignement supérieur, notamment le fait que les jeunes migrent d’abord entre régions voisines et que l’Ile-de-France contribue beaucoup à la structuration de ces mobilités géographiques, mais aussi leurs différences pour ce qui concerne les schémas de mobilité des étudiants inscrits à l’Université et ceux des jeunes diplômés accédant à un premier emploi. Au niveau régional, le taux d’émigration des étudiants et le taux d’immigration des jeunes diplômés varient significativement dans le même sens (cf. Tableau C.1 ; coefficient de corrélation égal à +0,64). Les régions qui perdent beaucoup d’étudiants sont donc celles qui gagnent beaucoup de diplômés lors de l’insertion sur les marchés du travail. Ainsi, il existe bien des redistributions des différentes populations jeunes qualifiées ou en cours de qualification entre régions. Les analyses, qui tendent à présenter d’une part « les régions qui gagnent », d’autre part « celles qui perdent » sont trop caricaturales et bien loin de la réalité.

Tableau C.1 Etudiants à l’Université, diplômés accédant à un premier emploi et attractivité des régions

Coefficient de corrélation (Bravais- Pearson) Taux d'émigration Taux

d'immigration Taux mobilité Solde migratoire Taux d'émigration

Taux

d'immigration Taux mobilité Solde migratoire

Taux d'émigration 1 Taux d'immigration -0,615 1 Taux mobilité 0,973 -0,418 1 Solde migratoire -0,986 0,740 -0,921 1 Taux d'émigration 0,043 0,359 0,154 0,041 1 Taux d'immigration 0,638 -0,203 0,676 -0,588 0,387 1 Taux mobilité 0,437 0,066 0,523 -0,359 0,802 0,861 1 Solde migratoire 0,583 -0,493 0,528 -0,603 -0,449 0,650 0,173 1

En gras, valeurs significatives (hors diagonale) au seuil alpha= 0,050 (test bilatéral)

Université Accès au premier emploi

Université

Accès au premier emploi

Sources : Baron et Perret, 2005 ; MENRT-DEP, BCP, 1998 ; enquête « Génération 98 », Céreq, 2001 C.2.2. L’improbable adéquation régionale formation-emploi ?

Les migrations les plus spécifiques des étudiantes et des diplômés lors de leur insertion professionnelle se déclinent en plusieurs sous-systèmes régionaux. Le découpage de la France en sous-ensembles solidaires varie néanmoins avec le type de mobilité géographique (cf. Figures C.4, C.5 et C.6). Le grand Nord-Est (Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Alsace, Lorraine, Franche-Comté, Bourgogne et Champagne-Ardenne) tout comme les régions méridionales (PACA, Corse, Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Limousin et Rhône-Alpes), échange avant tout avec lui-même, tant pour les bacheliers que pour les étudiants. En ce qui concerne les seuls bacheliers entrant à l’Université, un phénomène semblable unifie le grand Ouest (Haute et Basse-Normandie, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes et Centre). Des barrières géographiques existent entre l’Ile-de-France et les régions du Bassin Parisien mais aussi entre Sud-Est et Sud-Ouest. Enfin, dans le cas des étudiants, ces régions méridionales entretiennent des relations « préférentielles » avec le pôle francilien sur des segments de la formation inattendus. On ne s’attend pas à trouver des échanges préférentiels entre les grandes régions du Sud et l’Ile-de-France qui concernent surtout les étudiants en début de parcours universitaire (cf. Figure C.5).

Enfin, au-delà des caractéristiques générales des déplacements des différentes populations de jeunes, les architectures de leurs déplacements sont peu ou prou conformes à celle caractérisant les migrations de l’ensemble de la population française. Les migrations non banales des jeunes diplômés accédant à un premier emploi retiennent toutefois l’attention, en dessinant des axes privilégiés d’échanges à longue distance entre régions de province (cf. Figures C.4, C.5 et C.6). Ce résultat est une contribution au débat amorcé voici près de quinze ans concernant les régions, la formation et l’emploi. De nombreux jeunes diplômés quittent ainsi leurs régions de formation pour accéder à un premier emploi, montrant l’intérêt qu’il y a à concevoir des territoires de la formation et des territoires de l’emploi en interdépendances. Les comportements migratoires des jeunes diplômés semblent démentir le mythe de régions se suffisant à elles-mêmes, recrutant, formant et n’employant que « leurs jeunes » dans une sorte d’autarcie. Plus de dix ans après la mise en place du plan « Université 2 000 », il est rassurant de constater que la déconcentration des équipements universitaires tant entre les régions qu’en leur sein n’a pas conduit à ce que certains auteurs ont appelé « la tentation provinciale » (Frémont, 1990-1991) ; ce que d’autres ont souligné comme « l’aberration » de « laisser les universités aux régions » (Brunet, 1990-1991).

Figure C.6 : Sur-migrations et directions préférentielles entre l’Ile-de-France et les autres régions françaises