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Relation entre l’activité orageuse (tonnerre) et les glissements pelliculaires

5. Discussion

5.2 Relation entre l’activité orageuse (tonnerre) et les glissements pelliculaires

La relation pouvant exister entre les événements de précipitation exceptionnels et le déclenchement des glissements pelliculaires au Québec a été discutée dans des travaux antérieurs (Dionne et Filion 1984; Dubois et Robitaille 1989; Quinty et Filion 1989).

Les précipitations tombées sur le massif des Laurentides au cours du mois de juillet 1996 ont été exceptionnelles, représentant près de trois fois (2,75 fois) les précipitations normales. En effet, 386,1 mm de pluie ont été enregistrés en juillet 1996 à la station du Lac-Ha!Ha!, alors que les précipitations de juillet sont de 140,3 mm en moyenne (période 1975-2005, MDDEP, 2011).

Pendant le déluge du Saguenay, un total de 88 mm de pluie a été enregistré à la station Forêt-Montmorency (19 juillet 1996), 134,6 mm à la station La-Galette (20 juillet 1996) et 248,9 mm à la station du Lac-Ha!Ha! (20 juillet 1996). Le suivi de ces précipitations abondantes survenues en quelques jours est important pour bien saisir l'ampleur du phénomène. La station Forêt-Montmorency a enregistré 88 mm de pluie durant la seule journée du 19 juillet, mais aucune précipitation la journée suivante. À la station La-Galette, il est tombé 96,5 mm de pluie le 19 juillet 1996 et 38,1 mm la journée suivante, ce qui fait un total de 134,6 mm. La station Lac-Ha!Ha! a reçu 172,7 mm de pluie le 19 juillet 1996 et 76,2 mm le 20 juillet, pour un total de 248,9 mm en deux jours. Ces quantités exceptionnelles de pluie tombées en deux jours sont vraisemblablement à l'origine de la formation de 9 des 13 cicatrices de glissement pelliculaire dans les trois vallées que nous avons étudiées (J-C 1, J-C 2, J-C 4, J-C 5, J-C 8, H-G 1, H-G 2, G-J 1 et RFL-1).

5.2 Relation entre l’activité orageuse (tonnerre) et les

glissements pelliculaires

Il est possible que certains glissements pelliculaires se soient déclenchés suite à une série de plusieurs jours de pluie se terminant par des orages avec tonnerre. Cette hypothèse a déjà été mise de l'avant par Dubois et Robitaille (1989). Les vibrations causées par le tonnerre sont amplifiées dans les vallées très encaissées, ce qui pourrait représenter un élément déclencheur de ces mouvements de masse dans un matériel déjà saturé en eau.

La cicatrice de glissement J-C 9 s'est formée au cours de l’été 1986 (Figure 7H). Or, en 1986, les précipitations sous forme de pluie les plus abondantes sont survenues au début de juillet, le maximum ayant été atteint le 6 juillet (Tableau 3).

Tableau 3: Précipitations quotidiennes sous forme de pluie et activité orageuse enregistrées du 4 au 6 juillet 1986 à la station Forêt-Montmorency (MDDEP, 2011).

Station Forêt-Montmorency 1986-07-04 1986-07-05 1986-07-06 Total

Précipitations (mm) 21,4 0,8 67,8 90

Activité orageuse non non Oui

Quant à l'activité orageuse, le tableau 3 montre qu'un orage a eu lieu lors de la journée du 6 juillet alors que le sol était probablement déjà saturé en eau. Le glissement J-C 9 a donc pu se produire le 6 juillet 1986, mais si elles fournissent une année calendaire, les méthodes dendrogéomorphologiques ne fournissent pas de date précise.

Un scénario similaire peut être envisagé pour la formation de la cicatrice de glissement J-C 7. Les données dendrochronologiques montrent un pic d'activité dans le versant deux années consécutives, soit en 1981 et en 1982 (Figure 7F). Comme ce glissement est déjà visible sur les photographies aériennes prises le 5 octobre 1981, il se serait formé cette même année et non en 1982, année qui montre pourtant un pic de réponses des arbres à l'activité dans le versant.Cette situation s'explique par le fait que les cicatrices de glissement deviennent des endroits très propices aux mouvements secondaires et ponctuels durant les années suivant un décrochement. Le matériel minéral et la couche organique de surface peuvent en effet se trouver dans un état d'équilibre précaire dans le milieu nouvellement ouvert par un glissement pelliculaire, ce qui se traduit par la présence de dommages (bois de réaction) chez les arbres croissant sur la surface de glissement ou à proximité de celle-ci. Cet exemple montre l'importance des sources de données multiples et leur complémentarité dans l'interprétation de ces mouvements de masse. Les pluies les plus abondantes de l'année 1981 sont survenues du 22 au 25 juin (Tableau 4).

Tableau 4: Précipitations quotidiennes sous forme de pluie et activité orageuse enregistrées du 22 au 25 juin 1981 à la station Forêt-Montmorency (MDDEP, 2011).

Bien que la journée du 22 juin 1981 ait été très pluvieuse (45,6 mm), c'est au cours de la journée du 25 juin qu'une activité orageuse a été rapportée.

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Le glissement H-G 3 représente un cas similaire à celui de J-C 7. Les données dendrochronologiques montrent aussi un pic d'activité dans le versant deux années consécutives, soit en 1995 et 1996 (Figure 9C). Comme ce glissement est déjà visible sur les photographies aériennes prises le 2 juin 1996, il se serait formé en 1995 et non en 1996, année qui montre pourtant un pic de réponses des arbres à l'activité dans le versant. De nombreux mouvements isolés se sont produits en 1996 dans le versant, vraisemblablement en réponse aux pluies exceptionnelles de juillet 1996. Cette cicatrice de glissement se serait donc formée en 1995 et de nombreux mouvements secondaires et ponctuels se seraient produits dès l'année suivante, selon un scénario similaire à celui décrit pour la cicatrice de glissement J-C 7.

Le seul événement de précipitation abondante en 1995 (66 mm) est celui du 30 octobre, enregistré à la station La-Galette (MDDEP, 2011). Aucune activité orageuse n'est rapportée cette journée, car les données pluviométriques sont incomplètes. Il est possible qu'un orage très localisé ait provoqué ces 66 mm de pluie, aucune précipitation abondante n'ayant été enregistrée aux stations Forêt-Montmorency et Lac-Ha!Ha!. Le lien entre l'activité orageuse et le déclenchement des glissements pelliculaires est difficile à établir car seulement deux des treize cicatrices de glissement pourraient découler d'une activité orageuse. Cette relation n'est donc pas parfaitement établie et elle demeure pour l'instant hypothétique.

5.3 Autres processus géomorphologiques et succession

écologique après la formation d'un glissement pelliculaire

Après un glissement pelliculaire, l'ouverture créée dans le couvert forestier fait de la surface de glissement un endroit propice à d'autres phénomènes de versant. Les données dendrochronologiques ont en effet permis de montrer que plusieurs cicatrices d'impact ou séquences de bois de réaction se sont formées dès l'année suivant un glissement (section 5.4).

Prenons, par exemple, le cas de la cicatrice de glissement H-G 2 (Figure 9B). Les années qui correspondent aux dommages causés aux arbres se répartissent comme suit: 5 durant la décennie 1986- 1995, 7 en 1996 soit l'année où s'est produit ce glissement et 16 durant la décennie 1997-2006. Cette augmentation des mouvements de masse après un glissement pelliculaire caractérise la presque totalité des cicatrices étudiées, car d'autres processus entrent en activité sur le versant et créent une grande instabilité. De petits blocs et des graviers déposés en équilibre instable sur d'autres roches ou sur la roche en place suggèrent la formation récente de petites avalanches de neige très localisées.

Le cas de la cicatrice J-C 3 est aussi un bon exemple de milieu propice à ce phénomène. Survenu en 1996 (Figure 7C), ce glissement a été suivi de mouvements secondaires, surtout en 2002. Il s'agit vraisemblablement d'une avalanche de neige qui aurait causé beaucoup de dommages aux arbres. La

première cohorte de bouleau jaune, l’espèce recolonisatrice de la zone terminale, est formée de tiges complètement couchées au sol dont la tête pointe vers le bas de la pente. De plus, les échantillons datés de 2002 ont tous été prélevés à des hauteurs variant de 3 à 5 mètres au dessus du sol, contrairement à ceux de 1996 dont la hauteur était inférieure à deux mètres. Des cicatrices d'impact à une telle hauteur sur la tige sont habituellement associées à des avalanches (Germain et al, 2009). La masse de neige en mouvement, parfois chargée de débris (comme des troncs pris en charge plus haut dans le versant ou des cailloux détachés de la falaise et gisant sur le couvert de neige), dévale la pente et ces débris de grande taille viennent frapper les arbres en hauteur. Il est possible que cette avalanche ait entraîné certains arbres témoins du glissement de 1996, ce qui pourrait expliquer le plus grand nombre de dommages enregistrés en 2002 qu'en 1996.

Plusieurs arbres en bordure des cicatrices de glissement pelliculaire portent des cicatrices d'impact correspondant à des événements ponctuels dans le temps. Ces cicatrices sont formées lorsque des cailloux se détachent des parois rocheuses sous l'action du gel-dégel, dévalent la pente par gravité tout en prenant de la vitesse dans la zone de glissement et viennent frapper, à des hauteurs variables, les tiges des arbres situés dans le bas du versant.

La recolonisation végétale des cicatrices de glissement pelliculaire se produit selon des modalités relativement similaires d’un glissement à un autre. La zone terminale formée d'importantes quantités de débris minéraux et organiques est le premier endroit à être recolonisé et ce, principalement par le bouleau jaune. Dans la zone de glissement proprement dite, vers la mi-pente, l’installation des plantes ligneuses (arbustes et arbres) s'effectue de la périphérie vers le centre. On observe des lambeaux de sol résiduel dans les parties des versants qui ont résisté au glissement pelliculaire, surtout dans les dépressions et sur les petits replats. Ces sites agissent comme des îlots de dispersion des plantes vers les parties dénudées de la cicatrice de glissement. Il est difficile d'estimer le temps requis pour qu'une cicatrice de glissement soit complètement recolonisée, car les conditions varient beaucoup d’un glissement à un autre. Pour une même année de formation, par exemple 1996, certaines cicatrices sont presque complètement reboisées, tandis que d'autres sont encore passablement dénudées. Cette différence s’explique en partie par l’intensité et la fréquence des autres processus géomorphologiques (par ex. : petites avalanches, écoulement de surface) qui interviennent sur ces versants après la formation d’un glissement pelliculaire. La largeur de la cicatrice de glissement est également un élément important dans la vitesse de recolonisation des surfaces. Certaines cicatrices de glissement ont une surface en pente forte, ce qui favorise le lessivage de la matière organique lors des pluies abondantes ou de la fonte de la neige au printemps.

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5.4 Caractéristiques permettant de distinguer les glissements

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