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La relation entre croissance et emploi : qu’en est-il de la loi d’Okun en Algérie ?

5. Résultats

6.1 La relation entre croissance et emploi : qu’en est-il de la loi d’Okun en Algérie ?

6.1.1 Quelques faits stylisés

Nous présentons tout d’abord quelques faits stylisés résultant de l’exploitation des données du tableau A2.7 de l’annexe 2. Le taux d'emploi s'accroit de 10% entre 2000 et 2014, tandis que la population en âge de travailler ne s'accroît que de 4,6%. La variation du taux d'emploi s'accélère jusqu'en 2005 puis décline jusqu'en 2012. La variation de la population en âge de travailler décline continument et devient négative à partir de 2010. Il y a donc là un effet démographique potentiellement vertueux sur le chômage.

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La population en âge de travailler se stabilise, la population active s’accroît avec l’augmentation de la population occupée et la diminution spectaculaire du nombre de chômeurs de 2,511 millions en 2000 à 1,241 millions en 2006 et 1,072 millions en 2009. Le taux de chômage qui s’élève à près de 30% en 2000, se réduit à 20% en 2004 et à 10% en 2009. Dit autrement, au cours de la période 2001-2015, l’accroissement annuel moyen de la population occupée est de près de 300000 travailleurs (290000) et la diminution du chômage bénéficie à près de 100000 personnes (-98000) par an. Cependant, l’essentiel de cette baisse du chômage intervient avant la mise en œuvre du Plan d’Action de 2008.

6.1.2 Population active, productivité du travail, chômage et PIB : la loi d’Okun

Encadré 6.1. Les deux spécifications de loi d'Okun :

La loi d'Okun recouvre deux spécifications : le modèle en différence première et le modèle d'écart. Selon le modèle en différence première, la relation entre le logarithme de la production réelle observée réelle (y) et le taux de chômage observé (u) est exprimée par :

(𝑢𝑡−𝑢𝑡−1)=𝛼+ (𝑦𝑡−𝑦𝑡−1) +𝜀𝑡, soit Δ𝑢𝑡=𝛼+𝛽Δ𝑦𝑡+𝜀𝑡.

𝛽 correspond ici au coefficient d’Okun qui mesure l’élasticité du chômage au PIB.

Selon le modèle d'écart, la relation entre l’écart du taux de chômage observé (u𝑡) au taux naturel de chômage (u*𝑡) et l’écart entre le PIB observé (𝑦𝑡) et le PIB potentiel (𝑦*𝑡) est exprimée par : (𝑢𝑡-𝑢*𝑡) = α + γ (𝑦𝑡-𝑦*𝑡) + ω𝑡.

γ correspond ici au coefficient d’Okun.

Le problème que pose le modèle d’écart tient à ce que y* et u*, ne sont pas observables et doivent donc être estimés. L’estimation requiert un lissage (filtre de Hodrick-Prescott, par exemple) afin d’imputer respectivement les composants tendanciels et cycliques de ces deux variables.

Le coefficient d’élasticité est supposé être négatif et inférieur à 1. La loi d’Okun serait vérifiée sur le long terme (Ball et al., 2013). La productivité du travail et la population active sont des facteurs déterminants.

La revue de littérature des travaux récents consacrés à la relation entre croissance économique et chômage en Algérie montre que la loi d’Okun (Encadré 2) est controversée.

Deux travaux concluent à l’inexistence de la loi d’Okun au regard du modèle d’écart. Yousefat (2011) utilise un modèle à correction d'erreur sur la période 1970-2009 et conclue à l'existence d'une faible causalité du chômage sur la croissance économique ; cependant, aucune relation d'équilibrage n’apparaît à long ou à court terme. Driouche (2013) utilise également un modèle à correction d'erreur sur la période 1980-2011 afin de déterminer le taux de croissance nécessaire pour absorber le chômage de longue durée et conclue à l'absence d'une relation de coïntégration entre le taux de chômage et la croissance économique.

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Furceri (2012) explore l'impact des institutions du marché du travail sur la relation entre chômage et croissance, au cours de la période 1980-2008. Il observe une relation négative entre l'emploi et l'écart de production. Le coefficient d'Okun apparaît faible (-0.05) en raison de la prépondérance des secteurs à faible croissance de l'emploi (hydrocarbures) et la rigidité du marché du travail caractérisé par l’opposition des insiders et des outsiders.

Adouka et Bouguell (2013) utilisent un modèle à correction d'erreur et valident empiriquement la loi d’Okun sur la période 1980-2010 : une augmentation de PIB réel autour de son PIB potentiel de 1% entraine une diminution du taux de chômage de 0,2%.

El Aynaoui and Ibourk (2016) testent la loi d’Okun sur échantillon de 39 pays au cours de la période 1991-2015. Ils valident le modèle d’écart dans le cas de l’Algérie pour lequel 1% de croissance réduit le chômage, approximativement, dans la même proportion.

Cependant, toute hausse du PIB n’implique pas nécessairement une baisse du chômage en raison de la variation de la productivité du travail et de la population active, dont la somme correspond au taux de croissance nécessaire à stabiliser le taux de chômage. Ce taux de croissance peut constituer une première approximation du taux de croissance du PIB potentiel.

Selon la figure 6.1, au cours de la période 2001-2015, la variation de la productivité apparente du travail est de 0,1526% en moyenne annuelle et fluctue en phase avec le PIB réel jusqu’en 2010, tandis que la variation de la population active est de 1,644% et fluctue en phase avec le taux de chômage jusqu’en 2010. La variation du PIB réel est de 3,693% en moyenne annuelle et la variation du chômage est de -3,458%. La somme de la variation de la productivité apparente du travail et de la variation de la population active (taux de croissance nécessaire à stabiliser le taux de chômage Yώgt) est en moyenne de 1,749%.

Nous utilisons alternativement une version simplifiée du modèle de différence première et du modèle d’écart.

L’élasticité du taux de chômage /PIB est en moyenne de -1,398 sur la période 2001-2015. L’élasticité est forte et négative de 2001 à 2009, puis devient positive entre 2010 et 2015 lorsque le taux de chômage atteint 10%, sans qu’on puisse en inférer qu’il s’agit là du taux naturel de chômage.

Le modèle simplifié en différence première s’écrit : Δ𝑢𝑡= +𝛽Δ𝑦𝑡

Où Δ𝑢𝑡représente la moyenne des variations du taux de chômage sur la période 2001-2015 et Δ𝑦𝑡

représente la moyenne des variations du taux de croissance du PIB sur la même période. Soit : -3,458% = -0,936 (3,693%), avec un coefficient d’Okun (𝛽) de -0,936, proche de 1. Le modèle d’écart simplifié s’écrit : Ut – Ut-1 = – γ (Ygt – Yώgt)

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Ut – Ut-1représente la moyenne des écarts du taux de chômage sur la période 2001-2015, Ygt

représente la moyenne des variations du taux de croissance du PIB sur la même période et Yώgt le taux de croissance nécessaire à stabiliser le taux de chômage.

Soit : -3,458% = -1,778 (3,693%-1,749%), avec un coefficient d’Okun (γ) de 1,778, supérieur à 1. Avec notre modèle d’écart simplifié, nous obtenons un coefficient comparable mais un peu plus élevé que celui du modèle d’écart (1,5) d’El Aynaoui and Ibourk (2016) sur la même période (2000-2015).

Figure 6.1 : Loi d’Okun, productivité apparente du travail et population active : le modèle en différence

Source : d’après tableau A2.7 de l’annexe 2.

Comment expliquer un tel résultat ? Avant d’examiner l’impact des dispositifs d’emploi, il faut brièvement considérer le rôle de la création d’emploi induite par la loi d’orientation sur la PME de 2001.

6.1.3 La création d’emploi dans les PME

La création d’emploi dans les PME aurait triplé entre 2000 et 2013. La création brute annuelle moyenne de plus de 25 000 entreprises (dont le solde net est inférieur en raison de leur mortalité) qui occupent un effectif moyen de 2,4 employés engendre en moyenne 60000 emplois bruts par an. Cette création intervient essentiellement dans les secteurs d’activité à forte intensité de main d’œuvre dont la productivité est faible : les services pour la moitié et le BTPH pour le tiers (Nemiri Yaici, 2014).

Il convient de mentionner également le rôle de l’Agence Nationale du Développement de l’Investissement (ANDI) créée en 2001. Selon Kadi (2013) 48 363 projets soutenus par l’ANDI auraient généré 748409 emplois bruts de 2002 à 2011, soit 15 emplois par projet et près de 75000 emplois créés en moyenne annuelle.

-30 -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Δ PIB réel (prix constants 2005) Δ taux de chômage

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Kadi (2013) estime que la contribution des PME à l’emploi total s’élèverait à près d’un million d’emplois (981000), soit 98000 postes en moyenne annuelle de 2001 (environ 639 000 emplois) à 2010 (1620000 emplois) ; ceci représenterait respectivement un emploi sur dix et un emploi sur six au regard de la population occupée. Cependant, cette contribution ne couvre qu’un peu plus du quart des 3,55 millions d’emplois nets créés au cours de la période 2001-2010. Il reste donc à expliquer près des trois quarts de la création d’emplois.

Si on y ajoute les 250000 emplois du filet social créés au cours de la période (annexe 1), on atteint 1,231 millions.

Il reste donc à expliquer près des deux tiers de la création d’emplois, qui résulte de la demande de travail des entreprises existantes et laquelle correspondent notamment les 900000 placements réalisés par l’ANEM au cours de cette période (annexe 3).

Le reste de l’emploi créé n’a pas transité par l’intermédiation sur le marché du travail.

6.2Les dispositifs de la politique de l’emploi et l’évolution du chômage