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CHAPITRE 5 Conclusions générales

5.1 Retour sur les résultats, contributions et limites

5.1.3 La relation entre le climat et la croissance de Betula glandulosa

L’analyse de photographies aériennes réalisées dans le cadre du chapitre 2 nous a révélé que la région de la rivière Boniface avait bel et bien connu une densification de sa strate arbustive au cours des cinq dernières décennies. Bien que cette densification soit généralement attribuée à l’augmentation récente des températures, cette analyse ne nous permettait pas de vérifier cette relation causale. De surcroît, nous ne pouvions non plus statuer sur la façon dont ce phénomène a évolué au cours des cinq décennies qui séparaient les deux séries de photographies aériennes ; la strate arbustive s’était-elle densifiée peu à

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peu ou avait-elle au contraire connu une augmentation importante durant une courte période? L’analyse dendrochronologique exhaustive que j’ai réalisée dans le cadre du quatrième chapitre m’a permis d’apporter des éléments de réponses à ces interrogations. Dans un premier temps, j’ai pu constater une forte augmentation de la croissance radiale et axiale du bouleau glanduleux entre les années 1990 et 2002, en particulier chez ceux trouvés sur les milieux bien drainés (terrasses et sommets). Parce que ces derniers représentent 70 % de la surface terrestre de la région à l’étude, ce résultat nous suggère que la densification de la strate arbustive enregistrée entre 1957 et 2008 (analyse de photographies aériennes) s’est produite en grande partie au cours des deux dernières décennies. De plus, la baisse importante de croissance enregistrée après 2002 pourrait signifier qu’un ralentissement dans la densification de la strate arbustive est en cours. Parmi les facteurs potentiellement responsables de cette baisse, notons par exemple les températures particulièrement froides du mois de juillet enregistrées en 2004 et 2007. De plus, la récurrence des années pour lesquelles le mois de juillet a enregistré un déficit d’humidité dans la dernière décennie (7 sur 10) pourrait expliquer le phénomène. La densification récente du bouleau glanduleux combinée à ce manque à gagner en eau dans des sites déjà bien drainés pourrait en effet entrainer une forte compétition intraspécifique et ainsi limiter la croissance de chaque individu en place. Ceci expliquerait également pourquoi la baisse de croissance chez le bouleau glanduleux n’est pas observée chez les individus croissant dans les milieux humides (combes à neige).

Deuxièmement, j’ai déterminé que la croissance radiale et axiale des bouleaux glanduleux présents dans les milieux bien drainés (terrasses et sommets) est fortement et positivement associée aux températures estivales. Ce résultat suggère que la densification de la strate arbustive observée dans la région d’étude est bel et bien associée au réchauffement climatique récent, comme c’est le cas pour plusieurs autres espèces arbustives dans différentes régions nordiques (voir Myers-Smith et al 2012 ainsi que les références qui y sont citées). Cependant, il est important de mentionner que cette relation croissance-climat n’est pas la même à l’échelle du paysage. En effet, la croissance radiale et axiale des individus présents dans les combes à neige est plutôt associée aux précipitations hivernales,

suggérant ainsi que les températures durant la saison de croissance peuvent ne pas être le facteur le plus limitant pour la croissance du bouleau glanduleux dans certains types d’environnement.

Pour terminer, j’ai pu montrer que l’augmentation de l’activité photosynthétique (NDVI) enregistrée dans la région de la rivière Boniface était fortement associée à la croissance du bouleau glanduleux, et ce particulièrement pour la période 1986-2002. Ceci suggère que cette espèce est la principale responsable de l’augmentation du NDVI dans la région, et constitue de ce fait un des points forts de mon analyse. En effet, il est souvent difficile d’estimer la contribution relative de chacun des groupes taxonomiques aux fluctuations du NDVI. En comparant directement la croissance radiale du bouleau glanduleux aux valeurs de NDVI, j’ai pu montrer que celle-ci expliquait jusqu’à 80 % de la variance de cet indice d’activité photosynthétique. Cependant, il est également possible que chacun des groupes taxonomiques répondent de la même façon à la hausse des températures. Bien que ceci se traduirait par une relation positive entre la croissance et le NDVI dans tous les cas, il est peu probable qu’un autre groupe taxonomique ait contribué autant que le bouleau glanduleux à l’augmentation du NDVI dans la région d’étude. En effet, cette espèce est de loin la plus abondante dans bon nombre de types d’environnement. Dans un autre ordre d’idées, la chute de croissance observée chez le bouleau glanduleux après 2002 ne semble pas s’être traduite pour une chute du NDVI ; cette apparente contradiction pourrait être expliquée par le fait que l’imposant appareil photosynthétique mis en place lors de la densification du bouleau glanduleux pourrait continuer à produire des valeurs élevées de NDVI, et ce malgré une chute de croissance individuelle.

Un autre point fort de l’analyse effectuée dans ce chapitre vient de l’imposant dispositif mis en place. En effet, la croissance radiale et axiale ont toutes deux été évaluées, et ce dans différents types d’environnement. Ceci m’a donc permis de tirer des conclusions sur l’ensemble de la croissance du bouleau glanduleux, en plus d’en apprécier les différences à l’échelle du paysage. Il va sans dire que dans le contexte actuel, il devient primordial d’avoir une bonne connaissance de la dynamique d’un acteur aussi important que la strate arbustive dans son ensemble et du bouleau glanduleux en particulier dans le Québec

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nordique. Comprendre cette dynamique implique à la fois de connaître les patrons généraux, mais aussi d’en faire ressortir les différences locales. En évaluant la croissance du bouleau glanduleux dans trois types d’environnement différents, j’ai donc pu contribuer à peaufiner notre compréhension des patrons locaux de la dynamique de la strate arbustive. Il demeure toutefois certains milieux où l’échantillonnage est difficile et donc pour lesquels nous n’avons aucune information concernant la dynamique de la strate arbustive. Bien que le bouleau glanduleux puisse y être présent en forte densité, les peuplements forestiers demeurent des milieux pour lesquels il est souvent ardu de trouver le collet de l’arbuste, c’est-à-dire sa partie la plus vieille. Dans certains cas, la base des plus grosses branches peut être récoltée afin d’effectuer des analyses dendrochronologiques, mais de plus en plus d’indices me portent à croire que ce type d’échantillonnage ne permet pas d’obtenir des résultats qui reflètent la réponse de l’ensemble de l’individu.

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