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Refroidissement sur raie étroite

4.6.1 Nécessité d’une deuxième étape de refroidissement

À la fin du transfert des atomes dans le piège dipolaire, la température typique des atomes est de l’ordre de la profondeur du piège, soit environ 200µK pour un

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piège profond (de l’ordre de 1400 Er). La dynamique des atomes piégés est alors quantifiée, et de nombreux niveaux vibrationnels sont peuplés. Dans la direction longitudinale, où les atomes sont piégés dans les puits du réseau, seule une petite fraction des atomes se trouve dans le niveau fondamental. Or on a montré dans le chapitre 2 que pour s’affranchir largement des effets motionnels des atomes, il fallait que la majeure partie des atomes se trouve dans le niveau fondamental

n = 0 du piège. D’autre part, le piège n’étant pas harmonique, un déplacement

de la longueur d’onde du piège peut entraîner des contributions différentes selon l’état vibrationnel des atomes, et rendre plus difficile l’évaluation des effets liés au laser du piège. Des atomes dans des niveaux différents vont notamment apporter une contribution différente au terme d’hyperpolarisabilité. Il est donc nécessaire de refroidir les atomes au mieux pour peupler majoritairement le niveau longi-tudinal fondamental (expérimentalement, on atteint un peuplement de 95%). De plus, selon le niveau vibrationnel transverse, les atomes voient des profondeurs de piège différentes. Même si cet effet n’intervient pas lors de l’interrogation si l’alignement du faisceau sonde sur le piège est parfait, il est important de refroidir les atomes aussi dans cette direction pour limiter les effets provenant d’un défaut d’alignement.

Sachant que les atomes sont déjà piégés, on peut utiliser d’autres techniques de refroidissement que le piège magnéto-optique "rouge". Une technique parti-culièrement efficace est le refroidissement par bandes latérales, qui permet de faire perdre un quantum vibrationnel aux atomes après un cycle d’absorption-émission [136, 137]. Pour le mettre en œuvre, on a besoin d’une transition étroite mais suffisamment large pour que le refroidissement soit rapide. La transition

1S03P1, utilisée par d’autres équipes pour réaliser un second PMO, a les carac-téristiques requises. Le principe du refroidissement par bandes latérales (schéma-tisé sur la figure 4.15) consiste à désaccorder la fréquence de ce laser pour qu’il soit résonant avec une transition du type | f , ni → |e, n−1i où | f i = |1S0, F = 9/2i

et |ei = |3P1, F = 9/2i. L’atome se désexcite alors principalement suivant la

tran-sition |e, n − 1i → | f , n − 1i, et après plusieurs cycles, on peut l’amener dans le ni-veau n = 0. Dans notre cas, cette technique est réalisable car la fréquence d’oscil-lation correspondant à un piège de profondeur U0= 1400 Er estνosc= 250 kHz : les bandes latérales sont donc largement résolues puisque la transition ne fait elle-même que 7.6 kHz de large.

En ce qui concerne le refroidissement transverse, on ne peut pas appliquer la même méthode, puisque la séparation des niveaux dans ce cas n’est que de 540 Hz. En comparaison avec la largeur de la résonance, le comportement des atomes dans le plan transverse est proche d’une distribution Doppler classique. Le plus simple est donc d’opérer un refroidissement Doppler, le désaccord entre la fréquence du laser et la résonance atomique étant ajusté en fonction de la distribution des vitesses transverses.

nz=0 nz=4 nz=3 nz=2 nz=1 n'z=4 n'z=3 n'z=2 n'z=1 n'z=0

FIG. 4.15 –Principe de fonctionnement du refroidissement par bandes latérales. Ici les atomes ne voient pas le même potentiel suivant leur état interne.

4.6.2 Limites du refroidissement longitudinal

Le principe simple exposé dans la section précédente n’est malheureusement pas applicable tel quel dans notre situation. Le principal problème vient du fait qu’à la longueur d’onde magique, définie pour la transition d’horloge1S0 3P0, le potentiel de piégeage vu par les atomes dans les états 1S0 et 3P1 n’est pas le même, et la fréquence de transition dépend donc de la profondeur du piège. Le déplacement lumineux vient du couplage du niveau 3P1 à des niveaux excités, dont notamment le niveau 3S1. A cause de la sous-structure magnétique de ces deux niveaux, le déplacement lumineux du niveau3P1dépend du sous-niveau mF et les bandes latérales rouges et bleues associées à chaque transition possible sont enchevêtrées. À une profondeur de 1400 Er, le déplacement de la fréquence de transition s’étale sur ±1.5 GHz autour de la résonance atomique non perturbée en fonction des sous-niveaux Zeeman excités (voir figure 4.16). Les transitions mF =

±1/2 → mF = ±1/2 sont décalées vers le rouge de la transition non perturbée, et les transitions mF = ±9/2 → mF = ±9/2 vers le bleu.

Pour rendre le refroidissement par bandes latérales efficace dans ce cas, une solution est d’élargir la transition par saturation. Ainsi, en se plaçant dans le rouge de la porteuse, on est capable d’adresser à la fois les bandes latérales rouges, la porteuse et les bandes latérales bleues. Il en résulte une compétition entre le re-froidissement (dû aux bandes latérales rouges) et le chauffage (dû aux bandes laté-rales bleues). On peut alors trouver les conditions optimales de refroidissement en terme de désaccord du laser et du paramètre de saturation. Dans le cas de notre

re-4.6. REFROIDISSEMENT SUR RAIE ÉTROITE 147 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 6,0x10 5 7,0x10 5 8,0x10 5 9,0x10 5 1,0x10 6 1,1x10 6 1,2x10 6 + / -9 / 2 + / -7 / 2 + / -5 / 2 + / -3 / 2 + / -1 / 2 F l u o r e s c e n c e ( u . a . ) Fréquence (MHz)

Sans Ref roidissem ent

Avec Ref roidissem ent

FIG. 4.16 – Spectre de la transition |1S0, F = 9/2i → |3P1, F = 9/2i sans (en tirets

bleus) et avec (en trait plein noir) refroidissement. Les différentes transitions Zeeman apparaissent clairement après refroidissement. L’origine des fréquences correspond à une situation où les atomes sont libres.

froidissement, le paramètre de Lamb-Dicke vautη=q ωr

ωosc oùωrest la pulsation associée à Er etωosc= 250 kHz. Le paramètre vaut doncη = 0.195 ¿ 1 et dans le cas où seuls les niveaux de plus basse énergie sont peuplés, on peut considérer que seules la porteuse et les deux premières bandes latérales sont excitables, étant donnée la valeur des forces de couplage [56] :

n→n = Ω0 (4.6)

n→n−1 = Ω0nη (4.7)

n→n+1 = Ω0n + 1η. (4.8)

En supposant qu’à la fin du processus seuls les niveaux n = 0 et n = 1 sont peu-plés, on peut montrer [116] que le rapport des populations des deux niveaux peut s’écrire à l’état stationnaire :

P0 P1 =

∑mFΓ−,1(mF)

où Γ−,1(mF) est le taux de refroidissement à partir du niveau n = 1 et Γ+,0(mF) est le taux de chauffage à partir du niveau n = 0, pour un mF particulier. Ce rapport de population augmente lorsque le laser est accordé avec une bande latérale rouge associée à un |mF| particulier, et on montre qu’il est maximal pour |mF| = 1/2,

situation dans laquelle on va vouloir se placer.

La deuxième limite au refroidissement vient de notre dispositif expérimen-tal : le même faisceau est utilisé pour l’étape de drainage atomique et le refroi-dissement longitudinal, et la même puissance est utilisée pour les deux étapes. Or une puissance plus faible que les 3µW utilisés (qui correspondent à un pa-ramètre de saturation s = I/Isat = 25 000) détériore le drainage mais améliore le refroidissement. Néanmoins, les calculs et les mesures (présentées dans le cha-pitre 5) montrent qu’on est capable dans cette situation d’amener au moins 90% des atomes dans le niveau fondamental. Même si les calculs prévoient un proces-sus rapide, de l’ordre de quelques ms, le temps de refroidissement utilisé est par contre nettement supérieur, de l’ordre de 60 ms. Cette différence vient de l’an-harmonicité du potentiel et du fait que la fréquence des bandes latérales dépend aussi de l’excitation transverse (un modèle dans le chapitre 5 permet de rendre compte de cette dépendance). Ces effets viennent diminuer l’efficacité du refroi-dissement, certains états se retrouvant seulement faiblement couplés au laser de refroidissement. D’autre part, le refroidissement a été réglé de manière à atteindre la température la plus basse ; il est possible que l’optimisation de la durée du re-froidissement conduise à une température finale des atomes plus élevée.

4.6.3 Refroidissement transverse

Dans la direction transverse, on souhaite utiliser un refroidissement Doppler sur raie étroite. Si on veut pouvoir interagir avec un maximum d’atomes, il faut également saturer la transition pour l’élargir. A la fin du processus de refroidisse-ment sur la transition1S0 1P1et après capture dans le piège dipolaire, la tempé-rature des atomes est de l’ordre de la profondeur du piège, soit 200µK pour une profondeur U0= 1400 Er. La vitesse quadratique moyenne des atomes associée estphv2i =

q

3kBT

m ' 0.25 m/s. La transition est donc élargie d’environ 2 MHz à

la fois par effet Doppler et par le déplacement lumineux différentiel des différents sous-niveaux Zeeman. La largeur naturelle de la transition étant Γ0/2π= 7.6 kHz, il faudrait un paramètre de saturation de l’ordre de s = 105 pour obtenir un élar-gissement par saturation suffisant (Γ = Γ0

1 + s). En fait il faut également tenir compte du fait que la température accessible par un processus est limitée par le paramètre de saturation. En considérant un atome à deux niveaux, la limite de

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refroidissement Doppler s’écrit :

kBT = −¯hΓ0 4 1 + s + (Γ 0)2 Γ0 , (4.10)

oùδest le désaccord. Pour un paramètre de saturation s = 104et un désaccordδ=

−100Γ0, utilisés expérimentalement, on peut atteindre une température d’environ 12µK.

4.6.4 Montage expérimental

Le montage propre au refroidissement sur raie étroite est schématisé sur la figure 4.17. La partie concernant le refroidissement longitudinal est celle repré-sentée en détail sur la figure 4.12. Le refroidissement transverse est quant à lui indépendant. Il provient d’une partie du signal de la diode esclave qui est cou-plé dans une fibre à maintien de polarisation (le modulateur acousto-optique AO7 avant la fibre est utilisé lors du passage à l’horloge à boson, dans notre cas on récupère l’ordre 0 et il n’intervient pas). En sortie de fibre, le faisceau est séparé en deux selon deux polarisation orthogonales. Chacune des polarisations traverse un modulateur acousto-optique (AO8 et AO9 sur le schéma) pour atteindre la résonance atomique (équivalents à AO4 dans la direction longitudinale). Leur fré-quence est cependant décalée d’une faible quantité (20 kHz) de manière à ce que, après recombinaison sur un second cube, les deux faisceaux résultants aient une polarisation modulée. Le but de cette manœuvre est d’éviter les états noirs dans le processus de refroidissement [138] ainsi que les fluctuations de puissance. Le décalage de fréquence est par ailleurs suffisant pour que la modulation soit plus rapide que le temps de pompage optique. Les deux faisceaux sont alors injectés dans deux fibres optiques et acheminés jusqu’à la chambre à vide, où ils sont en-voyés à travers le piège et rétro-réfléchis. Des lentilles de collimation permettent d’obtenir des faisceaux parallèles dans la chambre, de diamètre 1.5 mm. A la sor-tie de la fibre FMP1, qui est utilisée par la suite pour le pompage optique, une lame quart d’onde a été ajoutée. Elle n’a aucun effet sur l’efficacité du refroidissement. Les fréquences utilisés pour les trois MAO dépendent en fait de la profon-deur du piège, puisqu’ils servent à rattraper le décalage isotopique entre 87Sr et

88Sr modulo le déplacement lumineux. Les valeurs indiquées sur les schémas cor-respondent à une profondeur U0= 1400 Er. L’optimisation de ces fréquences se fait expérimentalement en regardant le spectre des bandes latérales de la transi-tion d’horloge (voir la sectransi-tion 5.1.1), ce qui permet de déterminer l’efficacité du refroidissement.

Esclave 689 nm FMP IO λ/2 AO 7 Laser maître FMP AO8 AO9 PMO FMP2 FMP1 λ/2 λ/2 λ/2 λ/2 λ/2

Table optique secondaire Table optique principale

-221.7 MHz

0

+220.27 MHz

+220.29 MHz

λ/4

FIG. 4.17 –Schéma du montage utile pour le refroidissement sur raie étroite. Les valeurs

données pour AO8 et AO9 correspondent à une profondeur de piège de 1400 Er.