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Redéfinition (et abandon) de la "Falaise de B LANCHE ". Définition

défini : l'étage régional Jezzinien (M

AKSOUD

et al., 2014a)

La "Falaise de BLANCHE" constitue un élément remarquable des paysages montagneux du Levant. En effet, cette corniche court depuis la Galilée, au Sud, tout du long de l'Anti-Liban, à cheval sur les territoires du Liban et de la Syrie, mais aussi du Mont Liban jusque dans les chaînes côtières syriennes, au Nord. Son tombant est souvent très abrupt avec des dénivelés qui varient de quelques mètres dans la région de Sfireh (Fig. 3) à plus de 70 m au niveau des cascades de Jezzine (Pl. 1, figs. A et B), par exemple. C’est d’ailleurs d'après cette localité éponyme que DUBERTRET (1955 : p. 20) a tenté – sans succès – de la renommer "Falaise de Djezzine". Les calcaires blancs qui la constituent étaient antérieurement attribués à l'Aptien sensu stricto 1 ("Aptien supérieur" de DUBERTRET & VAUTRIN, 1937 ; DUBERTRET, 1955, 1963) ou pour l'essentiel au Bédoulien sans exclure définitivement la présence d'Aptien sensu stricto pour leur partie sommitale (SAINT-MARC, 1970). Les calcaires jaunes grenus sous-jacents étaient antérieurement attribués au Bédoulien ("Aptien inférieur" de DUBERTRET & VAUTRIN, 1937 ; DUBERTRET, 1955, 1963). Nous avons été amenés à proposer de nouvelles datations (MAKSOUD et al., 2014a).

Planche 1

A- Les cascades de Jezzine en 1900

B- Cascades de Jezzine en 2013 (photo Dany AZAR)

C- Gravure du pont naturel de Faqra-Kfardebiane en 1800 (anonyme, 1858) D- Le pont naturel de Faqra-Kfardebiane en 2013 (photo Dany AZAR)

E-F- Gravure du pont naturel de Faqra-Kfardebiane (GUERIN, 1884) G- Photo du pont naturel de Laklouk par Dany AZAR

H- Blanche en lapiaz à Faqra I- Blanche en Karst à Qanat Bakich

1 Pour les étages du Crétacé inférieur qui nous concernent, nous utiliserons préférentiellement la nomenclature de MOULLADE et al. (2011 ; 2015), soit une succession reconnaissant les étages Barrémien, Bédoulien (qui ne comprend pas la Zone à Furcata) et Aptien sensu stricto, et rejetant le découpage en deux (sensu anglico) ou trois (sensu

Nos premiers pas sur le terrain nous ont fait prendre conscience de la nécessité de lever rapidement les ambiguïtés présentes quant à la définition de l'unité dans laquelle nous devions prélever nos échantillons afin d’en entreprendre l'inventaire micropaléontologique :

• l'une de ses acceptions restreintes, la plus naturelle, est géomorphologique, notamment en raison des abrupts imposants qui la caractérisent. Localement, à Laklouk ou encore dans la région de Ghabat, on peut observer des éboulements formés de blocs plurimétriques, résultant peut-être (?) de séismes anciens (Pl. 2, fig. B). Observée en surfaces structurales, elle présente un modelé karstique avec des lapiaz caractéristiques dans les régions de Faqra (Pl. 1, fig. H) et de Qanat Bakich (Pl. 1, fig. I). Les ponts naturels de Laklouk (Pl. 1, fig. G) et de Faqra-Kfardebiane (Pl. 1, figs. C-F), illustré dans des lithographies du XIXème siècle (GUERIN, 1884 : p. 49 et 52 ; anonyme, 1858 : couverture), sont le résultat de cette érosion, de même que les grottes ["Mgharet"] El Dabaa à Kahlounié et El Chouf. À Sannine (Pl. 2, fig. A) et à Rihane, ses réseaux karstiques souterrains alimentent des nappes phréatiques qui ressurgissent localement sous forme de sources débouchant en pied de falaise. Rappelons, si nécessaire, que l’eau potable représente une ressource naturelle vitale pour les habitants de la région ;

• une autre acception peut être qualifiée d'indigène. Son appellation change alors d’une région à l’autre : dans le Sud du pays, les carriers l'appellent "hajar Jezzineh" [pierre de Jezzine] ; au centre, elle est plutôt connue sous le vocable de "chahm w lahem" ["graisse et viande"] à Beit Mery et Baabdat, ou encore "hajar el Mkalles" [pierre de Mkalles] à Mkalles et Mansourieh. De tout temps, cette pierre a été utilisée pour la construction : on peut, par exemple, penser au village de Beit Mery, District du Metn, Gouvernorat du Mont-Liban, avec une église (Pl. 2, fig. F), une école (Pl. 2, fig. G) et de nombreuses habitations (Pl. 2, fig. H). Nous pouvons aussi citer le temple d’Abaal à Ghineh (Pl. 3, fig. E), celui de Faqra (Pl. 2, fig. C), figurant sur les vieux billets de 250 livres libanaises (Pl. 2, fig. D), et le monastère Saint-Jean Baptiste à Beit Mery (Pl. 2, fig. E), construit sur des ruines phéniciens et romaines, où nous avons découvert les premiers Offneria, des rudistes jamais jusqu’alors signalés au Liban (MASSE et al., 2015). Des hypogées ont été creusés dans la falaise à Mazraat El Siyad (Pl. 3, figs. A-D) et à Tormos. Enfin, localement, le silex peut y être abondant et il a d’ailleurs été largement exploité tout au long de la Préhistoire dans des régions telles que le Maten ou le Qehmez (Pl. 3, fig. F) ;

Planche 2

A- Aquifère sortant de Blanche à Sannine

B- Blocs plurimétriques de Blanche résultants du séisme à Ghabat C- Temple de Faqra

D- Temple de Faqra sur les 250 livres libanaises E- Temple romain de Beit Mery

F- Eglise Saint Sassine à Beit Mery G- Ecole de Beit Mery

• la dernière acception enfin est géologique. Pour HEYBROEK (1942) puis, plus tard, DUBERTRET (1947), il s'agit de désigner un "calcaire récifal blanc", une affirmation dont nous verrons qu'elle n'est pas conforme à nos observations sur le terrain, notamment en raison de la rareté des faciès coralliaires. Ce calcaire blanc forme la partie inférieure d'une unité lithostratigraphique cartographiable, i.e., le "c2b" (DUBERTRET, 1963 : p. 43) qui correspond à l'ensemble des couches "Depuis la Muraille de BLANCHE jusqu'à la base des bancs à Cardium" (op. cit.). L'approche de DUBERTRET (1947, 1955, 1963) était essentiellement axée sur le macrofaciès, un type de lithostratigraphie aujourd'hui considéré comme obsolète car impliquant nécessairement un fort diachronisme.

En conséquence, afin d'éliminer toute ambiguïté, mais aussi afin de travailler dans un cadre stratigraphique rigoureux, nous avons été amenés à proposer l'abandon du vocable "Falaise de BLANCHE" et à introduire une nouvelle unité lithostratigraphique, non plus définie sur la base d'un faciès mais sur l'identification de deux discontinuités encadrant des associations de faciès passant latéralement les uns aux autres : il s'agit de l'Alloformation de Jezzine, l'UBU – Unconformity Bounded Unit – de Jezzine, ou encore l’Étage régional Jezzinien (MAKSOUD et al., 2014a) ; cette dernière formule a de loin notre préférence. Cette nouvelle unité inclut les termes sommitaux du "C2a" de DUBERTRET, i.e., des calcaires grenus jaunâtres, et ceux basaux du "C2b" du même auteur. L'intégration d'autres informations, telles que le microfaciès, le contenu fossilifère ou l'interprétation séquentielle, fait que notre approche, devenue plus synthétique, peut alors être qualifiée d'holostratigraphique.

Dans les sections qui suivent, après un rappel historique des travaux de nos illustres prédécesseurs (BLANCHE, 1847 ; FRAAS, 1878 ; DIENER, 1886 ; DOUVILLE, 1910, 1913 ; ZUMOFFEN, 1926 ; DUBERTRET, 1934, 1947, 1955, 1963 ; DUBERTRET

& VAUTRIN, 1937 ; HEYBROEK, 1942 ; SAINT-MARC, 1970, 1972), je traiterai du Jezzinien dans sa localité-type, de ses épontes, de son contenu macro- et micro-paléontologique, de ses variations latérales de faciès et de son calage sur l'échelle stratigraphique internationale (I.C.S.).

Planche 3

A-C- Tombeaux à Mazraat El Siyad

D- Tombeau sur la route vers Mazraat El Siyad E- Temple de Abaal à Ghineh

F- Silex taillés de Qehmez (collection Raymond GEZE au muséum de la faculté des Sciences II, Fanar)

Figure 3 : Carte des localités visitées. En rouge, les localités des coupes levées (modifiée de MAKSOUD et al., 2014a).

Revue historique de la "Falaise de BLANCHE" (Tableau 1)

"Falaise de BLANCHE" a été ainsi baptisée par DOUVILLE (1910) pour faire honneur à Charles-Isidore BLANCHE (1823-1887). D’après ce pionnier (BLANCHE, 1847 : p. 14-15), cette unité correspond à "8º Un calcaire jaunâtre, terreux, à texture parfaitement oolithique" surmonté par "7º (...) un calcaire blanc, très dur, très compacte, à grain extrêmement fin et presque cristallin"2. Pour FRAAS

(1878), il s'agit de sa "Gastropodenzone von Abeih", encadrée par sa "Sandsteinzone des Libanon", dessous, et son "Braune Kreide (Cardiumbänke)", dessus. Quant à DUBERTRET (1963), dans son "Lexique stratigraphique international", il utilise les vocables "Falaise de Mdairej" et "Grès de Base" pour désigner respectivement la Gastropodenzone et la Sandsteinzone de son prédécesseur. Dans ce même ouvrage, il signale, sans la nommer formellement, la présence d'une zone de transition entre la "Falaise de Mdairej" et le "Grès de Base" aux environs immédiats de Beyrouth ; il s'agit de quelques "170 m de terrains argilo-sableux et calcaires fossilifères" (DUBERTRET, 1963 : p. 56). Cette initiative malheureuse atteste des limites de la lithostratigraphie basée sur les seuls faciès. Plus récemment, WALLEY (1983) a proposé de substituer de nouveaux noms pour désigner les anciennes unités : "Formation du Chouf" pour la "Sandsteinzone" et "Formation de Mdairej" pour les "Cardiumbänke" ; s'il a bien identifié des localités-types, il n’a par contre fourni aucune information détaillée quant à ces unités lithostratigraphiques nouvellement renommées. Enfin, il a même ajouté à la confusion en introduisant un nom formel, i.e., "Formation d’Abeih", pour qualifier la zone de transition évoquée par DUBERTRET

(1963), ceci sans donner de critères permettant de la distinguer des unités encadrantes.

Tableau 1 : Récapitulation des différentes terminologies attribuées au Jezzinien et ses encadrants depuis 1847.

Discussion et commentaires

L’approche lithostratigraphique de DUBERTRET était essentiellement faciologique : 1) les faciès grenus, calcarénitiques, oolithiques et bioclastiques (textures grainstones et wackestones), jaunâtres, correspondent au sommet du "C2a" sur les cartes géologiques du Liban (DUBERTRET, 1950, 1955);

2) les faciès boueux, micritiques (textures mudstones et wackestones), blanchâtres, correspondent à la base du "C2b" sur ces mêmes cartes.

Sur nos coupes de terrain, le plus souvent, les faciès micritiques succèdent verticalement aux faciès grenus mais, localement, ils peuvent éventuellement être absents ou bien encore être intercalés dans ces mêmes faciès grenus. Ceci implique que, dans ces derniers secteurs, les intervalles considérés représentent des zones de transition entre une barrière sableuse et le lagon qu'elle protège. Ces types de relations géométriques attestent de simples variations latérales de faciès au sein d'une même unité. La similarité des associations d’algues et de foraminifères benthiques (parmi lesquels des Palorbitolinas) dans ces deux faciès contribue également à en documenter l'unicité. En conclusion, nous avons rapidement renoncé à utiliser ce concept obsolète d’unités basées sur les faciès, diachrones par nature, et, ce faisant, nous avons abandonné l'usage de "Falaise de BLANCHE".

Afin de travailler dans un cadre stratigraphique rigoureux et, dans un premier temps, de faire abstraction des variations latérales de faciès, nous avons opté pour une approche plus moderne de la lithostratigraphie (MURPHY & SALVADOR, 1999 ; voir GRANIER, 2000, pour une première application au Moyen-Orient) et adopté le concept d'UBU, i.e., Unconformity Bounded Unit (WHEELER, 1959), d'Alloformation (NACSN, 1983) ou encore d'Étage régional (HEDBERG, 1976; REY

et al., 2008; voir GRANIER et al., 2011, pour une première application au

Moyen-Orient) : c'est cette dernière catégorie qui a retenu notre faveur (MAKSOUD et al., 2014a). Alors qu'UBU et Alloformations sont bornées par des discontinuités, un étage régional est encadré par des surfaces isochrones (HEDBERG, 1976). Ces concepts paraissent a priori inconciliables ; toutefois, nous pouvons aisément résoudre cette contradiction si, comme le suggère B. GRANIER (communication personnelle), on prend en considération l'un des principes fondateurs de la stratigraphie séquentielle, i.e., que toute discontinuité sur une plate-forme passe latéralement à une continuité dans le bassin adjacent. Nous avons donc pu définir le Jezzinien en tant que nouvelle unité chronostratigraphique régionale (une dernière étape consistera à la caler sur l'échelle chronostratigraphique internationale).

• Localité-type : Jezzine, District de Jezzine, Gouvernorat du Sud-Liban (Fig. 3)

• Coupe de référence : nous avons mesuré la coupe-type pour partie (48 m) le long de la route principale à l'entrée de la ville (Pl. 4, fig. A). Sa puissance totale peut être estimée à 61,5m (Fig. 4) en prenant en considération la partie en falaise abrupte qui marque la limite entre Jezzine et Wadi Jezzine (Pl. 4, figs. B et C)

• Limite inférieure (le stratotype de limite) : c'est la limite de séquence au sommet des dépôts silicoclastiques du "Grès de Base". Sous les cascades de Jezzine, cette limite qui coiffe un horizon riche en lignite (Fig. 5) correspond également à une surface de transgression. Les faciès sous-jacents correspondraient à des environnements côtiers et estuariens : cette interprétation paléoenvironnementale est suggérée par la présence de bivalves marins et d'échinodermes, de lignite et de morceaux d’ambre dans ces niveaux bioturbés, plus ou moins argileux ou sableux. Quelques 20 m plus bas, un gisement d'ambre, initialement attribué au Bédoulien (AZAR et al., 2003 ; AZAR, 2007), a livré de nombreuses inclusions biologiques, parmi lesquelles des arthropodes (AZAR, 1997 ; AZAR et al., 2010).

Figure 5 : Horizon riche en lignite sous la surface transgressive, sur la coupe de la

route principale à l'entrée de Jezzine (le marteau pour l'échelle). Extrait de MAKSOUD et al., 2014a.

• Limite supérieure : c'est une autre limite de séquence, située au sommet des faciès micritiques. À Jezzine, cette limite correspond également à une surface de transgression. La séquence suivante y débute par des wackestones bioclastiques, légèrement plus argileux, riches en orbitolinidés (Praeorbitolina cormyi SCHROEDER, 1964). Dans d'autres localités (Fig. 3), ces calcaires argileux à Praeorbitolinas sont absents, remplacés par des faciès marneux où ont été découvertes des ammonites (MAKSOUD et al., 2014a), comme à Qanat Bakich (Pl. 6, figs. A et B ; Pl. 7, figs. A-D) ou à Kfar Nabrakh (Pl. 6, fig. E). Localement, cette surface supérieure peut être incrustée par des huîtres et perforée par des annélides et des pholades, attestant d'une lithification précoce des sédiments micritiques (MAKSOUD et al., 2014a).

Figure 6 : A- La discontinuité

médiane à Aarbet Qozhaya correspond à une surface perforée au toit du dernier banc micritique. L'un des deux bancs massifs contient de nombreuses coquilles de "géants" nérinées. Extrait de MAKSOUD

et al., 2014a. B- Détail de la surface

bioturbée et perforée au sommet de l'intervalle micritique (le marteau pour l'échelle). Extrait de MAKSOUD et al.

Il est à noter que, dans la région de Jezzine, les faciès micritiques sont proportionnellement nettement dominants sur les faciès grenus ; ailleurs, ce ratio peut s'inverser : c'est le cas à Aazour, par exemple, une localité sise à 4,5 km seulement à l'WNW de Jezzine ; en outre, toujours dans cette dernière localité, nous y avons identifié des bancs micritiques en intercalation au sein d'un ensemble dominé par les faciès grenus, ce qui nous a permis de subdiviser le Jezzinien en deux séquences. La même disposition a été observée à Aarbet Qozhaya (Fig. 3) où la discontinuité médiane correspond à une surface perforée au toit du dernier banc micritique (Fig. 6). Par la suite, nous avons cherché cette discontinuité à Jezzine où nous l'avons effectivement localisée sur la coupe principale à la cote 19,3 m (Fig. 4) ; elle se situe au toit d’un niveau à fenestrae avec une cimentation dolomitique drusique.

Après avoir caractérisé les principaux faciès et défini sommairement le cadre lithostratigraphique et séquentiel, nous pouvons à présent examiner le contenu fossilifère et donner une interprétation biostratigraphique.

Revue des données biostratigraphiques

En se basant sur des récoltes de macrofossiles, FRAAS (1878) a proposé le premier cadre chronostratigraphique pour les unités libanaises du "Crétacé supérieur". Selon DIENER (1886), la succession de FRAAS débute avec son "Sandsteinzonze" d'âge cénomanien et se poursuit avec sa "Gastropodenzone" et ses "Cardiumbänke" d’âge turonien.

Pour DOUVILLE (1910) et DUBERTRET (1934), les faciès micritiques de la "Falaise de BLANCHE" doivent être attribués à l’Albien. Toutefois, quelques fossiles caractéristiques recueillis par une troisième personne, G. ZUMOFFEN (1848-1928), ne proviennent pas de la "Falaise de BLANCHE", mais d’une seconde falaise située au-dessus : il s’agit de la "Falaise de ZUMOFFEN" [voir la discussion dans la section suivante]. Dans ses publications ultérieures, DUBERTRET (DUBERTRET & VAUTRIN, 1937; DUBERTRET, 1955, 1963) attribue ces faciès à l'Aptien ("Aptien supérieur"). Il signale des macrofossiles (échinides, gastéropodes, rudistes et autres pélécypodes) et quelques microfossiles (Orbitolinidae).

SAINT-MARC (1970) est le premier à proposer une datation reposant essentiellement sur des données micropaléontologiques. Il a identifié plusieurs foraminifères benthiques et algues calcaires qui l'ont conduit à attribuer un âge Bédoulien - (?) Aptien ("Aptien") : Bédoulien ("Aptien inférieur") pour la plus grande partie de la "Falaise de BLANCHE", sans exclure totalement un âge aptien ("Aptien supérieur") tout du moins en ce qui concerne les couches sommitales. Ses "couches à Orbitolines", une unité informelle venant immédiatement au-dessus, peuvent être considérées soit comme faisant partie des couches à

Cardium des auteurs précédents, soit comme l’un de leurs synonymes

postérieurs.

Planche 4

A- Le côté Est de la falaise à Jezzine avec la coupe sur la route B- La limite inférieure à 0 m au niveau des cascades de Jezzine C- La limite supérieure à 61,5 m du côté Ouest de la falaise à Jezzine (Les numéros réfèrent aux niveaux de la coupe mesurés sur la route) Extrait de MAKSOUD et al., 2014

Revue des données paléontologiques

Depuis 1910, de nombreuses découvertes de fossiles ont été rapportées dans la littérature géologique libanaise. Nous ne devons préalablement procéder à une analyse critique de cet inventaire paléontologique parce que :

• la localisation géographique des gisements n’est pas précise ;

• la position stratigraphique des gisements est souvent sujette à interprétation ;

• les spécimens sont rarement figurés (sinon parfois avec une définition qui ne permet pas la reconnaissance des critères diagnostiques de l’espèce, voire du genre) ;

• la plupart ne sont pas dans des collections référencées ou ont été perdus. Nous allons passer en revue ces macrofossiles (échinides, rudistes,

céphalopodes) et microfossiles (algues et foraminifères benthiques), et compléter la liste raisonnée qui en résulte par nos propres découvertes.

Macrofossiles Échinides

FRAAS (1878) documentait la présence d’Heteraster oblongus (BRONGNIART, 1821) dans ses "Cardiumbänke". VAUTRIN et KELLER (1937) conservent cette combinaison binominale lorsqu’ils illustrent cet oursin (VAUTRIN & KELLER, 1937 : Pl. VI, figs. 5-12; Pl. VII, figs. 1-19) provenant de strates attribuées au Bédoulien ("Aptien inférieur"). Dans l’intermède, P. de LORIOL (1887 : Pl. VII, figs. 2-3; Pl. XVI, figs. 2-3) l’avait décrit comme une espèce nouvelle : "Enallaster syriacus", distincte d’Heteraster oblongus. HEYBROEK (1942), DUBERTRET (1955) puis SAINT-MARC (1970) vont mentionner cette espèce, sans l'illustrer, sous l’appellation "Heteraster oblongus BRONGNIART race syriaca VAUTRIN-KELLER". Plus récemment, nous l’avons refigurée comme "Heteraster

oblongus (BRONGNIART, 1821)" (Pl. 5, figs. C-E et I).

VAUTRIN et KELLER (1937) illustrent aussi plusieurs espèces de l’Aptien ("Aptien supérieur") de la "Falaise de BLANCHE" : Trochodiadema libanoticum LORIOL, 1887 (VAUTRIN & KELLER, 1937 : p. 140, Pl. V, figs. 2-3), Salenia scutigera GRAY, 1835 (p. 144, Pl. V, figs. 4-5), Holectypus portentosus COQUAND, 1879 (VAUTRIN & KELLER, 1937 : p. 147, Pl. V, fig. 6), "Clitopygus (Echinobrissus) goybeti COTTEAU, 1885" 3 (VAUTRIN & KELLER, 1937 : p. 152, Pl. V, fig. 13), et Toxaster dieneri LORIOL, 1887 (VAUTRIN & KELLER, 1937 : p. 154, Pl. V, figs. 17-20). Quant à DUBERTRET (1955), il y signale, sans fournir aucune illustration, le "Clitopygus (Echinobrissus) goybeti" et Diplopodia hermonensis LORIOL, 1887.

Dans l'évaluation préliminaire de nos nouvelles récoltes, 4 espèces ont été identifiées :

i) tout d'abord, l'oursin irrégulier, Heteraster oblongus, se trouve communément dans la plupart des coupes étudiées, confirmant les identifications antérieures (VAUTRIN et KELLER, 1937) : Qanat Bakich (Pl. 5, figs. C et E), Kfardebiane (Pl. 5, figs. D et I) et Ehden, par exemple. En Suisse et dans le SE de la France, cette espèce est caractéristique des séquences urgoniennes Ba5 à Bd2 de CLAVEL et al. (2007), i.e., le Barrémien terminal (sommet de la Zone à Giraudi) et le Bédoulien inférieur (base de la Zone à Forbesi). Il est possible que cette forme apparaisse plus tôt au Moyen-Orient ;

ii) un autre oursin irrégulier, Heteraster delgadoi (LORIOL, 1888), a été récolté au-dessus de la falaise dans les couches à Cardium de Qanat Bakich (Pl. 5, fig. F). Cette espèce est connue dans l’intervalle Albien-Cénomanien ;

iii) le troisième oursin irrégulier, Nucleopygus roberti (A. GRAS, 1848) provient de la partie supérieure du "Grès de base" à Daychounieh (Qanater Zoubaydeh) (Pl. 5, figs. G et H) et de la partie inférieure de l’unité étudiée à Jeita. Cette espèce est connue dans l’intervalle Barrémien-Bédoulien ;

iv) un oursin régulier, Tetragramma malbosi (AGASSIZ & DESOR, 1846), trouvé dans les couches à Cardium de Zaarour (Pl. 5, figs. A et B). Il apparaît dans le Bédoulien élevé.

Rudistes

DOUVILLE (1910, 1913) a identifié quelques rudistes du Liban mais il n’a pas récolté ce matériel lui-même. Par exemple, il va identifier Polyconites verneuili BAYLE, 1860 (DOUVILLE, 1913 : Pl. IX, figs. 1-3) et Eoradiolites plicatus CONRAD, 1852 (DOUVILLE, 1910 : Figs. 71-75 ; DOUVILLE, 1913 : Pl. IX, fig. 5) parmi les échantillons que lui a fait parvenir ZUMOFFEN (DOUVILLE, 1913 : p. 409 ; ZUMOFFEN, 1926). En fait, ces spécimens proviennent d’une seconde falaise constituée d'un calcaire compact et située topographiquement et donc stratigraphiquement au-dessus de la vraie "Falaise de BLANCHE" (DUBERTRET, 1963) mais souvent confondue avec cette dernière. Ces deux espèces, Polyconites verneuili et

Eoradiolites plicatus, sont connues dans l'intervalle Aptien - Albien (MASSE, 1995 ; SKELTON & MASSE, 2000).

Planche 5

Tetragramma malbosi (AGASSIZ & DESOR, 1846), bancs à Cardium, Zaarour (MHNUL 22733/0001), Leg. 12/09/2013

A- Vue apicale B- Vue orale

Heteraster oblongus (BRONGNIART, 1821), base du Jezzinien

C- E- Vues apicales ; C (MHNUL 22797/0002) et E (MHNUL 22797/0003) Qanat Bakich ; D (MHNUL 25439/0001) Kfardebiane

I- Vue du côté gauche, Kfardebiane (MHNUL 25439/0001);

Heteraster delgadoi (LORIOL, 1888), bancs à Cardium, Kanat Bakich (MHNUL 22797/0001) F- Vue apicale

Nucleopygus roberti (A. GRAS, 1848), sommet des couches de "Grès de Base", Daychounieh

G-H- Vues apicales ; G (MHNUL 37321/0001) et H (MHNUL 37321/0002) Matériels identifiés par B. CLAVEL.

Échelles = 1 cm.

En outre, DOUVILLE (1913) a identifié Agria marticensis ORBIGNY, 1847 (DOUVILLE, 1913 : Pl. IX, fig. 4), toujours dans du matériel récolté par ZUMOFFEN (DOUVILLE, 1913 : p. 409), mais provenant d’Aley, District d’Aley, Gouvernorat du Mont Liban, dans la partie grenue de la Falaise de BLANCHE, attribuée alors à du Bédoulien-Aptien ("Aptien"). Il ne s’agit pas d’un authentique Agriopleura

marticensis mais d’une espèce nouvelle, Agriopleura libanica, introduite

ultérieurement par ASTRE (1930 ; J.-P. MASSE, 2 décembre 2013, communication personnelle). Nous avons tenté de localiser le gisement, sans succès, mais nous y avons récolté d’autres rudistes parmi lesquels J.-P. MASSE a identifiés des

Horiopleura sp. (J.-P. MASSE, 16 avril 2015, communication personnelle).

HEYBROEK (1942, p. 44) avait signalé des "Toucasia sp." au "sommet de la Muraille de Blanche" à "Kfer Matta" [Kfarmatta], près d’Abeih. Malheureusement, la découverte restera ignorée par les chercheurs qui suivirent.

Pour notre part, nous avons découvert deux espèces d'Offneria PAQUIER, 1905, à Beit Mery, District du Metn, Gouvernorat du Mont Liban (MASSE et al., 2015) : O.

murgensis MASSE, 1992, et O. nicolinae (MAINELLI, 1983). Depuis, plusieurs nouveaux sites ont été identifiés, dans le centre-ouest et le NW du Liban (Fig. 7).

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