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Si des chercheurs déplorent l’absence de base théorique solide afin de soutenir la compréhension du recrutement (Dumas et al., 2007; Halgunseth et al., 2009; Ingoldsby, 2010), les milieux de la pratique témoignent également de leurs difficultés à rejoindre les parents de familles à défis multiples afin qu’ils prennent part à des programmes (Axford et al., 2012).

Une meilleure compréhension de ce qui amène un parent à s’inscrire à un programme de prévention lors de la petite enfance s’avère évidemment cruciale sur le plan pratique. En fait, plusieurs sont d’avis que le recrutement des parents dans les programmes devrait être vu et étudié comme une composante en soi des programmes, tel un facteur faisant partie de l’implantation du programme, plutôt que comme un élément séparé (Axford et al., 2012 ; Durlak et DuPre, 2008). Au lieu d’identifier quels sont les services additionnels dont ont besoin les familles, il serait profitable de se concentrer sur la façon dont les services sont présentés et offerts aux familles. Il semble qu’à l’heure actuelle, les milieux d’intervention savent comment s’y prendre pour susciter la présence et l’engagement des parents une fois inscrits, mais qu’ils ne savent pas, par contre, comment les rejoindre (Camilli et al., 2010). En somme, plusieurs chercheurs s’entendent pour dire que de futures recherches sont nécessaires afin d’améliorer les connaissances quant au recrutement, de par sa pertinence pour les milieux de pratique (Besnard et al., 2013 ; Dekovic et al., 2011 ; Durlak et DuPre, 2008 ; Kaminski et al., 2008).

Par ailleurs, à cause des difficultés au niveau du recrutement, les milieux d’intervention passent à côté de leur cible d’intervention, ne parvenant pas à rejoindre les gens qui profiteraient le plus des services (Axford et al., 2012). De plus, dans le contexte de contraintes budgétaires des services publics actuels, le fait d’offrir des programmes alors que les clientèles ne sont pas rejointes, ou que les groupes sont à moitié remplis, ne permettent pas aux milieux d’offrir des services de façon rentable et efficiente (Axford et al., 2012 ; Baker et al., 2011). Ainsi, de nouvelles recherches sont nécessaires afin de mieux comprendre comment rendre les services accessibles aux familles à défis multiples, enjeu important qui préoccupe l’ensemble des milieux d’intervention (Cantin et al., 2012 ; Garvey et al., 2006 ; Kaminski et al., 2008).

De plus, le caractère actuel de la problématique est notable. La prévention lors de la petite enfance ainsi que rejoindre les familles à défis multiples sont au cœur des préoccupations de plusieurs organismes. L’INSPQ a statué que d’offrir des services de façon précoce (avant cinq ans) est une des dix conditions de succès pour favoriser le développement global des enfants (Poissant, 2014). Plus particulièrement, se questionner pour rejoindre les familles à défis multiples lors de la petite enfance est au cœur des préoccupations de plusieurs organisations, tels le Projet Constellation développé par Horizon 0-5 ans (2017) et la démarche COSMOSS de COSMOSS Bas- Saint-Laurent (Langlois, 2014), ce qui représente bien le caractère actuel de la problématique du recrutement pour les milieux de la pratique. Ce désir d’une compréhension écologique du recrutement est également mis de l’avant par les organismes qui se mobilisent pour identifier comment rejoindre davantage les familles à défis multiples. Les initiatives en cours favorisent l’emploi de recherche- action par l’implication des acteurs concernés par le recrutement, pour effectuer la démarche, et ce, afin d’assurer une cohérence entre les préoccupations des parents, des intervenants et des gestionnaires et les actions mises en place (Langlois, 2014 ; St-Louis, 2016). De plus, Avenir d’enfants en a fait la cible de son soutien pour contribuer au transfert et à l’appropriation des connaissances dans ce domaine dans sa planification stratégique de 2014, en plus d’avoir été la cible d’intérêt du Forum Tous

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pour eux de 2011 et de la tournée des régions 2014-2015. Cela démontre que la préoccupation face à la difficulté des milieux de rejoindre les parents de familles à défis multiples est bien réelle. Selon Russell, Birnbaum, Avison et Ioannone (2011), la disponibilité et la variété des services disponibles pour les familles peuvent représenter un indicateur de l’importance accordée au rôle de parents et au soutien auquel les familles doivent avoir accès.

Concernant la connaissance des parents à propos des services offerts et disponibles près de chez eux, Mieux connaître la parentalité au Québec, publication réalisée dans le cadre de l’Enquête québécoise sur l’expérience des parents d’enfants de 0 à 5 ans 2015 (EQEPE), rapporte que 60,8% les connaitraient en partie, alors que 24,8%, près d’un parent sur quatre, ne les connaitraient pas du tout (Lavoie et Fontaine, 2016). Toujours selon cette étude, la non connaissance des services serait particulièrement vraie pour les familles à défis multiples : familles immigrantes (36%), absence de diplôme (34%), faible revenu (32%). Par ailleurs, 24,4% des parents soutiennent qu’au moins sept obstacles (ex : coûts, horaire, manque de place, manque de temps, etc.) restreignent ou même empêchent l’utilisation de services lors de la petite enfance. En effet, il est possible de croire que cette non-connaissance des services et que ces nombreuses barrières d’accès viennent restreindre le recrutement des parents dans les activités de prévention.

En 2016, l’initiative Perspectives parents, vaste étude menée conjointement par Avenir d’Enfants, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et l’Université du Québec à Trois-Rivières, a soutenu également que 25 % des parents d’enfants de 0 à 5 ans ont besoin d’une meilleure concordance entre les besoins des familles et les services offerts (Lacharité, Calille, Pierce et Baker, 2016). Par ailleurs, l’accès aux services serait une source de frustration pour certains parents, entre autre de par l’incohérence entre les besoins identifiés par la famille et les services qui leur sont offerts. Par ailleurs, pour les familles à défis multiples, les professionnels seraient

perçus comme une source de perturbation, venant amplifier un déséquilibre dans leur vie par l’intervention qu’ils leur proposent.

En somme, considérant le peu de données empiriques portant spécifiquement sur le recrutement et étant donné la difficulté à laquelle font face quotidiennement les milieux d’intervention, la thèse répondra ainsi à des questionnements et à des enjeux identifiés tant par les écrits scientifiques, que par les intervenants, les gestionnaires, ainsi que par les premiers concernés, les parents eux-mêmes.