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CHAPITRE 2 – CADRE THÉORIQUE

3. L’ ENGAGEMENT DANS LES APPRENTISSAGES EN SITUATION DE TRAVAIL

3.2. La reconnaissance au travail

3.2.1. Origine et définition de la reconnaissance professionnelle

L’idée selon laquelle tout être humain est en quête de reconnaissance prend sa source au cours du 18ème siècle. Certains philosophes, tels que Rousseau, Smith ou encore Hegel, se sont intéressés au besoin de reconnaissance. Au cours du 20ème siècle, d’autres philosophes, notamment Taylor et Honneth, ont aussi traité la question. Tous se rejoignent pour affirmer que l’autre occupe une place importante dans l’existence d’une personne et qu’il est le principal vecteur de reconnaissance.

Pour ce travail, nous retenons la définition proposée par Jorro & Wittorski (2013), qui s’appuient sur les propos de Jorro (2009) et définissent « la reconnaissance professionnelle comme un acte d’évaluation de l’activité et de valorisation – légitimation de l’initiateur de l’activité » (p.13). Les auteurs précisent que « la reconnaissance professionnelle ajoute à l’acte évaluatif la dimension de considération, voire d’estime, qui conforte l’acteur dans son for intérieur et consolide sa place dans l’espace social » (p.13). Jorro & Wittorski (2013) distinguent deux dimensions de la reconnaissance :

La reconnaissance du travail réalisé

Elle s’intéresse aux objectifs que le travailleur doit atteindre et aux résultats attendus et est en lien avec le jugement d’utilité, ce dernier étant « formulé par la hiérarchie, les subordonnés ou parfois même les clients » (Gernet & Dejours, 2009, p.30).

La reconnaissance du professionnel

Elle porte sur les techniques utilisées par le travailleur pour mener à bien son activité. Dans ce cas, l’engagement du travailleur est aussi à prendre en compte. Elle est associée au jugement de beauté proposé par Gernet & Dejours (2009) :

Le jugement de beauté porte quant à lui sur la qualité du travail ('beau boulot', 'belle présentation') qui témoigne à la fois de la conformité du travail avec les règles de l’art comme de son originalité par rapport aux réalisations canoniques du corps de métier.

(pp.30-31)

Brun (2013) distingue différentes formes de la reconnaissance professionnelle :

25 La reconnaissance existentielle

Elle porte tant sur les personnes que sur les collectifs de travail. Il s’agit de communiquer et d’échanger avec ses collègues, mais également de les intégrer et de les solliciter lors de prise de décisions, par exemple. En outre, « valoriser tout ce qui respecte le salarié comme une personne importante dans l’organisation » (Brun, 2013, p.43).

La reconnaissance de la pratique du travail

Elle s’intéresse aux façons utilisées par le professionnel pour réaliser l’activité. Il s’agit de

« souligner la qualité d’un travail bien fait, pas simplement d’évoquer les problèmes, mais aussi de valoriser les dimensions cachées du travail comme la créativité, l’innovation et l’autonomie » (Brun, 2013, p.43). Nous faisons ici un lien avec la reconnaissance du professionnel de Jorro & Wittorski (2013).

La reconnaissance de l’investissement dans le travail

Elle porte sur les efforts fournis par le travailleur lors de l’exécution de son activité. Dans ce cas de figure, les résultats importent peu.

La reconnaissance des résultats du travail

Elle s’intéresse aux résultats obtenus suite à l’accomplissement d’une activité. Nous associons cette dernière à la reconnaissance du travail réalisé de Jorro & Wittorski (2013).

Jorro & Wittorski (2013) exposent trois modalités de la reconnaissance professionnelle : La reconnaissance du genre professionnel

Il s’agit des techniques et des discours utilisés dans un environnement de travail. Jorro &

Wittorski (2013) nous disent qu’elle « permet de caractériser ce qui relève de l’usage des règles du métier, d’en apprécier leur intégration dans la situation professionnelle » (p.14).

La reconnaissance du style professionnel

Il s’agit de s’approprier ses propres manières de faire en s’inspirant des techniques observées en situation de travail. Jorro & Wittorski (2013) expliquent qu’elle « revient à identifier la part d’ajustement à laquelle le professionnel recourt pour agir de façon opportune et efficace en situation » (p.14).

La reconnaissance de l’éthos professionnel

Il s’agit des valeurs qu’une personne possède et qui vont se réaliser lorsqu’elle effectue son activité professionnelle. Jorro & Wittorski (2013) mettent en évidence qu’elle « marque la distance que le professionnel est en mesure de tenir sur sa propre activité, faisant preuve de réflexivité et de sens éthique » (p.14).

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3.2.2. Les effets d’une reconnaissance par le tuteur sur l’apprenant

Les effets liés à la reconnaissance professionnelle sont multiples et nous tenterons de les appréhender dans l’analyse de nos données. Brun (2013) met en évidence que la reconnaissance professionnelle est « un élément essentiel pour préserver et construire l’identité des individus, donner un sens à leur travail, favoriser leur développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être » (p.44). Nous constatons qu’être reconnu engendre des effets bénéfiques sur l’apprenant. De plus, la reconnaissance professionnelle participe à la construction identitaire du travailleur. Par exemple, une personne éprouvant un sentiment de reconnaissance au sein d’une entreprise se sentira valorisée et légitime dans son milieu de travail. Jorro et Wittorski (2013) reprennent les propos de Bourgeois & Durand (2012) et ajoutent que la reconnaissance professionnelle « renforce les liens d’appartenance à une communauté professionnelle, génère des processus d’engagement nouveaux ou d’apprentissage professionnel » (p.13). En d’autres termes, être reconnu aura pour conséquence d’encourager le professionnel à s’engager dans son activité, puisque la reconnaissance au travail constitue un facteur important de l’engagement en formation.

A l’inverse, il est possible que les apprenants soient face à une absence de reconnaissance dans leurs environnements de travail, sachant qu’ils ne sont pas nécessairement égaux par rapport aux possibilités de reconnaissance. Cette situation engendre des conséquences importantes pour les apprenants. Renault (2013) nous dit à ce propos que « l’absence de reconnaissance et reconnaissance dépréciative peuvent provoquer cette fragilisation du rapport positif à soi, couramment désigné par la catégorie de 'mal-être', mais peuvent également induire un rapport négatif à soi » (p.36). Il ajoute que « le déni de reconnaissance produit également des lésions de l’identité paralysantes ou déstructurantes » (p.36). Nous constatons que les conséquences d’une absence de reconnaissance peuvent être dramatiques pour les apprenants et engendrer, de ce fait, un désengagement de leur part.

Après avoir mis en évidence les facteurs jouant un rôle dans l’engagement en formation des apprenants, il est intéressant de se pencher sur les notions de communauté de pratique et de participation périphérique légitime, puisque durant leur parcours de formation, les apprentis sont en contact avec différents groupes de personnes qui partagent la même activité professionnelle. Il est donc nécessaire de s’atteler à comprendre ces notions, qui traitent des liens entre l’apprentissage, la position des individus dans la communauté de pratique et l’identité.

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4. A PPRENTISSAGES EN SITUATION DE TRAVAIL ET