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Une reconnaissance tardive Ce n’est qu’à la fin du XIX e siècle que quelques précisions

Chapitre I. La personne de l ’enfant à l’épreuve du droit pénitentiaire

Section 2. La personne de l’enfant saisi par les droits pénitentiaires internes

99. Une reconnaissance tardive Ce n’est qu’à la fin du XIX e siècle que quelques précisions

réglementaires ont été apportées à l’accueil réservé à l’enfant en détention395. L’article 9 du

règlement des prisons départementales du 11 novembre 1885, complété plus tard par l’article 11 du décret du 19 janvier 1923, énonce que « même après sevrage, les enfants pourront être laissés, jusqu’à l’âge de quatre ans aux soins de leur mère qui, dans ce cas, restera également dans la

393 Art. 35 de l’Arrêté sur la police des prisons départementales du 25 décembre 1819, T1 Code des Prisons

(1670-1845), p. 83.

394 Cf. supra. §8.

prison départementale »396. Empreinte d’un certain laconisme, cette brève formulation traduit le

malaise de la reconnaissance de cet enfant au sein du milieu pénitentiaire. Par la suite lors de son inauguration en 1923, l’ancêtre du quartier nurserie actuel de la maison d’arrêt de Fleury- Mérogis397, le « quartier des nourrices » de la prison de Saint-Lazare à Paris constitue un premier

pas vers un aménagement de l’espace carcéral. La consécration légale de cette situation de fait se poursuit au lendemain de la libération en 1945, avec la mise en place d’un autre espace nurserie, dit « quartier maternité », au sein de la prison de Rennes398. Cet espace est dédié à

l’accouchement des femmes enceintes et à la garde consécutive de leurs enfants399.

100. Un ancrage au sein des règles pénitentiaires. La même année, Paul Amor devenu

premier directeur de l’administration pénitentiaire, participe à l’élaboration d’une réforme totale des établissements pénitentiaires. Intégrée dans le nouveau Code de procédure pénale de 1958, cette réforme développe considérablement l’accueil réservé aux enfants des femmes détenues en prison, mais surtout inscrit la place de l’enfant en prison au sein des règles pénitentiaires400. Les

articles D. 399 et suivants prévoient explicitement une possibilité pour les prisons d’accueillir les enfants de personnes détenues ayant accouché au cours de leur incarcération ou juste avant, selon « un régime approprié »401. La mère et l’enfant devront alors être transférés dans un

établissement « disposant d’un quartier spécialement aménagé, tel que le quartier des nourrices à Fresnes »402. En outre, l’alinéa 2ème de l’article D. 400 précise qu’il est préférable que les

femmes enceintes n’accouchent pas au sein des prisons et soient transférées à la maternité. Puisant dans l’expérience de la prison de Rennes, cette sensible adaptation des conditions d’accouchement et de vie des mères détenues avec leur enfant précise quelque peu, le cadre juridique rudimentaire403.

396 Art. 11 du Décret du 19 janvier 1923 portant règlement d’administration publique sur le régime intérieur et

l’organisation du travail dans les prisons affectées à l’emprisonnement individuel. Cardi C., « Les quartiers mères- enfants : l’“ autre côté ” du dedans », Champ pénal, Dossier parentalités enfermées, Vol XI, 2014.

397 En 1925, le « quartier des nourrices » est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes qui perdura

jusqu’en 1977 avant qu’il ne se déplace dans la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Cardi C., op.cit., 2014.

398 Foulquier A., op.cit., 2009, p. 19. 399 Idem.

400 Décret n°59-322 du 23 février 1959 concernant l’application du Code de procédure pénale. Orvain P.,

Rapport Général de l’exercice 1959 présenté à M. Le Garde des Sceaux par le Directeur de l’Administration Pénitentiaire, École Nationale de l’Administration Pénitentiaire (ENAP), 1960, p. 9.

401 Orvain P., ibid., 1960, p. 47. 402 Idem.

403 De manière incidente, l’article D. 401 du Code de procédure pénale de 1958 prévoit qu’à la séparation de

l’enfant, le service social se doit de trouver un placement « au mieux de son intérêt ». Le principe de l’intérêt de l’enfant émerge au sein des textes juridiques encadrant ces situations, dans une coïncidence possible avec l’entrée du service social au sein des prisons pour femmes. Art. D. 401 du Code de procédure pénale de 1958.

101. La troisième étape de la reconnaissance juridique de l’enfant en prison se situe en 1998.

Cette étape est née de la prise en compte progressive par le droit pénitentiaire des études réalisées sur les effets du milieu carcéral sur l’enfant, mais aussi de l’influence croissante de la CIDE404.

A la fin des années 1980, la Maison centrale de Rennes, devenu un Centre pénitentiaire en 1975405, commence à poser des difficultés d’accueil de l’enfant au sein de l’espace. De ce fait,

est construit en 1989, un quartier nurserie spécifique, en lien avec l’infirmerie de la Maison centrale. Puis, la loi du 18 janvier 1994 qui confère au Ministère de la Santé la prise en charge médicale des personnes détenues, a pour effet d’isoler le quartier nurserie de l’ancienne infirmerie. Cette ancienne infirmerie devient l’Unité de Consultations et de Soins Ambulatoires (UCSA), jusqu’alors investie par les religieuses de l’Ordre de Marie-Joseph406. La prise en

charge des soins maternels et de la grossesse en prison s’insère dans le champ du droit commun de la santé publique sous l’égide du Ministère de la Santé. Cette transformation de l’espace nécessite un renforcement du cadre réglementaire, contribuant à l’élaboration du décret du 8 décembre 1998 concernant l’organisation des établissements pénitentiaires407.

Ce décret renforce l’encadrement de la prise en charge de la grossesse et de l’enfant en prison, en leur assurant une assise juridique plus établie. Ainsi l’article D. 399 du Code de procédure pénale est décalé à l’article D. 400 du même code, afin que soit créée la Section IV au sein du Chapitre VIII du Titre II du cinquième livre des Décrets en Conseil d’État. La section IV, entièrement dédiée à l’encadrement de la grossesse de la femme détenue à la garde de l’enfant auprès de sa mère en prison, se nomme « Protection de la mère et de l’enfant »408. Le premier

article D. 400 répond directement à la Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à l’entrée de la médecine en prison, puisqu’il énonce que « toutes dispositions doivent être prises par les médecins, pour que les détenues enceintes bénéficient d’un suivi médical adapté et que leur accouchement soit réalisé dans le service hospitalier approprié à leur état de santé ». De l’article ancien D. 399 qui prévoyait « un régime approprié » pour l’enfant, est remplacé par l’article D.

404 Il y avait eu auparavant une petite modification de l’article D.401 du Code de procédure pénale par le décret

du 12 septembre 1972 concernant l’exercice de l’autorité parentale sur un enfant placé après un séjour avec sa mère en détention. Décret n°72-852 du 12 septembre 1972 modifiant certaines dispositions du Code de procédure pénale (troisième partie : Décrets).

405 Un centre pénitentiaire regroupe plusieurs régimes de détention différents, tel qu’un quartier maison d’arrêt,

un quartier maison centrale ou encore un quartier centre de détention.

406 Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale. Il en va de même du

quartier nurserie de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis ainsi que des autres espaces carcéraux des prisons pour femmes, aménagées afin de recevoir des enfants en France.

407 Décret n°98-1099 du 8 décembre 1998 modifiant le Code de procédure pénale (troisième partie : Décrets)

et relatif à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires.

408 Art. D.400 à D.401-2 de la Section IV « Protection de la mère et de l’enfant » inséré au Code de procédure

401 du décret n° 98-1099 du 8 décembre 1998 qui énonce la mise en place de « locaux spécialement aménagés » au sein des prisons409. De même, l’article D. 401 alinéa 3 précise que

le séjour de l’enfant doit être organisé par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, en collaboration avec la Protection maternelle et infantile. La collaboration entre les services départementaux et l’administration pénitentiaire devient donc officiellement inscrit dans la partie réglementaire du Code de procédure pénale. L’article D. 401 alinéa 2 insiste sur l’importance d’organiser le séjour de l’enfant et la séparation d’avec sa mère « au mieux de son intérêt ». Cette formulation, reprise de la version précédente du Code de 1958 et étoffée à présent, confère une assise juridique au séjour de l’enfant en prison à partir d’une prise en compte de son intérêt. Le principe de l’intérêt de l’enfant reste néanmoins bien en retrait au sein du texte. Force est de constater qu’il n’est même pas repris dans la circulaire d’application qui accompagne le décret en date du 18 août 1999, relative aux conditions d’accueil des enfants laissés auprès de leur mère incarcérée410. Infiniment plus détaillée que les dispositions précitées du Code de procédure

pénale, cette circulaire de douze pages constitue depuis la pierre angulaire de l’encadrement des enfants en prison411. En cela, l’appréhension dérogatoire du statut de l’enfant en prison et de son

régime se fonderont quasiment exclusivement sur cette source.

2. Une lacune du droit

102. Le laconisme de la loi (stricto sensu). Les carences des sources juridiques reflètent

l’embarras du droit pénitentiaire français face à la présence de l’enfant en détention. À l’évidence, la situation de cet enfant revêt un caractère sérieux qui sous-tend des problématiques plurielles tant en matière de santé publique que de libertés fondamentales. Pourtant, cinq articles seulement de la partie réglementaire du Code de procédure pénale encadrent directement cette question412. En outre, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ne traite cette question qu’au

terme de deux articles isolés, sur des points relatifs à la prise en charge des femmes enceintes et des enfants en prison413. Aucun autre code ou texte législatif n’en fait mention, quand bien même

409 Art. D. 401 al. 2, décret n°98-1099 du 8 décembre 1998.

410 Circ. du 18 août 1999. Cette circulaire a pour effet d’abroger et de remplacer la circulaire du 6 août 1987,

encadrant l’enfant laissé à la garde de sa mère incarcérée.

411 À peine modifié par la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, l’encadrement juridique de

l’enfant en détention reste inchangé aujourd’hui. Richard Misrai S., « La protection des droits de l’enfant d’un parent détenu », RRJ, Vol 4, N°139, 2011, p. 1711 ; Céré J-P., « Prison- Organisation générale », Rep. Pen., 2015 (actualisation septembre 2017), §§320 à 324 ; Garraud A., « Le lien maternel bouleversé par l’incarcération », AJ Famille, 2014, p. 551.

412 Art. D. 400 et suivants du CPP.

413 L’article 38 de la Loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 engage les établissements pénitentiaires à établir

la présence de l’enfant en détention interroge de multiples points de droits. Pourtant la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 était accompagnée d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale, quant à la situation des femmes incarcérées. Ce rapport incluait une réflexion importante concernant les difficultés d’aménagement des établissements accueillant des enfants, et la question épineuse de la séparation à dix-huit mois414. Toutefois, le législateur

n’en a que peu tenu compte lors de la rédaction de cette loi. Seule la circulaire justice du 18 août 1999 détaille quelque peu l’encadrement prévu pour l’enfant. Cette circulaire, qui émane de la Direction de l’administration pénitentiaire a été publiée au n°76 du Bulletin Officiel du Ministère de la Justice415.

103. La valeur normative questionnable de la circulaire. Le juge administratif a reconnu

que les circulaires pouvaient avoir une valeur normative416. L’article 1er du décret du 28

novembre 1983 concernant les relations entre l’Administration et les usagers affirme que tout intéressé peut se prévaloir des circulaires publiées à l’encontre des administrations417. De

surcroît, l’exigence de publicité des circulaires a conféré une assise à ces textes juridiques, puisque les administrations ne peuvent plus se prévaloir d’une circulaire qui ne serait pas publiée418. À l’évidence, les effets juridiques incontestables de ces instruments ne permettent

plus à présent de nier leur valeur normative. De plus, les circulaires sont souvent utilisées dans le domaine pénitentiaire pour pallier les carences juridiques des décrets419.

de sa mère en prison (cf. infra. §229). L’article 52 de la même loi interdit, en principe, le port d’entrave et la présence du personnel pénitentiaire durant l’accouchement d’une personne détenue (cf. infra. §324).

414 Huet G. (Rapporteur), Rapport d’information au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité

des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi pénitentiaire (n° 1506), Assemblée nationale, délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, 2009, pp. 27-37.

415 Dans la mesure où cette circulaire a fait l’objet d’une publication, elle comporte une interprétation du droit

positif. Art. 7 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. Truchet D., Droit administratif, Paris, PUF, Coll. Thémis droit, 7ème édition, 2017, §§945 et suivants.

416 CE Notre-Dame du Kreisker du 29 janvier 1954, AJDA, 1954, p. 5, obs. Gazier et Long ; concl. Tricot, Dr.

adm., 1954, p. 50. Truchet D., op.cit., 2017, §946.

417 Art. 1er du décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les

usagers. En outre, le Conseil d’État a énoncé qu’une circulaire interprétative d’une loi ou d’un règlement peut faire l’objet d’un recours lorsqu’elle contient des « dispositions impératives à caractère général » qui font grief à un individu. CE 18 déc. 2002, Mme Duvignères, req. n° 233618, AJDA, 2003, p. 487. Domino X., Bretonneau A., « Les joies de la modernité : une décennie de contentieux des circulaires », AJDA, 2012, p.691 ; Koubi G., « De la validité des circulaires administratives antérieures au 1er mai 2009 », RDSS, 2011, p. 514.

418 Art. 7 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre

l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ; Art. 1er du décret n° 2008-

1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires. Thiellay J-P., « Mise en ligne, publication et opposabilité des circulaires », AJDA, 2012, p. 43 ; Domino X., Bretonneau A., op.cit., 2012, p.691 ; Koubi G., op.cit., 2011, p. 514.

419 Céré J-P., op.cit., 2015, §§92 à 93. Concernant la hiérarchie des normes en matière pénitentiaire, cf. infra.

Cependant, une circulaire conserve une valeur normative considérablement moindre420. Confier

presque exclusivement l’encadrement juridique de l’enfant en détention à la valeur relative d’une circulaire dénote un certain atermoiement du droit français à l’égard d’une telle problématique421.

Plus encore, des questions fondamentales telles que le statut de l’enfant en prison, le régime auquel il est soumis ou sa prise en charge médico-sociale, ne sont traitées que par la circulaire du 18 août 1999. En comparaison, le Code de procédure pénale et la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 font preuve d’un manque de précisions révélateur en la matière. Enfin, la circulaire du 18 août 1999 n’a jamais été réactualisée ou modifiée depuis son entrée en vigueur, et elle contredit par endroits certains articles du Code de procédure pénale.

104. L’absence préjudiciable de jurisprudence. Aucune jurisprudence n’existe à ce jour en

matière d’enfants présents en détention en France. Cette absence de contrôle prétorien constitue probablement, une des absences des plus regrettables voire dommageables du cadre juridique français sur cette question. Si le silence des juges ne permet jamais d’en déduire un fonctionnement satisfaisant du système, il s’explique de plusieurs manières. Au préalable, le faible nombre de mères incarcérées avec leur enfant explique par une certaine méconnaissance générale de la société à leur encontre. Peu d’avocats portent des recours en matière pénitentiaire, car peu d’entre eux s’intéressent à cette épineuse question. Or, sans en être saisi, le juge ne peut établir de jurisprudence. En outre, le défaut de recours provient du fait que des femmes incarcérées avec leur enfant n’ont, bien souvent, pas d’avocat422. Le silence des juges illustre en

réalité le malaise normatif dans l’appréhension de cette question qui, de surcroît, tombe dans l’interstice des deux pans du droit français. Entre une autorité administrative en charge des personnes détenues et une autorité judiciaire en charge de la protection de l’enfance, la compétence en matière d’enfant en détention reste ainsi manifestement irrésolue. Plus encore, l’appréhension de sa personne par le droit pénitentiaire risque de priver l’enfant d’une protection générale de l’enfance par le droit civil et par l’office du juge des enfants, au profit d’une résolution interne pénitentiaire423.

420 Céré J-P., ibid., 2015, §§92 à 93.

421 Thierry J-B., « Les conditions juridiques d’accueil des enfants aux côtés de leur mère détenue », in Ménabé

C., Martinelle M. (dir.), L’enfant en prison, Paris, L’Harmattan, Coll. Bibliothèques de droit, 2017, pp. 23-36 ; Herzog-Evans M., op.cit., 2010, pp. 205-221.

422 Entretien auprès de Maître Marie-Christine Klepping, Avocate en droit pénal et droit de la famille, des

personnes et de leur patrimoine au Barreau de Dijon, le 27 octobre 2017.

105. Le renforcement des alternatives à la peine. Dernièrement, la loi du 15 août

2014 relative à l’individualisation des peines a quelque peu ravivé ces questionnements sans modifier pour autant les articles D. 400 et suivants du Code de procédure pénale. En effet, la loi du 15 août 2014 insère un article 708-1 au sein du Code de procédure pénale, selon lequel le Procureur ou le juge de l’application des peines doit s’efforcer de différer la mise à exécution d’une peine d’emprisonnement d’une femme enceinte de plus de douze semaines ou la faire exécuter en milieu ouvert424. Cette dernière loi met en exergue l’évitement dont fait preuve le

droit français lorsque se retrouve en prison une femme enceinte, ou une mère accompagnée de son enfant. Plutôt que de s’aventurer sur une réforme du cadre juridique de l’enfant, l’axe du législateur tend vers la sortie progressive de la mère et de son enfant du milieu carcéral. En outre, les avancées de la loi du 15 août 2014 restent minimes en la matière puisque les procureurs comme les magistrats s’efforçaient déjà d’éviter au maximum l’incarcération des femmes enceintes425. Ainsi l’entrée en vigueur de cette loi n’a a priori entraîné aucune baisse

substantielle du nombre de femmes enceintes incarcérées, alors que quelques années se sont écoulées depuis426. L’apport bien que minime, de cette loi concernant la question des enfants en

prison suit en réalité un cycle de recommandations émises au cours de la dernière décennie.

106. L’alerte des autorités administratives indépendantes. En 2004, la Commission

Nationale de Consultation des Droits de l’Homme (CNCDH) avait souligné dans un avis relatif aux droits de l’homme en prison, la complexité de la question de l’enfant en prison. Au terme de cet avis, la CNCDH incitait déjà les juges à éviter l’incarcération aux femmes enceintes et aux mères de jeunes enfants, par des aménagements de peine ou des alternatives à l’emprisonnement427. Cet avis suivait la recommandation n°1469 du Conseil de l’Europe

concernant les mères et les enfants en prison428. Le levier notable, probablement à l’origine des

modifications apportées par la loi du 15 août 2014, demeure l’avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) du 8 août 2013 relatif aux jeunes enfants et à leurs mères

424 Art. 708-1 du CPP, art. 25 al. Ier de la loi du 15 août 2014. D’autres aménagements de peine sont légèrement

modifiés en ce qui concerne les femmes enceintes de plus de douze semaines. Il en va par exemple, de la libération conditionnelle rendue possible un an avant la date prévue lorsque la femme est enceinte de plus de douze semaines. Art. 729-3 du CPP, art. 25 al. II, III et IV de la loi du 15 août 2014. Bonis-Garçon E., Peltier V., Droit de la peine, Paris, Lexisnexis, 2ème édition, 2015, §1205.

425 Entretien auprès de Madame Cécile Cuénin, Magistrate, Vice-Présidente chargée de l’application des peines

au Tribunal de Grande Instance de Dijon, le 25 octobre 2017. Entretien auprès de Monsieur Emmanuel Vion, Magistrat, Vice-Président chargé de l’instruction au Tribunal de Grande Instance de Dijon, le 27 octobre 2017.

426 Idem.

427 CNCDH, Avis sur les droits de l’homme dans la prison, Adoption en Assemblée plénière le 11 mars 2004,

Recommandation n°9 - Chapitre 4 relatif aux mineurs milieu carcéral, adoptée en supplément le 16 décembre 2004, p. 134.

détenues429. Cet avis se fonde sur trois enquêtes thématiques menées successivement au Centre

pénitentiaire de Toulouse-Seysses, à la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis et au Centre pénitentiaire de Rennes (incluant aussi la visite de la nurserie lors de l’inspection générale du Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes)430. L’avis fait état dès le départ, d’une

conciliation forcée entre enfance et incarcération afin d’éviter les effets néfastes de la séparation