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Chapitre II. Le statut de l ’enfant éprouvé par la non-détention

Section 1. L ’absence de conceptualisation du statut de l’enfant

127. « Si l’acte de naître est une violence en soi, naître et vivre auprès de sa mère incarcérée

engendre des situations violentes en raison même du statut de l’enfant. »477

En France et en Angleterre, la prison constitue un lieu de privation de liberté de la personne condamnée ou prévenue. Selon Jean Pinatel, « Le mot prison vient du latin prehension, action de prendre… Il désigne le lieu où on enferme des personnes en instance de jugement ou condamnées à une peine privative de liberté »478. Au terme de cette définition, les personnes

incarcérées prennent donc le statut de détenu.

Pourtant, l’enfant n’est ni condamné, ni suspecté. Ainsi l’évoque Madame Angela Pinto da Rocha, psychologue intervenant au sein de l’unité nurserie de la Maison d’arrêt de Fleury- Mérogis, l’exception du statut de l’enfant engendre en elle-même un conflit avec le milieu carcéral. Conjoncturelle, sa présence en détention n’est conditionnée qu’à celle de sa mère elle- même détenue.

128. En raison de l’appréhension de l’enfant par les règles pénitentiaires, les droits français et

anglais se confrontent à un réel obstacle dans la qualification de ce statut d’exception. Jamais le statut de l’enfant n’a été conceptualisé en droit. Entre fiction et réalité juridique, l’enfant n’est réellement pas détenu bien que le statut de non-détenu demeure une fiction (I). Cette qualification floue ne permet pas de définir ce qu’il est, si ce n’est de manière négative en opposition au statut de personne détenue. C’est pourquoi, il convient d’abandonner le statut de non-détenu afin de se tourner vers deux voies possibles : une requalification en un statut dérogatoire, en conservant une catégorie binaire propre au droit pénitentiaire, ou la recherche d’un statut spécifique de l’enfant en prison, en suivant le mouvement d’émancipation du droit international vers une individualisation de sa personne (II).

477 Pinto da Rocha A., « Naître et vivre auprès de sa mère incarcérée : situation paradoxale entre prison et

hôpital », Spirale 2010/2 (n°54), p. 68.

I. La fiction juridique et le statut de non-détenu

129. « L’existence de ces enfants en prison pose trois problèmes : juridique, médical et

psychologique. D’abord le juridique. L’enfant laissé à sa mère en prison n’est pas incarcéré, en principe »479.

La fiction et la réalité en droit. La définition claire de la fiction juridique demeure un prérequis

indispensable afin de comprendre précisément son opposé : la réalité juridique. Défini par Gérard Cornu dans son Vocabulaire Juridique, la fiction en droit est « un artifice de technique juridique […] consistant ˮà faire comme siˮ, à supposer un fait contraire à la réalité, en vue de produire un effet de droit »480. La fiction serait ainsi un procédé utilisé en droit afin de contourner la réalité

dans le but de produire des effets juridiques. Si cette définition a pu être critiquée pour son caractère réducteur et son manque de souplesse481, il s’agit néanmoins de la définition largement

adoptée par la doctrine482. Dans la mesure où il ne s’agit pas dans cette recherche de questionner

la notion conceptuelle et théorique de la fiction juridique, cette définition constituera le point de départ de la détermination du statut d’exception de l’enfant. Eu égard à cette définition, la fiction juridique s’oppose directement à la réalité juridique (même si les deux peuvent parfois se combiner)483.

130. Bien que reconnu à présent par les textes, la problématique de l’enfant a depuis longtemps

été contournée par les droits internes qui n’ont jamais défini ce qu’il était réellement. Ni le Code de procédure pénale français ni les Prison Rules anglaises ne précisent clairement ce que recouvre ce statut. L’enfant n’est pas détenu au sein de l’établissement puisqu’il n’a fait l’objet d’aucune « mesure judiciaire de prévention ou d’une mesure de répression »484. En cela, la non-

479 Sarradet J-L., « L’enfant de moins de dix-huit mois vivant en détention avec sa mère », in Fondation de

France et Relais Enfants-Parents (dir.), Enfants, parents, prison, Pour maintenir les relations entre l’enfant et son parent détenu, Publication des actes de Colloque organisé à l’Unesco les 18 et 19 novembre 1991, Paris, Fondation de France, Cahiers n°4, pp. 80-83.

480 Définition de « détenu », Cornu G. (Association Henri Capitant), op.cit., 2016.

481 Cf. la thèse du professeur Delphine Costa en la matière, Costa D., Les fictions juridiques en droit

administratif, Paris, LGDJ, 2000, 614p.

482 Cf., par exemple en droit pénal : Daoud E., André A., « La responsabilité pénale des entreprises

transnationales françaises : fiction ou réalité juridique ? », AJ pénal, 2012, p. 15 ; Tricot J., « Le droit pénal à l’épreuve de la responsabilité des personnes morales : l’exemple français », RSC, 2012, p. 19. En droit des obligations, Terrier E., « La fiction au secours des quasi-contrats ou l’achèvement d’un débat juridique », D., 2004, p. 1179. Plus généralement en droit privé : Wicker G., Les fictions juridiques, contribution à l’analyse de l’acte juridique, Paris, LGDJ, 1997, 440p.

483 Cf., par exemple en matière de responsabilité pénale des personnes morales en droit français, Saint-Pau J.-

C., « La responsabilité pénale des personnes morales : réalité et fiction », in Conte P. et al. (dir.), Le risque pénal dans l’entreprise, Paris, Litec, Coll. Carré droit jurisclasseur, 2003, pp. 71-113.

484 Définition de « détenu », Cornu G. (Association Henri Capitant), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, Coll.

détention de l’enfant est une réalité (A). Néanmoins, le statut de non-détenu n’existe pas en droit, si bien qu’il appartient à la fiction juridique (B).

A. La réalité du statut de détenu

131. Le statut de personne détenue est bien réel et a été reconnu par les français et anglais.

Garde-fou des libertés fondamentales en Europe, la CESDH prohibe toute détention illégale et arbitraire au terme de l’article 5§1485. Dans ce cadre, en France comme en Angleterre, toute

personne détenue dans un établissement pénitentiaire doit avoir fait l’objet au préalable d’une condamnation ou d’une mesure judiciaire de prévention. La détention est définie par l’enfermement d’une personne en raison d’une condamnation à une peine privative de liberté ou d’une mesure judiciaire de prévention lors de la suspicion d’une commission d’infraction. Cette décision judiciaire se matérialise sous deux formes suivant le pays étudié : le titre de détention en France et le warrant of detention486 en Angleterre (1). Tous deux attestent de la légalité de

l’incarcération, donnant lieu à la prise en charge de la personne détenue par l’établissement pénitentiaire (2)487. Ces conditions délimitent précisément le statut de détenu d’une personne en

prison.

1. Le titre de détention

132. L’obtention d’un titre de détention. En France, l’article 725 du Code de procédure

pénale prévoit que seules les personnes ayant fait l’objet d’un arrêt, d’un jugement de condamnation, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un mandat d’amener suivi d’une incarcération provisoire ou d’un ordre d’arrestation, peuvent être détenues dans un établissement pénitentiaire488. L’article 725 du Code de procédure pénale omet deux autres cas de détention. Il

s’agit des sanctions ordonnées par le juge de l’application des peines, le Tribunal de l’application des peines ou la Chambre d’application des peines de la Cour d’appel révoquant un

485 Art. 5(1) de la CESDH. Concernant la protection de l’article 5 de la CESDH, Oberdorff H., Droits de

l’Homme et libertés fondamentales, Paris, LGDJ, 6ème édition, 2017, §§243 et s. ; Van Kempen P.H (dir.), Pre-trial

detention, Human Rights, Criminal Procedural Law and Penitentiairy Law, comparative law, International Penal and Penitentiary Foundation, Cambridge, Intersentia, 2012, pp.8-9 ; Belda B., Les droits de l’homme des personnes privées de liberté, Bruxelles, Bruylant, 2010, §§491 et s..

486 Les termes warrant of detention ont volontairement été laissés en anglais afin de les différencier du français

« titre de détention ». Toutefois, les termes « titre de détention » auraient pu être utilisés comme un nom générique.

487 Herzog-Evans M., Droit pénitentiaire 2012-2013, Paris, Dalloz, Coll. Dalloz Action, 2012, §§201-11 et s. ;

Duroché J-P, Pédron P., Droit pénitentiaire, Paris, Vuibert, Coll. Vuibert Droit, 3ème édition, 2016, p. 125 ;

Creighton S, Arnott H, Prisoners- Law and Practice, Legal Action Group, 2009, p. 49 ; Wasik M., A practical approach to sentencing, Oxford, Oxford University Press, 5ème édition, 2014, §§3.02 et s..

aménagement de peine, tel que prévu aux articles 721-2, 723-35 et 712-14 du Code de procédure pénale, ou ordonnant un mandat d’incarcération provisoire (une ordonnance émanant du juge de l’application des peines), selon l’article 712-17 du Code de procédure pénale489. Une personne

peut également être incarcérée à la suite d’une décision de contrainte judiciaire selon l’article 749 du Code de procédure pénale490. En dehors de ces deux cas de figure, l’article 725 du Code

de procédure pénale ne fait preuve d’aucune équivoque : le titre de détention constitue une condition sine qua non à la légalité de l’incarcération.

133. La possession d’un warrant of detention. En droit anglais, la section 76(1) du Powers

of Criminal Courts (Sentencing) Act 2000 prévoit une définition stricte de la décision de condamnation à une peine d’emprisonnement (custodial sentence)491. La section 242 du

Criminal Justice Act 2003 délimite un champ d’application précis s’agissant d’une détention provisoire (remanded on custody)492. Ainsi seule une décision judiciaire ou un ordre émanant

d’une instance judiciaire, légalise la détention d’une personne493. Il s’agit alors d’un warrant of

detention, qui désigne un « ordre provenant d’une institution judiciaire autorisant la détention

d’une personne arrêtée »494. Le personnel pénitentiaire est tenu de vérifier la légalité du warrant

of detention à l’arrivée de la personne au sein de l’établissement, au titre des vérifications

obligatoires495. En outre, le PSI 07/2015 relatif à l’arrivée en détention développe de manière

exhaustive les divers titres de détention possibles selon la juridiction d’émission du warrant496.

Par conséquent, ce titre de détention permet la prise en charge d’une personne privée de sa liberté par l’administration pénitentiaire.

489 Herzog-Evans, op.cit., 2012, §§201-16 à 201-18.

490 Art. 749 du CPP ; Herzog-Evans, op.cit., 2012, §§201-11 et s..

491 Traduit librement par l’auteur, section 76 (1) « custodial sentence » du Powers of Criminal Courts

(Sentencing) Act [PCC (S) A] 2000. Wasik M., op.cit., 2014, §3.17.

492 Traduit librement par l’auteur, section 242 « remanded in custody » du Criminal Justice Act (CJA) 2003.

Wasik M., op.cit., 2014, §3.17.

493 Traduit librement par l’auteur et extrait de « A sentence of imprisonment/ detention under PCC (S) A 2000

Section 90,91/ custody for life under PCC (S) A 2000 Section 94/ detention in a Young Offender Institute » ou « A detention and training order », section 76(1) PCC (S) A 2000. Wasik M., op.cit., 2014, §3.02.

494 Traduit librement par l’auteur de « A court order authorising the detention of an arrested person ». Définition

de warrant of detention, Martin E A. (dir.), Oxford Dictionary of Law, Oxford University Press, 7ème édition, 2013. 495 Creighton S., Arnott H., op.cit., 2009, p. 49.

496 Annexe A du PSI 07/2015 relatif aux premiers jours en détention- la réception, la première nuit en détention

et l’explication du fonctionnement de la détention (Traduit librement par l’auteur de « early days in custody- reception in, first night in custody and induction to custody »).

2. La prise en charge par l’établissement

134. La mise sous écrou française. « C’est par l’acte d’écrou, c’est-à-dire “ la remise de la

personne ” au chef de l’établissement, que celui-ci acquiert la condition de “ détenue ”, que son

statut judiciaire soit prévenu ou condamné »497. L’écrou désigne en droit français, l’acte officiel

attestant du placement de la personne sous main de la justice498. Certes, une personne écrouée

n’est pas nécessairement détenue, il en va ainsi d’une personne placée sous surveillance électronique. En revanche, toutes les personnes détenues au sein d’un établissement pénitentiaire sont nécessairement écrouées. En vertu de l’article 725 du Code de procédure pénale, l’acte d’écrou se présente comme la deuxième condition impérative d’une détention légale. D’ailleurs, seul le greffe pénitentiaire peut administrer cet acte499. Par l’écrou, le chef de l’établissement

certifie prendre en charge la personne privée de liberté500. L’écrou s’ajoute alors à la fiche pénale

et au dossier individuel de la personne incarcérée lors de son arrivée dans un établissement pénitentiaire501. Selon le professeur Éric Péchillon, l’écrou constitue « la transition entre

l’autorité judiciaire et l’autorité pénitentiaire »502. En d’autres termes, l’acte d’écrou transforme

le statut de la personne jusqu’alors soumise de l’autorité judiciaire, en une personne détenue soumise à l’autorité administrative503. La réalité juridique du statut de personne détenue est donc

indéniable.

135. La prise en charge par l’établissement en Angleterre. L’écrou tel qu’entendu en droit

pénitentiaire français, n’existe pas en Angleterre. Ainsi le personnel pénitentiaire entreprend plusieurs vérifications à l’arrivée d’une personne en prison, telles que son identité ou la légalité du warrant par exemple504, mais aucune procédure de type fiche d’écrou n’est effectuée. Si la

procédure se distingue de l’écrou français, la prise en charge de la personne détenue ne change pas pour autant. En effet, la fonction de la mise sous écrou n’est autre que la prise en charge matérielle de la personne incarcérée par l’établissement pénitentiaire. La jurisprudence a instauré

497 Les passages en italiques et entre guillemets proviennent du texte d’origine. Duroché J-P, Pédron P., op.cit.,

2016, p. 123.

498 Art. 724 du CPP.

499 Art. D. 148 et D. 149 du CPP.

500 DAP, Le greffe des établissements pénitentiaires, Eléments pratiques et juridiques, Ministère de la Justice,

Avril 2007, p. 111.

501 En ce qui concerne la fiche pénale et le dossier individuel de la personne détenue, Duroché J-P, Pédron P.,

op.cit., 2016, pp.126-128 ; Herzog-Evans, op.cit., 2012, §201.41.

502 Péchillon E., Sécurité et droit du service public pénitentiaire, Paris, LGDJ, 1998, p. 181.

503 À l’évidence, l’exécution de la peine d’une personne condamnée ou l’instruction d’une personne prévenue

ne les soustraient pas au contrôle de l’autorité judiciaire. Néanmoins, la garde matérielle et la prise en charge de la personne incarcérée relèvent uniquement de l’administration pénitentiaire. Péchillon E., op.cit., 1998, p. 182.

ce principe en droit anglais avec l’arrêt Ex Parte Hague (1992), selon lequel le gouverneur de l’établissement pénitentiaire est responsable des personnes incarcérées505. Bien que la procédure

d’écrou diverge entre les deux pays, la prise en charge de la personne détenue par l’établissement existe de la même manière en Angleterre qu’en France. Dès lors, une personne endosse le statut de détenu lorsqu’elle est prise en charge par l’administration pénitentiaire au terme d’un titre de détention conforme. Or, tel n’est pas le cas de l’enfant accompagnant sa mère en détention.

B. La fiction du statut de non-détenu

136. Les droits français et anglais ne cessent d’affirmer que l’enfant n’est pas détenu au sein

de l’établissement pénitentiaire. Ce statut de personne non-détenue provient de l’utilisation d’une distinction binaire détenu/non-détenu. Cette qualification est justifiée tant par le conditionnement de la présence de l’enfant au statut de personne détenue de sa mère, que par l’impossibilité de définir de manière positive la non-détention. Si le statut de détenu a suscité de vives controverses dans la doctrine506, le statut de non-détenu de l’enfant constitue une

qualification négative (1) qui s’appuie sur une fiction juridique (2).

1. Une qualification négative

137. Le silence de la loi (stricto sensu). Compte tenu de la nature du référentiel normatif

utilisé, les droits pénitentiaires français et anglais ont rencontré une difficulté dans l’établissement d’un statut de l’enfant en prison. Aussi la solution choisie a été de qualifier l’enfant de non-détenu afin de le distinguer des personnes détenues. Cette qualification ne figure jamais au sein du Code de procédure pénale français ou des Prison Rules anglaises. Seule la circulaire française du 18 août 1999 encadrant l’enfant en détention, précise à plusieurs reprises que l’enfant « n’est pas détenu »507. De même, en Angleterre, l’article 5.2 du PSI 49/2014 prévoit

que les « bébés ne sont pas prisonniers »508. Ces deux dispositions appellent au même constat,

celui d’un positionnement juridique en demi-teinte. En témoigne la nature de ces affirmations, énoncées incidemment dans les textes : « L’enfant n’étant pas détenu, … »509 ; « Dès lors que

505 R v Deputy Governor of Parkhurst Prison Ex p. Hague [1992] 1 AC 58, Cité notamment par King, Regina

(on The Application of) v. Secretary of State for Justice[2012] EWCA Civ 376;Prison Officers Association v. Iqbal [2009] EWCA Civ 1312; Secretary of State for the Home Department v. SP [2004] EWCA Civ 1750.

506 Péchillon E., op.cit., 1998, pp. 227-290.

507 Section 2 (préambule de la section, art. 1.1.2, 2.1, 3.2.1) de la circ. du 18 août 1999. 508 Traduit librement par l’auteur de « Babies are not prisoners », art. 5.15 du PSI 49/2014. 509 Préambule de la Partie 2 de la circ. du 18 août 1999.

l’enfant n’est pas détenu… »510 ou alors « Babies are not prisoners, and… »511. Ces affirmations

mêmes limpides, ne figurent qu’au sein d’une circulaire d’application ou d’un règlement, alors que le Code de procédure pénale et les Prison Rules restent muets sur ce point512. En d’autres

termes, les dispositions du Code conférant une base légale à la présence de l’enfant en prison ne délimitent aucunement le statut de cet enfant : « Il est donc revenu à un texte infranormatif, la circulaire du 18 août 1999, d’énoncer cette règle fondamentale »513. En droit français, le statut

de l’enfant n’est précisé qu’incidemment, au terme d’une circulaire d’application, alors qu’il constitue le fondement même permettant de définir le régime juridique auquel il peut être soumis en prison. En ce qui concerne la jurisprudence anglaise, seul l’arrêt de la High Court of Justice,

Re WB&W (2014) énonce au détour d’une argumentation sur le cadre juridique en la matière, que l’enfant n’est pas détenu514.

138. Un statut par rejet. La présence de l’enfant en prison n’est conditionnée que par la

détention de sa mère, point de repère central sur lequel est bâti le statut de l’enfant. Si l’enfant évolue au sein du milieu carcéral, c’est parce qu’il demeure auprès de sa mère, elle-même personne détenue. Historiquement, l’enfant a suivi sa mère en détention si bien que sa présence en prison n’a jamais été envisagée autrement que pour éviter la séparation d’avec celle-ci515.

D’ailleurs, les termes utilisés par les textes traitant de la présence de l’enfant en prison traduisent l’inextricabilité de son statut de celui de sa mère. Ainsi les droits français et anglais évoquent l’enfant « laissé auprès de sa mère incarcérée »516, les enfants « laissés auprès de leurs mères en

détention »517 ou encore « [de permettre aux femmes détenues de] garder leurs bébés avec elles

en prison »518. Ce conditionnement inévitable explique que le droit s’efforce de se prononcer sur

la nécessité d’éviter en amont et dans la mesure du possible, l’incarcération aux femmes enceintes et aux mères de jeunes enfants519. Le statut de l’enfant a été pensé en miroir de celui

510 Art. 1.1.2 de la Partie 2 de la circ. du 18 août 1999. 511 Art. 5.15 du PSI 49/2014.

512 Herzog-Evans M., « Le séjour du petit enfant avec sa mère en détention », in Cadiet L, Chauvaud F. et al.,

(dir.), Figures de femmes criminelles, de l’Antiquité à nos jours, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, pp. 205- 221.

513 Herzog-Evans M., ibid., 2010, pp. 205-221.

514 R (WB & W) v. Secretary of State for Justice [2014] EWHC 1696 (Admin), 2013 WL 1220029, §50, et

subséquemment abrégé par Re WB&W (2014), §50.

515 En France, cf. supra. §99 ; en Angleterre, cf. supra. §110.

516 Extrait du titre de la circ. du 18 août 1999 : « Conditions d’accueil des enfants laissés auprès de leur mère

incarcérée ».

517 Extrait de l’art. D. 401 du CPP.

518 Extrait traduit librement par l’auteur de la règle 12(2) des Prison Rules 1999 : « The Secretary of State may,

subject to any conditions he thinks fit, permit a woman prisoner to have her baby with her in prison…». Règle 12(2) PR 1999.

de sa mère détenue. Par conséquent, le tâtonnement dans la délimitation du statut de l’enfant au- delà de cette catégorie binaire détenu/non-détenu, paraît refléter la difficile appréhension de l’enfant comme être autonome au sein du droit520. Par analogie, l’enfant est présent en détention

parce qu’il suit sa mère qui constitue juridiquement une personne détenue ; son statut prend donc comme point de repère la catégorie juridique de celle-ci. Toutefois, le droit contourne la problématique d’une définition claire du statut de l’enfant.

2. Une qualification fictive

139. Un statut fictif problématique. La catégorie de non-détenu n’existe pas en droit, il s’agit

d’une fiction juridique. D’ailleurs, il semblerait compliqué d’approfondir une catégorie positive opposée à celle de détenu, si ce n’est en désignant l’enfant comme une personne libre. Or,