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7. RÉTROACTION SUR LA MÉTHODOLOGIE ET RECOMMANDATIONS

7.3 Recommandations pratiques : étude de cas

Outre les éléments présentés à la section précédente, les cartes obtenues dans le cadre de cet essai permettent, à certains niveaux, de guider les réflexions pour de futures études et de cibler des zones d’intérêt où considérer l’aménagement de passages en cas d’opportunités. En se fiant aux résultats obtenus, cette section se concentrera donc sur diverses recommandations à appliquer pour de futures analyses ou sur le terrain, pour le territoire de la Chaudière-Appalaches. Voici donc une série de recommandations techniques et théoriques.

80 7.3.1 Recommandations techniques

Comme il fut présenté au chapitre 1, les passages fauniques sont généralement mis en place à la pièce, lorsque des opportunités se présentent. De plus, au MTQ, il n’existe pas d’enveloppe financière récurrente, dédiée à l’aménagement de passages fauniques. Il faut donc que les experts en environnement au sein des DGT aient entre les mains des arguments pour justifier divers aménagements spécifiques à la faune. Ces experts doivent également être en mesure de pouvoir comparer les différentes opportunités et de les prioriser entre elles, afin d’effectuer les choix les plus judicieux possible.

Avec les résultats du chapitre 6 entre les mains, il est suggéré de tenir compte des éléments suivants. D’abord, comme il a été mentionné à quelques reprises dans les études citées au chapitre 3 (Clevenger, 2012), l’emplacement optimal pour disposer les passages ou aménagements n’est pas nécessairement l’endroit exact où la faune subit le plus de collisions. Ainsi, avec les résultats obtenus pour la grande faune, il serait possible de justifier la mise en place d’aménagements particuliers au niveau des ravages du cerf, si, bien entendu, les travaux prévus ont lieu à un site de forte densité de collisions, mais également à l’intérieur de quelques kilomètres (Lavoie et al., 2012; Vallée, et al., 2019) de cette zone. En effet, comme l’ont montré certaines études effectuées en Chaudière-Appalaches, la localisation du passage est importante, mais les clôtures le sont également. Sur l’un des tronçons de l’autoroute 73 qui traversaient un ravage de cerfs, une clôture de 6,3 km avait été mise en place et cinq passages inférieurs ainsi que 30 sautoirs y avaient été insérés. Ainsi, le point de forte densité de collision pourrait servir d’indicateur pour de futures études plus approfondies concernant la longueur de clôtures à mettre en place à partir du passage aménagé à l’endroit présentant une opportunité. (Lavoie et al., 2012; Vallée et al., 2019) D’ailleurs, comme des résultats assez révélateurs ont été obtenus dans le présent essai sur l’emplacement des zones à forte concentration, c’est-à- dire à proximité ou à l’intérieur des ravages de cerfs de Virginie (Lavoie et al., 2012), il serait possible pour les experts de la DGCA d’utiliser les cartes comme argument pour obtenir des budgets plus systématiquement dès que l’ouvrage est situé en plein cœur d’un ravage de cerf. Il est également intéressant de noter que les ravages, lorsqu’officiellement reconnus comme des aires de confinement du cerf de Virginie par la loi, présentent un poids argumentaire doublement convaincant (Hébert, et al., 2013; MRNF, 2010). En ce qui concerne les autres zones identifiées hors des ravages pour les grands mammifères, l’aménagement de passages devrait également être fortement considéré à ces endroits ou à proximité, selon les opportunités. Toutefois, comme l’explication derrière ces densités de collisions n’est pas connue, des études plus approfondies sur la présence faunique et les habitats à proximité devraient être réalisées afin d’adapter le passage aux espèces touchées (orignal, cerf ou ours noir).

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Finalement, un principe semblable pourrait être appliqué pour les sites autres que les aires de confinement également protégées par l’État. En effet, les travaux sur les ouvrages à proximité ou l’intérieur de ces zones devraient faire l’objet d’aménagements étant donné leur valeur écologique et leur statut légal (MELCC, 2018b), qui facilite le maintien de la pérennité des aménagements. Toutefois, elles devraient également faire office d’analyse plus poussée quant aux types d’habitats à proximité ou à la présence faunique afin d’adapter les passages aux espèces présentes.

Outre ces arguments plus spécifiques, il est facile de remarquer, particulièrement en se fiant à la carte 2 (figure 6.2), que les traversées de grands mammifères ont lieu à une multitude d’endroits sur le territoire, même si la densité d’accidents est plus faible. En effet, comme le montrait la carte 2 (figure 6.2), les accidents avec les grands mammifères, principalement le cerf de Virginie, se produisent sur à peu près toute la longueur des axes majeurs de la région. Si ce patron est observé pour les grands mammifères, qui sont représentés par peu de taxons en Chaudière-Appalaches (MRNF, 2010) et qui utilisent des types d’habitats assez spécifiques, il serait d’autant plausible que les collisions avec les taxons autres (moyenne et petite faune) qui sont représentés par un plus grand nombre d’espèces utilisant une grande diversité d’habitats soient autant, sinon plus répandus (McCall et al., 2010; MRNF, 2010). Il pourrait donc être intéressant, en plus de positionner des passages et aménagements aux zones clés, c’est-à-dire lorsqu’une route traverse un ravage, d’être plus proactif dans l’aménagement de passages de toutes sortes dès que l’opportunité se présente, et que l’endroit où sont réalisés les travaux semble être en milieu naturel (ce qui est le cas pour une grande partie du territoire). Il s’agit d’ailleurs d’une recommandation qui ressort fortement dans la littérature (Carsignol, 2012; Jaeger, 2012). À titre d’exemple, comme un ponceau peut facilement être optimisé pour la petite et moyenne faune en ajoutant une tablette sèche ou autre adaptation (Bédard, 2012; Bédard et al., 2012a), les travaux de ponceaux en milieu humide pourraient facilement être optimisés en aménageant plus systématiquement ces éléments, sans nécessairement tomber dans les études plus approfondies.

Voici donc un résumé des recommandations plus techniques qui gagneraient à être appliquées avec les cartes obtenues :

- Mise en place d’aménagements pour la grande faune dès que l’opportunité se présente dans un ravage de cerf de Virginie.

- Considérer la mise en place de passages même si l’ouvrage n’est pas situé à l’emplacement exact de forte densité de collisions compte tenu de la pertinence de jumeler passages et clôtures sur plusieurs kilomètres sur les routes à accès contrôlés (il n’est pas permis de disposer des clôtures sur d’autres types de routes pour ne pas limiter l’accès à des propriétaires privés) (DGCA, conversations, 2018).

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- Mise en place d’une diversité d’aménagements plus systématiquement dans toutes les zones identifiées (en ayant effectué des études préalables pour préciser la nature des passages à préconiser).

7.3.2 Recommandations d’éléments à préciser

Comme exposé au chapitre 6, les résultats obtenus pour les milieux humides ainsi que le milieu forestier sont très généraux et permettent d’obtenir une vue d’ensemble des endroits où concentrer de futures études, plutôt que d’obtenir des zones où considérer l’aménagement de passages fauniques. Également, le chapitre 6 a permis d’exposer que la méthodologie comportait d’importantes limites, et particulièrement en milieu densément boisé. Des méthodes plus précises, comme l’IQH et l’identification de corridor par matrices de résistance devaient donc être préconisées si des résultats étaient souhaités pour des taxons autres que les grands mammifères.

C’est ainsi ce qui serait suggéré pour améliorer les résultats obtenus aux cartes 1 et 3, particulièrement pour le milieu forestier. En effet, comme la région de la Chaudière-Appalaches est très boisée, et qu’elle contient une grande variété d’espèces terrestres répandue sur le territoire, l’IQH pourrait potentiellement aider à mieux cibler certains massifs forestiers de qualité coupés par des routes, autres que ceux ciblés en raison de leur statut légal. Cela permettrait en effet de faire des choix entre les ouvrages soumis à des travaux en milieu boisé.

Il demeure que le contexte fait en sorte qu’il pourrait être de complexe de défrayer immédiatement des budgets aussi importants pour effectuer ce type d’étude à l’échelle de la région (on se rappelle que la mission première du MTQ n’est pas la conservation, et que les experts en environnement n’ont pas les moyens temporels ni même les connaissances pour réaliser ce type d’analyses). Les prochains éléments visent donc à mettre en lumière d’autres solutions qui peuvent être utilisées d’ici à ce que des études très détaillées de l’ensemble du territoire soient disponibles.

Ainsi, bien que, pour le milieu forestier, la solution idéale demeure des études plus précises de la région entière, il serait possible, à titre d’exemple, de faire des sélections basées sur la taille des massifs forestiers. Ainsi, tous les massifs de plus de certaines tailles (à sélectionner selon les objectifs de l’équipe) traversés par des routes pourraient faire l’objet d’aménagements systématiques, ou d’études de caractérisation de la faune à échelle locale.

Concernant les milieux humides, comme ils sont moins nombreux sur le territoire, des analyses précises comme l’IQH, bien que pertinentes, sont moins nécessaires. En effet, si, durant une année, quelques structures présentent en milieu humide devaient être soumises à des travaux, il serait plus facile d’investir directement sur des études plus spécifiques (une caractérisation des milieux humides de part et d’autre des

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travaux visés), à l’échelle de tronçons routiers afin de comparer les quelques milieux humides touchés. Les couches obtenues à la carte 3, classant les milieux humides par taille, pourraient même être utilisées comme indice de priorisation, sans passer à des études de précision.

De façon générale, il pourrait également être pertinent de prioriser les sites en fonction des débits de circulation et des informations colligées au tableau 1.1, en accordant, par exemple, un niveau d’importance moins grand aux routes à très faible débit, qui causent peu de problèmes à la fois pour les collisions et pour l’évitement (Clevenger et Huijser, 2011).