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Recommandation 4 : Détourner les déchets organiques de l’enfouissement

5. RECOMMANDATIONS

5.4 Recommandation 4 : Détourner les déchets organiques de l’enfouissement

Cette recommandation vise à réduire les impacts négatifs du gaspillage alimentaire quand il ne peut être évité. Pour les résidus alimentaires qui ne peuvent être donnés ou transformés, la hiérarchie des modes de gestion des matières organiques impose la valorisation énergétique et le compostage avant l’enfouissement, qui ne devrait être envisagé qu’en dernier recours. La valorisation énergétique peut être réalisée grâce à la biométhanisation. La biométhanisation, ou digestion anaérobique, permet de transformer les déchets organiques en biogaz, une énergie renouvelable qui peut être valorisée sous forme d’électricité, de chaleur ou de combustible. Les étapes de traitement par biométhanisation sont présentées à l’annexe 7. Cette forme de valorisation présente un meilleur bilan environnemental que les autres filières de gestion des déchets organiques puisqu’elle permet à la fois de diminuer les émissions de GES et de produire de l’énergie renouvelable (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), 2014). Cependant, plusieurs contraintes freinent la mise en œuvre de cette solution. Parmi les principales, le manque de volonté de la haute direction de certaines épiceries, le coût important des technologies de valorisation pour les petites et moyennes entreprises et la difficulté à séparer les aliments à la source, en raison d’installations insuffisantes ou inadaptées des municipalités qui assurent la collecte des résidus organiques (Uzea et autres, 2014). Les recommandations suivantes tiennent compte de ces contraintes.

Après avoir transformé certains produits ou donné à des organismes caritatifs leurs invendus alimentaires, les épiceries pourraient donc utiliser leurs déchets organiques à des fins énergétiques ou de compostage plutôt que de les destiner à l’élimination. Cette solution est particulièrement valable puisque le gouvernement québécois prévoit l’interdiction d’enfouissement des matières organiques d’ici 2020 (MDDEP, 2011a). Afin de faciliter l’interdiction d’élimination des résidus organiques, en particulier ceux encore comestibles, le gouvernement doit offrir des alternatives aux ICI, dont les épiceries, pour valoriser

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leurs matières putrescibles. La récupération des matières organiques dans les ICI demeure d’ailleurs marginale puisqu’il existe encore peu de services de collecte qui leur sont dédiés (MDDEP, 2012). Il y a donc encore place à beaucoup d’amélioration puisque, mis à part les boues de papetières et les résidus agricoles, seulement 14 % des déchets organiques des ICI sont recyclés (Recyc-Québec, 2014a). Malgré l’augmentation de la valorisation des résidus alimentaires générés par les ICI, ceux qui sont recyclés le sont encore à grande majorité par compostage (Recyc-Québec, 2014a).

Il faut donc offrir aux épiceries la possibilité de détourner leurs déchets organiques vers la biométhanisation pour des fins énergétiques. Cependant, les installations de biométhanisation sont coûteuses et nécessitent de grands volumes de déchets. Les épiceries ne produisent individuellement pas assez de matières organiques pour faire de la biométhanisation sur place, contrairement aux abattoirs ou aux usines de transformation alimentaire. Les supermarchés sont donc plus susceptibles d’octroyer un contrat de récupération de leurs résidus organiques à un récupérateur privé ou municipal, à condition que ces récupérateurs disposent effectivement d’installations de biométhanisation.

À ce titre, le gouvernement du Québec devrait bonifier le PTMOBC afin d’augmenter le nombre d’usines de biométhanisation et leur capacité de traitement des déchets organiques. L’allocation d’un budget supplémentaire tiré du Fonds vert et une aide pour la soumission et la mise en œuvre des projets de biométhanisation au Québec permettront aux municipalités régionales de comté (MRC), et donc aux ICI de leur territoire, incluant les épiceries, de valoriser leurs déchets organiques. Il est recommandé de traiter les déchets aussi près que possible du lieu où ils sont produits, tout en prenant en compte que la biométhanisation est susceptible de générer des odeurs et que les lieux d’activités doivent être choisis en conséquence afin d’éviter la contestation sociale de telles installations. Il est donc suggéré de suivre les lignes directrices pour l’encadrement des activités de biométhanisation (MDDEP, 2011b) et les recommandations de Recyc-Québec (2015c) dans le choix des sites de biométhanisation et des conditions générales de fonctionnement. Les pratiques favorisant la récupération des matières organiques dans les ICI (Recyc-Québec, 2015d) pourront également être prises en compte dans l’implantation de cette solution dans les épiceries du Québec. La collecte des résidus organiques des épiceries est déjà en cours dans quelques épiceries du Québec (Recyc-Québec, 2014b), mais la pratique devrait se généraliser afin de détourner ces déchets de l’élimination et de les valoriser.

Si la biométhanisation n’est pas possible parce que les coûts financiers de l’implantation d’une usine sont trop importants ou que les quantités de déchets organiques générées par la MRC sont insuffisantes, le compostage peut aussi être envisagé pour valoriser ces déchets. Il est recommandé aux épiceries de suivre le guide d’application pour la mise en œuvre d’un programme de collecte de matières compostables pour la production de compost (Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi, 2012) et le guide technique pour le compostage sur site en ICI (Recyc-Québec, 2011) pour favoriser le succès de cette solution. Le guide de Recyc-Québec (2011) présente plusieurs technologies

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de compostage disponibles pour les épiceries. Certains magasins des bannières IGA (Recyc-Québec, 2014b), Metro et Super C (Recyc-Québec, 2015e) ont déjà des projets pilotes pour la récupération des matières organiques générées en épicerie. Metro prévoit d’ailleurs la récupération des matières organiques dans tous ses magasins d’ici 2020 (Metro Inc., 2015), indépendamment des exigences du gouvernement par rapport à la GMR au Québec. Il faudra suivre l’évolution de ces projets afin d’en identifier les facteurs de succès et étendre le programme de récupération et de valorisation des résidus organiques à l’ensemble des détaillants alimentaires du Québec.

Finalement, il faut laisser le choix aux épiceries d’innover et de progresser à leur rythme. Il n’est pas nécessaire d’imposer une technologie spécifique pour la valorisation des matières organiques. Des solutions adaptées à chaque épicerie permettront de diminuer réellement le gaspillage alimentaire, en respectant les réglementations provinciales et municipales. Il est recommandé aux épiceries de se fixer des objectifs progressifs pour la valorisation de leurs résidus organiques. Cela évite le découragement et permet une amélioration continue de la réduction des déchets enfouis. Pour l’évaluation des coûts de formation, des besoins de prétraitement (désemballage et retrait des corps étrangers), des équipements nécessaires et pour choisir un type de valorisation, une fréquence de collecte et les objectifs de réduction, les épiceries doivent connaître la nature de leurs matières résiduelles. De façon générale, il importe de caractériser les déchets afin de mieux identifier les meilleures solutions de réduction. Ce besoin de connaissances spécifiques sur la gestion des matières organiques et des aliments mène à la cinquième recommandation.