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Initiatives actuelles de réduction du gaspillage alimentaire au Québec

3. LE MARCHÉ AGROALIMENTAIRE DU QUÉBEC

3.4 Initiatives actuelles de réduction du gaspillage alimentaire au Québec

Il serait difficile de recenser toutes les initiatives de lutte contre le gaspillage puisque régulièrement, de nouveaux modèles innovants émergent pour réduire les pertes et gaspillages alimentaires. Plusieurs sont propulsés par l’utilisation des réseaux sociaux et des outils de télécommunications (dont les applications BonApp6 et Eatizz7). Cependant, beaucoup de ces solutions sont destinées aux consommateurs. Cette dernière section avant l’analyse des solutions présente donc quelques initiatives actuelles de lutte contre le gaspillage alimentaire mises en œuvre par les épiceries du Québec.

La vente de fruits et légumes déclassés, soit ceux qui ne répondent pas aux critères esthétiques des distributeurs alimentaires, est généralement une des premières solutions proposées pour réduire le gaspillage alimentaire. L’engouement est d’ailleurs croissant depuis l’initiative de la chaîne française Intermarché, qui a commercialisé des fruits et légumes moches (Fortin-Gauthier, 12 mars 2015). Les fruits et les légumes hors-normes peuvent servir à l’alimentation animale ou à l’industrie de la transformation

6 Plateforme de partage de fruits et légumes (BonApp, 2015; Suraniti, 22 avril 2016)

7 Application permettant aux commerçants d’informer leurs clients de prix attractifs sur des produits près d’atteindre leur date limite de consommation (Eatizz, 2015; Suraniti, 22 avril 2016

•L'innocuité de l'aliment, le mode de conservation requis, l'étiquetage et l'origine. Matière

•Les différentes étapes de manipulation des aliments, par exemple la cuisson, la décongélation, le refroidissement, le réchauffage, le nettoyage et l'assainissement. Méthode

•La tenue vestimentaire, le lavage des mains, l'état de santé, etc. Main-d'oeuvre

•Tout ce qui est relatif à la propreté et à l'état des équipements utilisés au cours de la manipulation des aliments.

Matériel

•L'environnement, comme les locaux et les aires servant à la préparation, à l'entreposage et au transport des aliments, et l'approvisionnement en eau potable. Milieu

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alimentaire, mais une certaine proportion finit gaspillée. La vente de ces produits déclassés permet donc de lutter contre ce phénomène (Fortin, 28 juin 2014). Inspirée par l’initiative française, les magasins Maxi de la région de Montréal (appartenant à Loblaw), offrent depuis mars 2015 des pommes de terre du Québec « naturellement imparfaites », offertes jusqu’à 30 % moins cher que les régulières (Fortin- Gauthier, 12 mars 2015). Ce projet pilote est désormais étendu à l’ensemble du Québec et la gamme de produits « Naturellement imparfaits MC » a été élargie pour y ajouter des pommes, des poivrons, des oignons et des champignons difformes. L’entreprise se dit « fièr[e] de contribuer concrètement à réduire le gaspillage alimentaire dans [l’]industrie » (CNW Telbec, 2 mars 2016).

L’entreprise SecondLife, une épicerie « virtuelle » utilisant le commerce électronique, propose également des paniers à prix réduit de fruits et légumes habituellement écartés des réseaux traditionnels de distribution (SecondLife, 2014). L’entreprise a déjà sauvé plus de 15 000 kg de nourriture de l’élimination (SecondLife, 2014) et a récemment créé une marque (Beautifood) qui identifie les produits alimentaires épargnés du gaspillage (SecondLife, 2015). La pertinence de ces initiatives, la faisabilité de leur mise en œuvre à l’échelle du Québec et leur capacité à effectivement réduire le gaspillage alimentaire causé par les épiceries seront discutées dans le prochain chapitre.

Par rapport à la gestion des matières résiduelles des épiceries, en particulier celle des matières organiques, les supermarchés sous la bannière IGA ont déployé un programme d’optimisation de la GMR. Ce programme a pour objectif de diminuer la part des matières envoyées à l’enfouissement et vise un taux de valorisation des matières résiduelles de 90 %, notamment en privilégiant la transformation des produits et les dons alimentaires (Jour de la Terre Québec, 2016; Sobeys, 2016a). En plus de cette initiative, les marchés IGA proposent deux autres solutions de lutte contre le gaspillage alimentaire, mais pas spécifiquement à celui qui survient dans les épiceries. Le Fonds Éco IGA offre en effet des ateliers pour aider les citoyens à réduire le gaspillage alimentaire à la maison (Sobeys, 2016b). Un deuxième moyen d’atténuer les impacts négatifs du gaspillage alimentaire mis en œuvre par le Fonds Éco IGA est la distribution, à partir d’avril 2016, de composteurs domestiques, pour valoriser les résidus de table des consommateurs (Sobeys, 2016c). Bien que ne s’appliquant pas spécifiquement au gaspillage alimentaire généré en épicerie, ces initiatives démontrent l’intérêt croissant envers cette problématique et pourront être utilisées comme levier de mise en œuvre d’autres solutions de lutte contre le gaspillage alimentaire.

Plusieurs épiceries québécoises fournissent des fonds ou des denrées aux banques alimentaires. Certains des aliments donnés sont périssables et permettent donc de réduire le gaspillage alimentaire. Depuis octobre 2013, Moisson Montréal, organisme de redistribution alimentaire membre du réseau des Banques alimentaires Canada et des Banques alimentaires du Québec, récupère des denrées auprès des épiceries (Moisson Montréal, 2016a). En deux ans, le programme de récupération en supermarchés (PRS) a permis de récupérer 855 tonnes d’aliments et sera étendu à l’ensemble des régions du Québec à partir de 2016 (Moisson Montréal, 8 octobre 2015). Moisson Montréal envisage de rallier plus de 200

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supermarchés à son programme d’ici le 31 mars 2017 (Moisson Montréal, 7 juillet 2015). Dans la région de la capitale provinciale, Moisson Québec s’approvisionne aussi, depuis peu, chez les détaillants alimentaires. L’organisme prévoit que jusqu’à 70 épiceries de la région pourraient ainsi « contribuer à réduire leur gaspillage [alimentaire] tout en donnant aux plus démunis » (Cloutier, 26 mai 2015).

Ainsi, de plus en plus d’épiceries sont intéressées par le don alimentaire aux organismes de redistribution. Malgré les contraintes logistiques de cette solution au gaspillage, la chaîne Metro souhaite qu’éventuellement tous ses magasins puissent donner de la nourriture aux banques alimentaires (Cloutier, 26 mai 2015). Les différentes formes de dons et de récupération alimentaires comme moyen de lutte contre le gaspillage seront analysées dans le prochain chapitre.

Plusieurs pratiques courantes et généralisées des épiceries constituent également des moyens de lutte contre le gaspillage alimentaire, telles la vente à prix réduit des produits qui approchent de leur date de péremption ou la transformation sur place de ces mêmes aliments pour en faire des repas cuisinés du style « prêt à manger » (Fortin, 28 juin 2014). D’autres solutions non structurées de réduction du gaspillage alimentaire se mettent en place. Motivés par des considérations militantes, environnementales ou économiques, des déchétariens récupèrent dans les bennes à ordures (cette pratique est plus connue sous le nom de dumpster diving) la nourriture comestible que les épiceries ont jugé ne plus pouvoir vendre (Dalencour, 13 décembre 2012). Le glanage des déchets alimentaires est légal si les poubelles des épiceries ne sont pas cadenassées ni clôturées. Cependant, certaines épiceries sont réticentes aux pratiques des déchétariens, notamment par crainte de poursuite en cas d’indigestion alimentaire due aux denrées récupérées.

En résumé, il existe une multitude de solutions de lutte contre le gaspillage alimentaire, mais peu se concentrent exclusivement sur la réduction du gaspillage à l’étape de la vente au détail. Dans les épiceries du Québec, outre les ventes à rabais et la transformation alimentaire sur place, les principales solutions qui commencent à se généraliser et dont la mise en œuvre sera analysée dans le prochain chapitre sont le don alimentaire, la vente de produits déclassés et la refonte du système de dates de péremption des aliments.

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