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Recherche des facteurs de risque

CHAPITRE I : Le syndrome de la guerre du Golfe

3) Recherche des facteurs de risque

Pour expliquer les troubles divers et variés observés chez les vétérans de la guerre du Golfe, huit facteurs ont été suspectés d’avoir participé à l’apparition des symptômes : le stress physique et psychologique, l’utilisation d’insecticides et de pesticides, des armes chimiques d’origine irakienne contenant des neurotoxiques organophosphorés (NOP), le recours à de la PB pour assurer la protection des militaires contre ces mêmes armes chimiques, l’utilisation par l’Armée Américaine d’obus ayant contenu de l’uranium appauvri, les polyvaccinations, les maladies infectieuses ainsi que l’émission dans l’atmosphère de toxiques, en particulier celle provoquée par les fumées d’incendies des puits de pétrole (Abou-Donia et al. 1996; Hanin 1996; Murphy et al. 1999; Nisenbaum et al. 2000; Sartin 2000; Brower 2003). De nombreuses études ont alors été conduites afin d’évaluer les liens existant entre ces expositions (seule ou combinée ; aiguë ou chronique) et l’apparition des symptômes. Ces publications associent des analyses épidémiologiques et des études expérimentales.

3.1- Etudes épidémiologiques

Le plus grand nombre d’études épidémiologiques a été réalisé auprès de militaires ayant participé à la guerre du Golfe avec comme mode de recueil de l’information un questionnaire envoyé par voie postale ou téléphonique. Elles ciblent, pour la grande majorité, les militaires américains et anglais mais aussi canadiens, australiens et français. Les échantillons étudiés ne sont généralement pas représentatifs et, bien souvent, les études ne comportent pas de groupe témoin. A ces difficultés s’ajoutent des imprécisions quant à la mesure de l’information dues à la quasi-impossibilité de recueillir des signes fonctionnels de façon fiable par auto-questionnaire. Ce mode de recueil entache également les réponses de biais puisqu’il influence les réponses. De plus, les études épidémiologiques menées sont entravées par un manque de données sur les conditions d’exposition des vétérans et par la difficulté de vérifier rétrospectivement les paramètres d’exposition. Enfin il est difficile de comparer les différentes études épidémiologiques entre elles puisqu’il n’existe pas de questionnaire unique et spécifique.

Les soldats français ont été moins exposés aux différents facteurs de risque. En effet, les conditions de combat n’ont pas été les mêmes pour les différentes armées. Par exemple, les militaires français n’ont pas été vaccinés contre le charbon et n’ont apparemment pas utilisé d’uranium appauvri. Cependant ces soldats ont pu être exposés à des poussières ou des débris d’uranium. D’autre part, les dépôts d’armes chimiques

irakiens bombardés et ayant pu relâcher dans l’atmosphère les substances toxiques qu’ils contenaient, auraient été éloignés de la zone d’intervention de l’Armée Française. Enfin les américains étaient situés dans des zones où certains insectes nuisibles étaient particulièrement nombreux, d’où un emploi intense d’insecticides par l’Armée Américaine. Quant à la part de facteurs psychologiques, du stress post-traumatique dans la genèse de ce syndrome, elle demeure difficile à évaluer mais pourrait être non négligeable.

3.1.1 - Syndrome de la guerre du Golfe et neurotoxiques organophosphorés (hypothèse génétique) Durant le conflit du Golfe, cinq alertes positives concernant l’utilisation de neurotoxiques ont été enregistrées. Les soldats ont alors pu être exposés à de faibles doses de NOPs ; l’exposition à de fortes doses est peu envisageable puisqu’elle aurait alors induit des effets secondaires caractéristiques d’une intoxication et de ce fait facilement identifiable. La détoxification de l’organisme impliquant une action enzymatique, une origine génétique a été évoquée pour expliquer l’apparition des troubles liés au syndrome de la guerre du Golfe.

La butyrylcholinestérase (BuChE) est une enzyme plasmatique fortement impliquée dans l’élimination de la PB au niveau du sang. Les différences de génotypes et de phénotypes de cette enzyme pourraient ainsi conduire à des concentrations différentes de PB dans la circulation générale. En ce qui concerne le gène humain de cette enzyme, 22 mutations ont été identifiées au niveau de la région codante du gène (Soreq et al. 1994). L’une des mutations les plus fréquentes concerne la substitution de l’aspartate (présent à la position 70 de la séquence d’acides aminés) par la glycine (Neville et al. 1992). Suite à cette modification génétique, l’enzyme est moins active et de ce fait hydrolyse moins rapidement la PB (Gentry & Bitsko 1996). En ce qui concerne sa prévalence, 0,04% de la population européenne est hétérozygote pour cette forme mutée de la BuChE (Ehrlich et al. 1994).

L’hypothèse a alors été émise d’un possible lien entre le polymorphisme de la BuChE et l’apparition des symptômes chez les vétérans de la guerre du Golfe. Une seule étude (Loewenstein Lichtenstein et al. 1995) corrobore cette hypothèse. Les auteurs y décrivent le cas d’un soldat israëlien, homozygote pour la forme mutée de la BuChE, présentant des symptômes accrus suite à la prise de PB. Ces symptômes sont par ailleurs augmentés au fur et à mesure des prises de PB. Les auteurs concluent alors que les vétérans présentant des symptômes plus sévères pourraient porter l’allèle muté dans leur génotype. Toutefois, cette hypothèse a par la suite été réfutée par une étude ne démontrant aucun lien entre la présence de l’allèle muté et la sévérité des symptômes décrits par des vétérans déployés comparés à des vétérans non déployés, donc non exposés aux composés chimiques (Gentry & Bitsko 1996).

Le faible nombre d’études menées sur ce sujet ne permet pas de conclure sur le lien existant entre le polymorphisme de la BuChE et les troubles développés par les vétérans. Cependant, Abou-Donia et al. suggèrent que les individus présentant une activité BuChE plasmatique réduite doivent être considérés

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comme potentiellement prédisposés à un risque élevé vis-à-vis des anticholinestérasiques (Abou-Donia et al. 1996).

Une autre hypothèse génétique a principalement été évoquée par Haley (1999). L’enzyme paraoxonase (PON), identifiée au niveau du sang et du cerveau humain, est une estérase impliquée dans la détoxification de certains NOPs dont le sarin et le soman. Des études expérimentales montrent l’importance de cette enzyme dans la protection contre une intoxication aux neurotoxiques organophosphorés chez les animaux (Costa et al. 2003). Cependant des études épidémiologiques ne révèlent aucune corrélation entre le génotype permettant une meilleure capacité d’hydrolyse et la résistance au sarin (Yamada et al. 2001).

Le gène humain codant pour la PON présente un polymorphisme au niveau de 2 sites : la position 192 pouvant présenter l’arginine ou la glutamine et la position 55 présentant indifféremment la leucine ou la méthionine. La PON catalysant l’hydrolyse des insecticides et de certains NOPs, ces polymorphismes pourraient expliquer les variations interindividuelles observées lors d’une intoxication par ces composés. Le polymorphisme de la position 192 différencie 2 formes actives de la PON dénommées type Q et type R. Ces deux allozymes ne présentent pas la même efficacité d’hydrolyse des NOPs. Le type Q possède une forte réactivité pour les NOPs. Par conséquent, les personnes possédant les génotypes QQ ou QR sont caractérisés par une meilleure capacité d’hydrolyse que les individus homozygotes pour l’allèle R.

Les relations existant entre les maladies rapportées par les vétérans, le génotype PON et l’activité acétylcholinestérase (AChE) sérique ont été étudiées par Haley et son équipe (Haley et al. 1999). Les auteurs partent du fait que les vétérans malades sont plus nombreux à présenter l’allèle R et ainsi à posséder une activité enzymatique moindre de la PON. Ils émettent l’hypothèse que l’allèle R puisse être assimilé à un facteur de risque pour développer des maladies chez les vétérans. En effet, les sujets présentant des symptômes neurologiques possèdent plus souvent l’allèle R du gène codant pour la PON que l’allèle Q. Cette hypothèse a été réfutée quelques années plus tard par l’équipe de Hotopf (Hotopf et al. 2003) qui ne trouve aucune différence d’activité PON chez les vétérans présentant des symptômes et ceux n’en développant pas. De façon similaire, il a été montré que les vétérans de la guerre du Golfe présentant ou non des symptômes ne diffèrent pas selon leur activité de la paraoxonase (Concato et al. 2007).

3.1.2 - Fertilité des vétérans

Différentes études ont été menées afin d’évaluer l’impact du conflit du Golfe sur la fertilité des vétérans. Même si certains auteurs ont fait le lien entre le déploiement dans le Golfe et des problèmes de fertilité (Maconochie et al. 2004; Sim & Kelsall 2006) ou de fausses couches (Doyle et al. 2006), aucun effet secondaire n’a été observé chez les enfants des vétérans de la guerre du Golfe (Cowan et al. 1997; Araneta et al. 2000; Kang & Bullman 2001). Des travaux plus récents d’équipes françaises (Verret et al. 2008) comme australienne (Kelsall et al. 2007) ne montrent aucun lien entre les différentes expositions subies par les vétérans et les défauts observées chez les nouveaux-nés.

La plus grande étude conduite sur la fertilité est celle d’une équipe anglaise examinant les difficultés de conception masculine (Maconochie et al. 2004). Suite au déploiement, les auteurs montrent des effets délétères sur la fertilité. Même si les hommes ne présentant pas de problème de fertilité mettent plus de temps à concevoir, les vétérans déployés ou non dans le Golfe ne diffèrent pas par leur taux d’hormones reproductrices (Ishoy et al. 2001).

En ce qui concerne les femmes ayant servi pendant la guerre du Golfe, une seule étude montre un risque accru de grossesse extra-utérine lors de conception faisant suite au conflit (Araneta et al. 2004). Cependant cette étude a été conduite sur un petit nombre d’individus et le faible nombre d’études relatives à ce sujet ne permet pas de conclure.

3.1.3 - Développement de maladies neurodégénératives

Les vétérans déployés dans le Golfe n’ont pas présenté plus de décès liés à une maladie neurologique. Cependant, à leur retour de la guerre du Golfe, de nombreux soldats ont développé des troubles neurologiques représentés principalement par une asthénie généralisée et des troubles de l’attention. De façon plus surprenante, certaines études ont montré que les vétérans présentent un plus grand risque de développer une sclérose latérale amyotrophique (SLA) (Smith et al. 2000; Haley 2003; Horner et al. 2003; Rose & Brix 2006). Cette pathologie, aussi appelée « maladie de Charcot », est une maladie neurologique dégénérative responsable de handicaps sévères. Les auteurs de ces études pointent le fait que cette maladie a principalement atteint des vétérans âgés de moins de 45 ans, tranche d’âge habituellement épargnée par la maladie. En effet, le pic d’apparition de la SLA dans la population civile se situe entre 55 et 75 ans et se traduit par une déficience neurologique évolutive et fatale. En 2003, différents travaux montrent un nombre deux fois plus élevé de cas de SLA chez les vétérans déployés au moins 1 mois pendant la guerre du Golfe (Horner et al. 2003). La même année, l’équipe de Haley diagnostique 20 vétérans atteints de SLA (dont 17 âgés de moins de 45 ans) (Haley 2003). Aucun de ces patients n’avait d’antécédent familial de SLA ; il ne s’agissait donc pas de formes familiales dans lesquelles l’âge d’apparition est plus précoce que dans les formes sporadiques (45 ans contre 56 ans). Ces résultats confortent l’hypothèse environnementale selon laquelle l’exposition à des produits toxiques pourrait induire le développement d’une SLA (Rose & Brix 2006).

Bien que de nombreuses études aient été conduites pour évaluer les troubles neurologiques décrits par les vétérans, deux questions restent encore, à l’heure actuelle, sans réponse :

- existe-t-il un défaut neurologique spécifique des vétérans de la guerre du Golfe ?

- le syndrome de la guerre du Golfe correspond-il à une aggravation de symptômes liés à une maladie neurologique ?

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3.1.4 - Vaccinations multiples

Les polyvaccinations sont considérées par les épidémiologistes américains et britanniques comme l’une des causes potentielles du « syndrome de la guerre du Golfe » les plus crédibles.

L’origine de l’hypothèse d’une implication des vaccinations dans le développement des symptômes du syndrome de la guerre du Golfe date de 1997. A cette époque, deux auteurs envisagent que les symptômes présentés par les vétérans de la guerre du Golfe seraient liés à un déséquilibre de cytokines (produits par les lymphocytes T helper (LTh) de type 1 et 2) suite à des vaccinations administrées pendant un stress opérationnel et l’utilisation simultanée de pesticides (Rook & Zumla 1997). Les polyvaccinations induiraient la production de cytokines liées aux LTh2 dans des conditions stressantes. Cette hypothèse a par la suite été réfutée par différentes équipes (Soetekouw et al. 1999; Zhang et al. 1999) qui se sont attachées à différencier deux groupes de vétérans, l’un symptomatique, l’autre non.

Par la suite, différentes études conduites par les américains (Unwin et al. 1999), les anglais (Cherry et al. 2001) comme les australiens (Kelsall et al. 2004) ont établi un lien entre les multiples vaccinations reçues par les vétérans et l’apparition de différents symptômes. En effet, à côté des vaccinations usuelles, le programme américain intégrait des vaccinations contre le botulisme et le charbon (ou anthrax), tandis que le programme anglais avait choisi de protéger ses troupes contre la peste et le charbon avec comme adjuvant un vaccin contre la coqueluche. Au cours de l’opération « Tempête du désert », 41% des soldats américains et 75% des soldats anglais ont été vaccinés contre l’anthrax. Ces vaccins ont été suspectés, par la majorité des études anglaises, pour leur incidence sur les symptômes observés chez les vétérans à leur retour du conflit (Unwin et al. 1999; Hotopf et al. 2000; Cherry et al. 2001). Le débat lié à l’utilisation de ces vaccins tient au fait qu’aucun essai clinique n’a été réalisé pour leur utilisation, à la différence de tous les autres vaccins utilisés aux Etats-Unis.

En ce qui concerne les vétérans français, contrairement aux troupes anglaises et américaines, ils n’ont pas reçu de vaccin contre l’anthrax ou le botulisme. Une étude récente évaluant les conséquences de la guerre du Golfe sur les vétérans français ne révèle aucun lien entre les vaccinations reçues par les vétérans et le développement de troubles (Salamon et al. 2006).

3.1.5 - Pyridostigmine et syndrome de la guerre du Golfe

Différentes études épidémiologiques se sont basées sur l’hypothèse de l’existence d’un lien entre la prise de PB et les symptômes chroniques décrits par les vétérans (Keeler et al. 1991; Sharabi et al. 1991; Haley 1997; Unwin et al. 1999; Kelsall et al. 2004; Kelsall et al. 2005).

Juste après le conflit, une étude rétrospective interrogeant des personnels médicaux chargés du suivi des soldats américains ayant pris de la PB (pour la grande majorité pendant 6 à 7 jours) a été réalisée (Keeler et al. 1991). Les principaux symptômes décrits sont des troubles mineurs du système gastro-intestinal et une sensation de fatigue. Ces mêmes symptômes sont décrits par les soldats israéliens (Sharabi et al. 1991). Les auteurs ont alors conclu que la PB peut être administrée à tous les soldats, en cas de

menace chimique, puisque les effets aigus dus à la prise de cette molécule sont modérés et compatibles avec la poursuite de la mission.

En 1997, Haley et son équipe (Haley 1997) identifient certains symptômes chroniques neuropathologiques (cognition, confusion, arthro-myo-neuropathie) comme pouvant être liés à la prise de la PB. Cependant cette étude est controversée puisque ces résultats n’ont été validés ni par des études toxicologiques, ni par des études cliniques. De plus certains points restent délicats, notamment le choix des tests neuropsychologiques utilisés, ainsi que leur utilisation et l’interprétation faite des résultats. Cette étude a été réalisée sur un petit nombre de vétérans et ces résultats ne sont comparés à aucun groupe témoin (constitué de vétérans non déployés).

Plus récemment, une autre étude américaine a évalué les différentes expositions subies par les vétérans déployés dans le Golfe pendant la période du 2 août 1990 au 31 juillet 1991, et présentant un symptôme de fatigue chronique (Lucas et al. 2007). Les auteurs concluent que la prise de PB de façon continue, pendant la guerre du Golfe, a fortement contribué à l’apparition de la fatigue ressentie par les vétérans.

Même si certaines études ont montré, chez les vétérans australiens, l’implication de la PB dans l’apparition de différents troubles (Kelsall et al. 2004; Kelsall et al. 2005), ces résultats n’ont été retrouvés ni chez les américains (Unwin et al. 1999) ni chez les anglais (Cherry et al. 2001). De plus, un travail portant sur des troupes canadiennes impliquées dans le conflit ne montre aucun lien entre les troubles ressentis par les soldats et la prise de PB (Canadian Department of National Defense, 1998) (rapport Salamon).

L’étude rétrospective cas-témoins de Spencer (Spencer et al. 2001) s’est attachée à rechercher la contribution potentielle d’un grand nombre de facteurs auxquels les vétérans ont pu être soumis au cours du conflit, parmi lesquels le stress et la prise de PB. Les auteurs ont recherché les facteurs de risque auxquels ont pu être soumises trois sous-populations de vétérans :

- les vétérans ne présentant aucun symptôme du syndrome de la guerre du golfe ;

- ceux présentant au moins un type de symptôme (douleurs, troubles cognitifs ou fatigue) ; - ceux présentant des symptômes d’au moins deux types.

Les résultats de cette étude montrent que la prise de pyridostigmine chez les vétérans ayant subi un stress élevé se traduit par une forte augmentation du risque de présenter au moins un type de symptômes. De plus chez les vétérans présentant des symptômes de plusieurs types, la prise de PB associée à des conditions de combat fortement stressantes augmente encore la valeur du risque relatif. Les auteurs mettent ainsi en évidence un effet de la combinaison du stress de combat et de la prise de PB.

De l’analyse des données épidémiologiques le rapport Salamon, mandaté par l’Assemblée Nationale, conclut que pour expliquer certains troubles décrits par les vétérans « l’hypothèse d’une relation avec la pyridostigmine ne peut être totalement exclue ». Pourtant les résultats des études épidémiologiques ne permettent pas de conclure quant aux types d’exposition engendrant les troubles décrits par les vétérans.

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Comme précisé précédemment, durant leur déploiement dans le Golfe, les soldats ont été exposés à différents types de stress (physiques et psychologiques) mais également à de nombreuses substances chimiques. Diverses études expérimentales ont alors été conduites afin d’évaluer les effets secondaires liés à l’utilisation de produits chimiques associés ou non à un évènement stressant.

3.2- Etudes expérimentales

3.2.1 - Fumées toxiques et uranium appauvri

Au cours du conflit, un grand nombre de puits de pétrole ont été incendiés dans la région du Golfe arabo-persique. La fumée de ces incendies a été inhalée par de nombreux soldats qui ont alors souffert de différents symptômes de type pulmonaire et développé asthme ou bronchite. Pourtant, les différents rapports français comme américain concluent qu’il semble peu vraisemblable que les fumées des puits de pétrole en feu puissent être la cause des divers signes observés chez les vétérans du conflit du Golfe (Salamon et al. 2001; veterans'illnesses 2008).

L’uranium est un métal naturellement présent à l’état de traces dans l’environnement, dans l’alimentation et les organismes vivants. Dans l’environnement, l’uranium naturel se compose de trois isotopes naturels 238U (99,28%), 235U (0,718%) et 234U (0,056%). L’uranium naturel n’étant pas assez concentré en 235U pour être utilisé comme combustible nucléaire, il doit être enrichi en cet isotope jusqu’à des taux de 3 à 4%. L’uranium appauvri correspond au sous-produit après enrichissement de l’uranium naturel. Il contient environ 0,2 à 0,3% de 235U et moins de 0,001% de 234U. Depuis les années 60 l’uranium appauvri, de par ses propriétés métallurgiques, a trouvé des débouchés dans les domaines militaires mais également dans le civil. On l’utilise à des fins médicales pour fabriquer des boucliers de protection contre les rayons X, pour le blindage (tête d’obus perforants ou plaque de chars d’assaut) ou le lestage (contrepoids dans les quilles de bateaux ou les ailes d’avion).

L’uranium appauvri a été utilisé dans des munitions et des armes présentes dans les tanks américains. Contrairement aux américains, aucune munition à uranium appauvri ne semble avoir été employée par les forces françaises dans le Golfe. Ainsi, si la question de l’exposition des soldats à l’uranium appauvri a été tardivement envisagée en France, il n’en a pas été de même aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, où des programmes d’études épidémiologiques et environnementales ont été lancés, respectivement en 1994 et 1998. L’inhalation de poussières d’uranium est, de loin, la voie la plus fréquente de contamination par ce composé. L’absorption percutanée et l’implantation sous-cutanée constituent des voies de pénétration pouvant également conduire à des contaminations. Suite à une contamination par l’uranium, la toxicité résulterait de la combinaison des propriétés chimiques (en tant que métal) et radiologiques (émetteur de rayonnements ionisants) de ce composé. Si l’on considère la radioactivité alpha, la seule préoccupante en contamination interne, l’uranium appauvri est deux à trois fois moins radioactif que l’uranium naturel. De ce fait, sa toxicité serait avant tout chimique (Leggett 1989; Taylor & Taylor 1997). La principale cible de

l’uranium étant le rein (Brown 2006), une intoxication par ce composé se traduit par un défaut des