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Le but de cette étude était d’évaluer, au niveau du SNC, les effets secondaires de la prise de PB lorsque le traitement est administré en situation de stress répété. Les conséquences du traitement ont particulièrement été étudiées sur les capacités d’apprentissage des animaux dans un labyrinthe aquatique. Par ailleurs, l’influence du stress et du traitement a été évaluée sur l’expression de gènes dans différentes structures cérébrales choisies pour leur implication dans les processus cognitifs et la gestion du stress.

Dans un premier temps, cette étude nous a permis de valider, tant d’un point de vue biologique que moléculaire, un nouveau modèle de stress psychologique, que les animaux devaient être à même de gérer. Les rats soumis à ce nouveau modèle de stress pendant dix jours présentent une perte de poids, une augmentation des taux plasmatiques d’aldostérone et de corticostérone ainsi que de l’expression de gènes marqueurs du stress au niveau cérébral. Dans un second temps, la dose et la voie d’administration de la PB ont été validées : elles ont conduit à une inhibition de l’activité AChE périphérique similaire à celle recommandée par l’OTAN dans le cadre de la prophylaxie chez l'Homme. Ainsi, ces deux modèles associés (stress + traitement par la PB) nous ont permis de mimer certaines des conditions vécues par les soldats lors de la première guerre du Golfe.

Alors que le modèle de stress utilisé ne se traduit par aucune modification des capacités d’apprentissage des animaux, les rats stressés ayant reçu la PB présentent un retard d’apprentissage lors du test du labyrinthe aquatique, débuté 3 jours après la fin du stress et du traitement. Par une approche de biologie moléculaire, nous avons mis en évidence une augmentation de l’expression des récepteurs aux minéralocorticoïdes de l’hypothalamus, suite au traitement répété par la PB. Ceci suggère que le traitement par la PB modifie la réponse au stress des animaux, hypothèse que confortent les modifications géniques observées chez les animaux stressés et traités. En effet, au dernier jour de l’association du stress et du traitement, nous observons, dans l'hippocampe, une augmentation de l’expression de gènes qui, d'après la littérature, serait en faveur d'un meilleur apprentissage (BDNF, TrkB et CamKII). Pourtant, trois jours après arrêt du stress et du traitement, les facultés d'apprentissage des animaux sont amoindries et ces perturbations perdurent jusqu’à 6 mois après arrêt du traitement associé au stress (Lamproglou et al., 2009). Les liens existant entre le traitement par la PB et les effets géniques et comportementaux observés chez les animaux traités et stressés nous semblent, à l’heure actuelle, difficiles à établir. Une action directe de la PB au niveau cérébral semble peu probable puisque nous n’avons mis en évidence aucune inhibition de l’activité cholinestérasique cérébrale ni immédiatement après la dernière séance de stress, ni 10 jours plus tard. La PB administrée en situation de stress pourrait, plus probablement, interagir au niveau de synapses cholinergiques du système autonome impliqué dans la réaction au stress.

Afin de tenter d’établir la cascade d’évènements conduisant au retard d’apprentissage que nous observons chez les animaux traités et stressés, des études complémentaires ciblant notamment le facteur de transcription CREB et les récepteurs NMDA seraient intéressantes. L’expression de ces

molécules devrait être analysée tant en terme de messager que de protéine. De même, la vérification de la phosphorylation de CamKII permettrait de s’assurer de la transduction d’un éventuel signal par cette molécule. Enfin, des prélèvements effectués à chaque délai du protocole nous permettraient d’établir une cinétique de l’activation de ces différentes molécules.

Bien que cette étude mette en évidence un effet de la PB au niveau du SNC, y compris lorsqu’elle n’est pas associée au stress (modulation de la balance MR/GR), il est à l’heure actuelle impossible d’envisager la suppression de ce traitement dans le cadre de la prophylaxie en cas de menace chimique, principalement en cas de risque d’intoxication au soman.

D’autres molécules sont à l’heure actuelle à l’étude dans le cadre d’un éventuel remplacement de la pyridostigmine. Ainsi, l’huperzine A, molécule en phase finale d’essai clinique pour le traitement de la maladie d’Alzheimer en Chine, est un inhibiteur spécifique de l’AChE. L’Huperzine A présente un temps de demi-vie plus élevé que la PB (5 à 6 heures) et possède la faculté de traverser la BHE. Contrairement à la PB, cette molécule peut donc protéger les cholinestérases cérébrales. Il semble cependant nécessaire de souligner l’aspect contradictoire de certaines études. En effet, en cas d’intoxication par les NOPs, la protection de l’activité cholinestérasique cérébrale semble primordiale. Cette protection doit cependant être dépourvue d’effets secondaires au niveau du SNC. Au vu des études montrant que la PB, anticholinestérasique périphérique, peut avoir des effets secondaires centraux, l’utilisation d’Huperzine A dans le cadre du pré-traitement prophylactique nécessitera des études montrant son innocuité, en particulier si elle est combinée au stress ou à d’autres composés chimiques utilisés pendant les conflits.

Par ailleurs, les techniques de génie génétique permettent de produire une BuChE recombinante humaine à partir de lait de chèvre. Cette molécule baptisée Protexia® vient d’obtenir l’approbation de la FDA (Food and Drug Administration) américaine pour son utilisation lors d’essais cliniques (phase 2) chez l’Homme. Un litre de lait de chèvres transgéniques permet de produire de 0,1 à 5 g de BuChE. Cette enzyme recombinante, agissant comme une « éponge » pour capturer et inhiber les NOPs, possède la faculté de persister dans le plasma humain pendant deux semaines. Ainsi une administration unique, avant intoxication potentielle, permettrait de protéger l’Homme sur une durée plus longue que la PB. Une seule injection de 200 mg de BuChE permet de protéger l'organisme contre une dose de NOPs allant jusqu'à 5 fois la DL50 du soman et du VX chez l’animal. En cas de conflit, il est cependant difficile d'évaluer la dose de toxique utilisée. Aussi, le traitement post-exposition reste tout de même nécessaire. Il est à noter que la PB a récemment obtenu, en France, l’AMM pour son utilisation en tant que traitement prophylactique contre les NOPs. L’obtention d’une telle AMM pour la BuChE recombinante humaine nécessitera un délai justifiant probablement l’utilisation pendant plusieurs années encore de la Pyridostigmine.

Ce travail a fait l’objet des communications suivantes :

Congrès :

Effets centraux d’un pré-traitement à la pyridostigmine administré en situation de stress.

L. Barbier, I. Lamproglou, M. Diserbo, A. Dessois, A. Peinnequin, C. Amourette et W. Fauquette. 34ème Forum des Jeunes Chercheurs, 15-19 octobre 2007, Ile des Embiez (Poster).

Central effects of pyridostigmine bromide treatment in repeated stressed rats.

L. Barbier, I. Lamproglou, M. Diserbo, C. Amourette, A. Dessois, A. Peinnequin et W. Fauquette. Stress and behavior congress, 16-20 mai 2008, St Pétersbourg (présentation orale).

Publications :

Repeated stress in combination with pyridostigmine. Part I – Long-term behavioural consequences.

I. Lamproglou, L. Barbier, M. Diserbo, F. Fauvelle, W. Fauquette, C. Amourette. Behavioural Brain Research, 197 : 292-300, 2009.

Repeated stress in combination with pyridostigmine. Part II – Changes in cerebral genes expression.

L. Barbier, M. Diserbo, I. Lamproglou, C. Amourette, A. Peinnequin, W. Fauquette. Behavioural Brain Research, 197 : 301-310, 2009.