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5.4 Segmentation de l’enveloppe du fœtus

5.4.1 Recalage d’un modèle articulé dans les images

5.4.1.1 Construction du modèle de fœtus

Le modèle de fœtus que nous avons élaboré a été construit à partir d’une image particu- lière. Pour s’assurer de la représentativité du modèle, nous avons considéré deux critères : d’une part ses proportions anatomiques et d’autre part son positionnement. Nous avons ainsi choisi l’image d’un fœtus de 31 SA, ce qui correspond à l’âge gestationnel moyen des fœtus dans notre base IRM. Ce fœtus adopte un positionnement fœtal typique : tête légèrement rentrée en avant, bras repliés devant la tête et jambes « en tailleur ».

L’enveloppe du fœtus a été segmentée manuellement dans cette image que l’on note Jm. Six étiquettes différentes ont été considérées pour les tissus restants. Ces étiquettes

correspondent aux régions anatomiques suivantes : la tête, le torse, les membres supérieurs et les membres inférieurs. Cette distinction est utile pour la manipulation de ce modèle comme on le verra plus loin. Nous illustrons dans la figure 5.64 une coupe de l’image considérée (a) et les segmentations des régions anatomiques (b).

(a) (b)

Fig.5.64 – (a) Coupe de l’image utilisée pour construire le modèle de fœtus. (b) Segmenta- tion des six régions anatomiques dans cette coupe : tête (bleu), torse (rose pâle), membres supérieurs (marron et vert) et membres inférieurs (jaune et violet).

Des modèles surfaciques de chacune des six régions anatomiques ont été reconstruits avec la méthode que l’on présentera dans le chapitre 6. Cette méthode permet d’obtenir des objets lisses, assurant le réalisme anatomique des modèles obtenus, mais également celui

des déformations engendrées par le processus de recalage. On illustre dans la figure 5.65 le modèle de fœtus complet.

(a) (b) (c) (d)

Fig. 5.65 – Modèle du fœtus, en orientations coronale (a,c) et sagittale (b,d). On pré- sente une représentation maillée (a,b) et une représentation texturée (c,d) des six régions anatomiques.

5.4.1.2 Articulation du modèle

Afin de déformer le modèle obtenu, nous avons employé une méthode utilisée dans le domaine de la réalité virtuelle pour animer des avatars. Avec cette méthode, on considère un maillage M = {S, F }, où S = {si} est l’ensemble des sommets et F l’ensemble des

faces, que l’on dote d’un squelette simplifié appelé armature. Cette armature est constituée de N pseudo-os bi, que l’on associe aux sommets sj lors du « skinning » du maillage. Pour

un sommet sj donné, ce processus consiste à établir N poids wi,j, qui définissent l’asser-

vissement du sommet aux différents bi. Ainsi, plus le poids est élevé, plus l’asservissement

est fort. La somme des poids est normalisée (PN

i=1wi,j = 1).

On peut alors déformer M en définissant une transformation Ti pour chaque bi. Le

maillage déformé M′ = {T (S), F } est déterminé par l’ensemble T (S) = {T (s

j)}, l’en-

semble des faces F étant topologiquement inchangé. On obtient T (S) en appliquant une transformation pondérée à chacun des sj dépendant de la transformation des bi : T (sj) =

PN

i=1wi,jTi(sj). On présente un exemple simple de déformation dans la figure 5.66, où un

maillage cylindrique est doté de deux pseudo-os (à gauche). On procède alors au « skin- ning » (au centre). Les poids associés au pseudo-os inférieur sont nuls alors que les poids du pseudo-os supérieur sont visualisés avec un code de couleurs simple. Ces poids sont fonction de la distance entre les sommets et le pseudo-os : ils sont unitaires à proximité du pseudo-os (en rouge), décroissent à mesure que la distance grandit et sont nuls (en bleu) lorsque la distance dépasse un certain seuil. A droite, on montre le maillage déformé, lorsque l’on applique une rotation au pseudo-os supérieur.

L’articulation du maillage a été réalisée dans le logiciel Blender (www.blender.org), solution libre dans le domaine de la réalité virtuelle. Nous avons construit le modèle de squelette du fœtus Omen générant un pseudo-os pour chacun des Oi de l’image modèle Jm.

Chaque Oi est positionné automatiquement en appliquant une transformation Tim, définie

à partir des position, échelle et orientation établies dans la section 5.3.2. Nous présentons le modèle articulé complet dans la figure 5.67 (a). Le « skinning » est réalisé avec la méthode proposée dans [Baran and Popović, 2007], où les poids sont fonction de la distance aux pseudo-os, ce qui permet d’obtenir des transitions douces des pondérations des sommets situés à proximité des articulations. Cela permet de modéliser le fait que si deux pseudo-os Oi1 et Oi2 partagent une articulation commune, le positionnement de Oi1 a une influence

Fig. 5.66 – Déformation d’un maillage cylindrique avec un pseudo-os O0. (1) Etape de

« skinning », les poids associés au pseudo-os étant fonction de la distance séparant les sommets du pseudo-os. (2) Déformation du maillage engendrée par une rotation du pseudo- os.

sur la torsion des muscles et de la peau de la sous-partie anatomique Ai2, et inversement. On

illustre cela sur la figure 5.67 (b,c), dans laquelle on montre les pondérations des sommets du maillage du membre supérieur gauche, relativement aux pseudo-os du bras gauche O6 et

de l’avant-bras gauche O7. Les w6,j (respectivement w7,j) sont unitaires pour les sommets

situés dans le bras (respectivement l’avant-bras) et décroissent progressivement dans le coude, articulation commune aux deux pseudo-os.

(a) (b) (c)

Fig. 5.67 – Modèle articulé complet du fœtus (a) et « skinning » du maillage, illustré sur le membre supérieur gauche (b,c). Les pondérations w6,j (respectivement w7,j) définissant

l’asservissement des sommets du maillage au pseudo-os O6 du bras (respectivement O7 de

l’avant-bras) sont illustrées en (b) (respectivement en (c)). On peut observer une transition douce des pondérations dans la région du coude.

Le positionnement du fœtus peut cependant poser certains problèmes lors de l’ap- plication de cette méthode. Par exemple, son avant-bras gauche est en contact avec sa tête. Certains sommets du maillage de la tête appartiennent donc à la zone d’influence du pseudo-os de l’avant-bras O7 et leurs poids w7,jsont non-nuls. Cela constitue une erreur : le

positionnement de O7 ne doit pas engendrer une déformation du maillage de la tête. Nous

avons corrigé ces erreurs dans Blender, qui permet de définir aisément des poids nuls entre les sommets d’un maillage et un pseudo-os donné. Nous exploitons ici avantageusement le fait que notre modèle soit composé de six maillages distincts. Si on considère par exemple les sommets du maillage du membre supérieur gauche, on définit des wi,j nuls relativement

à tous les Oi qui ne sont pas situés dans ce membre (à l’exception du pseudo-os de l’épaule

O5 qui partage une articulation avec O6). Il faut toutefois noter que cette modélisation

saignées à proximité des articulations localisées à l’interface entre ces maillages, ce qui nuit au réalisme du modèle (cf figure 5.65 (c,d)).

5.4.1.3 Recalage par mise en correspondance des modèles de squelette

Pour recaler le modèle de fœtus articulé dans une nouvelle image Jj, nous mettons en

correspondance le modèle de squelette Om avec celui qui est défini dans cette image. Soit

Tij la transformation caractérisant le positionnement du pseudo-os Oi dans une image Jj

(Tm

i correspondant à la transformation dans l’image modèle Jm, pour rappel). On obtient

le nouveau positionnement de Oi de la manière suivante : Oi′ = T j

i ◦ (Tim)−1(Oi). Grâce à

l’opération de skinning, cette transformation est appliquée indirectement aux sommets des maillages associés à Oi. On montre dans la figure 5.68 le résultat du recalage obtenu par

ce processus.

Fig. 5.68 – Recalage du modèle de fœtus (cadre vert) dans une image, par mise en corres- pondance des squelettes (cadre rouge). Le résultat final figure dans le cadre bleu.

Nous présentons dans la figure 5.69 une comparaison entre le modèle articulé recalé dans l’image J1 et une reconstruction 3D du résultat de la segmentation manuelle de

l’enveloppe du fœtus dans cette image. Nous avons considéré cet exemple car ce fœtus a un positionnement différent du modèle, ce qui met en exergue les erreurs engendrées par des déformations importantes.

Le recalage du modèle articulé est globalement satisfaisant. Aucune aberration n’est à noter et le positionnement du fœtus est correctement reproduit. Toutefois, on peut ob- server deux erreurs. La première concerne la région du fessier, qui est atrophiée dans le modèle recalé. Cela est dû à l’utilisation de trois maillages distincts pour le tronc et les membres inférieurs. Les saignées observées dans le modèle dans sa position d’origine sont accentuées après déformation. Cela aurait pu être amélioré par un skinning fin. En effet, les résultats obtenus avec des méthodes assistées, comme celle de [Baran and Popović, 2007], sont fréquemment améliorées manuellement dans la communauté de la réalité virtuelle. Cependant, cela n’a pas été réalisé lors de la construction du modèle, au cours de laquelle seules les erreurs de pondération les plus flagrantes ont été corrigées. Les corrections ma- nuelles sont en effet très délicates dans notre contexte, car le positionnement du fœtus est complexe (membres croisés, torsion du tronc...), contrairement aux avatars construits en réalité virtuelle qui sont initialement positionnés debout, membres supérieurs et inférieurs écartés.

La deuxième erreur concerne la tête du modèle recalé, qui est notablement plus volu- mineuse que celle du fœtus. Cet état de fait s’explique, d’une part, par la morphologie du fœtus dans l’image Jm (qui possède une tête particulièrement grosse), d’autre part par la

(a) (b) (c)

(d) (f) (g)

Fig. 5.69 – Comparaison entre une reconstruction 3D de la segmentation de l’enveloppe du fœtus dans l’image J1 (a,d) et le modèle recalé (b,e). On présente le résultat de la

superposition des modèles dans (c,g).

longueurs des pseudo-os de la tête r1 = |O

1 1| |Om 1 | ( O 1 1 et Om1 correspondent respectivement au

pseudo-os O1 dans J1 et Jm). La longueur du pseudo-os O1 est égale à la distance sépa-

rant ses deux extrémités P1 et P4. Le premier correspond au centre de gravité du CBC,

alors que le deuxième correspond au point « le plus inférieur », dans l’ensemble des voxels postérieurs à P1 de la segmentation du CBC. L’extraction de P1 est obtenue à partir d’un

volume important : les erreurs de segmentations locales n’ont donc qu’une faible influence sur sa position. Au contraire, l’extraction de P4 est moins précise. Cela est dû au fait que

la pénétration dans le canal rachidien du résultat de la segmentation du CBC est variable entre les images, laquelle induit une localisation de P4 dans la base du canal rachidien à

des profondeurs différentes. Cette approximation se répercute ensuite sur la longueur de O1. Après analyse des images et des reconstructions 3D des fœtus, nous avons observé que

O1m était obtenu avec un point P4 peu profond, à l’inverse de O11. Ainsi, la longueur de

O1m est surévaluée et celle de O1

1 sousévaluée. La combinaison de ces biais engendre une

surévaluation de r1, qui explique la taille excessive de la tête du modèle recalé.

Nous allons utiliser les surfaces obtenues pour définir une bande étroite, dans laquelle est réalisée la segmentation par coupure de graphe. Nous présentons dans la table 5.9 une comparaison quantitative des volumes définis par les surfaces recalées et des résultats de segmention manuelle sur quatre cas. Les volumes obtenus sont globalement similaires aux segmentations manuelles, comme le montrent les valeurs des distances moyennes et des mesures de recouvrement. Les modèles recalés fournissent donc une initialisation satisfai- sante pour la segmentation de l’enveloppe du fœtus. Certaines zones présentent toutefois de grosses différences, comme en témoignent les valeurs de la distance de Hausdorff. Cela va nécessiter de définir attentivement la bande étroite dans laquelle est réalisée la segmen-

tation.

J1 J5 J13 J14 Moyenne

Distance de Hausdorff (mm) 23,7 18,5 20,4 21,2 20,9 Distance moyenne (mm) 4,3 3,4 3,7 4,3 3,9

Recouvrement (%) 76 75 74 72 74

Tab. 5.9 – Evaluation quantitative des résultats de recalage du modèle sur les images J1,

J5, J13 et J14.