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bonsaï

Comme on l’a vu ci-dessus certaines des particules du rayonnement cosmique peuvent interagir et déposer de l’énergie directement dans les détecteurs. Il y a 4 zones principales d’interaction possible du point de vue des bolomètres de HFI : la grille, le thermistor, le substrat, l’extérieur.

La grille et le thermistor qui constituent le cœur du détecteur sont reliés au substrat et à l’extérieur par des connections thermiques. C’est d’ailleurs l’évacuation de la chaleur par ces connections qui donne aux détecteurs une réponse en forme d’exponentielle décroissante, caractérisée par une ou plusieurs constantes de temps, à une excitation de type impulsion (typiquement le dépôt d’énergie d’un rayon cosmique). Par conséquent un dépôt d’énergie dans le substrat, s’il est observé, doit être caractérisé par un temps de montée du même ordre de grandeur que la constante de temps des bolomètres.

On a montré ci-dessus que les glitches observés dans les données ont un temps de montée très court (typi-quement 1 ms ce qui correspond à 1/4 d’échantillon), ils proviennent donc de la grille et du thermistor des bolomètres.

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Figure 10.23 – Patrons des différents types de glitches : escargots (vert), des glitches de l’herbe (bleu) et des arbres (rouge). Détecteur 30_143_2a. Abscisse : temps en échantillons.Ordonnée : amplitude normalisée.

Montrons à présent que les glitches de type arbres qui constituent la bosse à haute énergie de l’histogramme 10.22 sont dus aux rayons cosmiques primaires interagissant avec le thermistor du bolomètre.

10.4.1 Saturation à haute énergie

En regardant attentivement la figure 10.22 on constate que la population en loi de puissance ne semble pas se prolonger au delà du créneau des arbres. En effet le seuil de saturation de la compression électronique des données intervient au voisinage de 105 eV, soit 1, 5 ∗ 10−3 Volt. Les signaux très piqués (beaucoup d’énergie en très peu de temps) d’amplitude supérieure à la limite de saturation sont tronqués lors de la compression. Leur amplitude est donc sous estimée. Ce phénomène apparaît plus clairement sur la figure 10.24 en regardant l’amplitude des glitches plutôt que leur énergie. On voit effectivement qu’aucun glitch n’a une amplitude supérieure au seuil de saturation.

Une question légitime apparaît alors : le créneau des arbres sur la figure 10.24 n’est-il pas simplement constitué des glitches saturés dont l’énergie est sous-évaluée ?

Pour y répondre on compare le nombre de glitches de type arbre en excès au dessus de la loi de puissance au nombre de glitches manquants à plus haute énergie si la loi de puissance se poursuit normalement. Le calcul montre que le nombre de glitches "manquants" à la loi de puissance, au delà du seuil de saturation ne représente que quelques pourcent du nombre de glitches de type arbre selon les bolomètres. De plus, les glitches qui saturent les détecteurs apparaissent nécessairement dans le dernier élément de l’histogramme et ne peuvent pas apparaître à plus basse énergie. Cet effet n’est donc pas dominant et ne peut pas expliquer la populations de glitches de type arbre.

10.4.2 Corrélation avec la géométrie du détecteur

On a pu montrer que le nombre de glitches de type arbre dans les différents bolomètres n’est pas corrélé avec les paramètres géométriques des détecteurs (surfaces des grilles, surfaces des substrats entourant les détecteurs).

On remarque que le seul élément commun à tous les bolomètres est le thermistor, l’interaction des rayons cosmiques dans ce dernier pourrait donc être à l’origine des glitches de type arbre. Dans la section suivante on va estimer le nombre d’interaction attendues entre le flux de rayons cosmiques et la surface des thermistors

Figure 10.24 – Distribution de l’amplitude des glitches pour le bolomètre 05_353_1. On voit clairement la saturation à grande amplitude. Abscisse : Amplitude en Volt, échelle logarithmique. Ordonnée : Nombre de glitches pour les rings 240 à 5300, échelle logarithmique.

pour vérifier la compatibilité de ce processus avec les glitches de type arbre observés.

10.4.3 Interaction directe des rayons cosmiques : nombre et énergie

L’énergie attendue pour l’interaction directe des rayons cosmiques dans le bolomètre peut être estimée à partir de la connaissance de la géométrie des détecteurs, des matériaux et des particules interagissant. Le rayonnement cosmique étant composé à 85% de protons, on se limite à l’estimation de l’énergie déposée par les protons.

La grille, dont les fils sont larges de 2, 4 à 6, 4 µm et dont le diamètre dépend de la fréquence, est com-posée d’une couche absorbante en or de 12 nm et d’une trame support en Si3N4 de 1 µm ([Yun 2003]). Le thermistor est un parallélépipède rectangle en Germanium dopé de 20 ∗ 100 ∗ 300 µm ([Yun 2003]).

Le dépôt d’énergie des protons de la gamme d’énergie proche du GeV dans le Si3N4 est voisin de celui dans le silicium, soit environ 2 MeV cm2/g, on néglige la couche d’or (elle est essentielle pour absorber les photons mais elle est négligeable du point de vue des rayons cosmiques) ; dans le germanium il vaut environ 1, 5 MeV cm2/g.

Dans l’approximation d’une interaction entre une particule et une couche mince de matériau, le dépot d’énergie peut être calculé de la manière suivante :

E = x ∗dE

dx = x ∗ ρ ∗ dE

dρdx (10.4)

On obtient les gammes d’énergie suivantes :

3 ∗ 103< Egrille< 1 ∗ 104 eV (10.5) 1, 5 ∗ 104< Ethermistor< 2, 4 ∗ 105eV. (10.6) selon la taille des fils pour la grille (c’est à dire selon la fréquence du bolomètre) et selon la trajectoire de la particule pour le thermistor.

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Le nombre de glitches attendus peut être calculé à partir de la surface du matériau et du flux de rayons cosmiques à cette énergie.

La surface de la grille se calcule selon :

S = π ∗ r2∗ f f (10.7) où r est le rayon de la grille et f f est le facteur de remplissage de la toile d’araignée.

On obtient des valeurs ([Yun 2003]) comprises entre :

Sgrille857 GHz= 3, 95 ∗ 104µm2 (10.8)

et Sgrille100 GHz= 4, 77 ∗ 105µm2. (10.9)

La surface du thermistor ([Yun 2003]) est comprise entre :

Sthermistorincidence horizontale= 2 ∗ 103µm2 (10.10) et Sthermistorincidence verticale= 3 ∗ 104µm2. (10.11)

En se basant sur une gamme d’énergie d’environ 0, 5 à 1, 5 GeV et un flux de rayons cosmiques de 5000 particules/(m2.sr.s.GeV) (voir la section 10.2), le nombre de glitches attendu peut être calculé comme :

N = F lux ∗ S ∗ angle solide ∗ ∆t ∗ ∆E. (10.12) Pour 5060 rings de données (du ring 240 au ring 5300) on obtient les ordres de grandeur suivants :

3, 6 ∗ 104< Ngrille< 4, 3 ∗ 105 (10.13) 1, 8 ∗ 103< Nthermistor < 2, 7 ∗ 104. (10.14) En comparant le résultat de ces équations avec l’histogramme 10.22 on voit que la structure en forme de créneau sur la droite de l’histogramme est tout à fait cohérente avec l’interaction des rayons cosmiques dans le thermistor. Ce sont des glitches qui sont tous dans l’intervalle d’énergie 5 ∗ 103− 3 ∗ 105eV et dont le nombre est en accord avec notre estimation.

Les rayons cosmiques interagissant avec la grille, qu’on appelle les bonsaï, sont noyés sous la population distribuée en loi de puissance. Ils se situent dans l’intervalle d’énergie 2 ∗ 103− 1 ∗ 104 eV et sont environ 10 fois plus nombreux que les arbres, cependant on ne les voit pas apparaître dans l’histogramme 10.22 car dans cette gamme d’énergie l’herbe représente la composante dominante des glitches.

On peut les voir apparaître en supprimant de l’histogramme une grande partie des glitches de l’herbe en sélectionnant uniquement les glitches détectés comme longs par le module deglitch_toi. C’est ce qui a été fait dans l’histogramme 10.25. La bosse du milieu de l’histogramme est formée par les rayons cosmiques interagissant directement avec la grille.

10.4.4 Coïncidence a-b

Le taux de glitches de type arbres en coïncidence entre les détecteurs a et b est extrêmement faible. Il est comparable au taux de coïncidences fortuites observés entre deux SWB (typiquement 0, 1%). Cette observation est parfaitement compatible avec la description des glitches de type arbres comme des interactions entre des particules du rayonnement cosmique et les thermistors des bolomètres.

Le schéma 10.26 montre que les particules incidentes sur le thermistor ou sur la grille ont une probabilité très faible de causer une coïncidence entre les voies a et b (car les thermistors sont situés à 90l’un de l’autre et la largeur des fils de la grille est faible par rapport à l’écart entre les grilles).

10.4.5 Asymétrie a-b

Les glitches de type arbre, s’ils sont des rayons cosmiques directs, interagissent de façon équivalente avec les détecteurs sensibles à la polarisation a et b. La différence de montage mécanique ne peut pas expliquer une asymétrie systématique du taux de glitches pour cette population. La figure 10.27 montre le taux moyen de glitches de type arbre mesuré par chaque détecteur. On constate qu’il y a une dispersion importante du taux de glitches en fonction des détecteurs mais pas de différence observable entre les types de détecteurs : SWB, PSBa et PSBb. L’effet d’asymétrie observé (beaucoup plus de glitches sur le détecteur b que sur le détecteur a) n’est donc pas lié à la population de rayons cosmiques interagissant directement avec les détecteurs.

Figure 10.25 – Distribution de l’énergie des glitches. Une grande partie des glitches de l’herbe a été en-levée dans cet histogramme en sélectionnant uniquement les glitches détectés comme longs par le module deglitch_toi. Abscisse : Energie en eV, échelle logarithmique. Ordonnée : Nombre de glitches pour les rings 240 à 5300, échelle logarithmique.

Figure 10.26 – Schéma du montage des bolomètres sensibles à la polarisation a et b. On voit une particule du rayonnement cosmique qui les traverse.

10.4.6 Constantes de temps

Le patron correspondant aux glitches de type arbre est représenté en rouge sur la figure 10.23 et en bleu sur la figure 10.4 (patron 1). Il possède 3 constantes de temps (∼ 8 ms, ∼ 40 ms et ∼ 500 ms).

Le patron correspondant aux glitches de type bonsaï est représentés en noir sur la figure 10.23.

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Figure 10.27 – Taux de glitches de type arbre mesurés pour chaque détecteur. Abscisse : détecteurs ordonnés par fréquence (les bolomètres aveugles sont semblables aux bolomètres à 217 GHz). Ordonnée : taux de glitches.

les identifie comme des glitches longs. Il les décrit donc avec deux constantes de temps. La plus courte est proche de la constante de temps du bolomètre (∼ 8 ms) et la plus longue correspond soit à la constante de temps intermédiaire, soir à la constante de temps longue du patron, selon l’amplitude du glitch.