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DESCRIPTION ÉTUDE 2

I. Rationnel de l’étude

Nous l’avons vue, il est évident que la suralimentation, et l’obésité qui en découle, font intervenir des mécanismes qui outrepassent les besoins énergétiques. Il a très tôt été fait l’hypothèse que la suralimentation, objectivable chez bon nombre de sujets obèses, partage des similarités avec la perte de contrôle et les comportements compulsifs des sujets présentant une addiction aux drogues (8).

Certains patients avec addiction, notamment à l’alcool, présentent des particularités psychopathologiques cognitives identifiables grâce aux potentiels évoqués cognitifs (PECs). Les potentiels évoqués cognitifs, fenêtre sur la cognition, sont d’un intérêt significatif dans le domaine de la vulnérabilité vis-à-vis de l’abus de substance chez l’homme (382).

L’onde P300 (sa latence et son amplitude) est un potentiel évoqué cognitif d’intérêt dans ce domaine. La P300 est un phénomène composite constitué de plusieurs composants : N2, P3a, P3b et la composante négative tardive, dont les latences et les amplitudes donnent des informations sur la rapidité et la qualité des différentes étapes des processus cognitifs de perception et de réponse aux stimuli. Par ailleurs, l’étude de la distribution du voltage de la P300, sur l’ensemble de la boite crânienne, peut être utilisée pour estimer la réactivité fonctionnelle des systèmes corticaux et sous-corticaux notamment le système dopaminergique. Il y a une large littérature suggérant que l’amplitude de la P300 est associée avec la dépendance alcoolique (383,384).

Ainsi l’onde P300 peut être utilisée comme un marqueur endogène (endophénotype) du risque de vulnérabilité vis-à-vis du mésusage de substances (384–386). Un des générateurs centraux de l’onde P300 est le système dopaminergique sous-cortical (387), incluant en grande partie le système de la récompense. Comme vu précédemment le système dopaminergique joue un rôle clef dans la régulation du comportement alimentaire (cf « I.C Mécanismes de régulation hédonique »).

Il a été mis en évidence des liens entre l’obésité et le système dopaminergique central. Ainsi, il a été montré une activité dopaminergique plus basse dans le cerveau des sujets obèses,

dopamine étant le médiateur de la récompense et de la motivation, son déficit dans le cerveau de l’obèse pourrait perpétuer un comportement alimentaire pathologique visant à compenser le défaut d’activation de ces circuits. Une telle réduction de l’activité dopaminergique cérébrale a également été identifiée dans le cerveau des sujets présentant une addiction aux drogues, et il a été postulé que la faible densité en récepteur D2 de la dopamine pouvait prédisposer les sujets à rechercher des renforçateurs. Il a été démontré une association entre la faible amplitude de la P300 et une faible densité striatale en récepteurs D2 dopaminergiques (389,390). Ainsi, il pourrait exister une vulnérabilité neurobiologique commune entre l’addiction aux drogues et certains troubles du comportement alimentaire observés chez le sujet obèse. Une faible amplitude de l’onde P300 des PECs pourrait être le marqueur de cette vulnérabilité.

Lors de la rédaction du protocole et de la mise en place de l’étude peu d’articles avaient documenté les liens entre obésité, fonctions cognitives et PECs. Les avancées publiées depuis 2013 seront discutées dans les articles et dans la discussion générale de cette thèse.

Une étude récente a mis en évidence une dysfonction cognitive chez des adultes et des adolescents obèses (391). Tascilar et al. ont réalisé la mesure des PECs provoqués lors d’une épreuve de discrimination auditive (auditory oddball paradigm) chez des adolescents obèses et chez des adolescents de poids normal (391) . Chez les enfants obèses, la latence de la P300 était significativement plus longue et son amplitude significativement diminuée par rapport aux enfants de poids normal. Cependant dans cette étude, le phénotypage précis des sujets en termes de comportement alimentaire n’a pas été réalisé et ne permet donc pas de dissocier les effets propres de l’obésité sur les PECs, au-delà des effets des troubles du comportement alimentaire (forte restriction-désinhibition alimentaire) qui lui sont souvent associés. De plus, la fréquence des repas affecte aussi les facteurs hormonaux impliqués dans l’initiation et la fin du repas tel que la ghréline, la leptine ou l’insuline et les liens entre ces différents régulateurs hormonaux périphériques de faim/satiété et les anomalies des PECs présentent aussi un intérêt certain dans le cadre de l’étude des troubles du comportement alimentaire au sein de populations obèses. Ces liens n’avaient alors, à notre connaissance, jamais été étudiés.

II. Hypothèse et objectifs

A. Hypothèse de recherche

L’hypothèse principale de cette étude est que, chez le sujet obèse, les patients avec perturbation du comportement alimentaire, présenteraient des PECs différents des patients souffrant d’obésité sans désinhibition alimentaire, par analogie aux modifications des PECs observées dans les troubles de l’usage des substances, tel que l’alcool.

B. Objectif principal

L’objectif principal de notre étude est donc de montrer des anomalies électrophysiologiques de PECs (diminution de l’amplitude de l’onde P300) entre les sujets présentant une obésité associée à des TCA (forte restriction-désinhibition alimentaire) et les sujets ne présentant pas de TCA, obèses ou non.

C. Objectifs secondaires

Les objectifs secondaires sont d’étudier :

1. la différence de diminution selon les sous-groupes sans TCA

2. la corrélation entre l’amplitude et la latence des ondes étudiées (P300, N2) et le score de désinhibition au TFEQ

3. la corrélation entre l’amplitude et la latence des ondes étudiées et l’IMC

4. la corrélation entre l’amplitude et la latence des ondes étudiées et les paramètres métaboliques (glycémie, insulinémie, Calcul du HOMA-IR, leptine et ghréline (acylée et non acylée))

5. la corrélation entre l’amplitude et la latence des ondes étudiées et le profil alimentaire (apports caloriques, nombre de repas, fréquence des consommations)

III. Matériel et Méthode