On rappelle tout d’abord, indépendamment de toute notion de convexité, qu’une
fonction sur un espace topologique X à valeurs dans [−∞, +∞] est dite
semi-continue inférieure (en abrégé, s.c.i.) si pour tout a∈ [−∞, +∞], l’image réciproque
H. Le Dret, Équations aux dérivées partielles elliptiques non linéaires, 125 Mathématiques et Applications 72, DOI: 10.1007/978-3-642-36175-3_6,
de [−∞, a] par cette fonction est un fermé pour la topologie considérée sur X.
L’intérêt des fonctions s.c.i. pour le calcul des variations provient du résultat suivant. Théorème 6.1. Soit X un compact et J: X → [−∞, +∞] une fonction s.c.i. Alors
J atteint sa borne inférieure sur X .
Preuve. Notons A l’ensemble des a∈ [−∞, +∞] tels que Ca=J−1([−∞, a]) = ∅. Pour tout a∈ A, Caest un fermé non vide. Si l’on prend une famille finie(ai)1≤i≤p
d’éléments de A, on a clairementp
i=1Cai = Cmin ai = ∅. Comme X est compact,
on en déduit que
a∈ACa = ∅. Par construction, pour tout x ∈ a∈ACa, on a
J(x) = infX J .
Corollaire 6.1. Soit X un compact et J: X → ]−∞, +∞] une fonction s.c.i. Alors
J est minorée et atteint sa borne inférieure sur X .
On s’intéresse maintenant aux fonctions convexes définies sur un espace de
Banach E. Dans le contexte de l’analyse convexe, on utilise la notation]−∞, +∞] =
¯R. Les fonctions convexes considérées sont à valeurs dans ¯R et sont par définition
telles que
J(λx + (1 − λ)y) ≤ λJ(x) + (1 − λ)J(y)
pour tous x, y ∈ E et λ ∈ [0, 1]. La raison pour laquelle on exclut la valeur −∞ dans
ce contexte, est qu’une fonction convexe qui prend cette valeur est nécessairement
identiquement égale à−∞ ou alors la notion même de convexité est mal définie avec
des formes indéterminées+∞ − ∞ si on lui fait aussi prendre la valeur +∞. Ce
cas ne présente donc aucun intérêt.
Théorème 6.2. Soit C un convexe fermé de E et J: C → ¯R convexe et fortement
s.c.i. Alors J est faiblement s.c.i.
Preuve. Pour tout a ∈ [−∞, +∞], on remarque que Ca = {x ∈ C; J(x) ≤ a}.
Comme J est convexe, c’est un convexe de E. En effet, si x, y ∈ Caetλ ∈ [0, 1],
alors
J(λx + (1 − λ)y) ≤ λJ(x) + (1 − λ)J(y) ≤ a,
doncλx + (1 − λ)y ∈ Ca. Comme J est fortement s.c.i., c’est aussi un fermé pour la topologie forte de E. D’après le Théorème 1.20, c’est donc un fermé faible et J
est faiblement s.c.i.
Corollaire 6.2. Soit C un convexe fermé de E et J: C → ¯R convexe et fortement
s.c.i. Pour toute suite xn x, on a lim inf J(xn) ≥ J(x).
Preuve. Soit une suite xntelle que xn x. Comme C est faiblement fermé, on a
x ∈ C. Posons a = lim inf J(xn) ∈ [−∞, +∞]. On peut extraire une sous-suite,
notée xn, telle que J(xn) → a (ceci est une propriété de [−∞, +∞]).
Il y a trois cas de figure possibles a priori. Le premier cas est celui où a = +∞
Le deuxième cas est celui où+∞ > a > −∞. Dans ce cas, pour tout ε > 0, il
existe n0tel que pour tout n ≥ n0, J(xn) ≤ a + ε, c’est-à-dire xn ∈ Ca+εpour
tout n ≥ n0. Comme Ca+ε est un fermé faible, il contient donc la limite faible de
la suite(xn)n≥n0, à savoir x. On a donc montré que pour toutε > 0, J(x) ≤ a + ε, d’où le résultat.
Le troisième cas est celui où a = −∞. Dans ce cas, pour tout M < 0, il existe
n0tel que pour tout n≥ n0, J(xn) ≤ M, c’est-à-dire xn ∈ CM pour tout n≥ n0. Comme CM est un fermé faible, il contient la limite faible de la suite(xn)n≥n0, à
savoir x. On a donc montré que x ∈ ∩M<0CM. Mais∩M<0CM = ∅ puisque J ne
prend pas la valeur−∞. Contradiction, le troisième cas de figure ne peut donc pas
se produire.
Pour se débarrasser du troisième cas, on pouvait aussi noter que l’ensemble
{x}n∈N{xn}est un compact faible, donc que J y est minorée.
Corollaire 6.3. Soit E un espace de Banach réflexif, C un convexe fermé non vide
de E et J: C → ¯R une fonction convexe s.c.i., non identiquement égale à +∞ et
telle que
lim
x∈C x→+∞
J(x) = +∞. (6.1)
Alors J atteint sa borne inférieure sur C, c’est-à-dire qu’il existe x0 ∈ C tel que
J(x0) = infy∈C J(y).
Preuve. Par hypothèse, il existe ¯x ∈ C tel que J( ¯x) < +∞. On pose ˜C = {x ∈
C; J(x) ≤ J( ¯x)} = CJ( ¯x). C’est donc un convexe fermé, non vide car ¯x lui
appar-tient. De plus, il est borné par la condition de coercivité (6.1). Il est par conséquent faiblement compact car E est réflexif. La fonction J étant faiblement s.c.i. atteint
donc sa borne inférieure sur ce compact, en un point x0. Par ailleurs, si x ∈ C \ ˜C,
alors J(x) > J( ¯x) ≥ J(x0), donc ce minimum est aussi le minimum sur C tout
entier.
Remarque 6.1. On peut également établir le Corollaire 6.3 en raisonnant à l’aide de
suites. C’est d’ailleurs plutôt de cette façon que l’on procède lorsque l’on applique ce que l’on appelle la méthode directe du calcul des variations. Indiquons-en rapidement le principe.
Il existe toujours une suite minimisante xnde J , i.e., J(xn) → infy∈CJ(y), car
c’est une propriété de R. Comme infy∈C J(y) ≤ J( ¯x), on déduit de la coercivité
(6.1) que cette suite minimisante est bornée. Comme E est réflexif, on peut en
extraire une sous-suite xn qui converge faiblement vers un point x0de E. Comme
C est faiblement fermé, on a x0 ∈ C, ce qui implique que J(x0) a un sens et
est tel que J(x0) ≥ infy∈CJ(y). D’un autre côté, J est faiblement s.c.i., donc
infy∈CJ(y) = lim J(xn) = lim inf J(xn) ≥ J(x0). On voit donc que J atteint sa
borne inférieure en x0.
Une fonction J telle que lim inf J(xn) ≥ J(x) quand xnest une suite qui tend
vu qu’une fonction s.c.i. est s.s.c.i., cf. la démonstration du Corollaire 6.2. Les deux propriétés sont équivalentes dans un espace métrique. La méthode directe du calcul des variations s’applique manifestement à des fonctions s.s.c.i.
L’ensemble des points où une fonction convexe atteint son minimum est toujours un convexe, et a priori, il n’y a aucune raison que ce convexe soit réduit à un seul point. Néanmoins, on a le résultat d’unicité presque évident suivant.
Proposition 6.1. Sous les hypothèses précédentes, si J est en outre strictement
con-vexe, alors son point de minimum est unique.
Preuve. Soient x1 et x2 deux points de minimum. On voit que x1+x2
2 ∈ C est
aussi un point de minimum. Or si l’on a x1 = x2, il vient par stricte convexité
Jx1+x2
2 ) < 1
2J(x1) +1
2J(x2) = minCJ , contradiction. Par conséquent, x1= x2.
Naturellement, il ne s’agit que d’une condition suffisante d’unicité qui n’est aucunement nécessaire.
Pour plus de détails sur l’analyse convexe, on pourra consulter [11, 21, 52].