• Aucun résultat trouvé

Dans les études observationnelles, une association entre un point d’aboutissement et un phénotype (un facteur de risque ou une exposition d'intérêt) peut ne pas être causale. Cela peut être dû à des facteurs confondants qui influencent à la fois le phénotype et le point d’aboutissement d'un individu, ou à une causalité inverse lorsque le point d’aboutissement influence le phénotype (369). Bien qu’il soit possible de mesurer des facteurs confondants connus, il n’est jamais certain que tous les facteurs confondants aient été identifiés. L’interprétation des résultats d’associations issus d’études observationnelle ne peut donc pas amener à considérer ces effets comme causaux (370). D’où l’intérêt de la randomisation, qui est la clé pour contrôler les facteurs confondants. Dans la randomisation, l'affectation aléatoire des sujets de l'étude à l’exposition permet de rompre tout lien entre l'exposition et les facteurs de confusion. Cela réduit le potentiel de confusion en générant des groupes qui sont comparables en ce qui concerne les facteurs confondants connus et inconnus.

8.1. Principe de la randomisation mendélienne

La randomisation mendélienne utilise un ou plusieurs variants génétiques qui sont associées à un phénotype pour estimer un effet causal (point 1 de la figure 7). Les variants génétiques ne doivent être associées à aucun facteur confondant et pas directement associées au point d’aboutissement (points 2 et 3 de la figure 7) (370, 371). Ces hypothèses définissent les variants génétiques comme des variables instrumentales (372, 373). À partir de ces hypothèses, et comme les variants génétiques sont aléatoirement distribués lors de la méiose, la variation du phénotype expliquée par la variable instrumentale est indépendante de tout facteur confondant ou biais de causalité inverse (374). De plus, la randomisation mendélienne permet d’inférer la causalité d’un phénotype d’intérêt sur un point d’aboutissement donné et d’estimer l’ampleur de l’effet du phénotype sur le point d’aboutissement (371).

42

Figure 7. Hypothèses définissant une variable instrumentale. Adapté de Walker et al.(375).

8.2. Randomisation mendélienne et essais cliniques randomisés

Une façon intuitive de comprendre comment la randomisation mendélienne peut être utilisée pour inférer la causalité est par analogie avec les essais cliniques randomisés (figure 8). Dans les essais cliniques randomisés, les participants à l'étude sont répartis au hasard dans l'un ou l'autre des traitements, évitant ainsi les facteurs confondants potentiels entre le traitement et les résultats, et l'inférence causale est sans ambiguïté. La randomisation mendélienne crée un scénario similaire, supposons qu’un allèle est lié au trait A, et que le trait A cause le trait B. Étant donné que les allèles sont largement transmis des parents à la progéniture indépendamment de l'environnement, et les personnes qui héritent de l'allèle se voient en effet attribuer une dose moyenne plus élevée du trait A, tandis que ceux qui n'héritent pas de l'allèle se voient attribuer une dose moyenne plus faible. Comme dans les essais cliniques randomisés, les groupes définis par le génotype connaîtront une différence moyenne d'exposition au trait A, sans différer en ce qui concerne les facteurs confondants. Ainsi, une analyse par génotype équivaut à une analyse en intention de traiter dans un essai clinique randomisé dans laquelle les individus sont analysés en fonction du groupe dans lequel ils ont été randomisés.

43

Figure 8. Analogie entre la randomisation mendélienne et les essais cliniques randomisés. Adapté de

Thanassoulis et al. (376).

8.3. Score de risque génétique

La plupart des variants génétiques utilisés comme variable instrumentale dans la randomisation mendélienne sont des SNP bi-alléliques qui peuvent être représentés comme des variables aléatoires prenant les valeurs 0, 1 ou 2, indiquant le nombre d'allèles influençant le phénotype d'un individu. Un score de risque génétique est la somme d'allèles influençant le phénotype que possède un individu. Si un individu ! possède "#$ copies de l'allèle augmentant le facteur de risque pour chaque variant génétiques % = 1, … , *, alors son score non pondéré est +# = ∑-$./"#$. Ce score est une valeur entière comprise entre 0 et 2*. Un score pondéré peut également être envisagé, dans lequel chaque variant contribue à un poids reflétant l'effet du variant génétique correspondant sur le phénotype. Si le poids du variant % est 1$, alors l'individu ! a un score pondéré +# = ∑- 1$"#$

$./ . À condition que chaque variant génétique qui compose le score soit une variable instrumentale valide, chaque score peut ensuite être utilisé dans une analyse de randomisation mendélienne (377). Les scores alléliques sont utilisés dans la randomisation mendélienne pour des raisons de simplicité, de puissance accrue et pour éviter le biais d'instrument faible.

8.4. Randomisation mendélienne et anticipation des résultats d’essais cliniques randomisés

Les facteurs de risque qui contribuent à une maladie sont souvent détectés par des observations épidémiologiques et validés par essai clinique randomisé. Il y a eu de nombreux facteurs de risque basés sur des observations épidémiologiques qui ont été confirmées par essai clinique randomisé et adoptées en pratique clinique. Cependant, de nombreuses observations épidémiologiques se sont également révélées incorrectes lorsque testées par essai clinique randomisé. Dans la recherche de nouveaux médicaments pour traiter la maladie coronarienne, les observations relatives à la pathogenèse de l'athérosclérose coronaire et de l'étiologie ont fourni des pistes pour de nouvelles cibles médicamenteuses. Les médicaments actuels pour prévenir la

44

maladie coronarienne sont principalement orientés vers l'inhibition de la synthèse du cholestérol via la thérapie aux statines. Le développement de nouveaux médicaments est à la fois coûteux en ressources et en temps ce qui a en partie limité le développement de nouvelles cibles thérapeutiques à haut risque. C’est dans ce contexte que la randomisation mendélienne se présente comme un outil de validation. Un variant génétique peut exposer son porteur à un facteur de risque tout au long de sa vie et donc l’analyse par randomisation mendélienne associée en sera plus sensible.

Cette plus grande sensibilité de la randomisation mendélienne par rapport à l'essai clinique randomisé a été mise en évidence dans une méta-analyse impliquant plus de 300 000 personnes (346). L'analyse par randomisation mendélienne a montré une grande réduction de la morbidité et de la mortalité cardiaques chez les individus héritant de variants génétiques entraînant une diminution du C-LDL plasmatique. Ces chercheurs ont estimé qu'une diminution d’une unité de C-LDL (38,7 mg/dl) depuis la naissance était associée à une diminution de 54,5% des événements cardiaques. Il s'agit d'une réduction trois fois plus importante de la morbidité et de la mortalité cardiaques par unité de diminution du C-LDL plasmatique tout au long de la vie que celle observée dans les essais cliniques utilisant la thérapie aux statines durant quelques années. Ces observations ont également été réalisées avec une diminution du C-LDL via des polymorphismes dans le gène PCSK9 puis confirmées par des essais cliniques randomisés décrits précédemment (378).

Le C-HDL a longtemps été désigné comme protecteur contre les maladies cardiovasculaires. Cependant les porteurs de l'allèle 396Ser dans le gène LIPG sont caractérisés par un C-HDL plus élevé (0,14 mmol/L plus élevée) mais des niveaux similaires d'autres facteurs de risque lipidiques et non lipidiques d'infarctus du myocarde comparés aux non-porteurs. Selon les études épidémiologiques, cette différence de C-HDL devrait réduire le risque d'infarctus du myocarde de 13%. Cependant, l’allèle 396Ser n'était pas associé à un risque d'infarctus du myocarde réduit dans une étude incluant plus de 20 000 cas. D'après l'épidémiologie observationnelle, une augmentation de 1 déviation standard de C-HDL serait associée à une réduction du risque d'infarctus du myocarde de 38%. Cependant, une augmentation génétique de 1 déviation standard du C-HDL expliqué par 14 SNP communs n'était pas associée au risque d'infarctus du myocarde. À l’inverse dans cette même étude des résultats concordants entre la randomisation mendélienne et les études observationnelles ont été observées au regard du C-LDL (379). Plusieurs essais cliniques randomisés ont depuis confirmé qu’une augmentation plasmatique de C-HDL n'offre aucune protection contre la maladie coronarienne, et ce avec plusieurs cibles thérapeutiques différentes (380-383).

L’échec des essais cliniques randomisés ciblant la Lp-PLA2 à réduire le risque cardiovasculaire aurait peut-être pu être anticipé grâce à la randomisation mendélienne. U première étude basé sur 7 variants génétiques associées au niveau de Lp-PLA2 n’a pas montré de réduction du risque chez plus de 10 000 cas de maladie

45

coronarienne comparativement à plus de 15 000 contrôles (384). Dans une seconde étude, un variant caudant une perte de fonction réduisant de 3 fois le niveau de Lp-PLA2 n’a également pas été associée à une diminution du risque cardiovasculaire (385). Ainsi une grande quantité de ressource et une décennie d’investigation auraient peut-être pu être éviter grâce à la randomisation mendélienne.

Documents relatifs