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Les raisons du passage de Bâle 2 à Bâle 3 : faiblesses de Bâle 2 et crise financière

Bâle 2 a permis d’intégrer une meilleure appréciation du risque encouru par certaines catégories de produits financiers complexes (notamment les produits dérivés, les éléments hors bilan). Il a en outre permis le passage à un système davantage orienté vers la gestion des risques Atik (2011). Cependant, plusieurs critiques lui ont été formulées. Selon Atik (2011), Bâle 2 présente une vision « illusionniste » d’une adéquation des fonds propres réglementaires, il utilise à l’extrême les notations des agences comme instruments de mesure ou repères permettant de calculer les exigences en fonds propres, et n’encadre pas suffisamment l’interaction entre les forces du marché et les exigences réglementaires (la spirale pro cyclique). Sur le point de la notation, il convient de rappeler qu’au 15 septembre 2008, jour de sa faillite, la Banque Lehman Brothers était notée AAA.

Bâle 2, de même que Bâle 1 a totalement ignoré le risque induit par la concentration des actifs. De plus, pour les actifs financiers HFT (titres de transaction hold for trading) ou HTM (titres détenus jusqu’à l’échéance hold to maturity), les fonds propres sont surévalués dès lors que le coût de portage est supérieur à la valeur de marché de ces actifs (Benston, 2007). Pour Herring (2007), Bâle 2 présente trois objectifs qui semblent irréconciliables. Il voudrait accroître la sensibilité des exigences aux fonds propres sans exacerber la pro-cyclicité (1) ; augmenter la sécurité et assurer une saine qualité aux fonds propres bancaires sans modifier les niveaux de capitalisation des banques (2) et enfin inciter les banques à utiliser des techniques sophistiquées pour le maintien de leur capital réglementaire (3).

C’est ce qui explique peut-être la position des USA lors de l’adoption de Bâle 2. En effet, William Mc Donough34 a été très actif pour l’implémentation de Bâle 2. Il était accompagné dans cette dynamique par son compatriote américain Roger Ferguson35. Malgré leur volonté et engouement pour la nouvelle réglementation, les autorités prudentielles américaines n’ont pas suivi car elles avaient de sérieux doutes sur Bâle 2 (Herring, 2007). Ainsi, Bâle 2 n’a été appliqué que partiellement aux USA.

34 Président de la Federal Reserve Bank of New York et chairman de BCBS à l’époque 35 Vice-Président de la FED à l’époque

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Les grandes banques (Bank of America, JP Morgan, Citibank, etc.) étaient dans l’obligation d’appliquer les méthodes avancées de Bâle 2, les banques moyennes pouvaient faire l’option de l’application de Bâle 2 alors que l’extrême majorité de la population de banques américaines (les petites banques avec un total bilan inférieur à 250 millions USD) restaient dans le cadre de Bâle 1.

Du point de vue de la crise financière 2007-2010, sans vouloir exonérer Bâle 2 de sa part de responsabilité, nous estimons qu’il peut être exagéré d’en faire le coupable principal. Comme le rappelle Wellnik (2009) divers facteurs ont entraîné ou contribué à la crise financière. On pourrait citer : la politique monétaire trop accommodante ; l’excès de liquidité des marchés financiers ; un levier d’endettement et un risque de décalage d’échéances (maturity mismatch) trop élevés ; l’insuffisante gestion du risque et les faiblesses des critères d’octroi de crédits ; le manque d’incitations et les lacunes dans la règlementation de certains segments importants du système financier.

Ces faiblesses ont été amplifiées par la dynamique pro-cyclique de Bâle 2 et du dispositif comptable applicable aux banques. De ce fait, le secteur bancaire s’est trouvé au cœur de la crise car les perturbations sur les marchés financiers ont entraîné une « reconcentration » sensible des risques de bilan et de hors-bilan au sein des banques, exerçant ainsi des tensions sur les coussins de fonds propres, la liquidité et l’accès au crédit. Les faiblesses du cadre prudentiel bancaire sont relatives à la qualité des fonds propres, la pro-cyclicité, l’existence d’un effet de levier important, les tensions de liquidité susceptibles d’être induites dès les premiers signes de crise, le poids des grandes banques (importance systémique) et enfin les possibilités d’arbitrage entre le portefeuille de négociation et le portefeuille bancaire (Sironi 2010). Elles ont amplifié la transmission des chocs du secteur financier à l’économie réelle. Selon Atik (2011), la crise financière (2007-2010) résulte de la combinaison d’un excès de crédit, de l’explosion de bulles spéculatives, d’une mauvaise appréciation des risques, de schémas d’indexation des rémunérations variables des banquiers inappropriés. La genèse de la crise relève d’un domaine en dehors du champ de la réglementation bancaire. Pour autant, Bâle 2 ne serait pas sortir innocent de la crise car l’incriminer permet de l’améliorer et de savoir dans quelle mesure, la réglementation prudentielle bancaire peut servir de paravent à une crise bancaire.

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Dans tous les cas, la crise financière a démontré que les fonds propres réglementaires ne sont pas suffisants pour absorber les pertes inattendues. De ce fait, l’adéquation des fonds propres réglementaires, les normes comptables et les autres instruments de la réglementation bancaire, ont fait l’objet de groupes de travail et de discussion, devenant ainsi de véritables préoccupations politico-économiques y compris jusqu’aux niveaux de décision les plus élevés, notamment lors de sommets du G20 en 2008 et 2009.

Selon le Comité de Bâle, parmi les causes identifiées de la crise figurent l’endettement excessif des banques, l’inadéquation et la qualité médiocre des fonds propres ainsi que l’insuffisance des volants de liquidité. Ainsi, suite à la crise financière, le Comité de Bâle a élaboré une série de réformes (proposées au G-20 en 2009), dont l’objectif est de permettre au secteur bancaire d’améliorer sa capacité à absorber les chocs liés aux tensions financières afin de réduire le risque de contagion à l’économie réelle. Les propositions du Comité de Bâle incluent le renforcement des mesures micro prudentielles, et la mise en œuvre de mesures macro prudentielles destinées à limiter les effets systémiques.

Selon le Comité de Bâle, pour soutenir le retour à la stabilité financière à court et long termes, il est essentiel de renforcer le secteur bancaire ainsi que son mode de gestion et de règlementation. Le programme du Comité de Bâle visant à promouvoir un cadre prudentiel et réglementaire plus robuste pour le secteur bancaire comporte cinq éléments fondamentaux : le renforcement du dispositif réglementaire d’adéquation des fonds propres (1) ; l’accroissement des réserves de liquidité des banques (2) ; l’optimisation de la gouvernance, de la gestion du risque et de la supervision des banques (3) ; l’amélioration de la transparence du marché (4) ; enfin, l’approfondissement de la coopération transfrontière en matière de supervision des banques internationales (5). Considérés dans leur ensemble, et renforcés par une approche macro-prudentielle de la réglementation et de la supervision, les efforts exigés par le Comité de Bâle devraient favoriser l’émergence d’un secteur bancaire plus résistant aux périodes futures de crise économique et financière et contribuer à réduire le risque systémique (Wellnik 2009).

L’importance de la surveillance macro-prudentielle est mise en exergue par les faiblesses de Bâle 2. En effet, les principes de Bâle 2 ont privilégié une approche individuelle, traitant les risques de chaque banque prise isolément. Selon Acharya (2009), Bâle 2 tient compte uniquement des risques individuels de la banque, il n y a aucune contrainte concernant la

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détention d’actifs fortement corrélés (entre différentes banques). Bâle 2 a présumé la possibilité de réglementer et protéger tout un système financier en surveillant efficacement et individuellement chaque banque. Bâle 3 comble ce déficit en s’inscrivant dans une dynamique globale de gestion des risques de la banque en tenant compte de ses propres risques mais aussi des risques de son environnement.

Figure (1) 3 : Interactions : IFRS, Bâle 2, crise financière

IFRS

Bâle 2

OCI => Volatilité des fonds propres comptables Filtres prudentiels Pro cyclicité Facteurs exogènes inducteurs de la crise Crise financière 2007-2010 + externalités négatives

Nécessité de réviser la règlementation prudentielle bancaire => Bâle 3

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