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2. Traçage sédimentaire

2.2. Traceurs envisagés dans le contexte calédonien

2.2.1. Radionucléides issus de retombées atmosphériques ( 137 Cs, 210 Pb xs )

Le césium 137 (137Cs) est un radionucléide émis artificiellement dans notre environnement. Produit de fission de l’uranium, ce radionucléide a été émis au cours des essais thermonucléaires réalisés sur la période 1950-1974 et au cours d’accidents nucléaires tels que ceux de Tchernobyl en 1986 (Ukraine) et de Fukushima Dai-ichi en 2011 (Japon). Comme le montre la Figure 1.13, les retombées en 137Cs ont été assez inégales entre les hémisphères nord (77 %) et sud (23 %), cela résulte en grande partie d’une plus grande activité nucléaire (essais thermonucléaires et accidents nucléaires) générée dans l’hémisphère nord que dans l’hémisphère sud. Dans l’hémisphère sud, seuls les essais thermonucléaires réalisés sur la période 1952-1974 ont contribué aux retombées observées en 137Cs, avec un pic souvent situé en 1965 (Arnaud et al., 2006).

Figure 1.13 : Répartition mondiale des retombées radioactives selon la latitude (Source : IRSN)

Comme il présente une période radioactive relativement longue (t1/2 = 30 ans), le 137Cs est encore détectable dans notre environnement. Il présente également une caractéristique spécifique qui lui vaut d’être largement utilisé dans les études de traçage sédimentaire. En effet, une fois émis dans l’atmosphère, le 137Cs retombe à la surface du sol et s’adsorbe de façon presque irréversible aux particules fines (argiles, <63 µm) (He and Walling, 1996). Dans un profil de sol non-remanié, l’activité mesurée en 137Cs est donc maximale dans les premiers centimètres du sol et décroît de façon exponentielle avec la profondeur (Figure 1.14).

De ce fait, lorsque des sédiments sont érodés à la surface du sol (érosion en nappe), ces derniers présentent des activités plus élevées en 137Cs. A l’inverse, si les sédiments érodés proviennent de l’érosion des berges, de formes d’érosion linéaire ou de masse qui sont par définition moins exposées aux pluies et donc aux retombées en 137Cs, ces derniers sont marqués avec une plus faible activité en

137Cs. Évaluer les activités du 137Cs au sein des MES permet alors d’estimer les contributions relatives des sources sédimentaires issues de ces processus d’érosion. Cependant, l’utilisation de ce radionucléide ne se limite pas à la seule discrimination de ces « sources-types », les contributions de plusieurs « sources spatiales » peuvent également être déterminées. Evrard et al. (2020) ont notamment recensé l’utilisation du 137Cs dans des contextes d’occupation de sols variés à travers le monde (e.g. les terres en culture, pâturage, forêts, zones urbaines). Par exemple, lorsqu’on cherche à discriminer les contributions de sols cultivés, de sols non-cultivés et d’érosion de berges sur un bassin versant agricole, l’analyse des activités en 137Cs peut s’avérer utile. En effet, si un sol est labouré, ce dernier présente une valeur moyennée plus faible en 137Cs qu’un sol non-cultivé où les activités en

137Cs seront maximales en surface. De la même façon, on peut faire l’hypothèse que les berges qui sont, par définition, très peu exposées aux pluies présenteront les plus faibles activités en 137Cs. On devrait donc avoir des activités en 137Cs de plus en plus faibles au sein des sources : sol non-cultivés > sol cultivés > berges. La logique d’utilisation de ce radionucléide reste bien souvent la même, elle dépend de l’hypothèse de traçage initiale que l’on détermine selon les sources sédimentaires que l’on cherche à discriminer.

Le plomb 210 en excès (210Pbxs) présente les mêmes caractéristiques de traçage que celles associées au 137Cs. Ce dernier qui présente une période radioactive de 22,3 ans se trouve naturellement

Figure 1.14 : Schéma présentant l’origine du 137Cs (Le Gall, 2016) à gauche et son profil vertical d’activités dans un sol non-remanié (incertitudes, 2σ d’après Mabit et al. (2008))

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dans l’environnement suite à la désintégration de l’uranium 238 (238U). L’238U se désintègre selon la chaîne de désintégration suivante : 238 (238U) - radium 226 (226Ra) – radon 222 (222Rn) – plomb 210 (210Pb) dans le sol (Figure 1.15). Cependant, au cours de la formation du 222Rn, une proportion de ce radionucléide s’échappe dans l’atmosphère où il continue sa désintégration en 210Pb. Ce 210Pb s’ajoute à celui produit dans le sol par la désintégration de 238U. Le 210Pb de l’atmosphère se retrouve alors en excès par rapport au 210Pb, produit en équilibre séculaire par rapport au matériau parental. La différence entre ces deux plombs est nommée 210Pbxs (Figure 1.15).

De façon similaire au 137Cs, le 210Pbxs retombe lors des précipitations et s’adsorbe aux particules fines du sol (argiles, <63 µm) situées en surface. La distribution de l’activité en 210Pbxs dans un sol est similaire à celui du 137Cs ; celle-ci est maximale dans les premiers centimètres et décroît de façon exponentielle avec la profondeur (Figure 1.15). Cela explique notamment en quoi les propriétés de traçage de ce radionucléide sont identiques à celles du 137Cs (Wallbrink et al., 1998; Olley et al., 2013). De plus, son utilisation n’est ni limitée dans le temps, ni dans l’espace (apports continus par les pluies) contrairement à celle du 137Cs (apports ponctuels liés aux activités nucléaires produites principalement dans l’hémisphère nord, 77 % des retombées en 137Cs). L’état de l’art non-exhaustif réalisé sur ces radionucléides indique que ces derniers ne semblent pas avoir été utilisés pour discriminer spécifiquement des contributions de sources sédimentaires en lien avec des activités minières.

Figure 1.15 : Schéma présentant l’origine du 210Pbxs (Le Gall, 2016) à gauche et son profil vertical d’activités dans un sol non-remanié (incertitudes, 2σ d’après Mabit et al. (2008))

Cependant, dans le contexte calédonien, les propriétés du 137Cs et du 210Pbxs pourraient se révéler utiles. En effet, les sédiments issus de l’érosion de surfaces minières (sources minières) sont majoritairement composés de matériaux de subsurface. Les industries minières excavent les couches superficielles enrichies en 137Cs et 210Pbxs pour extraire les minerais nickélifères situés en profondeur, il ne reste donc en surface que des sols peu enrichis en 137Cs et 210Pbxs. Dans les zones touchées par les feux de brousse et le pâturage, les sédiments peuvent provenir d'un mélange de matériaux de surface (érosion due à la pente) et de sols de subsurface (glissements de terrain). L’hypothèse qui est faite ici est de considérer des sédiments présentant des activités faibles en 137Cs et 210Pbxs comme pouvant provenir davantage de sources de subsurface (sources minières) alors que des sédiments présentant des activités plus élevées en ces radioéléments seront davantage associés à un mélange de sources de subsurface et de surface (sources non-minières).